Sa plume tournait entre ses doigts, écoutant religieusement les explications de monsieur Lynch. C’était merveilleux, ils allaient avoir une avance considérable sur les autres élèves ! Aliosus, Brett et Irisia seront morts de jalousie en apprenant cela. Alice trépignait d’impatience.

Monsieur Lynch rentra bien vite dans le vif du sujet, et allait passer à la première métamorphose. Son regard se posa sur Harrison qu’elle considéra un moment, la mâchoire serrée. C’était désagréable de la savoir ici, dans la même pièce qu’Alice, quand bien même elle était métamorphosée en une huître. La fillette senti sa plume se fissurer sous sa poigne. Elle la relâcha alors, déglutissant. Carry l’écœurait tous les jours un peu plus. Au moins allait-elle avoir la satisfaction de la voir se faire utiliser comme une vulgaire boite d’allumette.

Alors qu’Alice se relevait suite à l’invitation de monsieur Lynch, ce dernier jeta le sortilège Boursoufors sur Carry. Le corps de sa pire ennemie se réduisait à vue d’œil, il s’arrondissait même, se recouvrait de fourrure verte. C’était formidable à voir ! Cela n’avait rien à voir avec les métamorphoses qu’Alice avait l’habitude de réaliser et d’étudier en classe. Voir cela sur un être humain... la fillette en avait le souffle coupé.

Alice se décida à s’approcher un peu, ses yeux ne lâchant pas le Boursouffle. Ce n’était certes qu’un animal, mais il ne fallait pas oublié qu’il s’agissait de Carry, et Alice était persuadé que même sous un aspect différent elle était capable du pire.

«  Monsieur ? » demanda la Serpentard en relevant son nez sur monsieur Lynch. «  Monsieur, est-ce que l’aspect de l’animal change selon la personne transformée ? Est-ce que si William, Adaline ou moi étions transformés « notre » Boursouffle serait différent ? »

Alice s’imaginait déjà métamorphosée en Boursouffle d’une jolie couleur blanche, au lieu d’un vert criard comme Harrison. Au moins cette couleur lui allait bien : elle était désagréable.

L'arrivée d'Adaline me refroidis. J'avais presque réussi à l'oublier. Mon cœur se serre et je détourne mon regard d'elle, je vais faire comme si elle n'était pas là, c'est ce que j'ai de mieux à faire. Elle n'est plus personne pour moi.

Je me concentre sur les paroles du professeurs, je grave tout ce qu'il dit dans mon cerveau, je dois pouvoir me souvenir de la moindre des informations que dira Mr Lynch. J'ai de la chance de pouvoir prendre de l'avance sur les autres, je ne dois pas la manquer. J'ai déjà un peu lu sur le sujet de la transformation des hommes en animaux, mais rien ne vaut une personne en chair et en os pour nous expliquer. De plus les démonstrations vont probablement être fortes amusantes.

Cette affirmation se révèle véridique. Après un élégant mouvement de baguette, le professeur transforme Carry en Boursouf. J'ai l'impression de voir la chose au ralenti, j'ai la chance de voir les traits de la déchue se distordre. L'entité mi-Carry/ mi-Boursouf est monstrueuse, je me retiens de rire en me faisant la réflexion que cette apparence lui siée mieux que l’accoutumée. 
Une l'Ovidation terminée, je ne peux m'empêcher d'être un peu impressionné. Se dire dire que cet animal est Carry Harrisson est une sentiment étrange mais exaltant. Il serait tellement facile de lui faire du mal, de l'écraser. Je peux presque sentir mes yeux pétiller.

La question d'Alice est pertinente, je lève les yeux au ciel. Je ne pose que très rarement de questions en cours car il est assez rare que j'en ai. Je n'aime pas me dire que les autres ont eu une étincelle d'intelligence. 

Je m'enfonce un peu plus dans mon fauteuil. J'ai hâte d'entendre la réponse du professeur. Je me demande quelle couleur m'irait. Je me verrais bien en noir. 
Il faudrait me transformer pour le savoir mais je ne laisserais pas ça arriver, se réduire à un se faire transformer en animal, trop peu pour moi. Il ne faut vraiment pas avoir d'amour propre pour en arriver là. 

En attendant la suite, je me met à fantasmer sur le prochain animal que sera la déchue. 

Personne ne pose de question. Pour le moment, tout semble clair. Des secondes s’écoulent, quelques-unes. Lynch se permet de marquer une pause. Pendant ce temps, je le regarde. *Dommage pour O’Sullivan* pensé-je, les yeux virevoltants sur le professeur. Cela fait à peine un mois qu’O’Sullivan a quitté son poste. Je me demande pourquoi.
Mais, finalement, je crois que ce nouveau professeur est tout autant intéressant – si ce n’est plus. Je me sens toujours fière de me trouver là, assise dans cette salle. Sur tous les élèves de Deuxième Année, nous avons été tous les trois choisis. *William, Alice, et moi*

Finalement, Lynch reprend. J’esquisse une moue lorsqu’il parle Animagus. Il dit qu’on ne le deviendra pas. *J’le deviendrais* songé-je alors. Un sourire se met alors à flotter sur mon visage, je me permets une rêverie, je rêve de Plus Tard.
Mais soit, les métamorphoses inter-espèces, sur un humain. Sur cette fille. Mes yeux ne glissent pas sur elle, ils sont trop concentrés sur Lynch et ce qu’il débite. *Homomorphus* a-t-il dit. D’accord. Je le note dans un coin de mon Esprit ; puisqu’il dit que c’est important. Je n’ai vraiment pas envie de perdre ce rang qu’il m’accorde. Le silence ne flotte pas longtemps, ensuite.

« Vous allez ressentir un instinct animal mais votre esprit humain sera plus fort » lui dit-il. Je fronce les sourcils, et, accoudée à mon pupitre, je me redresse. *Qu’est-’c’qu’il a dit ?* Un instinct animal ? Cela me semble particulièrement intéressant. J’aimerais savoir ce que cela fait… Je pense encore aux Animagus. J’en deviendrais une.

« Boursoufors ! » scinde Lynch. Sous mes yeux ébahis, grands ouverts, curieux, la Fille se métamorphose. Plus petite, toujours plus petite. Plus ronde, toujours plus ronde. Le professeur nous a invité à nous lever. En voyant la Fille se transformer, je ne peux m’empêcher de me lever. Je n’aimerais pas rater ça. D’un pas vif, pas dans mes habitudes, je contourne mon pupitre et me positionne ; d’ici je peux voir le cobaye rétrécir. Elle s’arrondi, aussi. Bientôt, elle a la taille d’un Boursoufflet. Ce que la Fille – Harrison – est en train de devenir. Elle se teinte de vert et des poils poussent. C’est un Boursoufflet, désormais. Une fois cela fait, le silence s’installe, quelques instants. Puis, Alice, la Fille-aux-cheveux-blancs prend la parole. Elle aussi s’est levée, et je lui jette un œil le temps d’un instant. Ses cheveux sont toujours aussi blancs.

« Monsieur, est-ce que l’aspect de l’animal change selon la personne transformée ? Est-ce que si William, Adaline ou moi étions transformés « notre » Boursouffle serait différent ? » elle demande. Je lève un sourcil, en rapportant rapidement mon regard sur le Boursoufflet. *C’est une bonne question* mais j’en ai une autre.

« Vous parliez de son instinct animal. A-t-elle conscience de ce qui lui arrive ? »

Les réactions ne se firent pas attendre, Aydan observa avec plaisir ses élèves s'intéresser à ce qu'il se passait devant eux. Les langues se déliaient également et les premières questions se faisaient entendre. Ce fut Alice qui ouvrit le bal, Aydan se tourna vers elle pour lui répondre.

"-Non, l'aspect va dépendre du lanceur. Comme pour toute métamorphose c'est la personne qui lance qui agit sur la métamorphose et qui la façonne avec sa visualisation. Si j'avais voulu elle aurait pu être toute rose."

Tout de suite après Adaline enchaîna avec une autre question.

"-Totalement, mais elle ressentira aussi certaines pulsions animales. Les boursouf n'en ont pas trop mais imaginons que je la transforme en chat, elle aura sûrement de jouer avec une pelotte de laine si je lui en mettais une devant elle. Mais c'est elle qui pourra le mieux vous répondre. Il tendit sa baguette vers le boursouf, et effectua une gestuelle un peu complexe avec. Homomorphus!"

Le boursouf grandit alors et Carry reprit forme sous les yeux de ses camarades et du professeur. Il approcha la chaise sur laquelle elle était assise peu de temps auparavant.

"-Asseyez-vous si vous voulez. Comment vous sentez vous? Décrivez-nous bien tout ce que vous avez ressenti."

Aydan sorti du chocolat de son bureau et en tendit à Carry. Il savait que l'expérience pouvait être éprouvante surtout pour une première et le chocolat était l'un des meilleurs remontants, en tout cas autorisé à des sorciers de premier cycle.

Les émotions de Carry se mélangèrent les unes aux autres. Elle était à la fois en colère contre le professeur mais en même temps les sentiments de joies et d’amusement du Boursouffle se mélangeait en elle, l’empêchant de sombrer dans une colère noire. Pas humiliant avait-il dit ! Cette créature n’était rien sauf humiliante et en plus de cela, elle s’était transformée devant Alice une petite boule verte ! Mais d’où venait donc ce vert ? Y’avait-il un rapport avec la maison Serpentard ? Loupé, puisqu’elle-même n’avait plus le droit de porter l’uniforme vert de l’école.

Sans dire un mot et en reprenant doucement son souffle, Carry alla s’asseoir à la place qui lui avait été attribué avant de se tourner retourner pour vérifier que tout était redevenu normal et qu’il ne restait rien de cette animale grotesque. Il n’en restait absolument rien au grand soulagement de celle-ci, maintenant il fallait qu’elle fasse un rapport oral sur ce qu’elle avait vu, ressentie de tout ça pour les trois élèves qui étaient avec elle.

-Eh bien, dans un premier temps, j’étais toute étourdie, tout avait grandi autour de moi et… le visage de Carry se froissa entièrement comme si l’exercice de se souvenir lui était douloureux pour reprendre ensuite, je ne sais plus vraiment. J'avais peur de tout parce que tout était plus grand que moi et je ne savais plus du tout où j'étais pendant pas mal de temps...Puis après j'ai pu retrouvé mes repères et... comment expliquer... J’avais pendant un moment l’impression que tout mes problèmes avaient disparus et que j’avais juste envie de rouler partout, de m’amuser, de rigoler, d'exploser de joie. Par contre,je n’ai eu aucun mal à garder le contrôle de moi-même mais je dois dire…Les instincts des animaux sont imprévisibles.

Sans vraiment s’en rendre compte, Carry laissa un petit rire involontaire et discret lui échapper. C’était surprenant à quel point l’esprit animal pouvait affecter celui de l’humain. Même après être redevenue humaine, elle ressentait encore cette envie de bien être mais aussi d’excitation qui se manifestait à travers son corps en se tortillant discrètement dans tous les sens. Cette envie de bouger, cette envie de rire, cette sensation de joie, rien de tout cela ne venait d’elle, tout cela n’était que mensonge et tromperie.

-Professeur…Pendant ma transformation, j’ai remarqué que j’ai pris la couleur verte, est ce que vous savez cela est dû à quoi ? Tenta-t-elle de demander en essayant de ne pas rire à cause des sentiments factuels que le boursouffle avait insufflé en elle.

Aydan écouta attentivement le récit de la jeune élève. C'était toujours intéressant de voir comment ils percevaient ces métamorphoses. Lui en était adepte depuis toujours du fait de son don mais il avait passé beaucoup de temps à étudier les métamorphoses inter-espèce et il avait constaté que chaque sorcier les vivait différemment. Il retrouva ses réflexes de chercheur en métamorphoses en notant tous les dires de Carry sur un parchemin.

Rien n'étonnait l'irlandais dans ce qu'il entendait. Au contraire tout s'était déroulé comme il s'y attendait. La peur et l'étourdissement puis la prise de conscience.

"-C'est exact pour l'instinct, et encore là c'était en boursouflet. Disons qu'il n'y a pas beaucoup de choses à contrôler c'est pourquoi j'ai commencé par ça. Disons que c'est plus facile. Carry posa alors une question. Je ne sais pas tellement, j'ai toujours eu un faible pour la couleur verte, ça me rappel l'irlande. Et ça vous va mieux que du rose je trouve. Bien, avant que vous ne posiez des questions à Carry on va passer à un autre animal, cette fois je vais stimuler l'instinct qui sera en vous. Je veux que vous luttiez contre celui-ci le plus possible d'accord?"

Aydan attendit l'acquiescement de la jeune fille et entreprit une nouvelle transformation. Cette fois la jeune fille devînt un chat noir sans particularité.

"-Lumos!"

Un faisceau assez fin jaillit de sa baguette et il s'amusa à faire vaciller celui-ci sur le sol à proximité du chat, il s'amusa un instant puis rendit à nouveau sa forme humaine à l'élève qu'il fit rasseoir à nouveau.

"-Très bien. Il se tourna vers les trois autres. Si vous avez des questions à poser n'hésitez pas."

Quoi déjà ?! Pensa-t-elle en regardant avec étonnement la transformation prendre effet sur elle. De nouveaux Carry perdit en taille et se retrouva machinalement à quatre pattes. Ces ongles devenaient des griffes, ces mains étaient devenues des patounes, son nez c’était raccourcis pour laisser apparaitre un petit museau rose avec juste à côté de petites moustaches. Sa peau vira au noir, une fourrure commençait à pousser sur la surface de sa peau et une fine longue queue lui poussa juste au-dessus des fesses. Un chat, voilà ce qu’elle était devenue.

Etrangement, comparé à la transformation précédente, celle-ci avait laissé ressentir à Carry une étrange douleur au niveau de son ventre mais aussi de sa tête. Comme si, le changement qui opérait à l’intérieur devait en premier lieu chasser les derniers instincts humains qui sommeillait en elle.

Une fois la douleur partie et la transformation terminé, Carry se leva sur ses quatre pattes et commença à regarder son nouvel environnement puis commença à trouver sur elle-même pour voir les changements drastiques que son corps venait de subit. Mais il y’avait des choses encore plus impressionnantes qu’elle commençait à découvrir dans son corps de félins. Son odorat était devenu très fin, une odeur de vanille qui normalement aurait dû être légère, agressait son museau à tel point qu’elle se mit à se le frotter avec sa patte. C’était une véritable infection.

Mais ce n’était pas tout, une vive lumière attira l’attention du petit chat qui se mit à fixer l’orbe lumineuse. Mais que cela pouvait-il bien être ? Alors que la lumière se mit tout d’un coup à bouger, l’instinct animal frappa celui de Carry tel un train percutant quelqu’un à tout vitesse et prit le contrôle de son corps. Carry poussa de toutes ses forces sur ses deux petites pattes arrière et commença à pourchasser cette fameuse lumière qui semblait la narguer. Un saut, puis deux, des saltos telles une acrobate, la lumière arrivait toujours à s’échapper. Dans une nouvelle tentative, le chat noir se courba en remontant son derrière puis chargea à tout allure sur la lumière en poussant un miaulement énervé. La lumière sous ses mimines, Carry retira ses griffes du sol pour observer sa proie et finis par s’apercevoir que ce qu’elle pourchassait n’était plus.

Déçu d’avoir manqué sa cible, le petit chat se mit à courir sous les bureaux des élèves et vint serpenter entre les jambes de chacun tout en frottant ses petites moustaches contre chacun d’eux dans l’espoir leur faire comprendre qu’elle avait envie de petites grattouilles aux niveaux du dos en guise de consolation. Mais à nouveau, Carry n’arrivait pas à tenir en place et se précipita sans cris égare au milieu de la pièce et sentie comme une nausée la prendre soudainement

Dans un nouveau torrent d’émotion, Carry se vit aspirer dans une sorte de tourbillon pour enfin retrouver sa taille initiale mais aussi son corps originel. Elle était essoufflée, les cheveux en batailles avec un point de côté au niveau des côtes, elle avait l’impression d’avoir couru un marathon entier. La transformation avait beau être complète, elle sentait toujours cette envie de câlins et de chasse qui lui titillait l’esprit. Mais très vite, Harrison se ressaisie et regarda le professeur pour répondre au professeur avec un air satisfait. Le chat était une bonne idée.

-La…Transformation m’a fait un petit peu mal au début, au niveau du ventre. Commença Carry en posant sa main gauche sur l’endroit qui lui avait fait mal. J’ignore ce qui s’est passé mais une fois la transformation terminée, la douleur s’en est allé. Sinon en tant que chat, l’expérience est incroyable, j’avais un odorat incroyable, ma vision était plus précise et mon ouïe était incroyablement sensible et enfin j’avais l’impression d’avoir une agilité hors pair. Elle marqua une pause pour continuer de reprendre son souffle. Sous forme de chat, je ne ressentais pas la fatigue du tout et…Quand on m’a redonné ma forme initiale, là je suis frappée par une fatigue dont je ne soupçonnais même pas l’existence… Aussi je dois dire que l’instinct d’un chat est bien plus fort qu’elle n’y parait…

Silencieusement, pendue aux lèvres du professeur Lynch, Alice enregistrait chacune de ses réponses. Les transformations animales avaient quelque chose de mythique qui plaisait beaucoup à l’enfant. Elle avait hâte de commencer un jour sa formation d’animagus.

Un coup de baguette et Carry récupéra sa forme initiale. Boursouffle ou non, elle était toujours aussi repoussante. Alice ne parvenait pas à écouter son récit sans avoir une impossible envie de quitter la salle. Sa voix, seulement sa voix, c’était une torture. Et savoir qu’elle avait prit plaisir à se faire transformer… c’était pire que tout.
Ses dents grinçaient, ses doigts serraient forts sa plume. Plume qu’elle aurait enfoncé dans un de ses sales petits yeux si elles avaient été seules. Ce rire, par Circée, il hérissait les poils d’Alice qui s’en frotta vivement les bras comme pour se soustraire à cette sensation glaciale. Le rire de Carry était tellement connoté à présent. Il sonnait à ses oreilles comme une vilaine promesse de violence.

Heureusement, la voix du professeur Lynch vint chasser cette cruelle sensation qui s’était emparée d’Alice. Venir ici, ce n’était pas une bonne idée. Accepter Alice n’en était pas une non plus. Ne savait-il donc pas ce qui liait les deux Serpentard ? Tout le monde le savait, alors lui aussi, c’était évident.

Carry se transforma à nouveau, cette fois en un chat noir, Alice en grimaçait. Pourquoi un chat, pourquoi pas un crapaud couvert de verrues ? Une limace ? Eux aussi avaient des instincts, inutile d’utiliser un animal aussi majestueux que le chat.
La voir ainsi s’amuser, bondir, Alice en frissonnait. Plus jamais elle n’aimerait les chats, c’était certain à présent. Surtout les chats noirs. Maudite Carry, et maudit professeur Lynch.
Carry décida d’approcher les élèves, et Alice s’en écarta lorsque celle ci vint pour se frotter à ses jambes. Il serait malvenu de donner un violent coup de pied à ce chat, à ce démon qu’était Carry. Si elle avait été une blatte, cependant, le talon d’Alice aurait certainement écrasé une partie de son sale petit corps.

Alice ne parvenait plus à se concentrer, et lorsque Carry reprit sa forme initiale, elle n’écouta pas un traitre mot de son compte rendu. Elle la regardait seulement, la maudissant en songe. Pourquoi avait-il fallu que ce soit elle la cobaye de monsieur Lynch ? Ce n’était pas déshonorant, c’était amusant, instructif. Carry apprenait des choses, vivait de belles émotions. Et Alice, elle, observait, écoutait, était spectatrice là où Carry était actrice.

« Monsieur Lynch » Alice levait un peu la main pour attirer l’attention de son professeur. « Pensez-vous qu’il serait possible de faire une double transformation ? Je ne sais pas si il y a un terme particulier mais… est-ce possible de nous montrer ce qui pourrait arriver si Carry était métamorphosée en deux animaux à la fois ? Les instincts devraient entrer en conflit, non ? J'aimerais savoir ce qui peut résulter d'une telle métamorphose, ce doit être intéressant.»

Ça ne serait certainement pas agréable, ça. Alice jeta un coup d’œil à Adaline, puis William, pour qu’ils appuient sa demande. Peut-être que cela marcherait, et ainsi Carry ne s’en tirerait pas à si bon compte.

J'écoute attentivement le professeur. Ce sont des informations qu'il sera toujours utile de ressortir en devoir. Je met de côté ma déception quant au fait que cette expérience n'est pas aussi traumatique pour Carry que j'aurais aimé qu'elle le soit. Voir Carry paniquer ou pleurer devant ce flux d'émotion aurait été plutôt satisfaisant. 

Alors que la vilaine se transforme en chat, je réfléchis aux prochaines incarnations que j'aimerais voir chez Carry. Une mouche, une puce, un cloporte, quelque chose d'aisé à écraser en sorte. D'aucun dirait qu'il est douteux d'avoir de telles idées noires à mon âge, mais je m'en amuse. Elle n'a pas besoin de se transformer en cloporte, elle en ai déjà un. 
Le professeur Lynch s'amuse un peu avec Charry, j'aurais aimé avoir un faisceau lumineux pour pouvoir le diriger à la fenêtre histoire qu'elle se jette dans le vide. Décidément, je ne pense qu'à la tuer, il faudrait peut-être que je me reconcentre sur le cours, il ne faut pas oublié que je suis ici parce que j'ai des aptitudes en métamorphose.

Charry passe entre les jambes des élèves, quand vient mon tour, je refrène mon envie de faire semblant de tomber de ma chaise pour l'écraser et me contente de la pousser légèrement du pied pour qu'elle me fiche la paix. 
Lorsque la vilaine redevient vilaine, j'écoute son récit avec attention pour me faire une idée de l'expérience qu'elle vient de vivre. C'est intéressant. 
Alice propose ensuite de la transformer en deux animaux à la fois. C'est une idée qui me plaît, mais le fait qu'elle vienne d'elle me dérange. Alors qu'elle me regarde avec insistance, je marmonne:

"Oui ça peut être amus... heu, instructif."

En revanche, j'ai une question qui me trotte dans la tête depuis un petit moment, la réponse pourrait m'être utile pour l'avenir.

"Professeur, transformer quelqu'un en animal est une magie très puissante, dans un duel, il suffirait de transformer un adversaire en limace pour le vaincre. Combien de temps peut on faire durer une métamorphose? J'suppose que c'est le temps de la concentration du lanceur, y'a aucun moyen que le métamorphosé reste coincé. Comment j'peux être sûr que mon chat c'est pas un humain coincé?"

Je fais pianoter mes doigts en attendant la réponse.

Attentive, je me suis rassise en voyant Harrison redevenir un humain. Et c'est surtout pour pouvoir prendre en note ses impressions et sentiments. je suis certaine que les mots que je griffonne avec ma plume bleue sur un vulgaire morceau de parchemin me serviront. J'imagine que Lynch appréciera qu'on se serve de ce cours pour être meilleurs encore. *En tout cas, j'veux tout noter* pensé-je, les yeux sur les mots gravés et parfois raturés, et l'oreille prêtée à la cobaye de cette présentation.

Mais il me faut à nouveau prêter mes yeux. Lynch annonce une nouvelle transformation. Quelque chose en moi germe ; une sorte de jalousie implicite. Parce que je ne suis pas sûre que cela en soit. Pourtant, l'étrange sensation qui collait à ma peau – celle qui m'interrogeait sur la morale de cette démonstration – a disparue et est déjà remplacée par une autre. Alors je regarde. *Un chat...* C'est un chat noir qui remplace Harrison. Ma curiosité piquée, ma tête se dévisse autant qu'elle le peut pour observer le chat, qui est soumis au faisceau d'un Lumos. J'esquisse un sourire, j'aime les chats. Mais justement, cela attise et souffle sur le sentiment de jalousie qui me prend, comme pour l'embraser. Je secoue la tête.

Finalement, Harrison, ce chat noir, passe entre nos jambes. C'est à cet instant que je saisi quelque chose. En regardant son parcours entre nos jambes, celles de la Fille-aux-cheveux-blancs – Alice – me paraissent bien fuyardes. Je lève les yeux sur elle, et crois voir sur sa bouche l'expression d'un dégoût. *Qu'est-c'qu'elle a ?* je me demande, les yeux rivés sur cette expression que je n'aurais pas soupçonnée. Le chat passe près de moi mais je ne le regarde même pas – Alice me donne une excuse pour ne pas attiser la jalousie en fixant le chat jusqu'à sa re-transformation. L'ayant vu avec Lune, l'année dernière, j'ai du mal à imaginer qu'Alice éprouve du dégoût pour l'animal. *C'est Harrison*

Cependant, je n'ai pas plus de temps que cela à accorder à Alice – même si j'aimerais lui en consacrer. Le savoir et Lynch me rappellent à eux, et les doigts toujours serrés sur ma plume bleue, je me prépare à noter. Harrison est à nouveau une fille. Sans la regarder à nouveau, je prend note de ses impressions. *Douleur puis immersion et finalement fatigue*

Je lève la tête brusquement quand Alice parle. Mes sourcils sont froncés – bien qu'ils le soient souvent j'ai l'impression que tout l'intérieur de ma tête se fronce.

« Pensez-vous qu’il serait possible de faire une double transformation ? Je ne sais pas si il y a un terme particulier mais… est-ce possible de nous montrer ce qui pourrait arriver si Carry était métamorphosée en deux animaux à la fois ? Les instincts devraient entrer en conflit, non ? J'aimerais savoir ce qui peut résulter d'une telle métamorphose, ce doit être intéressant. »

*Quoi ?* L'interrogation fait glisser mes yeux sur elle. Quelque chose dans sa voix me foudroie. Quelque chose de tellement détaché et à la fois intéressé. C'est probablement parce que je le mêle à la moue déconfite qu'elle affichait en voyant le chat – Harrison – que j'ai l'impression que cela ne va pas. Mes pensées s'emmêlent à de vieux souvenirs. Mes yeux rivés sur elle s'écarquillent en voyant son visage. Cela fait tellement longtemps que je n'ai pas croisé ni regardé Alice de face, et ce qu'elle a sur la joue m'est absolument tout nouveau.
Et alors, tout semble bien plus clair.
C'est cela.
Les rumeurs entendues après le bal me reviennent.
Impossible pourtant de me rappeler du nom du bourreau.

« Oui ça peut être amus... heu, instructif. » ajoute William.

Cependant, je ne le regarde pas. Je suis bien trop concentrée sur Alice. Et déjà naît en moi un sentiment de compassion acharnée. Elle ne devrait pas avoir à se tenir là, dans la même pièce que la stupide sorcière Harrison. *Beurk* aurait-je craché si Lynch n'était pas là.

Pour Alice, j'hoche la tête. Je fais doucement passer mes yeux d'elle jusqu'à mon professeur.

Je n'ai rien à ajouter, pour le moment. Alors je garde ma bouche close mais mes yeux grands ouverts. Alors qu'ils reflétaient la compassion que je ressentais pour Harrison lorsque je voyais les choses sous un autre angle, mes billes sombres ne ressemblent plus qu'à deux abysses noires.

Et j'attend.