- ERIDAN LOWELL !

C'était Siobhán qui se frayait habilement un passage à travers l'attroupement d'élèves qui rangeaient leurs affaires, à coups d'épaules et de « Pardon ! » : elle avait le gabarit pour se permettre quelques bousculades. A quelques mètres du camarade interpellé (dont elle avait appris le nom par l'intermédiaire de la voisine de table, qui avait rendu les copies corrigées et s'était enquis pour la jeune adolescente du patronyme du garçon - Siobhán ayant bien compris que l'introduction des noms de famille dans la discussion rendait les affaires plus sérieuses), elle ralentit le pas et songea que s'il ne s'arrêtait pas, elle glisserait un pied devant les siens et ce serait la chute qui le stopperait. Elle tapota l'épaule du bonhomme, tout sourire (Siobhán était toute contente d'avoir terminé sa journée, fière de ses prises de notes et gonflée de ses participations saluées par les enseignants) et se glissa à sa droite en prenant garde à ne pas trébucher sur les branches jonchant le sol.

- On rentre ensemble ? Ou sinon tu manges avec quelqu'un ce soir ? Je voulais parler et j'ai pas le temps demain matin : je vais courir et après j'ai des trucs à finir.

Elle était toujours tracassée par l'altercation qui avait hâtivement conclu leur micro-séance de travail la semaine passée, et se sentait un peu responsable, sans trop savoir d'où venait ce sentiment ni pourquoi il l'importunait ainsi, mais n'en montra rien et continua de marcher au niveau du garçon tout en parlant :

- Tu sais, jeudi dernier... Si t'es énervé par rapport à ma remarque sur le nez, je suis vraiment désolée, (elle était sincère) t'étais tout cramoisi (factuelle) alors je me suis dit que t'étais pas à l'aise pour regarder les gens dans les yeux, ou alors que t'avais peur de moi - (et soudainement prise d'un doute) je fais vraiment peur ?

Siobhán était pleine de bonne foi, désireuse d'apprendre et de mettre fin au conflit (elle aimait la bagarre comme un sport, pas comme un mode de vie), elle finit donc par ajouter :

- Tu sais je voulais pas te vexer hein.

Le serdaigle sursauta lorsque son prénom, suivi de son nom, résonna à ses oreilles. Peu habitué à être appelé de la sorte, le garçon se demanda un instant ce qu'il avait fait. Fronçant les sourcils, il tourna la tête en direction de la voix et poussa un soupire en reconnaissant Siobhán qui se frayait un chemin jusqu'à lui. Qu'est-ce qu'elle lui voulait encore ? Suspicieux et le regard franchement hostile, il la laissa néanmoins le rattraper alors que les élèves quittaient le cours de soin aux créatures magiques. Un sourcil haussé en guise d'interrogation, il lui lança un coup d'oeil méfiant alors qu'elle lui demandait avec qui il comptait diner.

« Sûrement avec Blaise » répondit laconiquement le garçon à la seconde question, ignorant délibérément la première. Il n'avait pas vraiment de plan ni même convenu d'un rendez-vous avec la brune, mais les deux camarades de maison se retrouvaient volontiers dans la grande salle et passaient pas mal de temps ensemble ces derniers temps, alors il en serait probablement de même ce soir-là. Devait-il lui retourner la question ? Eridan n'en avait pas franchement envie, n'ayant toujours pas digéré leur session de travail de la semaine précédente. Pas plus qu'il n'avait envie de diner avec elle, ce qu'il voyait venir gros comme un dragon, espérant que la mention d'une camarade de classe l'empêcherait de s'inviter à la table des bleus sans lui demander son avis.

Son attitude n'avait pas l'air de désarçonner la gryffondor, qui poursuivait avec le même entrain, calquant son pas sur celui d'Eridan. Le garçon se contracta légèrement quand la jeune fille fit mention de leur altercation de la semaine passée avant de rougir sous la seconde partie où elle parlait, justement du fait qu'il était peu à l'aise dans les relations humaines. Si Eridan admettait qu'il avait peut-être - très légèrement tout du moins- sur-réagit, il n'en démordait pas sur le fait que la jeune fille avait tenu des propos extrêmement vexant à son égard. Non pas qu'il était particulièrement rancunier le garçon mais il avait été particulièrement vexé par la remarque et touché bien plus qu'il ne l'admettrait. Un nouveau soupire s'échappa de ses lèvres alors que la jeune fille terminait. « Nan, c'est pas ça... » commença le garçon en prenant soin de ne pas croiser le regard de la gryffondor. « Enfin, si, je suis pas aussi expressif que toi. C'est un fait. Mais c'est ... J'ai d'autres occupations que mes devoirs tu vois. C'était vraiment vexant. C'est pas parce que je suis à Serdaigle et que j'aime lire que je fais que des devoirs... »


@Blaise Sanilis, parce que je parle brièvement de toi ! nota bene pour toi Sio => Blaise est pas encore dans la chrono, mais elle devrait rejoindre les 4A d'ici peu, so maybe tu visualises qui c'est en tant que camarade de promo

Il avait l'air de mauvais poil, donc Siobhán détournait le regard en scrutant plutôt les branches et les troncs, relativement distante (l'oreille droite cependant très attentive à tout ce que répondait le bonhomme). Elle l'avait entendu dans le ton et vu dans les yeux : elle n'était pas désirée à la table des bleus. Blaise... Blaise ? Blaise. Ah, oui, Blaise ! Elle avait l'air gentille, Blaise.
C'était tout de même vexant (il ne fallait pas la prendre pour un gobelin de trois semaines, elle savait repérer dans la voix les intonations qui lui étaient favorables), cependant elle n'était pas d'humeur à s'emporter au huitième de demi-vingt-cinquième de tour, ç'aurait été la saucisse sur le gâteau : son agréable journée en aurait été gâchée.

- Mmmh, alors on a le temps de causer sur le chemin !

Elle continuait d'un pas trépignant et rapide, devançant par moments le garçon pour marcher à reculons devant-lui (elle trouvait que faire face à son interlocuteur était d'une grande aide dans la gestion d'une conversation) mais bien vite elle qu'il ne lèverait pas les yeux ; alors avec la même pudeur qui l'avait amenée à examiner les étagères lorsqu'elle avait vu la gêne l'empourprer, elle revint se placer à la gauche d'Eridan et se remit en marche normalement.

« Nan, c'est pas ça... » la rassura : elle ne l'avait pas terrifié. Elle se savait intimidante pour certains du fait de sa carrure, mais aurait été étonnée qu'il ait eu peur d'elle, parce qu'il était plus grand et cela lui conférait un avantage considérable en cas de bagarre. La suite de la réponse la surprit et elle laissa s'échapper un petit rire en songeant qu'elle ne s'était jamais estimée particulièrement expressive : elle s'étonnait plutôt que les autres le soient si peu.

- C'est pas ce que je voulais dire, vraiment. Tu vois, je dis ce que j'observe, et ce qui me passe par la tête.

C'était véridique. D'ailleurs, elle avait toujours entendu qu'il valait mieux dire plutôt que retenir, quitte à vexer : la vexation serait toujours moins terrible que l'explosion.

- Mais du coup la semaine dernière j'ai compris que des fois ça sort pas très joliment, ou pas très gentiment. Après tu t'es vexé vraiment vite, ça m'a surpris, donc j'étais agacée.

Elle ne s'était pas excusée pour la bousculade ; tout de même, elle n'allait pas plier son honneur en quatre ! A vrai dire, elle s'excusait aussi parce qu'elle savait le geste diplomatique et preuve de bonne volonté, ainsi elle se permit quelques pas de côté :

- Tout de même, il ne faut pas être Miss Field pour deviner qu'à Serdaigle vous faites une fixette sur les devoirs. Mais je vous aime bien, je vous admire même ; vous êtes concentrés, vous avez des bonnes notes et les profs vous adorent. Chez nous on est pas des champions des devoirs.

Et immédiatement elle se sentit obligé de préciser :

- C'est pour rigoler, le prends pas mal s'il-te-plaît (avec un faux air sérieux, non sans un soupçon d'amusement) parce que ça me demande déjà beaucoup d'efforts de dire pardon, j'ai pas envie de recommencer. (En ricanant.) D'ailleurs si tu me dis que c'est pas difficile je ne te crois pas. Mais je suis vraiment désolée, et je comprends ta réaction.

Elle avait encore quelques tours dans son sac et ils étaient toujours à une distance considérable du château, donc Siobhán se résolut à attendre la réponse d'Eridan avant de renchérir : elle avait encore tout son temps.

Eridan ne montra aucun signe de réaction à la répartie de Siobhán, se contentant de plonger les mains dans ses poches et de réprimer un soupire. Malgré l'emportement qu'il avait manifesté la dernière fois, le serdaigle était de nature très calme et posée, comme à l'instant, tout le contraire de la troisième année qui présentait une foulée dynamique. S'il avait noté la différence de cadence, le troisième année se refusa à se presser pour maintenir son rythme, espérant que ça la dissuaderait de rester à ses côtés jusqu'au château. Mais cela ne sembla pas déranger outre mesure la jeune fille qui commença même à marcher devant lui, à reculons. Eridan haussa un sourcil, presque pour la défier de continuer sans se casser la tronche, mais sa mimique s'effaça rapidement de son visage, ses traits se plissant sous la méfiance alors que Siobhán riait doucement de sa réponse.

Une chance pour elle, avant que le garçon n'ait pu réagir et s'insurger à nouveau, elle explicita ses pensées, signalant qu'elle avait été contrariée par sa réaction. Ce n'était pas vraiment des excuses, en tout cas, ça ne sonnait pas du tout comme tel, mais c'était toujours mieux que rien. Elle avait quand même dit qu'elle était désolée quelques minutes auparavant. « Bah oui. C'était pas agréable à entendre... » grommela le garçon d'un ton toutefois légèrement plus enclin à poursuivre la conversation que quelques minutes auparavant. Ce que la jeune fille fit, comparant les serdaigle aux gryffondor et finalement, lui présentant ses excuses d'une manière un peu détournée. Mais il était à présent évident pour Eridan qu'il n'obtiendrait pas beaucoup mieux de la gryffondor et que définitivement, cela lui demandait, pour elle, beaucoup d'efforts.

Eridan garda le silence pendant quelques secondes avant de reprendre la parole et faire un pas dans sa direction, au sens figuré - les deux camarades marchant toujours vers Poudlard, pour renouer le dialogue et apaiser les tensions. « J'ai jamais dit que c'était facile alors je vais pas te contre-dire. Pas plus que demander de l'aide n'est facile. Je te remercie pour ces... excuses. Je suppose que je te présente également les miennes pour m'être emporté. Mais vraiment, on est pas les "champions" des devoirs. On apprécie simplement l'érudition... Et encore, pas tous et surtout, pas que. Et puis, les poufsouffle aussi sont très bons. Des travailleurs acharnés même si on croit le Choixpeau magique. C'est un peu nul de coller des étiquettes comme ça aux gens. »

Elle hochait la tête assez régulièrement pour signifier qu'elle écoutait, continuait à trottiner, et était non-visiblement consternée qu'Eridan ait alors le rythme de marche et l'air ronchon de son grand-père.

- Oui oui je m'en doute, que c'était pas agréable à entendre.

Siobhán continuait à marcher dans un sens, dans l'autre, réglait son pas sur les prises de paroles de son camarade ; à chaque pied posé elle s'efforçait d'envoyer valser de côté ses bouts de remords vis-à-vis de son propre comportement de a semaine passée : « Je me suis excusée, je regrette, maintenant c'est une perte de temps d'y penser autant. » Et puis cela suffisait, pour les excuses : elle ne voulait pas non plus donner l'impression de grands coups de brosse dans le sens du poil.

- Non non je sais, c'était au cas-où. De rien pour les excuses, c'était cadeau. Enfin normal - voilà c'était normal. C'était vraiment débile de ma part de supposer que tu ne faisais que tes devoirs.

« Érudition » ? Siobhán associait de très vagues notions à ce mot, des pensées en lévitation nuageuse mais pas de définition précise ; elle avait un souvenir lointain de l'avoir déjà entendu un jour, quelque part, mais rien de plus. Elle grimaça, embêtée. Et puis le visage d'Eridan jouait au caméléon, ses sourcils sur les montagnes russes et son air tantôt suspicieux, tantôt rassuré : elle se souvint de la dernière fois, et conclut que non, ça n'était pas le moment pour demander.

- Je suis d'accord ! Mais les étiquettes, c'est un peu tout le concept des maisons, y'a qu'à écouter les chansons du chapeau le jour de la rentrée. Et puis on a chacun une couleur, un blason avec un animal, alors qu'on pourrait être rangés... je sais pas, par âge par exemple ! Ça fait un peu fermeture, de nous ranger par caractère. Après je connais des gens qui sont dans ma maison, qui ont mon âge, et qui sont pas du tout comme moi.

En troisième année et à Gryffondor, il y avait Elfie, pas très bonne élève, un peu trop sur les nerfs mais tout de même sympa. Et sûrement très courageuse, et brave ; Siobhán imaginait facilement Elfie bondir pour contrecarrer la moindre injustice. Ou Ennis, ô sérieuse Ennis. Très bonne joueuse de Quidditch, on disait. Siobhán trouvait quelque chose de presque métallique à Ennis, comme si avec son visage fermé elle portait une armure complète masquant tout ce qui pourrait transparaître sur son corps et son faciès, elle semblait crypter le moindre de ses mots. Enfin, là n'était pas le sujet : même au sein d'une maison, il y avait de la diversité.

Ses excuses, un cadeau ? Les sourcils d'Eridan auraient pu se lever si la jeune fille n'avait pas continué dans la foulée, ajoutant que c'était normal. Normal et la moindre des choses, ajouta le garçon mentalement, qui préféra de garder les lèvres closes pour ne pas raviver un débat inutile et stérile. Au moins, il avait obtenu de Siobhán des excuses et le fait qu'elle reconnaisse (un peu) ses torts. C'était toujours mieux que rien. Légèrement plus détendu, il laissa de côté ce pan de la conversation pour se concentrer sur la suite, espérant que cette fois-ci, même s'ils avaient des avis divergents, ça ne repartirait pas au quart de tour.

Eridan garda le silence quelques secondes encore, se demandant qui étaient ces personnes mentionnés par la brune supposément totalement différent d'elle. Il se passa vainement en revu tous les troisième année de gryffondor de leur année avant d'hausser les épaules et de reprendre la parole pour exposer tant bien que mal son point de vue, quitte à se prendre des vives critiques de la part de sa camarade en retour. « Oui, mais... Je pense que c'est plus un spectre de possibilités qu'une liste à checker pour faire partie de la maison et qu'on y attache beaucoup trop d'importance. Comme tu dis, on est tous différents et parfois on peut même avoir des traits de caractère d'une autre maison et pas tous ceux de la notre. A serdaigle on retrouve les érudits, ceux qui font preuve de curiosité, de réflexion mais aussi de créativité. Personnellement, je ne suis pas créatif. Et certains sont plus originaux qu'intelligent. Et puis les gens changent. En grandissant je veux dire. Ça serait vraiment marrant de passer sous le choixpeau à la mi-scolarité et à la fin. Je suis sûr qu'on n'irait pas forcément dans la même maison à chaque fois. Bref, c'est beaucoup trop réducteur. »