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30 avr. 2021, 19:35
La Couleur de l'Abîme  Rp+   PV 
Alison, Deuxième année,
5 mars 2046
Lac

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PV AVEC @ELYNA OAK


Elle avait longtemps pensé au mot Cauchemar.
Mais lui-même devait être faux, comme tout était faux dans ce monde.
Un Cauchemar peut être des dizaines de milliers de vies. Des rêves ayant mal tourné, des soupçons confirmés, des réalités éveillées, des chocs trop brutaux pour être assumés.
Est-ce que l'on pouvait parler uniquement de Cauchemar pour Daï?

Elle n'était plus sûre de rien.
Rien au fur et à mesure que son crayon dansait furieusement sur la page devant elle.
Elle était prise au piège, prise au piège de sa propre conscience. Elle voguait au fil des traits épais et durs, elle dessinait les visages, les spirales, les ondes de l'eau, les spirales, les arbres, les feuilles, les particules d'air, les spirales, les spirales, les spirales.
Elles seules ne changeaient pas. Elles seules étaient immuables.

Toutes les convictions peuvent être renversées d'un battement de cil, d'un claquement de doigts. Pas les spirales. Elles restaient, stoïques, au milieu du chaos perpétuel de la vie.
Elles auraient dû disparaître, mais comme les mauvais rêves, elles ne s'étaient qu'estompées, ne venant que plus rarement à son esprit.
Les Cauchemars aussi, la fuyaient depuis quelques temps.
Ils étaient certainement partis avec Morphée, qui s'était résignée à ne pas l'aider pour s'endormir. Qui veut aider une gamine répétant un mouvement pendant des heures entières, en transe, enfermée dans ses pensées les plus profondes et les plus sombres, qui veut l'aider à s'endormir?
Qui, quand tout le monde a compris que cela ne servait plus à rien?

C'était ce qu'il se passait.
Et elle était venue face au Lac pour essayer de tout faire sortir.
Et ces yeux, c'étaient les siens.
Et ces lèvres, c'étaient les siennes.
Et ce pli au milieu des sourcils, cet éclat perdu, ce sourire mort, cette peau couchée sur le grain du papier, tout cela, tout cela était Sien.
À qui?
À Daï, bien sûr.

Et elle aurait voulu hurler sa peine, sa peur, sa douleur.
Elle aurait tout voulu extraire de son elle-même en un seul cri, inhumain, mais qui mérite de connaître aussi jeune la mort? Tout expulser en un seul souffle, sentir le poids qui la retenait de s'envoler jusqu'aux Perséides s'effacer, se remettre à être Comme Avant.
Elle d'Avant n'était certainement pas fameuse comme gamine. Mais elle était quelqu'un avec des convictions, des peurs rationnelles.
A présent, elle avait été confrontée au Trop Grand du monde. Elle ne pouvait pas lutter, ne pouvait pas endiguer toutes les conséquences que cela appliquait. Alors, qu'est-ce qu'elle faisait? Comme tout le monde : elle se noyait. Tout simplement.

Rageuse, elle appuya comme une folle sur la mine, tentant encore et toujours de faire disparaître cet éclat de Figé, Statue et de Néant dans les yeux qu'elle retranscrivait chaque jour, chaque minute, chaque seconde quand elle ne savait à quoi penser. Elle devait souvent penser à rien, dans ce cas.

Elle déchira.
Recommença l'éternel travail.
La courbe des yeux, la forme de la paupière. Les cils, flous, la pupille, Merlin cette pupille qui demeurait insaisissable malgré les trop nombreuses fois où elle l'avait dessinée.
Le crayon dansa, s’essouffla, ourdit les contours, raya, barra, ratura, recommença, couvrant des pages et des pages, courant si vite qu'il en était flou.
Mais elle échouait, encore et toujours, toujours et à jamais, à revivre un instant ce que avait pu être Daï.
Elle était pantin, elle était marionnette, et elle était insatisfaite.
Assoiffée de Droiture et de Justesse, elle ne parvenait qu'à produire des travaux médiocres, vides de sens et d'âmes.

Mais l'Asiatique ne méritait pas cela. Elle avait besoin d'un sanctuaire grandiose, elle avait besoin d'un temple avec son nom, d'une salle avec son visage, d'un portrait dans les arbres, d'un clin d’œil aux élèves depuis les nuages.
Et elle, tout ce qu'elle pouvait lui offrir, c'était des dessins ratés.
*J'suis trop stupide.*

Le crayon enraya la page, tournant pour commencer sur un nouveau Rien.
De colère et de frustration, elle appuya encore, transperçant la fine feuille comme si ce n'était que du savon, cassant brutalement la mine au passage.
Un cri de rage lui échappa, alors que ses mains se mettaient à trembler pour tenter d'enlever les restants de mines coincés dans la feuille.

Cette mine, c'était les flèches. Et la feuille, c'était le corps.
Et elle, elle restait ce qu'elle avait été : inutile, maladroite, stupide.
Elle se détestait.

Se relevant d'un bon, laissant la feuille poignardée de son dessin pendre lamentablement au bout de son bras, elle se dirigea dans une froide et implacable colère vers le Lac.
Ce sont de ces états plus haut que la Colère en elle-même. Ils ne nécessitent pas d'éclats. Ils sont silencieux, mortels comme un orage. Ils électrisent l'air autour, font baisser les yeux, détourner les têtes. Le Lac aurait dû rougir de honte. Mais il la narguait comme toujours sous le froid soleil de mars. Elle le détestait. Elle les détestait, tous.

Ses pieds rentrèrent dans l'eau glacée, qui commença à s'infiltrer au travers de ses bottines. Ce qui ne lui procura aucune sensation, mis à part celle d'agacement pur, de vanité perdue, et de peur enfantine. Celle d'un gamin dans le noir et qui ne peut plus retrouver la lumière.

Lançant un regard furieux à son reflet, elle fixa l'eau avec l'espoir de la voir se transformer en vapeur.
Rien ne se passa.
La haine fit trembler son cœur, se répandit comme un poison dans ses veines, annihilant toute pensée rationnelle et ouvrant la porte à Celles qui n'avaient pas le droit de surgir depuis des mois. Les Larmes.

Fixant à nouveau son regard brouillé dans celui flou de son reflet, elle laissa l'eau inonder son corps, son être, son âme, essaya de noyer sans succès le souvenir de DaÏ à l'intérieur.
*J'sers à rien, j'suis inutile, j'sers à rien, elle mérite tellement mieux, j'suis stupide, j'suis idiote, j'm'en veux, j'lui en veux, j'l'aime, j'suis désolée, c'est ma faute, elle a rien fait, j'ai pas b'soin d'aide, j'peux y arriver, j'suis conne, j'y arriverai pas, j'suis bornée, j'suis folle, Merlin, je-je...*
Et la pluie dégoulinait le long de son visage, le long de ses yeux, de ses cils, en une rivière qu'elle ne retint pas pour une fois.

Le carnet était accroché tel un drapeau en berne à la perche de son bras.
Elle en aurait eu pitié si elle n'était pas aussi Ravagée.
D'un geste morne, elle leva le carnet au-dessus de l'ondée.
Mieux valait en finir, de cette obsession, non?
Mieux valait tout abandonner, laisser Daï couler dans le Lac Noir?
Est-ce que tout Cauchemar n'a pas une fin?

Plume d'@Elyna Oak, enfin ! :love: Désolée, je n'ai pas attendu ta réponse, ma Plume frémissait d'impatience...
Plume de @Alyona Farrow, parce qu'il ne fallait pas que tu manques cela, tu m'en aurais voulu de ne pas t'avoir mentionnée ! :roll:
Et enfin, Plume de @Marie Paulia, je t'avais promis de te montrer quels Mots allaient accompagner cette musique. :cute:

Je ne lâche jamais rien. Quand je commence une barre de chocolat, je la mange jusqu'au bout.