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08 déc. 2020, 18:12
La clé des champs  PV 


17 novembre 2045, fin de journée
Bureau de la directrice — Poudlard
5ème année



Ma jambe bat en rythme sous la table. Un deux, un deux, un deux ; rapidement, follement et douloureusement. Oui, mon impatience est douloureuse, elle m’agite le cœur et m’essoufle, alors que je suis assise et que je semble écouter le cours — je ne fais que sembler : comment pourrais-je écouter le cours alors que j’ai l’intention d’aller rendre visite à Kristen Loewy dans moins d’une heure ? C’est impossible, évidemment, mon corps est partagé entre une vive impatience et une terrible angoisse. Il semblerait que cette femme me fasse toujours ressentir des émotions ambivalentes, finalement. Elle m’intéresse autant qu’elle me révulse ; s’attire ma sympathie au même point qu’elle provoque ma colère ; m’angoisse aussi fort qu’elle me passi— *non* ; certaines pensées concernant Loewy ne sont tout simplement pas acceptables. Je m’efforce de retrouver un certain calme et une certaine logique dans mes pensées : j’ai une question précise à poser à la femme, c’est la seule raison pour laquelle je vais la voir, il n’y a pas à angoisser.

Quand la sonnerie marque la fin de la leçon, je quitte la salle plus vite que je n’ai jamais quitté une salle de cours, m’attirant le regard étonné de mes camarades. Je les ignore aisément et me précipite dans les couloirs ; je cours plus que je ne marche alors que j’ai tout mon temps devant moi. Après avoir grimpé quelques étages, je me calme et ralentis. Les élèves se dirigent tous vers leur Salle Commune pour déposer leurs affaires avant le dîner, les couloirs seront bientôt vides et je pourrais m’approcher du bureau de la directrice sans que quiconque puisse me voir : je n’ai pas envie que l’on se pose des questions sur mon compte. Puisque Loewy n’est jamais présente aux dîners, j’imagine qu’elle prend son repas dans ses appartements — je suis certaine de la trouver là où je la cherche.

J’ai beau ordonner mes pensées, mon cœur joue au grand fou : il frappe contre ma cage thoracique et bat à vive allure. Je ressens une joie étrange qui se mêle à mon angoisse. J’ai l’impression d’avoir attendu ce moment très, très longtemps ; enfin, j’ai une raison pour aller voir Loewy et peut-être pour en apprendre davantage sur… N’importe quoi. Je garde un souvenir vif de notre dernière conversation, vieille de pourtant un an — c’est à ce moment précis que j’ai commencé à distinguer la femme de la Directrice ; que j’ai commencé à éprouver un respect frappant et dérangeant pour l’une des deux, très certainement parce que j’avais et j’ai l’impression qu’elle me ressemble beaucoup et que l'habite la même passion que moi, le même besoin de savoir, de dépasser les limites que l’on veut nous imposer. Cela me dérange beaucoup de penser à elle comme cela. Cette femme est ma directrice, elle m’a exclue du château ; je devrais la détester, la haïr, l’exécrer. Mais je n’y arrive pas.

Seule, j’avance dans les couloirs, laissant les Autres me dépasser sans les voir. Zikomo m’a proposé de m’accompagner mais j’ai refusé ; Nyakane m’a peut-être demandé aussi, je n’en sais rien, j’essaie la plupart du temps de ne pas écouter ce qu’il me dit puisqu’à chaque fois qu’il ouvre le bec me prend la soudaine envie de le faire taire. Je préfère être seule pour aller voir Loewy. Cette affaire ne nous concerne que toutes les deux ; moi et elle.

Mon angoisse prend le dessus sur mon excitation quand j’arrive en vue du bureau et de l’étrange œil qui flotte devant. Je dois m’arrêter quelques mètres avant pour apaiser la course de mon souffle et calmer les battements frénétiques de mon cœur. Je me remémore ce que j’ai découvert la nuit dernière sur l’Ombre de la Mort, la serrure cachée dans le tableau, et me rassure : mes questions sont légitimes et s’il y a bien une personne qui aura les réponses, c’est Loewy. Je n’ai aucune angoisse à avoir, la pire chose qui peut arriver étant un refus de la femme de me répondre — ce n’est pas grave, je saurais l’accepter, *c'est faux*, mais je ne peux pas ne pas essayer.

Sur ces pensées rassurantes, je m’approche de l’œil et me plante devant. Tout à coup, je me sens idiote : la seule fois où je suis allée dans le bureau de Loewy, c’était en compagnie d’Erza et nous nous n’avons rencontré aucune entrave, comme si la directrice savait déjà que allions arriver. Mais aujourd’hui, elle ne sait pas que je veux la voir. Dois-je demander la permission à l’œil de monter ? J’imagine.

« Euuuh…, » dis-je de manière très éloquente avant de m’éclaircir la gorge. Je me demande à qui je dois m’adresser : à l’œil ou à la femme derrière l’œil ? Je décide de faire au moins gênant : « Faut que je parle à Loewy. Miss… Madame Loewy. »

08 déc. 2020, 19:30
La clé des champs  PV 
[Attention, ce post contient des éléments pouvant heurter la sensibilité des lecteurs.]


Aude n'était pas encore rentrée : elle travaillait trop et Kristen se faisait beaucoup de souci pour son état de santé. Son épouse avait maigri, pâlissait, titubait, parfois. En attendant son retour, qui n'aurait pas dû tarder, elle tâchait de s'occuper l'esprit à quelque chose d'encore plus préoccupant : elle décortiquait des articles de journaux internationaux. Disparitions de jeunes Moldues en Europe de l'Est. Frénétiquement, elle entourait toutes formes d'indices qu'elle pouvait trouver dans ces articles. Un corps a été retrouvé : celui de Klara Petrovácz, Moldue âgée de vingt-trois ans. Son corps présentait les traces de sévices magiques, notamment des traces noires autour des yeux. Le corps présente aussi des traces de strangulation et d'autres sévices. L'identification du corps s'est montrée particulièrement difficile : il semblerait que la jeune fille ait subi une étrange métamorphose du visage, déformant celui-ci même après sa mort. La main de Kristen tremblait et le bout de sa plume se brisa. Il était là-bas. Kristen vérifia la date du journal : 20 octobre 2045. Presque un mois. Bordel. Éplucher les articles de ces journaux lui prenait un temps fou, en plus de tout le reste, d'autant que les journaux traitant des actualités internationales de manière objective n'étaient pas faciles à trouver et tous ne s'intéressaient pas aux faits-divers ; et la discrétion était le maître mot d'un évadé de prison. Une chose était pourtant désormais évidente : Baldur était en Europe. La métamorphose, les disparitions, ces sévices... Le doute n'était pas permis. Kristen connaissait sa façon de faire. Owen était-il avec lui ? Elle fouillerait toute l'Europe s'il le fallait. Elle commencerait par interroger les journalistes, mais elle préférait se montrer discrète : Baldur ne devait pas savoir qu'elle disposait du moindre indice. Comment s'y prendre...

En rejetant le journal sur le côté, elle observa sa montre. Sept heures moins le quart. Elle s'impatientait, se languissait d'Aude : il fallait qu'elle lui en parle. En attendant, elle pensa que l'heure devenait raisonnable pour se servir un verre de vin - elle essayait de faire attention pour ne pas s'attirer les foudres de sa compagne. Allez, juste un, elle n'en saurait jamais rien. Kristen glissa une main sous son bureau et attrapa une bouteille, qu'elle remonta à sa vue. Vide. Merde, c'est vrai. Elle la mit de côté et replongea sa main sous la table pour en saisir une autre, et se servit un grand verre de vin. Tandis qu'elle le consommait d'une traite, n'en appréciant même pas le goût, ses yeux ne pouvaient s'empêcher de relire en boucle ces mots cerclés de violet : Klara Petrovácz, traces noires autour des yeux, autres sévices, métamorphose du visage. Son verre vidé, elle l'attrapa par le pied et le serra de toutes ses forces, sans même s'en rendre compte. Puis, dans un élan de colère, elle le tapa contre le bord du bureau et il se brisa si bien qu'un éclat de verre vint transpercer sa joue. Sans un mot, elle l'attrapa entre son index et son pouce et posa le petit bout triangulaire rougi sur son bureau. Elle regarda encore sa montre. Sept heures moins dix. Le temps était long, coincée qu'elle était entre ces nouvelles de meurtres et le retour trop tardif à son goût de son épouse. Elle n'avait plus de verre : elle but au goulot. Elle n'aurait qu'à faire disparaître la bouteille avant qu'Aude n'arrive. Une goutte de sang coulait le nom de sa joue : elle ne la sentait même pas.

Aude. Rentre maintenant. Rentre maintenant. Rentre. Maintenant. Elle avait beau se le répéter mentalement, ses prières ne changeraient rien aux occupations de sa femme. Kristen ferma les yeux et s'imagina ce qu'Aude était en train de faire, en ce moment même. Elle devait marcher dans les couloirs de l'hôpital qu'elle avait fondé, puisant dans ses dernières ressources pour venir au bout de cette journée. Et là, quelqu'un l'interpelait et lui demandait un renseignement, un avis, quelque chose. Kristen détesta cet individu imaginaire qui lui volait sa compagne. Kristen ne pouvait pas être seule. En rouvrant les yeux, elle regarda à nouveau sa montre. Sept heures pile. Elle bascula sa tête en arrière. En fermant à nouveau les yeux, ce n'était plus la vie d'Aude qu'elle voyait : c'était la frénésie de la fin des cours à Poudlard. Des centaines d'élèves heureux d'avoir terminé leur journée, impatients de rejoindre la Grande Salle pour dîner. Ils se régaleraient, riraient, répandraient des rumeurs, se plaindraient de leurs devoirs toujours trop nombreux, maniganceraient pour enfreindre le règlement, et ils ne se douteraient pas qu'au même moment, leur directrice serait en train de finir sa dernière bouteille en savourant autant l'âpreté du vin que la douceur des atrocités qu'elle rêverait de faire subir à Baldur Feuerbach.

Kristen, elle, ne se doutait pas que son programme serait dérangé par une visiteuse. Elle ne vit pas tout de suite qu'Aelle Bristyle se tenait devant son bureau. Depuis combien de temps attendait-elle ? Visiblement, assez longtemps pour juger bon de parler à un œil - un œil n'avait pourtant pas d'oreilles pour entendre. Kristen souffla un grand coup. Pas maintenant... Elle regarda encore sa montre, puis sa bouteille de vin. On lui laissait le luxe de choisir sa compagnie : le raisin ou la raison. Et puis, merde. L'alcool mettrait quelques temps à lui faire penser à autre chose qu'à Baldur : il n'avait pas encore infusé son sang, il n'avait pas encore troublé son cerveau. Elle était tout à fait capable de recevoir Aelle Bristyle. Elle aimait bien sa compagnie - ça faisait longtemps, tiens !

La directrice de Poudlard prit tout de même le soin de planquer ses bouteilles et répara le verre brisé pour le dissimuler sous son bureau, mais elle ne pensa pas à débarrasser le reste. Puis, elle se dirigea vers la porte de son bureau, l'ouvrit et descendit à la rencontre de la jeune fille.

« Aelle. Que puis-je faire pour vous ? »

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08 déc. 2020, 22:22
La clé des champs  PV 
L’attente est assez longue pour que j’en vienne à me poser une question légitime : l’œil peut-il seulement relayer ma voix dans le bureau au-dessus de moi ? À force de piétiner, je commence à me dire que non, ce n’est pas possible, et que je risque de rester planter là un bon moment avant que Loewy ne daigne remarquer ma présence. Cela me déplaît : ça ne colle pas avec ce que j’avais prévu. Je m’étais persuadée que la directrice me ferait rentrer directement dans son bureau. Pourquoi pas, après tout ? Je suis là pour elle, il est normal qu’elle soit là pour moi. Cette entorse à mon plan, que je n’avais même pas conscience d’avoir, attise mon angoisse ; mon cœur rate un battement avant de s’emballer furieusement. *Merde*. Je ne suis pas censé perdre mon calme juste avant d’avoir l’une des conversations les plus importantes de ma vie.

Bien résignée à attendre, je plonge les mains dans mes poches et fixe le mur face à moi, juste derrière l’œil. Des signes d’impatience se font rapidement remarquer ; ma jambe se remet à tressauter et je me mordille les lèvres, comme si cela pouvait faire s’accélérer le temps — ou Loewy, tiens. J’attendrai ici jusqu’à ce qu’elle vienne à moi, même si je dois y passer la nuit, je m’en fais la promesse.

Merlin m'entend ; sûrement préfère-t-il que je passe ma nuit à faire autre chose que perdre mon temps. La porte s’ouvre et tout à coup, Loewy se dresse devant moi. C’est si soudain, si surprenant — et quelque peu effrayant — que j’ouvre la bouche sans qu’aucun son n’en sorte. Tout à coup, je ne suis plus Aelle Bristyle, quinze ans, éminente élève de cinquième année. Non, je ne suis plus qu’une enfant face à une adulte, une grande adulte, sombre, dont la glace du regard me fige sur place. Et dans ma tête ne tourne qu’une phrase en boucle, une phrase qui me perfore et me fait mal : c’est la Directrice qui se trouve face à moi, pas la femme. C’est problématique parce qu’entre les deux, c’est elle que j’aime le moins, c’est elle que je tends à détester et contre laquelle je peux m’agacer si facilement.

Le silence s’étire. Tout dans la phrase qu’elle m’offre débloque : le ton, les mots, le vouvoiement — merde, mais à quoi est-ce que je m’attendais ? Évidemment qu’elle ne va pas être avec moi comme elle était la dernière fois. Pas encore, c’est trop rapide. Mais quand même… J’avais pensé… J’avais espéré qu’elle me sourirait, me tutoierait et me dirait quelque chose comme : « Je suis heureuse de vous voir ! ». Je n’avais pas conscience d’être aussi idiote et naïve — je m’efforce de repousser cette pensée ; ce n’est absolument pas le moment de perdre confiance.

Pendant une fraction de seconde, je panique à l’idée de perdre mes mots. Une fraction de seconde aussi légère que l’air ; elle s’enfuit lorsque mes yeux se posent sur la joue de la femme sur laquelle perle *une goutte de sang ?*. Je n’ai alors plus besoin de penser, de réfléchir. Mes paroles s’échappent d’elles-mêmes de ma bouche.

« Vous saignez. »

C’est une affirmation mais aussi une question. Décidément, rien ne se passe comme je l’avais prévu. Où sont passées mon entrée satisfaisante dans le grand bureau directorial, mon assurance et mes questions pleines de morgue ? Tout cela s’est enfuit en même temps qu’est arrivée Loewy — par sa seule présence, elle rend l’instant plus singulier que jamais. C’est ça le problème avec cette femme... Non, cette directrice : elle est imprévisible.

« Je voulais vous parler…, » continué-je sans attendre sa réponse — je ne suis pas sûre d’en attendre une, à dire vrai. C’est certes ce que je suis en train de faire, lui parler. Je jette un regard derrière Loewy. Je ne suis pas très à l’aise à l’idée de parler ici ; encore une fois, ce n’est pas ce que j’avais prévu. « Vous poser une question. »

Où est passée mon impatience ? Ne reste plus que l’angoisse, dans mon cœur — et comme s’il ne manquait que cela pour réveiller le monstre, s’élèvent dans mon corps de vieilles rancœurs que je pensais enfouies : la colère, le malaise, la honte. Tout cela arrive parce que c’est la directrice devant moi, pas la femme. C’est la directrice, pas la femme ; je ne peux pas me sortir cette idée de la tête.

09 déc. 2020, 00:27
La clé des champs  PV 
Elle se toucha la joue et le bout de ses doigts fut teinté de rouge : en effet, elle saignait. Elle fixa Aelle un instant, pendant ces secondes de silence qui durèrent des heures, sortit sa baguette, la pointa sur son visage et sans qu'elle eut besoin de prononcer le moindre mot, la blessure disparut. Elle se sentit légèrement idiote d'être sortie de son bureau avec cette tâche sur la joue mais n'en laissa rien paraître - quoiqu'elle en voulut un peu à la jeune fille de l'avoir relevée. Kristen aurait voulu se montrer plus affable : la visite d'Aelle l'empêchait d'être seule. Mais en deux mots, vous saignez, Kristen s'était sentie attaquée par cette visiteuse. Cette blessure, Aelle n'en avait aucune idée, était une faille béante. Elle n'était pas en droit d'en relever l'existence. La directrice de Poudlard gonfla ses poumons, bomba le buste pour retrouver contenance : la fierté faisait barrage.

À en juger par ses regards, Aelle voulait monter. Kristen hésita : elle s'était préparée à l'accueillir dans son bureau, avait caché ce qui devait être caché, mais cette remarque avait troublé ses certitudes. Alors, Kristen observa plus longuement la jeune Poufsouffle, le visage effroyablement fermé. Elle pesait le pour et le contre, se rappelant les conversations passées avec l'adolescente, l'intérêt qu'elle éprouvait pour elle, les similitudes qu'elle avait remarquées, la compagnie qu'elle représentait ; et ses égarements, l'image qu'elle tenait à conserver aux yeux d'Aelle. Enfin, elle dit d'une voix désespérément neutre :

« Venez, montez. »

Et elle se retourna, ouvrant silencieusement la marche. En poussant la porte de son bureau, elle vérifia que d'ici, on ne pouvait rien voir de compromettant : ni bouteilles sous le bureau, ni ouvrages interdits négligemment posés sur la table basse. Si l'étagère vitrée contenant ses ouvrages interdits était encore entrouverte, ce détail n'était pas des plus flagrants. Elle lança un regard mauvais au Choixpeau magique, endormi face au mur. Kristen n'aimait pas plus cet observateur indiscret que les portraits des anciens directeurs, tous condamnés dans un placard où il faisait toujours nuit. Cette vérification effectuée, elle s'écarta de la porte et tendit son bras vers l'avant pour laisser Aelle entrer. La directrice la guida vers la table basse et les fauteuils de style baroque.

« Je vous en prie, asseyez-vous. »

Elle choisit elle-même le fauteuil qu'elle occuperait, celui de gauche, qui faisait face au reste de la pièce, pour laisser Aelle s'asseoir dans celui qui offrait une vue plus limitée de la pièce. On ne savait jamais. Elle posa une main sur le dossier, l'autre indiquant le fauteuil jumeau, et attendit, debout, que son invitée s'asseye pour l'accompagner.

« L'heure est tardive, mais désirez-vous boire un thé ? »

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09 déc. 2020, 10:06
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D’un coup de baguette, la blessure disparaît ; c’est comme si elle n’avait jamais existé et son souvenir tend déjà à s’effacer de ma mémoire. Oh, je m’avoue volontiers qu’existe encore en moi une trace de curiosité : d'où provient cette blessure ? Mais le moment n’est pas à ce genre de questions. À vrai dire, le moment ne semble pas à la moindre question. Tandis que la directrice m’observe, je m’efforce de ne pas détourner le regard — c’est une question de fierté, je ne peux pas baisser les yeux. Mais c’est dur. C’est une lutte. Plus elle me regarde, plus le malaise grandit en moi. C’est incroyable, n’est-ce pas, qu’en moins d’une minute en sa présence je me sente déjà aussi déchirée par des émotions ambivalentes. Bordel, la face toute fermée qu’elle me présente me vexe et je ne sais même pas pourquoi.

Finalement, elle m’autorise à entrer dans son bureau. Elle aurait pu me parler du beau ou du mauvais temps qu’elle l’aurait fait sur le même ton. Mais une victoire est une victoire et je marche silencieusement dans son sillage. Je lance un dernier regard derrière moi, comme si j’hésitais. Je m’en détourne néanmoins rapidement. Le comportement de Loewy m’angoisse et m’agace mais il ne fait pas disparaître ma curiosité et mon envie, mon besoin d’avoir des réponses. Au contraire, même, il accentue cette tendance : peu importe à qui je m’adresse de la directrice ou de la femme, je suis bien déterminée à poser mes questions et à repartir plus riche que je ne suis arrivée. Je n’ai pas la prétention de me croire capable de lui arracher le moindre secret, mais j’ai suffisamment confiance en mes propres capacités pour me persuader que je ne repartirais pas les mains vides. C’est peut-être une bêtise de croire ça. Une bien belle bêtise, dans ce cas ; le genre de défi un peu idiot que j’aime relever, ne serait-ce que pour me prouver à moi-même que j’en suis capable.

En entrant dans le bureau, je quitte enfin Loewy des yeux pour balader mon regard sur les murs, le bureau que j’aperçois au loin, les babioles qui pendent au plafond. Sans trop y faire attention, je prends la direction que m’impose la directrice mais ne jette qu’un regard aux deux fauteuils qui nous attendent. Actuellement, ce ne sont pas eux qui m’intéressent mais le nombre impressionnant de livres qui habille les murs et même l’âtre de la cheminée. J’ai un vague sourire en observant cette dernière. Je pensais Loewy trop organisée pour disposer ses livres en piles dans sa cheminée, mais visiblement je me trompais. Je découvre le bureau comme si je le faisais pour la première fois. Quand je suis venue avec Erza, j’avais autre chose à penser qu’observer le moindre recoin de cet endroit. Aujourd’hui, cette découverte apaise légèrement la vague d’émotions qui s’élevait dans mon coeur, même si persiste un vague agacement.

Arrachée à mon observation par la voix, toujours cette voix de Directrice ! de Loewy, je me retourne à contre cœur vers elle. Elle veut que je m’assoie. Dos au reste de la pièce, qui plus est. Je m’avance d’un pas et m’arrête. Certes, mais et le reste ? Je suis déchirée entre mon envie de lui obéir — oh Merlin, j’ai honte d’avoir de telles pensées ! — et mon besoin tout simple de rester celle que je suis. La proposition toute banale de Loewy me permet de faire un choix. C’est si banal, de proposer du thé ! Et c’est si banal de rester moi-même.

« Non. Merci, » rajouté-je avec un temps de retard.

Et je regarde le fauteuil. La table. Loewy. Le fauteuil, la table, Loewy. Je me mordille la lèvre et lentement me détourne en direction de la cheminée. Je ressens une vive curiosité pour cette dernière, et notamment pour les livres qui y sont entreposés. Une vive et sincère curiosité. Mais je n’ignore pas que mon action n’est pas motivée par la seule curiosité. En refusant de m’asseoir, d’aller dans le sens de Loewy, c’est comme si je lui faisais payer son comportement. Elle veut jouer à la directrice ? Et bien moi, je veux jouer mon propre rôle aussi. Enfin, je veux me faire croire que je joue, que je me positionne, mais en fait ce n’est que la vengeance d’une adolescente vexée. Je repousse ces pensées de peur qu’elles ne s’ancrent trop profondément et que je commence à me dire que je suis réellement vexée ; ce qui serait idiot, puisque c’est faux.

Je me dirige donc vers la cheminée. Je peine à le croire mais me voilà devant cette dernière, le visage légèrement penché dans l’espoir de pour décrypter quelques titres. J’ai une conscience tellement grande, tellement forte, tellement écrasante de la femme qui est derrière moi que ma gorge se noue. *Pense pas à elle*, me dis-je et une brusque bouffée de rancœur m’assaille : et dire que je devais être confiante, être souriante, enjouée ! Je me sentais réellement comme cela dans le couloir. Et désormais, je suis bouffée par des émotions complètement idiotes.

Non sans être secouée par un violent sursaut de mon cœur récalcitrant, je jette un regard à la femme, *la directrice*. Je dois sans doute paraître assez à l’aise, ainsi postée face à la cheminée, les mains croisées devant moi et le dos droit. Mais si mes mains sont croisées, c’est pour les empêcher de trembler, et si je suis si droite c’est pour ne pas flancher.

« Ils traitent de quoi ? » soufflé-je en pointant les ouvrages du menton.

Mes mains croisées et la rigidité de mon dos sont tellement parfaits que l’on pourrait me confondre avec une oeuvre d’art ; ma voix vient tout gâcher. Elle est tremblante, un peu faiblarde. Elle ne s’impose pas, elle ne frappe pas. Non, elle se contente de voleter pitoyablement. Je retiens de justesse la grimace qui veut me déformer les traits. Si je dois faire semblant, autant faire semblant jusqu’au bout.

Plus qu’une vengeance, mon comportement est peut-être un défi. La directrice me dira de retourner à ma place, de laisser son bureau en paix et de lui obéir ; la femme, elle, me répondra avec plus ou moins de sincérité, plus ou moins de détails — finalement la réponse n’importe que peu. C'est l'identité de la personne qui l'énonce qui compte.

À demi-tournée vers Loewy, je l’observe avec un calme feint. Mon menton est dressé dans une vaine tentative de ressembler à… À personne, peut-être, je ne sais pas sur qui je calque ce comportement, mais il me fait me sentir un peu plus grande, un peu plus forte — tout ce que je ne suis pas face à Kristen Loewy, en soit.

09 déc. 2020, 11:29
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Kristen attendit un geste qui ne vint pas. Aelle n'était pas décidée à s'asseoir. La directrice avait conscience que la découverte de son bureau attisait la curiosité : on espérait, en l'observant, découvrir des aspects cachés de son identité. Et en effet, la pièce était tout à fait représentative de son occupante : tout, ici, respirait Kristen Loewy. Elle s'assit finalement, laissant à Aelle le plaisir de découvrir quelques éléments de ce décor. Tant qu'elle restait là, ce n'était pas bien grave. Elle n'aurait pas l'idée de se mettre à quatre pattes pour inspecter tous les recoins du bureau directorial, de toute façon.

Les doigts entrelacés sur les genoux, Kristen suivait Aelle du regard, ne s'offusquant pas de sa désobéissance. Elle savait que cette attitude, pour une fille comme Aelle, relevait du choix mûrement réfléchi : une volonté d'être contre les impératifs extérieurs. La bouche pincée, Kristen observa les tranches des livres que l'adolescente inspectait.

« Histoire de la magie orientale. Petits contes du monde. Archives du Pacifique. Confessions d'un enfant de Durmstrang. Intrigues à la Nouvelle-Orléans. Chroniques byzantines. Manigances dans la Toundra... Des ouvrages plus ou moins intéressants sur les différentes magies du monde. J'ai pu tirer quelque chose de chacun d'eux. Pourtant, mon livre de contes est d'origine moldue. »

Elle expira un très léger rire. Vous savez ? Ces souffles amusés à peine audibles.

« Ils ont repris de vieilles histoires sans même savoir qu'ils transmettaient à leurs enfants sans pouvoirs des récits d'expériences de magies parfois fortement controversées. Parfois, il n'y a pas besoin de chercher bien loin : il suffit d'ouvrir les yeux. »

Le Choixpeau avait eu beau ne pas la répartir à Serdaigle, à son plus grand désarroi à l'époque, elle était pourtant capable d'une chose qui n'était pas donnée à tout le monde : elle pouvait se targuer d'avoir lu tous les ouvrages de sa bibliothèque. Non seulement lus, mais étudiés, annotés : chacun de ses livres faisait naître en elle des souvenirs, des sensations, ils créaient en elle un espace en quatre dimensions. Sa connaissance de sa bibliothèque était aussi physique : elle connaissait son organisation comme si elle vivait en elle, dans son espace mental.

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09 déc. 2020, 16:19
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La femme. Je n’en suis pas certaine, mais je crois que c’est elle que je suis en train d’observer m’énumérer les livres que je lui ai désigné. Cette impression persiste et s’affirme quand vient la suite de son discours et je ne peux m’en empêcher : un fin sourire étire mes lèvres. Je le cache aisément en tournant la tête en direction de la cheminée — il n’est pas non plus question de lui laisser croire qu’elle me fait plaisir d’une quelconque manière. L’angoisse qui sourdait dans mon coeur tend à s’apaiser, mais je sens encore l’irrépressible tiraillement de l’agacement. J’ai bien peur, cependant, de devoir m’y faire : Loewy n’est pas une femme devant laquelle on peut se trouver sans ressentir de vive émotions, avec le temps j’ai fini par le comprendre, à défaut de l’accepter.

Je ne m’étonne que légèrement du fait qu’elle ait dans sa bibliothèque un livre moldu. Quand on aime lire et apprendre comme moi, comme elle, on n’est pas très regardant sur l’origine des ouvrages que l’on dévore. Oh, bien sûr, j’ai tendance à privilégier les livres venant de mon monde, mais je n’ai pas d’a priori sur les œuvres rédigées par des moldus. Certaines sont intéressantes, d’autres passionnantes. Et puis ce qu’elle me dit sur Petits contes du monde m’intéresse particulièrement. Je lance un regard envieux à la pile de livres — dans un autre contexte, je ne me serais pas gênée pour me pencher, fouiller et en ressortir le recueil de contes. Je ne suis cependant pas dans une bibliothèque, mais dans le bureau de Kristen Loewy. Si quelqu'un touchait sans me demander mon avis les livres que j’ai dans ma chambre, je lui en voudrais beaucoup. Alors je m’abstiens, mais mon envie est tout de même très forte.

Je lève la tête pour observer le reste de la pièce. La réponse de la femme m’encourage à me sentir un peu plus à mon aise et je me sens désormais presque légitime de m’approcher des autres étagères. Je ne m’éloigne cependant pas beaucoup des deux fauteuils, et par extension de Loewy, dont le regard me brûle. J’ai l’impression que l'équilibre entre elle et moi est très, très fragile. J’ai parfaitement conscience qu’un mot trop froid de sa part fera revenir au premier plan la Directrice et que je me vexerai très rapidement ; tout comme j’ai conscience que Loewy n’est une femme à accepter tout et n’importe quoi, peu importe que nous ayons eu des conversations intéressantes par le passée. Que je l’ouvre un peu trop et j’ai bien peur qu’elle me le fasse regretter — encore cette fichue peur, cette peur vieille de deux ans, celle qui me rappelle toujours que Loewy est encore capable de me renvoyer. Je déteste m'en souvenir.

Je prends une profonde inspiration et fronce les sourcils pour repousser la peur, la crainte, l’angoisse, les questionnements et tout ce qui me passe par la tête alors que ce n’est absolument pas le moment. Cela m’agace un peu d’être si dispersée alors que j’ai enfin l’impression de retrouver la Loewy que *j’apprécie* je supporte. Je me force à retrouver le cours de mes pensées et énonce sur un ton concerné :

« Si vous voulez mon avis, parfois ouvrir les yeux ne suffit pas. »

Je ne peux m’empêcher de faire le lien avec la raison qui m’a poussé à venir jusqu’ici. J’ai passé des heures et des heures à regarder l’Ombre de la Mort ces derniers mois, à l’observer sous tous les angles, mais cela ne m’a jamais permis de voir autre chose que ce qu’il y avait à voir — une toile. Si j’ai découvert la serrure, ce n’est pas seulement en ouvrant les yeux.

« Il vaut mieux fouiller, creuser, aller au fond des choses… Au-delà des choses... que se contenter d’ouvrir les yeux. »

En prononçant le mot au-delà, je croise le regard de la femme. Certes, au-delà des limites. C’était bien mon intention en venant ici. Je n’ai pas envie de me contenter de connaître l’existence de la serrure dans le tableau, je veux savoir ce qu’elle permet d’ouvrir, où se trouve la clé, ce que le tableau cache, pourquoi il le cache. Je veux tout savoir, tout comprendre, décortiquer cette histoire jusqu’à ce qu’il n’en reste pas le moindre mystère.
Dernière modification par Aelle Bristyle le 09 déc. 2020, 22:02, modifié 1 fois.

09 déc. 2020, 21:18
La clé des champs  PV 
Kristen s'enfonça dans son fauteuil, tranquille. Elle essaya d'évaluer l'heure qu'il était, et le temps qui s'était écoulé entre ce moment et son premier verre. Il n'était pas question de se sentir groggy maintenant : la conversation devait la stimuler, mais pas trop. Elle ne devait pas laisser ses mots se laisser emporter par les flots de l'alcool ; surtout qu'Aelle Bristyle faisait partie des rares personnes qui avaient la capacité de l'entraîner dans des conversations plaisantes.

« Certes, fit-elle. »

Elle croisa les bras et les jambes, son pied battant dans le vide, incontrôlable.

« Nous n'avons pas tous la même façon de regarder, dira-t-on. Pour moi, il est évident qu'il existe un rapport entre un personnage qui extrait sa propre mort pour l'enfermer dans un objet et la magie utilisée... »

Elle s'interrompit brutalement. La directrice de Poudlard venait de manquer d'aborder le sujet extrêmement délicat des Horcruxes avec une gamine de quinze ans. Elle essaya de se convaincre que ce n'était pas le pire : après tout, ses contemporains était bien au courant de ce genre de faits, supposait-elle. Harry Potter et Voldemort avaient suffisamment marqué leur époque pour qu'une personne un temps soit peu renseignée ait déjà entendu parler de la chose. Cela étant, elle préféra tout de même revenir à ses Boursoufs :

« Bref... Quelle question voulais-tu me poser ? »

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
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09 déc. 2020, 23:31
La clé des champs  PV 
Mon esprit fourmille de mille pensées en vrac. Elles vont dans tous les sens, se croisent et s’entrecroisent, s’entortillent ; certaines se perdent dans le chaos, d’autres restent en surface, comme si elles étaient trop importantes pour être oubliées, pour être surpassées par les autres. Je suis incapable de savoir exactement quelle pensée me hante pour que j’en sois à ce point étouffée. Dans mon cœur règne une sorte d’impatience, ce qui est assez étonnant. Je pensais, comme à chaque fois que je suis passionnée par quelque chose, ressentir un certain calme. Le calme qui me rend si perspicace, capable de me concentrer, de penser à dix choses différentes, de trouver des réponses peu importe là où elles se cachent. Cependant, la passion qui m’a poussé à venir ici, passion non pas motivée par ma découverte de hier soir mais par une découverte vieille de quatre ans, me stimule tellement que—

En une phrase, Loewy fait taire toutes mes pensées. Je dois avoir l’air un peu surprise. Ma bouche s’ouvre sans qu’aucun son n’en sorte, mes sourcils se froncent brièvement et mes yeux se plissent — je retrouve une face lisse lorsque je m’en rends compte. Cela ne m’empêche pas de considérer la femme avec insistance, non pas pour essayer de comprendre ce qui l’a poussé à me dire ce qu’elle m’a dit, mais pour tenter de déceler ce qui se cache derrière ses mots. Mais il semblerait, ce soir, que Kristen Loewy souhaite me surprendre : sa question me frappe. La question en elle-même ne m'étonne pas, il est évident qu’elle veut me faire oublier ses mots précédents et certainement me recentrer sur l’objet de ma visite. Mais il y a ce petit quelque chose dans sa phrase… Ce petit détail… Si léger, si naturel, instinctif. Si frappant. *Elle m’a tutoyé*. Mon cœur réagit comme le grand idiot qu’il est : il s’emballe furieusement. Un sourire fugace, bêta certainement, un peu naïf, très sincère, trop heureux, m’étire les lèvres. Plus tard, lorsque je repenserai à ce moment, je me trouverai très bête d’avoir souri de la sorte, sans aucune retenue. Mais actuellement, je n’ai qu’une envie, m’écrier : « Je le savais ! ». Je le savais que la femme était là, quelque part — ce tutoiement en est la preuve ultime.

Avec un temps de retard, je baisse la tête sur mes pieds dans une vaine tentative de cacher la coloration de mes joues. Il y a un an, si on m’avait dit que je rougirai bêtement parce que Kristen Loewy m'a tutoyé, j’aurais éclaté de rire. Moi, rougir devant Loewy ? me réjouir pour si peu ! Il n’y a que les idiots pour faire une telle chose ! Les idiots, évidemment.

Ce n’est qu’au moment d’arriver près du fauteuil que je prends conscience que je me suis approchée. Ma visite du bureau est terminée, semble-t-il ; moi-même ne l’avais pas prévu. Je n’hésite qu’une seconde avant de m’asseoir, non sans avoir jeté un petit regard en coin à la femme, toujours ce petit sourire satisfait au coin des lèvres. Ainsi assises l’une en face de l’autre, j’ai l’impression que nous sommes égales. C’est agréable de ressentir cela. Et si la dernière fois, je me faisais le devoir de ne pas oublier la directrice, cette fois-ci je me fais un plaisir de faire comme si elle n’avait jamais existé. Je ne l’aime décidément pas assez pour lui accorder le droit d’existence.

Je me suis persuadée n’avoir aucun plan en tête avant d’arriver là, mais j’ai passé mes nombreuses heures de cours aujourd’hui à imaginer la façon dont je poserai ma question à Loewy. À chaque fois, dans mon esprit, je brillai par la pertinence de ma phrase, le choix parfait de mes mots et ce petit quelque chose qui permet de rendre une simple question si percutante. Sauf que je n’ai jamais réussi à rendre percutant le moindre de mes mots — mes pensées, oui, mes mots, jamais. De toute façon, cela n’a aucune sorte d’importance. Moi, je parle comme je pense ; c’est même une grande fierté, quoi qu’en pense Papa.

« Je voulais vous parler de l’Ombre de la Mort»

Ce n’est certes pas une question. Je me concentre sur le visage de la femme. Ses yeux, le coin de ses lèvres, le mouvement incessant de son pied… Si elle souhaite me cacher quelque chose, cela devrait se voir sur elle, n’est-ce pas ?

« Qu’est-ce que vous savez à son propos ? »

Puisque j’évoque la mort, mon esprit vogue vers les propos précédents qui m’ont été offert. Je prends soin de les sauvegarder dans un coin de mon esprit. Ils me permettront peut-être de tendre à Loewy, quand le moment sera venu, une perche dont j’aimerais qu’elle se saisisse.

10 déc. 2020, 00:19
La clé des champs  PV 
Le mouvement de son pied finit par s'interrompre, au moment même où Aelle prononça les mots : L'Ombre de la Mort. Les lèvres de Kristen s'étirèrent même un peu, ce qui relevait du miracle, ce soir-là. Elle ne regretta pas d'avoir fait entrer Aelle. Le simple fait de sentir ses commissures s'élever en valait le coup.

« Oh. Je ne crois pas que c'est la question que tu voulais me poser. »

Bien sûr, Kristen n'était pas née de la dernière pluie. Elle se doutait que si la jeune Poufsouffle était venue ce soir, entre la fin des cours et le dîner, ce n'était pas pour demander innocemment à sa directrice ce qu'elle savait d'une œuvre d'art. Non, elle en avait percé le secret. Elle avait enfreint le règlement, s'était trouvée devant le tableau à l'heure précise où le mystère des Douze se révélait... Avait-elle trouvé la réponse à l'énigme ? Bien sûr que oui. Aelle ne serait certainement pas venue la trouver pour lui demander la réponse : cela aurait été scandaleux et extrêmement décevant. Comment avait-elle compris ? Kristen avait percé le mystère en trouvant la note écrite par Aidan dans Sorts et Contre-Sorts anciens et oubliés, de la Grèce antique à nos jours, mais cet exemplaire du livre n'était plus trouvable à la bibliothèque ni dans sa réserve : il était là, dans l'une des étagères de ce grand bureau. Impossible donc qu'Aelle soit tombée dessus. Kristen plissa les yeux : l'adolescente n'avait pas pu tromper sa vigilance, la dernière fois qu'elle était venue ici, avec Erza. Alors... était-elle tombée dessus par hasard ? En se baladant de nuit, comme le font certains de ces élèves qui "n'arrivent pas à dormir" ? Sans s'en rendre compte, Kristen lança un regard à son bureau. Dans l'un des tiroirs, il y avait la clé. Elle fit un petit "Mh !" et reporta son attention sur l'adolescente.

Alors qu'elle dévisageait Aelle, s'imaginant le parcours qui avait pu la mener à percer le secret de l'Ombre de la Mort, le temps s'étira, encore et encore. Pas une seconde elle n'envisagea la possibilité de la réprimander pour avoir enfreint les règles de l'école, bien au contraire. Cela n'avait absolument aucune importance à ses yeux.

« Et toi, que sais-tu de l'Ombre de la Mort ? »

Elle se pencha en avant et ouvrit la boîte de dragées surprises qui était posée sur la table. Elle en prit une petite poignée, les inspecta soigneusement et fit deux tas face à elle : d'un côté, ceux qu'elle aimait : pomme, fraise, citron, multifruits, de l'autre, ceux goût crotte de nez, œufs pourris, savon, terre, vomi. Elle saisit une bonne dragée entre l'index et le pouce de sa main droite, dégantée, et la jeta dans sa bouche pendant que ses yeux plissés scrutaient l'adolescente. Elle ne pensait tout de même pas que Kristen allait lui répondre ?

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