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20 août 2019, 13:16
Authentiques Enfants
Il sait et il ne veut pas me dire.
Que sait-il ? Le baiser ? Les promesses ? Une Vérité que je ne connais pas ?
Sait-il si elle serait capable de me faire mal ? Sait-il si elle me ment ? Lui a-t-elle parlé de moi ? Pourquoi ? Pourquoi ?

La rage s’étiole pour laisser place à la peur. Un monstre instable et dangereux qui fait son nid dans mon coeur et qui grandit tout au fond de moi. La peur est pire que la colère ; elle ne va pas m’étouffer, non, elle va me figer. Me laisser tout accepter, tout subir. Je me redresse légèrement, je ne dois pas me laisser bouffer par elle, surtout pas. Je repousse loin de moi les souvenirs de Thalia, je repousse ma crainte, je repousse mon angoisse. Ne doit rester que le gamin qui se tient face à moi avec son air d’idiot. Seulement lui et ses yeux qui me perforent.
Nos regards sont en lutte constante. Parfois, l’un d’eux vrille et l’autre prend le dessus. Mais là, je suis incapable de dire qui Contrôle ; est-ce lui avec ses yeux tremblants ou moi avec la rage qui plisse les miens ?

L’abruti bouge. C’est léger, mais bien là. Il se redresse. Je n’aime pas cela ; je préfèrerais le voir écrasé par la peur. Là, il se redresse et se libère de mon regard. Il se grandit, il fronce les sourcils. Même son regard, celui-là même qui me fouille, change imperceptiblement. Il m’échappe. *Faut que j’le retienne !* Je me penche légèrement, ma main se crispe nerveusement autour de ma baguette.
Et mon coeur, par l’amour de Merlin, mon coeur qui s’affole dans le secret de ma poitrine. C’est l’angoisse qui le fait battre avec tant de force. Non, la rage. Celle que je dois ressentir, je le dois !

Sans prévenir, alors que les deux Entités, celle de la rage et de la peur, s’affrontent en moi, le gamin parle. Son regard me fait mal, son regard me glace : « Essaie, alors, » dit-il et sa voix envahit ma tête.
Je me fige. Non par peur, mais par compréhension : il me défie. Non, rectifié-je, pire que ça : il se fout de moi. Alors, figée par ma propre surprise, je le regarde faire quelques pas en arrière puis se retourner pour quitter la salle.
Arrête-le !
Lance-lui un sort !
Mais je suis incapable de faire quoi que ce soit tant je suis surprise et frustrée. Il s’en va sans me donner de réponse, il s’en va en faisant fi de mes menaces, il s’en va car il n’a pas peur de moi. La porte claque derrière lui et enfin je me réveille.

Je cligne des yeux et me penche pour reprendre mon souffle. Je n’avais pas eu conscience de retenir ma respiration.
Il est parti.
La main qui tient ma baguette tremble terriblement. Je serre mes doigts autour de ma Moitié pour contenir les tremblements.
Sans rien me dire, il est parti.
*C’est n’import’ quoi*, songé-je en faisant quelques pas tremblants vers la porte, comme si j’allais lui courir après. N’importe quoi ; il s’est bien foutu de ma gueule. Un sourire tremblant traverse mes lèvres et ça y est, je le sens grandir au fond de moi : le rire du désespoir, le rire de la nervosité. Le même qui m’a pris face à Thalia ; la coïncidence est trop folle pour ne pas me faire vriller. Je passe une main sur mon visage et sens sous mes doigts les larmes de frustration.
J’essaie de me retenir.
Mais la colère et la frustration sont trop grandes. Plus de peur, plus de crainte, seulement cette colère brûlante et cette frustration piquante. Mon sourire s'agrandit et enfin je ris.

Mon rire est discret, renfermé, coincé à l’intérieur de moi. Il est grinçant et flippant ; dès que j’entends le son, je me tais. Le silence m’enveloppe et je prends conscience que je suis seule dans cette salle de bal, complètement seule, sans avoir pu trouver de réponse à la moindre question ; ni celles concernant Chu-Jung ni celles concernant Thalia.
Et le gamin s’est enfui comme si je n’étais rien. Rien du tout.
La colère déforme mon visage. Elle s'infiltre dans mes veines, elle accentue mes tremblements, elle fait tourbillonner ma magie. Ma respiration s’affole ; en l’espace de quelques secondes, j’en suis réduit à n’être que cela : un animal de colère.

« Espèce… » Ma voix est horrible dans ce silence. « … de sale… » Elle est grave et aussi pâle que mes infructueux essaies d’intimidation. « … petit… »
Les mots se coincent dans ma gorge.
Tout se coince. Entre mes doigts serrés, ma baguette crépite et je suis pourtant incapable de l’utiliser. Ni pour envoyer l’expulso qui me démange contre un mur, ni pour m’encourager à poursuivre le gamin pour lui arracher ses réponses.
Je ne suis capable de rien car cette colère que je ressens est si puissante qu’elle s’étouffe elle-même, comme tout à l’heure. Comme lorsque j’aurais du envoyer mon poing dans la gueule du gamin.

Je plonge mon visage entre mes mains, étouffant un cri qui ne serait de toute manière jamais sorti. Je le déteste, par Merlin, je les déteste ces Autres. Et Thalia, si seulement il n’avait jamais prononcé son prénom.
Les larmes coulent sans prévenir. Des larmes brûlantes qui s’agglutinent dans mes yeux et qui mouillent mes joues.
Je pleure de frustration. Je pleure de tristesse. Je pleure de peur.
Saul. Chu-Jung. Thalia.
Trois idiots qui n’en sont pas.
C’est moi, l’idiote. 

- Fin -

C'est moi qui te remercie, car dans cette Danse tu n'as pas fait que m'émouvoir : tu m'as fait pleurer, tu m'as fait crier de colère et tu m'as fait découvrir une tendresse que je ne pensais pas accessible dans une telle tornade d'émotions. 
Je te dis à bientôt, car je ne tiendrais pas longtemps sans partager quelques mots avec toi.