La fillette prit le temps de réfléchir aux paroles de l'adulte. La puissance ne faisait pas tout de toute évidence pourtant Autumn ne voyait pas vraiment d'autres alternatives du haut de ses onze petites années d’existence. Elle reprit la parole après avoir haussé brièvement les épaules.

" Vous savez, les gens comme moi, peut importe la voie qu'ils trouvent j'ai l'impression qu'ils seront jamais les bienvenus. A part être forte je ne vois pas trop d'autre manière de trouver une place... "

La fillette soupira. Elle était peut-être un peu défaitiste oui, mais elle avait très bien compris que ses origines ne cesseraient pas de la suivre en sortant de Poudlard. C'était comme une étiquette qui était collée sur son front et qui l'obligeait à devoir justifier sa présence parmi les sorciers. Et pour une enfant, c'était une étiquette très dure à porter. Ne voulant pas abandonner son idée, Autumn renchérit.

" Même si vous dites que vous êtes pas très forte je vous crois pas. Vous êtes une adulte. Vous connaissez forcément des sortilèges un peu durs... Je suis sûre que je pourrai apprendre un ou deux sortilèges qu'on apprend pas en première année! Je travaillerais dur! S'il vous plait! Comme ça, je pourrai me défendre si jamais on s'en prend encore à moi..."

Autumn ne se le cachait pas, elle essayait d'amadouer un peu la femme qui se tenait devant elle. Bien sûr la demande partait d'une véritable envie. Bien sûr que cela lui servirait si elle retombait sur Carry ou sur n'importe quelle autre personne qui lui voulait du mal. Pourtant devant le premier refus de Mrs Taylor, la fillette avait inconsciemment tenté la tactique émotionnelle. Après tout, elle avait l'air si froide d'un premier abord et pourtant elle avait rit juste avant. Ça voulait forcément dire qu'elle n'était pas complètement opposée à l'idée! Et d'ailleurs... Elle n'avait pas vraiment dit "non", juste qu'elle n'était peut être pas la bonne personne pour cela. Autumn avait encore une petite lueur d'espoir.

Sincèrement désolée pour ce très long temps de réponse...

Si Joanne devait bien admettre quelque chose sur la petite sorcière, c’est que malgré son jeune âge, elle avait compris que, quoiqu’elle fasse, il était probable qu’elle ait toujours des difficultés d’intégration. Cela fit mal au cœur de l’enseignante. Car au fond, elle le savait : elle avait raison. Mais c’était hors de question qu’elle l’admette à la jeune fille. Si cette dernière se refusait à vivre cela comme une évidence, cela ne tenait qu’à elle de faire changer les choses, de faire bouger les lignes et les limites qui s’offraient à elle.

Le pire, c’était les yeux pleins d’espoir que la petite sorcière adressait à son aînée. Comment Joanne aurait-elle pu lui expliquer qu’elle n’était qu’un être faible et fragile, destinée à se faire marcher dessus inlassablement ? Un sourire fatigué prit place sur son visage, elle aurait aimé dire à la jeune fille qu’elle n’avait rien à lui offrir, mais quelle désillusion cruelle cela serait-il pour la jeune fille ? Joanne était certaine qu’alors, son discours qui datait de quelques minutes auparavant n’aurait plus la même saveur. Alors, elle tenta, sans doute maladroitement, d’indiquer à la jeune fille qu’il y avait d’autres manières d’apprentissage et que surtout, il fallait parfois attendre d’être en âge d’apprendre pour certains sortilèges.

« Vous savez Miss, parfois, il faut être en âge et en capacité d’apprendre pour pouvoir faire certains choses. A chaque âge suffit sa peine. Véritablement. Prenez le temps, vous verrez que vous en sortirez grandie ». Joanne n’était pas franchement sûre de ce qu’elle disait mais il lui semblait pourtant que cela trouvait un fond de vérité : il y avait un âge pour toute chose et il fallait bien que la jeune fille prenne conscience que ce n’était pas en brûlant les étapes que sa vie allait s’améliorer. De ça, Joanne était certaine.

La jeune sorcière sembla perdre son sourire et un instant, Joanne se demanda si elle n’allait pas avoir une petite crise d’hystérie dont certains adolescents semblaient avoir l’habitude. Pourtant, ce fut le silence qui accueillit les propos de la trentenaire ainsi qu’un hochement de tête qui semblait étonnamment compréhensif. Se pouvait-il que les élèves de l’école montrent un semblant de jugeote ? Il fallait croire que oui et cela plaisait à l’enseignante, sans nul doute.

Alors quand, en plus, la jeune fille se fendait d’une compréhension sans pareille, indiquant qu’elle allait redoubler d’effort pour cette année, Joanne ne put s’empêcher de sourire. Un sourire sincère et satisfait. L’enseignante n’avait toutefois rien à répondre, elle se contenta d’un vague hochement de tête elle aussi. Après tout, parfois, il n’y avait pas besoin de mot pour se faire comprendre.

Mais voilà que la fillette désarçonna l’enseignante d’une manière bien peu prévisible. Elle évoqua une quelconque difficulté – que Joanne pensait bien camoufler – et pire encore, elle espérait que ça aille bien pour elle. Le visage de Joanne s’éclaira d’un nouveau sourire. « Voilà qui est bien étonnant. Une élève qui se soucie de son professeur, cela me touche Miss Fawkes, mais vous n’avez pas à vous en faire pour moi ». C’était plutôt l’inverse d’ailleurs. Joanne ajouta donc rapidement « C’est plutôt à vos enseignants de se soucier des têtes blondes qui naviguent dans l’école, croyez-moi ». Elle lui adressa un clin d’œil complice mais ne put s’empêcher de penser que la petite sorcière avait un incroyable esprit de remarque.

Joanne était certaine qu’elle était assez forte pour cacher son désarroi, mais à force de se cacher derrière un visage froid, n’attirait-elle pas au contraire les remarques et les regards ? Il fallait qu’elle se pose les bonnes questions car si une enfant était capable de lire entre les lignes comme venait de le faire la jeune Poufsouffle, que pouvaient bien penser les collègues de l’enseignante ? Sans attendre la réponse de la jeune fille, Joanne se leva et sortit de la grande salle, non sans se départir de son sourire.