Enfin le week-end ! La semaine difficile était passée, elle pouvait maintenant profiter. Pour Elvire, toutes les semaines l'étaient, difficiles. En ce moment, et cela durait à présent, elle avait beaucoup de mal en cours. Elle n'abandonnait pas, elle faisait des efforts mais sa magie avait du mal à s'épanouir et elle n'était pas la plus studieuse des élèves. Elle peinait beaucoup à atteindre la moyenne d'Acceptable et n'y arrivait, globalement, pas beaucoup.
Enfin, laissons les tracas scolaires pour la prochaine fois. Comme tous les samedis, elle avait dormi longtemps pour se remettre de tous ces réveils laborieux qu'elle venait d'endurer. Puis, pour poursuivre le rituel, elle était sortie dans le parc avec quelques-unes de ses camarades de Serpentard. Mais devinez ce qu'ont fait ces rabat-joie ? Elles ont amené leurs devoirs avec elle ! Quelle idée ! Le rôle d'un week-end était justement d'affirmer que la semaine était terminée ! Les devoirs, le travail, les révisions, c'était pour plus tard ! Elvire, elle l'avait décidé, ne bûcherait certainement pas. Elle voulait profiter.

Elle était assise à côté des travailleuses qui s'interrogeaient sur des leçons. La blonde n'intervint pas, par honte finalement de ne rien savoir. De n'avoir aucune réponse. Elle les ignorait de son mieux, faisant comme si elle était absorbée par la beauté du lac devant elles, quand elle entendit quelque chose qui l'intrigua.
L'une de ses camarades de première année évoqua une notion des Soins aux Créatures Magiques. Elvire ne connaissait pas trop cette matière, mais elle ne put s'empêcher d'intervenir.
"Tu bosses les Créatures Magiques ? Pourquoi faire ? On n'a pas assez de boulot déjà ?"
La jeune fille était sincèrement étonnée. Pourquoi s'infliger une torture pareille ? Il n'avait pas assez de devoirs ? Pas assez de révisions avec leurs propres cours ?
Sa camarade lui rétorqua qu'elle voulait prendre de l'avance pour les prochaines années et qu'elle aimait beaucoup les animaux.
Il était vrai qu'à part les chats, Elvire n'avait jamais trop approché de bestioles poilues, plumées ou écaillées. Les animaux, ce n'était pas son truc. Mais même ! Par exemple, elle adorait la Botanique et n'avait pourtant pas encore révisé quoi que ce soit pour les prochaines années dans cette matière. Elles se prenaient pour des Serdaigles ou des Poufsouffles ?

Du coup, Elvire dut subir, en plus des discussions des autres sur les Potions, ce bavardage inutile selon elle sur les créatures magiques. Un avant-goût de ses futures leçons. Elle en vint à la conclusion que ça ne donnait pas envie.
On lui demanda alors ce qu'elle connaissait déjà sur les créatures, elle. Les filles de Serpentard voulaient savoir où elles se situaient déjà, si leurs connaissances étaient approfondies ou non. La réponse concernant Elvire leur arriverait vite.
"Heu, bah, pas grand-chose. Je sais juste que que le vivet doré, là, bah c'est un nom trompeur parce que, justement, il n'est pas doré."
Il y eut un moment de flottement et les amies d'Elvire explosèrent de rire. Cette dernière ne comprit pas, sûrement que cette anecdote sur les origines étymologiques du nom de l'oiseau était drôle. C'est vrai, ça l'était. Elvire sourit. On lui demanda ensuite si, d'ailleurs, il n'avait pas un rapport avec le Quidditch ? La jeune fille, sûre d'elle, opina du chef.
"Oui, bien sûr ! Ca me revient ! Il remplaçait les cognards avant !"
Nouveaux éclats de rire dans l'assemblée. C'est vrai que c'était drôle d'imaginer ces piafs en train d'être frappés par des battes ! Les ancêtres sorciers étaient barbares. Et si Elvire se permit d'en rire en accompagnant les autres, c'est bien parce que cette époque était révolue. Rappelons tout de même que même si la demoiselle n'était pas passionnée par les animaux, elle ne mangeait pas de viande.

Les filles de Serpentard semblaient très intéressées par ce qu'Elvire disait. Cette dernière s'en sentit flattée. Sûrement avait-elle plus de connaissances que ce qu'elle pensait, finalement ! On lui demanda maintenant si elle pouvait dire ce qu'elle savait des occamys. Elvire s'éclaircit la gorge, prête à faire partager sa science.
"Vous connaissez pas ce dragon ? Il sert souvent de moyen de transport et il est très grand ! D'ailleurs, il aime beaucoup piquer les pièces d'or et les bijoux. Je crois que c'est déconseillé d'en porter quand on monte avec lui pour aller quelque part. Donc faut pas l'utiliser pour sortir en soirée j'pense !"
Et les filles rirent de plus belle. Elvire, fière d'elle et des réactions qu'avait provoquée sa petit blague sur les soirées, se tourna vers le lac, attendant d'autres questions.

Généralement la samedi matin, Ennis se trouvait au choix soit à la bibliothèque avec Clément pour etudier, soit elle était avec Jeffrey pour travailler, soit en entraînement de Quidditch, soit en match de Quidditch, soit elle faisait un ronde comme le lui demandait son post de préfète de la maison Gryffondor. Mais en cette mâtinée rien de tout ça. Pour une fois, elle avait choisi de venir profiter de l'air encore frais de premier samedi du mois de mai. Elle marchait un peu au hasard dans le parc, ses pieds foulant l'herbe encore humide de la rosee écossaise. Elle serait rendue jusqu'à l'embarcadère puis avai longé la rive vers le nord. Le Saule Cogneur s'était agité à son approche, mais comme elle n'avait pas cherché à se glisser contre ses racines, le vieil arbre ne s'était pas plus agacé. Elle était même certaine qu'il avait cessé de remuer ses branches quand elle s'était éloignée. Elle laissa le hasard - s'il existait vraiment - la guider. Elle passa ainsi à proximité de la Cabane de ce vénérable Hagrid. Il n'y avait personne, ni le vieux garde chasse, ni son apprenti Samuel. Puis, elle quitta les bords du lac pour rejoindre ce qui était maintenant le centre de l'île, le pied de l'arbre protecteur dans lequel nichait un magnifique paon. Sur place, elle effleurant le tronc. De ce dernier émana toute la force que les enfants avait mis dans leurs sortilege à l'époque ou il avait été planté. Le directeur de l'école brésilienne avait catalysé leurs sortilèges pour ériger en un temps record cet arbre immense. Quelque chose de fou, par tous ses aspects. Quand sa paume relacha le contact - furtif - avec l'écorce, elle laissa planer son regard sur le parc. Elle distingua proche d'une rive tout un petit groupe de fille. De loin, il ne semblait pas y avoir d'histoire, alors elle poursuivit ses déambulations selon l'humeur de ses pieds. Mais force était de constater qu'elle s'était approché du groupe. Elle put ainsi se rendre compte qu'il s'agissait essentiellement de pré-adolescentes. Certaines - pas toutes - portaient une robe au couleur de Serpentard. D'autres, comme Ennis, avait fait le choix de ne porter aucune pièce de leur uniforme scolaire. De ses vêtements on ne voyait que sa robe chaude bleu sombre, ses collants noirs en laine fine et ses chaussures de ville. Même son insigne de préfète était dissimulé. Mais malgré tout plus des trois quart des élèves savaient très bien la reconnaître. Au choix, préfète de Gryffondor, joueuse de Quidditch ou encore petite-ami de Jeffrey Hunter... il y avait le choix... La seule chose qui les accordait tous était de dire qu'elle était distante, froide, rarement avenante. Une partie non négligeable se demandait même comment elle avait pu être nommée préfète puisque les autres ne semblaient pas vraiment l'intéresser. Elle avait même entendu au détour d'un couloir deux filles, plus jeunes, se questionner sur ce que son petit-copain pouvait bien lui trouver. La moutardes lui était monté au nez et elle avait tourné les talons. De quoi on se mêlait au juste?

Dans ce petit groupe, plusieurs fillettes travaillaient, d'autres discutaient. Rien de si extraordinaire. Mais une d'entre elle avait le regard perdu vers l'étendue d'eau. Plongée dans ses pensées, comme la châtain. Puis elle se mit à intervenir provoquant le rire sans l'assemblée. Ennis n'avait pas tout entendu, aussi, elle s'avança subtilement, restant aux yeux des autres une simple étudiante qui se baladait. En s'approchant elle put faire deux constats. Encore aujourd'hui certaines élèves des années inférieures étaient aussi grandes qu'elle et celle qu'elle avait repéré disait un nombre incalculable de bêtises sur les créatures magiques. Soit elle le faisait exprès pour amuser ses copines, soit elle n'y connaissait rien. Et a voir l'air moqueur de certaines, elle penchait pour le deuxième option. Quoiqu'il n'était pas dur pour quelqu'un d'intelligent de se faire passer pour un idiot. Confondre cognard et vif? Arrivés en mai, même les nés moldus étaient en mesure de dire que le vivet était la créature à l'origine de vif d'or puis des viffets. Elle était certaine que ça avait été évoqué dans les cours de vol.

Le parc se remplissait tranquillement. Les élèves devaient se réveiller petit à petit ! Elvire riait toujours avec ses amies. Jusqu'à maintenant, elle avait ignoré à quel point les créatures magiques pouvaient être drôles ! Mais finalement, maintenant qu'elle en avait parlé un peu, c'est vrai qu'elles l'étaient avec leur nom étrange et leurs attitudes bizarres !
Une autre Serpentard, qui s'essuyait des larmes de rire, renchérit avec une nouvelle question à destination de la jeune Carter.
Où vivait le magyar à pointes ? Quelle question ! Elvire répondit sans attendre :
"Tout au fond du lac, bien sûr !"
Les rires qui retentirent furent les mêmes que précédemment. Et là, la première année tiqua. Il n'y avait rien de drôle dans cette réponse, ni autour de cet animal. En réfléchissant deux minutes, au milieu de ces dindes qui se roulaient presque par terre, Elvire réalisa qu'elle avait dit n'importe quoi ! Un magyar à pointes était un dragon ! Son petit frère adorait cette créature ! Elle aurait dû s'en rappeler tout de suite.

Tout devint alors clair.
Ces filles ne riaient pas avec Elvire, elles riaient d'elle. Peut-être que... Oui, en fait... Depuis tout à l'heure, disait-elle n'importe quoi ? Non, quand même pas... Et pourtant...
Elvire passa en revue tous ces visages rouges, ces grands sourires, ces larmes qui coulaient et ces bras qui serraient des ventres qui convulsaient. En fait, si. Aucun doute. Elles se moquaient d'elle.

La petite blonde n'avait aucun répondant. Et sa gorge s'était serrée si vite qu'elle n'aurait rien pu dire même si elle l'avait voulu. Cette scène de moquerie dont elle avait maintenant la pleine conscience lui rappela les mauvais moments qu'elle avait déjà vécus. Pas à l'école moldue ou encore moins ici, à Poudlard, au début de l'année mais dans sa famille. Ses deux cousines, Lana et Iseult, se moquaient souvent d'elle. Sur tout et n'importe quoi, son physique, sa façon de parler (qui n'avait rien d'extraordinaire), son manque de confiance... Ces deux pestes n'avaient aucune pitié et transformaient n'importe lequel de ses repas de famille en vrai cauchemar. Le pire était qu'elles étaient ici même, à Poudlard. Heureusement pour la petite Serpy, elles n'étaient pas dans sa Maison. Iseult était en 6e année à Gryffondor et Lana, en 4e année à Poufsouffle. Cela rendait les chances de les croiser moins grandes, même si elles étaient quand même là.

Elvire fit donc face à des souvenirs peu agréables provoqués par cette terrible situation. Alors, faute de dire ce qu'elle pensait à ses "amies", elle se leva et s'éloigna. Ses yeux aussi étaient plein de larmes, mais pas des mêmes que celles qu'elle avait vues face à elle. Elle, elle était triste, honteuse, humiliée, dégoutée.
Quand elle s'éloigna, pour se rapprocher encore plus du lac, pour entendre davantage le bruit des cailloux qu'elle jeta dans l'eau que les rires des hyènes, personne ne vint la rattraper et s'excuser. Ce n'était pas qu'elle s'y attendait, mais juste que cela aurait été une belle surprise.

Alors la première année se mit assise là, devant l'eau. Elle fit de son mieux pour ne pas éclater en sanglots. Pour se raisonner. Allez, ce n'était pas bien grave. C'était juste un petit moment de moquerie. Tu ne vas pas pleurer pour ça ! ça ira mieux ce soir, tout le monde aura oublié. Et puis, ça t'apprendra à parler sans réfléchir et à vouloir te mettre en avant ! Tu seras plus prudente la prochaine fois, c'est une bonne leçon !
Elle luttait contre son envie de fuir vers son dortoir pour aller pleurer sous la couette, mais elle n'en fit rien. Pour elle-même, elle resta dehors. Elle était venue ici dans l'envie de profiter de l'extérieur, du temps agréable, de la beauté du parc. Ce n'était pas quelques pestes qui allaient l'en empêcher !
Elle enlaça ses jambes et inspira profondément pour se calmer, pour accepter sa tristesse et se concentrer sur autre chose que ce qu'il venait de se passer. Elle préférait une après-midi seule ainsi qu'avec un groupe de méchantes adolescentes.

La fillette devait le faire exprès. Ennis ne trouvait pas d'autres explications à son debit impressionnant en imprécisions, approximations et autres confusions. Ah si, un philtre de confusion justement. Ça avait cet effet de s'emmêler les baguettes. Sauf que... sauf que quelque chose clochait et que la suite des événements n'allaient dans le sens d'aucune de ces deux hypothèses. Ces rires, cette fuite, ces chuchotements, ce recroquevillement... il n'y avait pas besoin d'être un médicinale spécialisé dans les troubles de l'esprit pour se rendre compte que ce n'était ni fait exprès, ni le fruit d'une emprise de sortilège ou autre breuvage magique. Du tout. Ennis n'aimait pas ces situations où elles n'avaient pas envie de s'en mêler mais ou en même temps, son rôle de préfète le lui imposait. Si elle avait été moins mâture ou moins bien éduquée, elle aurait certainement soupiré puis agit en trainant les pieds. Mais ça manquait cruellement de classe d'agir ainsi. Et puis ce n'était pas son style. Elle lança plutôt un regard désabusé mais discret vers le groupe de fille qui gloussait et s'esclaffait plus loin et entreprit plutôt de reprendre sa déambulation qu'elle calcula pour arriver non loin de la fillette qu'elle avait repérée. N'ayant pas vraiment envie de s'asseoir sur le sol encore frais d'un samedi matin en ce début du cinquième mois de l'année. Elle laissa son regard se perdre en direction du lac. Le soleil qui se réfléchissait sur sa surface inhabituellement lisse lui fit froncer les sourcils et plisser les paupières, diminuant ainsi le flux de lumière qui traversait ses pupilles pour parvenir à ses rétines. Heureusement que l'arbre gigantesque faisait de l'ombre, sinon, qu'est ce que ça serait? Malgré son éblouissement, elle continua d'observer relativement droit devant elle. Elle laissait filer les pensées. Parfois, quand l'une d'entre elle lui paraissait importante, elle la rattachant à un souvenir et la modelait pour la ranger dans son crane peuplé de runes scandinaves et autres graphies oubliées. Elle organisait ainsi sa mémoire, c'était plus facile pour elle. Et puis, c'était en lien avec le peu qu'elle avait pu trouver à propos de l'occlumencie. Ranger sa tête. Alors ce qui avait été à la base qu'une simple méthode d'auto gestion de ses sentiments était devenu une façon de faire. Elle le mettait en place des qu'elle avait un peu de temps et de tranquillité. Mais c'était un processus assez long et plutôt fatiguant car il demandait beaucoup de concentration. C'est donc à l'issue de la création d'un 'psi' assez volumineux qu'elle relâcha sa concentration comme son regard. Ce dernier devra sans crier gare vers la première année qui n'avait pas bouger elle non plus. Et qui regardait la vaste étendue d'eau calme fixement:

- "Reposant n'est ce pas?" Lui dit Ennis suffisamment fort pour qu'elle l'entende mais d'une voix calme, neutre, posée, avec assez peu d'intonation. Elle n'était pas de celles qui mettaient des fioritures dans son langage verbal ou non verbal. Elle en paraissait distante elle le savait. Et elle ajoutait à cela des répliques parfois cinglantes... tout ce qu'il fallait pour ne pas être nommée préfète. A priori. Mais puisque son directeur de maison avait jugé l'exact contraire... Elle détourna à nouveau le regard et le laissa se perdre sur la rive opposée. Elle ne savait pas si l'autre fille allait lui répondre. D'ailleurs, pour être entièrement honnête, elle s'en fichait un peu. Même si ne pas répondre serait impoli, l'irlandaise était appris à différencier les interactions sociales mondaines et scolaires et donc à faire la part des choses. Surtout qu'elle avait été élevée dans un monde bien différent de celui de la grande majorité des élèves de cette école. Un monde plus proche de celui des sangs-purs que de celui des gens ouverts d'esprits. Ellebpouvait remercier sa mère pour ça. Et son père pour lui tenir tête dans sa lubie bien ancrée de daire de la famille O'Belt des sans-purs du Conseil des Sorciers. Quest e quelle et ses frères pourraient bien faire d'un tel héritage?

Les premiers moments de solitude firent du bien à Elvire, même si elle n'arrivait pas à effacer de son esprit les rires narquois, la manipulation, les moqueries sournoises et méchantes des filles avec qui elle pensait passer un bon moment en toute confiance et en toute amitié. Et dire qu'elle devrait les croiser à nouveau le soir venu, dans les dortoirs, dans sa salle commune ! Un cauchemar... Comment ferait-elle pour retrouver la face après toutes les stupidités qu'elle venait de dire et après s'être fait humilier à ce point ? La tâche semblait impossible.

Et cette boule dans sa gorge qui n'en finissait pas de grossir ! Ce que c'était agaçant ! Ce mal se nourrissait de l'amertume et de la tristesse qui venait de s'abattre sur la propriétaire de la gorge douloureuse. Elvire avait été humiliée. La honte entraîne la tristesse qui entraîne la haine qui entraîne une envie de vengeance qui entraîne une frustration qui entraîne, bah, un bon gros mal de gorge. Il était fréquent, ce mal-là, chez la petite blonde. Celui qui mettait du barbelé dans son œsophage et mouillait ses yeux. Elle ne le connaissait que trop bien et savait donc, heureusement, comment le calmer. Il fallait s'éloigner et souffler, se concentrer sur autre chose, laisser la colère retomber. Elle se rappellerait toujours de ce noël, il y a deux ou trois ans, où ses cousines avaient été plus insupportables encore que d'habitude. Plutôt que d'essayer de les frapper de façon ridicule comme Elvire l'avait toujours fait, elle avait décidé de s'éloigner d'elle, de s'installer au bout de la table et de se concentrer sur la bande-dessinée qu'elle avait reçue. Et ça avait marché sur sa colère, ça l'avait calmée ! Depuis, elle s'employait à appliquer cette méthode chaque fois qu'elle voyait rouge.

Mais la chose n'était pas aisée. Le savoir n'était pas ici synonyme de facilité. Il fallait se calmer. Point positif : elle était en pleine nature et c'était là qu'Elvire se sentait le mieux. Il faisait beau, bon, elle sentait les rayons du soleil sur sa peau et le vent soulever ses cheveux. Alors, les yeux confrontant la brillance du lac, elle inspira profondément. Les images terribles des diverses vengeances qu'elle pourrait infliger à ses bully furent bientôt remplacées par des révisions. Des révisions de Botanique. Si la Serpy était une bille en Soin aux Créatures Magiques pour le moment, elle s'améliorait de jour en jour en Botanique et avait découvert que réciter ou remémorer ses cours l'apaisait beaucoup.

Elle en était à se rappeler de la petite bouille d'une mandragore quand elle entendit quelque chose. Encore ces pestes ? Elle se retourna pour les affronter quand elle vit une grande Gryffondor brune qu'elle ne connaissait pas.
"Reposant, n'est-ce pas ?" Avait-elle dit derrière elle.
"Bof." Avait répondu la méfiante Elvire du tac au tac.
Elle s'en voulut instantanément d'être comme ça. Cette fille avait peut-être un truc à lui dire ou même si ce n'était pas le cas, un peu de conversation cordiale ne faisait jamais de mal. Ou alors encore peut-être venait-elle elle aussi se moquer d'elle ? Peut-être l'avait-elle entendue déblatérer toutes ces stupidités tout à l'heure ?
Si c'était le cas, la blonde n'était plus à ça près, mais n'était pas prête à se laisser faire à nouveau. Ses cousines l'avaient assez entraînée à se défendre.
Elvire n'avait plus tellement mal à la gorge et s'en voulut d'avoir ainsi critiqué la belle Gaïa. Donc elle reprit la parole.
"Oui, nan, j'sais pas pourquoi j'ai dit ça. J'suis nulle. C'est super beau, oui."

Si la petite blonde avait fait son mea culpa, elle ne comprenait toujours pas pourquoi une grande venait s'intéresser à elle ? Non, vraiment, elle n'en avait aucune idée. Néanmoins, la première année y vit une opportunité qu'elle s'empressa de saisir. Cette grande fille aurait peut-être de quoi régler son problème actuel, si elle le voulait bien.
"T'es en quelle année ?" Lui demanda-t-elle en se retournant vers elle, la main sur le front pour faire barrage au soleil.

La réponse était venue très rapidement, presque du tac au tac, de la part de la jeune Serpentard. Assez surprise par la tournure de ce 'bof' lâché comme avec dédain. Certes cette fillette venait de vivre quelque chose que beaucoup qualifieraient de 'pas cool' et qu'elle même définira comme 'déplaisant'... mais tout de même, la préfète estimait avoir eu un abord plutôt avenant, surtout pour elle. Alors elle n'avait pas bien compris. Elle avait même hausse le sourcil gauche. Un signe d'incompréhension lors de situations sociales. C'était même Clément qui le lui avait fait remarqué et elle prenait garde à maîtriser ce mouvement musculaire totalement involontaire. Il était apparu récemment, certainement au contact de ses camarades de Poudlard. Alors elle le baissa rapidement pour reprendre son expression la plus neutre possible.

'Être nulle' un jugement bien dépréciateur. Mais qui ne se fustigeait jamais? Certainement pas elle. Quoiqu'elle avait appris à ne plus le faire parce qu'enfin elle avait compris que tout n'était pas sa faute dans sa relation compliquée avec sa mère.

'Beau', Ennis avait parlé du caractère reposant du lac et des légers mouvements de l'eau ainsi que des rares et discrets clapotis. Parlait elle une langue différente? Oui elle avait un accent prononcé, à couper au diffindo, mais quand même. Sa maîtrise de l'anglais était parfaite, comme pour de nombreux irlandais. Mais la verte et argent avait raison. L'endroit était assez beau. Il avait son charme, ou ses couleurs bien à lui. Et en cette mi-journée de mai, les éclats du soleil qui parvenaient à passer au travers de l'arbre au Paon Noir se reflétaient sur l'eau. L'ombre des feuilles créant un décor fenêtré contrastant sur la surface calme que personne ne brisait. Ni pas une tentative de ricochets, ni pas un soubresaut de tentacule géante. Oui, c'était beau.

- "En quatrième." Répondit distraitement l'irlandaise au cheveux châtains en regardant dans la direction de la fille. Mais son regard était lointain, toujours porté sur la vaste étendue qui entourait maintenant leur école pour en faire une île. Elle ne cherchait rien de particulier mais semblait avoir calqué sa respiration sur le mouvement régulier du feuillage. Apaisement qu'elle avait recherché plus tôt. Sauf que maintenant qu'elle avait engagé la discussion elle ne pouvait plus continuer. Pourquoi l'avait-elle fait déjà? Ah! Oui! Ce fameux groupe de greluches moqueuses des élucubrations de celle qui se tenait juste en face d'elle à ce moment précis. Elle arracha son regard à sa contemplation pour le poser sur la fillette. Elle put ainsi constater que dans son dos, le soleil avait toute de quoi se faufiler au point de gêner la vue. Elle fit donc quelques pas en avant de manière à se placer juste à côté de la Serpentard. Elle laissa un peu de silence entre elles deux. Elle ne le trouvait pas gênant mais après une ou deux minutes elle posa une question, tout en reportant ses prunelles sur le lac et le paysage au delà:

- "Tu étais venue avec des amies?" Le ton employée par l'adolescente de quinze ans pour prononcer le mot 'amies' était particulièrement ironique. Elle espérait donc que la jeune fille comprendrait qu'elle ne pensait pas vraiment que ce qualificatif soit approprié pour la bande de fille avec qui elle se trouvait peu de temps auparavant. Mais elle ne voyait pas vraiment quoi dire de différent à propos des vertes et argents. Après tout, la fillette était venue avec elle et au départ, Ennis aurait parié qu'elle faisait juste en sorte d'abuser la galerie, faisant fi de savoir si ce qu'elle racontait était juste ou bien un ramassie d'âneries. Alors, oui, 'amies' avait été le terme qui lui avait semblé le plus correct. La préfète tourna de nouveau la tête vers elle avait une expression troublante de neutralité. Mais les autres devaient apprendre très vite à composer avec ce visage puisque c'était celui qu'elle offrait le plus souvent, pour plus d'expressions, il fallait soit la surprendre dans un moment de faiblesse, soit être bien plus proche d'elle.