Le mur de pierre était froid. Isaac tentait tant bien que mal de se réchauffer pour éviter de frissonner. Son cœur battait à toute allure, aujourd'hui il allait le faire, il allait se venger. Elle devait payer pour ce qu'elle avait fait. Elle l'avait humilié devant tout Serpentard, elle avait attiré l'attention sur lui uniquement pour l'envoyer au fond des abysses de la honte. Il avait passé la nuit suivant la soirée à s'empêcher de renifler pour éviter d'en rajouter une couche sur le gros tas d’embrassement, et ce alors qu'il avait 15 ans. 15 ans ! Il n'était plus un gosse pour chialer à la moindre occasion comme ça.

Il ne savait pas encore ce qu'il allait lui faire, mais le serpentard s'était assis dans un couloir en attendant de la voir passer. Ceux qui venaient du reste de Poudlard pour aller vers la salle commune arrivait au croisement et tournaient dans le sens opposé à lui, elle ne devrait pas le repérer normalement. Il frotta ses mains un peu plus fort.

Elle allait payer. Il ne pouvait pas la laisser croire qu'elle était supérieure, il ne pouvait pas lui faire croire qu'elle l'avait atteint, elle ne l'avait pas atteint. Par contre lui l'atteindrait, il ferait en sorte qu'elle ne lui parle plus jamais, qu'elle le laisse tranquille, il ferait en sorte qu'elle comprenne que c'était lui qui était supérieur. Tout ce qu'elle lui avait fait devrait lui être renvoyer, la loi de l'échange équivalent, un concept de base de l'alchimie.

Ces deux dernières semaines avaient été un enfer, toujours à regarder autour de lui pour essayer de prendre sur le fait des chuchotements échangés à propos du fait qu'il était toujours tout seul, essayer de passer le moins de temps possible dans la salle commune pour cette même raison et même choisir son itinéraire pour éviter le plus de Serpentard possible. Ceux des autres maisons n'avaient pas l'air d'en avoir trop entendu parler au moins, mais Isaac était convaincu que tout Serpentard devait maintenant régulièrement le regarder soit avec un air moqueur, soit, pire, avec un air de pitié.

Il commençait à se faire tard, pas mal d'élèves était déjà rentrés, elle devrait forcément arriver d'ici peu. L'écossais espérait qu'elle arriverait seule, sinon il serait obligé de reporter cette opération au lendemain, ou au surlendemain, autant de fois qu'il le faudrait.

Des pas. Isaac jeta un coup d'œil et reconnu immédiatement la fille des sapins, elle était seule. C'était le moment. Son cœur, et il ne pensait pas sa possible, se mit à battre encore plus fort, un hippogriffe pourrait être en tain de détruire en rythme sa cage thoracique que ça ne l'étonnerait même pas. Il risquait gros.

Le cinquième année se leva, la baguette en main, et en quelques pas, cette dernière se retrouva dans le dos de la fille.

"Je te prierai de te tourner, de prendre ce couloir et de prendre le premier virage à droite." dit-il en pointant de la main le couloir dont il venait. Il cherchait à l'éloigner assez pour qu'on ne les entende pas depuis la sortie des cachots.

Sa voix était aussi calme que la cacophonie de son esprit était assourdissante. Il prit bien soin de faire en sorte qu'elle sente sa baguette dans son dos pour éviter qu'elle ne se croit tout permis.

Tout allait bien se passer, dans une peu de temps, il aurait pris sa revanche, quelle qu'elle soit.

Cela faisait maintenant deux semaines que la soirée organisée par Kelly en salle commune avait eu lieu. Et cela faisait maintenant une semaine que tu avais l'impression d'être devenue un véritable zombie. Des cernes marquaient ton visage pâle, bien plus pâle que d'habitude, et il fallait être aveugle pour ne pas voir que tu avais perdu du poids ces derniers jours. Malgré tout, cela ne t'avait pas empêché d'aller courir, et ce, malgré les chances que tu tombes dans les vapes à cause du manque d'aliments dans ton corps. Mais tout s'était bien passé : tu avais simplement couru moins longtemps que d'habitude et tu avais actuellement l'impression que tout ton corps te suppliait de manger quelque chose.

Si tu avais réussi à te motiver aujourd'hui, c'était bien grâce au match de la veille. Cela t'avait redonné de l'énergie mentale et tu avais réussi à sortir de ta caverne pour faire autre chose qu'aller en cours. Mais sur le chemin vers la salle commune, alors que le couloir était vide, tu sentis quelque chose de fin se coller à ton dos. Tu te stoppas instantanément, tous tes sens en alerte. À l'action, se joignit une parole. Cette voix te semblait familière, et le calme qui y régnait te donnait presque froid dans le dos. Tu ne fis aucun geste, même pas ceux que la personne dans ton dos te commandait de faire. Malgré l'immense fatigue, tu te forças à réfléchir : une voix masculine, appartenant à quelqu'un qui semble plus âgé que toi et qui t'attend dans les... Cachots. Un visage apparu alors dans ta tête, mais tu n'étais pas sûre. Et si c'était autre chose ? Quelque chose de bien plus grave ? Avec tout ce qu'il se passe en ce moment... Par Merlin, faites que cela ne soit qu'une mauvaise blague...

Mais la pression exercée par l'individu derrière toi t'indiquait le contraire : ce n'était pas une blague. Alors tu fis ce qu'il te demandait. Ce couloir, puis premier virage à droite. Tu compris seulement après le virage que désormais, vous étiez seuls, éloignés du couloir principal. Personne ne pouvait vous entendre, mais tu espérais qu'une personne à l'ouïe fine parviendrait à vous entendre si cela tournait mal. Le regard noir, tu te retournas pour faire face à la personne qui en avait après toi. Tu tombais nez à nez avec Isaac - si tu avais bien entendu comment il avait été appelé à la soirée. Tu fus soulagée : personne ne s'était infiltré dans le château pour s'en prendre à un élève. Mais quand tes yeux se plantèrent dans ceux d'Isaac, ton soulagement s'envola. Sa baguette était toujours pointée sur toi, et il semblait déterminé. Mais déterminé à faire quoi ? Allait-il vraiment s'en prendre à toi ? Te faire du mal ? Après ce que tu avais fait il y a deux semaines, cela ne te paraissait pas impossible. C'était même plausible. Mais était-il vraiment capable de tenter quelque chose contre toi ?

- Qu'est-ce que tu m'veux toi ? Tu peux pas rester dans ton coin comme tu fais d'habitude ?

Ta main se dirigea vers l'endroit où tu mettais habituellement ta baguette pour pouvoir la sortir en cas de besoin. Mais tu ne rencontras aucune baguette : tu avais laissé la tienne dans ton dortoir.

Et merde.

Vous étiez seuls dans un couloir désert et éloigné de potentiels autres élèves, et il avait sa baguette pointée sur toi alors que tu étais incapable de te défendre. Tu n'étais clairement pas en position de force et tu regrettas tes paroles précédentes. Le provoquer n'avait pas été une bonne idée... Si seulement tu t'étais rendu compte avant que tu n'avais aucune arme !

La Vert et Argent errait seule dans les couloirs en direction des dortoirs, pensive. Ces derniers temps, ses journées se résumaient à un cycle interminable entre les cours, les révisions dans la salle d'études et les entraînements pour le cheer. D'habitude, la routine ne la gênait pourtant pas mais cette impression d'être coincée dans une boucle infinie l'oppressait et finissait par la lasser. Elle sentait également sa santé se détériorer peu à peu, à force de sacrifier ses journées à s'enfermer dans la bibliothèque pour ses résultats scolaires dans une posture peu favorable à la santé de ses pauvres épaules.
La Serpentard évitait le plus possible ses amis pour ne pas les inquiéter, sauf peut-être Victor à qui elle avait promis des cours de gymnastique. Au moins avec lui, elle ne devait pas se forcer à sourire ; le sourire venait à elle lorsqu'elle discutait avec lui.

Ses coéquipières de cheer, elles, ne semblaient heureusement pas trop se poser des questions sur son état pour l'instant ; Ava ne voulait surtout pas perturber l'ambiance chaleureuse qui régnait dans l'équipe ou encore les embêter pour des choses aussi futiles. Et puis de toute façon, elle gérait parfaitement la situation… Ou presque.

La brune soupira.

Et puis, il y avait Clarke. Avec l'incident à la salle commune, Ava était quasiment certaine de n'avoir plus du tout parlé avec elle.
Ses doigts s'attardèrent sur les bosses que formaient les décorations sur sa baguette, qu'elle triturait d'un air nerveux alors qu'elle repensait à son amie. Leur amitié – pourtant sur des bases solides – ne cessait d’être remise en question par des catastrophes successives, rendant la relation instable et ponctuée par des malentendus.

Elle s'était promis d'aller la voir lorsque la soirée toucherait à sa fin pour l'interroger à propos de son étrange relation avec Isaac. Pourtant, elle ne l'avait pas fait, de peur de se fourrer dans une autre affaire tout aussi complexe que celle avec Leann et Clarke ; Ava était déjà un aimant à ennuis, nul besoin de se mettre dans le pétrin par elle-même.

Mais aujourd'hui était différent. La fillette n'était pas dupe et avait bien remarqué le fait que Clarke semblait vouloir à tout prix l'éviter. Ava ignorait depuis quand et pourquoi tout cela avait débuté, et elle n’allait pas tarder à l’apprendre ; la petite était enfin déterminée à lui poser des questions sur la soirée et mettre les choses au clair avec elle.

La deuxième année descendit les dernières marches de l’escalier qui la séparaient de la salle commune. Elle rasa les murs et se fit petite pour ne pas croiser d’autres personnes de sa maison qui risquaient d’entamer une discussion avec elle et l’éloigner de son but principal.
Elle aperçut son amie qui se trouvait à une dizaine de mètres devant elle et courut pour la rattraper.

– Cl-

La fillette s’arrêta net dans son élan lorsqu’elle la vit au détour du couloir, une baguette pointée en direction de son dos. Son regard s’attarda sur le visage du propriétaire de la baguette – Isaac, évidemment, avec la chance qu’elle avait –, avant de se poser sur Clarke.

– ’Faites quoi, là ?

Elle avait déjà la réponse à la question ; Isaac allait s’en prendre à Clarke.
Ava dégaina sa baguette, aussitôt sur ses gardes. Une part en elle lui criait que toute cette histoire était de la folie, qu’elle ne serait jamais de taille à affronter un cinquième année dans un duel de sorts ; son manque d’expérience en la matière et son savoir limité en matière de sortilèges le prouvaient.

La Verte fronça les sourcils. Comment pouvait-il s’en prendre à une fille de trois ans sa cadette ? D’accord, le fait qu’il voulait se venger après l’humiliation que Clarke lui avait fait subir devant toute la salle commune était… compréhensible. Mais était-ce une bonne raison pour l’attaquer dans un duel où il avait forcément l’avantage ? De plus, Clarke semblait déjà être désarmée.

Son cœur battait contre ses tempes et son cerveau grésillait, refusant de fonctionner correctement. Ses doigts se resserrèrent contre le bâton de bois magique alors qu'elle tentait en vain de trouver quelque sortilège concluant qu'elle pourrait éventuellement lancer au cinquième année si jamais celui-ci attaquerait elle ou Clarke. La Serpentard contempla sa baguette une fraction de seconde ; elle ne recourrait à sa magie que pour se défendre.
Se défendre en cas de danger, c’est parfaitement légitime... non ?

La fille des sapins continuait à être insupportable, même dans cette situation, comment elle y arrivait ? Isaac était littéralement en train de la menacer avec une baguette, visiblement elle n'en avait pas elle-même, en plus de ça, ou alors elle avait trop peur de la sortir mais ça contredisait avec son comportement précédemment. Il avait très envie de lui envoyer un sort pour la faire taire et la laisser coincée dans un couloir obscur, en tout cas.

"Ferme-là."

Maintenant c'était son tour, il fallait qu'il fasse quelque chose. Il avait repoussé le fait de réfléchir à ce qu'il allait lui dire, ou lui faire... et ben là c'était le moment. Dans tous les cas, à quel point ça pouvait être compliqué de faire peur à une deuxième année, même elle ? En fait, finalement sa première idée était très bonne, un petit maléfice du Saucisson et ce serait fait, c'était un sort qu'on apprenait qu'en DFCM mais il s'était entraîné à le lancer au préalable. Un seul sort et il n'aurait aucun soucis à se faire avec elle ensuite. Le cinquième année comptait se mettre à lever sa baguette mais...

"’Faites quoi, là ?"

Non... Non non non, pas quelqu'un, c'était le pire scénario... Un seul maléfice et tout aurait été fini, c'était beaucoup à demander ? Elle n'aurait rien pu faire, elle aurait arrêté de le déranger quand il voulait simplement rester tranquille, lui aurait arrêté de penser à tout ça et serait passé à autre chose... Mais non, Isaac était probablement maudit, il n'aurait jamais le droit d'avoir ce qu'il veut, contrairement à tous les autres. C'était simplement injuste.

Isaac se retourna. C'était cette fille de la Salle sur Demande, encore. Elle avait sa baguette en main mais elle n'aurait aucune chance si elle tentait quoique ce soit. Mais maintenant quoi ? Est-ce qu'il lançait un sort à la nouvelle aussi ? À deux, il était quasiment sur qu'elles auraient le courage d'aller le dénoncer, mais c'était tentant... Enfin non, il n'avait pas envie de se faire punir, il faudrait juste trouver une autre façon de s'en sortir. Peut-être est-ce qu'il pourrait faire croire à la fille qu'ils voulaient juste discuter ? Peut-être qu'elle n'avait pas vu qu'il la menaçait ? C'était stupide, il la reconnaissait, elle était à la soirée, elle avait assisté à tout.

"Je sais pas, dit moi : qu'est-ce que t'a l'impression qu'on est en train de faire ?"

Le cinquième année avait joué la carte du "je ne sais pas quoi dire alors je sors une réplique nulle et clichée d'un livre." Enfin ça aurait pu être pire, il aurait pu dire avec un accent italien "noon, nous sommes juste en train de discuter entre amis, n'est-ce pas Clarkounette ?" C'était ridicule, cette situation était complètement ridicule.

Bien sûr, ta réplique ne lui plu pas et sa réponse te fis reculer de quelques pas. C'était la goutte de trop. Tu le savais, tu le voyais, il ferait quelque chose. Quoi ? Tu n'en savais rien. Mais tu n'allais pas tarder à avoir la réponse. Accompagnée du stress de ces derniers jours, la peur s'insinuait dans tes veines, bien que tu fasses ton maximum pour le cacher.

Une voix surgit alors dans le couloir. Tu la reconnu entre milles : Ava. Qu'est-ce qu'elle faisait là ? Il fallait qu'elle parte. Maintenant. Mais la fillette avait déjà sortit sa baguette pour la pointer sur Isaac. Tu étais soulagée de la voir, oui, mais ce n'était pas le moment du tout. Allait-il s'en prendre à elle aussi ? Merlin, faite que non !

La réponse d'Isaac à la question d'Ava te fis froncer les sourcils. Il fallait être aveugle pour ne pas voir qu'entre lui et toi ce n'était pas l'amour fou. Pensait-il vraiment qu'Ava le croirait ? Tu n'étais pas sûre d'aimer cette idée, mais ça serait pourtant le mieux : Ava partirait et serait en sécurité, loin de ce malade de Serpentard. Mais tu ne voulais pas te retrouver seul face à Isaac : qui sait ce qu'il pourrait te faire ?

Pendant quelques secondes, l'idée de prendre Ava par le bras pour partir avec elle vers le dortoir te semblait idéale. Mais face à la baguette d'Isaac, et surtout son expérience supplémentaire en sortilèges et en DCFM... Ce n'était peut-être pas une si bonne idée.

Dans un élan, tu t'éloignas du mur dont tu t'étais étrangement rapproché pour te mettre entre Ava et Isaac. Dos à ta meilleure amie, tu savais qu'elle ne tenterais rien contre toi - tu en étais même certaine. Quant au cinquième année, le doute planait.

- T'as intérêt d'la laisser en dehors de ça. Elle t'as rien fait.Lança-tu à Isaac.

Sinon quoi ? Excellente question, et tu t'attendais à ce qu'il te la pose. Il fallait être réaliste : même si vous étiez deux, il en savait plus que vous sur les sortilèges et il n'aurait aucun mal à faire quoique ce soit. Mais tu ne voulais pas que Ava soit impliquée dans cette histoire. Et s'il fallait pour ça que tu te prenne un sortilège, tu t'en prendrais un.

- Ça te r'garde pas Ava, pourquoi t'es là ? Lui demandas-tu méchamment.

Ce n'était pas contre elle, non. Mais tu espérais que la distance que tu tentais d'instaurer entre vous suffirait à l'éloigner de ce couloir. Tu t'en voulais déjà de lui parler ainsi... Mais c'était nécessaire. Tu voulais la protéger, même si l'idée de te retrouver seule ici avec l'autre fou ne te rassurait pas du tout. Tu avais essayé de le cacher dans ta voix, mais tu étais tellement à fleur de peau depuis quelques jours que ça n'avait pas été très fructueux... Ton regard ne quittait pas le cinquième année, guettant le moindre de ses mouvements. La tension était plus que palpable : Isaac qui te voulait du mal, toi qui essayais de protéger ton amie, et Ava qui n'était au courant de rien... Comment allait se terminer cette histoire ?

La réponse de son aîné la fit lever les yeux au ciel. En même temps, c'était un peu idiot de sa part d'avoir posé la question alors qu'elle connaissait déjà la réponse. Ava garda cette réflexion pour elle, avant de lancer avec sarcasme :

– Oh je ne sais pas, là je vois juste un cinglé d'cinquième année qui s'en prend à une deuxième année sans défense dans un couloir désert... Plus lâche, tu meurs.

Son ton avait presque ressemblé à celui de son frère... Après toutes ces années passées à l'entendre lancer des piques, son frère aurait-il fini par l'influencer ? La châtaine grimaça de dégoût à cette idée.

La petite vit Clarke se placer entre elle et Isaac pour lui demander de la laisser en dehors de cette histoire. Ava fronça les sourcils ; elle n'avait pas besoin qu'on la protège. Et puis, c'était plutôt Clarke qui semblait avoir besoin de renfort, pour le moment.
Avant qu'elle ne pût prononcer quoi que ce soit, son amie continua, s'adressant cette fois-ci à elle pour lui dire que cette affaire ne la regardait pas. Les traits d'Ava s'assombrirent. Bien sûr que si, ça la regardait ! C'était son amie et elle resterait à ses côtés coûte que coûte, même si pour cela elle devait d'abord la sortir indemne des griffes de ce malade.
Et puis, ce n'était pas comme si elle pouvait passer à côté comme si de rien n'était alors qu'elle se faisait agresser par un élève des années supérieures...

À moins qu'elle insinuait que leur amitié prenait fin ? La petite déglutit à cette pensée, essayant de chasser cette affreuse idée de la tête. Pourtant, le ton antipathique qu'avait employé son amie l'avait vexé, bien qu'elle n'en laissait rien paraitre à l'extérieur. Ces mots lui avaient semblés si durs et son air si indifférent, comme si Ava ne représentait qu'une spectatrice indiscrète qui n'avait rien à faire ici. Même si c'était un peu le cas, la fillette n'en restait pas moins vexée.




Ces paroles eurent l'effet d'une gifle. L'air détaché qu'arborait Clarke ne fit que d'enfoncer le couteau dans la plaie.

La petite avait envie de dire tellement de choses à la fois. Les possibles répliques qu'elle pourrait lancer se bousculaient dans sa tête. Parce qu'elle avait envie de lui dire à qu'elle n'avait pas envie de s'éloigner d'elle à cause d'une fichue partie de Véritaserum. Parce qu'elle tenait trop à elle pour risquer – encore une fois – de la perdre. Et puis, elle n'avait pas prévu de la rencontrer dans de telles conditions.
Cependant, aucun son ne franchit ses lèvres.

L'irlandaise resta muette et gratifia simplement Clarke d'un regard expressif, lui faisant comprendre qu'elle ne partirait pas tant qu'elle ne s'était pas assurée qu'elle allait bien.

Cette situation aurait été comique, dans d'autres circonstances. Si son amie ne risquait pas de se prendre un sortilège en plein fouet, par exemple.

Ava avait un très mauvais pressentiment quant à la façon dont cette histoire allait prendre fin.

Après qu'Isaac ait ignoré la vague tentative d'insulte de celle qui les avait interrompus et, Clarke se déplaça devant lui et sortit quelque chose comme quoi il ne devait pas faire du mal à sa pote ou il ne savait quoi. Évidemment qu'il n'allait pas lui faire du mal, elle ne lui avait rien fait. Au contraire, elle était même par hasard arrivée dans la Salle sur Demande avec lui rien que quelques jours plus tôt. Enfin dans tous les cas ça ne lui apporterait rien de juste attaquer aléatoirement une deuxième année. Il ne comptait même pas blesser Clarke à la base, il voulait juste lui faire peur. Mais bon, tout était cassé maintenant, il fallait juste que le serpentard s'extirpe le plus vite possible de cette situation. L'écossais commençait vraiment à regretter d'avoir si mal planifié son opération.

Puis là, la fille aux sapins se mit à remballer l'autre serpentard. C'était pas sa pote finalement ? Enfin vu la tête que cette-dernière, Ava, faisait, ça devait être le cas et Clarke venait juste de baisser encore plus dans l'estime d'Isaac, ce qui était assez impressionnant compte tenu de ce qu'elle avait fait à la soirée. Comment pouvait-elle être méchante avec celle qui voulait l'empêcher de se faire attaquer ? Le serpentard n'avait jamais voulu l’attaquer mais c'était ce qu'elle croyait en tout cas, ce qui rendait le geste encore plus touchant. Mais pourtant cette insupportable deuxième année avait décidé d'en avoir rien à faire et de simplement jeter ça par la fenêtre comme si ça n'avait aucune valeur.

"T'as bien fait comprendre que j'avais pas d'amis mais visiblement tu cherches à t'abaisser à mon niveau en disant des trucs pareils aux seuls gens assez sympas pour te supporter."

En tout cas il faisait bien pour le coup de ne pas avoir d'amis, il n'aurait pas avoir à faire à ce genre de situations. Si Isaac était venu pour en aider un tout ça pour se faire remballer, il aurait soit balancé un sort en premier soit n'aurait plus jamais parlé à la personne en question. Cette Ava devait avoir une patience incroyable.

Une grande lassitude tomba soudainement sur Isaac. Il n'avait plus envie d'être là, toute cette histoire était stupide. La seule chose qui importait actuellement c'était de pouvoir aller quelque part comme dans la Salle sur Demande, à l'abri des regards indiscrets, demander quelque chose comme un amas de plaids dans lesquels il pourrait s'emmitoufler et lire son roman tranquillement, au chaud, sans personne pour l'embêter. Est-ce qu'on pouvait venir le chercher de force dans la Salle sur Demande déjà ? Il pourrait peut-être rester dedans pour toujours. Il faudrait penser à ramener plein d'eau et de nourriture, et assez de romans, pour tenir. Peut-être même qu'il pourrait demander à la Salle de la terre qu'il puisse faire pousser des plantes pour pouvoir se nourrir. Et l'eau ça n'est pas vivant, la salle devrait pouvoir être capable de lui en procurer. Ce serait le rêve...

La réaction d'Ava te brisa la cœur. Tu regrettais déjà de te comporter ainsi, mais face à la tête de ton amie tu t'en voulu encore plus. Mais ça ne suffisait pas à l'éloigner. Ava est une amie plus que fidèle, et ce n'est pas ça qui lui ferait lâcher l'affaire... Tu l'avais espéré pourtant. Ton oreille capta une remarque faite par Isaac qui t'agaça énormément. Tu avais les nerfs en pelote, et il n'arrangeait décidément rien.

- Toi tu peux la boucler. Il me semble que t'es mal placé pour me dire comment gérer mes amitiés vu que t'es pas capable de te faire ne serait-ce qu'un ami.

Lorsque tu reposas ton regard sur Ava, tu eu la confirmation qu'elle ne te lâcherai pas. Ça te réchauffa le cœur. Tu retins de justesse un sourire.

Toute cette histoire prenait des proportions gigantesques. Bordel, tu voulais simplement rentrer tranquillement dans ta chambre à la base ! Tu en avais marre de ce cinquième année. Tu voulais juste qu'il te fiche la paix. Tu avais d'autres choses à penser. Et là maintenant, tu voulais juste t'éclipser pour retourner sous tes draps en espérant que Ava ne tente pas de commencer une discussion, même si ça te paraissait peu probable. Mais pour le moment, il fallait que tu te débarrasses d'Isaac.

- Tu sais que c'est pas très malin de ta part d'emmener une personne sans défense dans un couloir éloigné ? Tu penses qu'elle dira quoi, notre directrice de Maison ? Je suis sûre qu'elle serait ravie d'entendre cette histoire.

Tu n'avais pas l'intention d'aller voir qui que ce soit, mais ça il n'avait pas besoin de le savoir. Tu avais d'autres préoccupations, et quitte à aller te plaindre de lui autant le faire avec plus d'éléments. Avec un peu de chance, si on peut vraiment appeler ça de la chance, cet idiot d'Isaac n'en avait pas uniquement après toi ? C'est une piste à suivre, mais pas maintenant. Tu la gardes dans un coin de ta tête pour plus tard.

Cependant, il te poussait à bout et tu avais envie de faire pareil. Tu n'étais pas en position de force, certes, et l'idée de te prendre un sort ne t'enchantait pas le moins du monde. Mais tu ne pouvais pas t'en empêcher. Tu espérais juste qu'il ne t'attaquera pas, ou pire, qu'il s'en prenne aussi à Ava.

- Je suis sûre que les autres seront ravis d'apprendre qu'en plus d'être associable, t'es capable de t'en prendre à des plus jeunes sans défense.

Sur ces mots, tu commenças à reculer sans pour autant lui tourner le dos. Ça serait vraiment une mauvaise idée. Tu n'avançais clairement pas vite. Ava était près de toi, et quand tu arriva à sa hauteur tu saisis son bras pour lui faire comprendre qu'il était temps de partir.

- Maintenant tu nous en veux pas, mais j'ai autre chose à faire que de rester dans ce couloir avec toi. Ou même de rester avec toi tout court.

Se mordillant nerveusement la lèvre inferieure, Ava resta en silence. Elle avait l’impression d’avoir autant d’utilité qu’un pot de plante au beau milieu du couloir ; juste là pour la décoration et désormais plus encombrant qu'autre chose. La deuxième année écouta ses deux camarades de maison s’adresser des réflexions, sans vraiment intervenir pour autant.
Le Serpentard reprocha à son interlocutrice sa façon de parler avec son amie. Une fois de plus, la concernée resta muette. Elle aurait aimé protester, lui sortir une multitude d'arguments pour justifier que Clarke était loin d'être insupportable. Cependant le ton sec qu'avait adopté cette dernière quelques instants auparavant lui était resté en travers de la gorge.

Cette conversation sembla toucher à sa fin lorsque sa camarade se dirigea lentement vers Ava à reculons, sans pour autant quitter le cinquième année des yeux. La sorcière s'avança discrètement, histoire de lui faciliter la tâche ; si elle ne l'avait pas pardonnée, l'envie de se tirer de cette situation ne lui manquait pas. Ainsi se laissa-t-elle entrainer par le bras, tandis que Clarke lançait une dernière pique en direction de leur aîné avant de se précipiter aux dortoirs des filles.

Une fois dans les dortoirs, la brune lui lâcha le bras. Elles étaient seules et Ava pouvait enfin lui parler sans être interrompue, chose qu'elle attendait de faire depuis des jours désormais. Pourtant, sa bouche demeurait fermée alors que les secondes s'écoulaient dans le silence le plus total. Comme si on lui avait soudainement enlevé la faculté de convertir le brouillard de ses pensées en des mots. Quelques secondes passèrent à nouveau, inlassablement, avant que la châtaine ne daigne enfin ouvrir la bouche.

— Clarke, je euh... bredouilla la jeune Meywood pour commencer. Elle avait une affreuse impression d'avoir la langue engourdie dans sa bouche.

Pour toute réponse, son amie tourna les talons et s'en alla, l'ignorant superbement. L'irlandaise sentit son cœur se serrer alors qu'elle la suivait des yeux. Celle-ci s'éloignait sans un regard en arrière, la laissant plantée là comme une imbécile. La petite finit par se détendre un peu, se rendant compte qu'elle serrait ses poings si fort que ses ongles s'enfonçaient douloureusement dans sa chair. La Serpentard observa ses paumes désormais marquées des traces rouges bien visibles avant de soupirer silencieusement.
Elle finit par prendre la direction opposée, vers la salle commune, en espérant ne pas y croiser Isaac ; puisqu'elle partageait sa chambre avec Clarke, elle n'avait d'autre choix que d'aller se terrer dans un coin de la salle commune, du moins pour le moment. Et bien heureusement pour elle, elle n'y croisa ni Isaac ni quiconque venant la déranger dans son humeur désormais massacrante.