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21 mars 2021, 10:50
L'ombre du fantôme  + 
Un après midi solitaire de décembre 2045 égayé par @Edwin Wellhister


***


« Aaa...aatchooum ! »


Le bruit éclata dans le silence, se répercutant sur les murs nus, en mille échos. Un millier de voix enrhumées se répondant dans le semi-obscurité — le grondement d'une conduite d'eau suivit l'unisson.
Elle frissonna dans l'air humide, fronçant le nez face aux senteurs nauséabondes qui parsemaient l'endroit.
Que faisait-elle ici ? N'importe quoi.
Perdue au beau milieu de l'une de ses explorations, elle devinait qu'elle n'avait rien à faire dans cet étrange lieu. Isolé de tout, il semblait mis à l'écart par le reste du château, de la même manière que si chaque pièce de l'ensemble s'était concertée afin de le délaisser. Comme une facette de soi que l'on ne souhaite pas montrer.
Elle même était là comme une intruse, une indésirable dans ce monde érigé en parallèle de la vie, non pas par l'effort humain mais par celui du Temps.

Les araignées, funèbres gardiennes, tissaient leur toile entre les angles sombres du plafond. Les courants d'air, malicieux, se glissaient derrière elle pour la prendre par surprise, chatouillant sa peau tiède de leurs doigts glacés. Les yeux brillants des rongeurs perçaient entre les pierres, scintillants de curiosité. Les lavabos ébréchés suintaient d'un liquide couleur rouille. Les miroirs brisés lui renvoyaient l'image démultipliée, décomposée, d'une fillette à l'air hagard, désorienté. Ses traits tirés, ses larges cernes suite à une mauvaise nuit sur son visage pâle. Tout laissait voir la mélancolie de son cœur — peut-être amenée par le triste ciel éternellement blanchi de décembre —; l'inquiétude qui se dégageait d'elle ne lui appartenait pas. Cette pièce à l'abandon déteignait sur elle de ses couleurs délavées, par ses murs en ruines.

*J'ressemble à un fantôme*

Ce n'était définitivement pas elle, et elle reprit ses esprits ; elle tira la langue à son reflet. Le reflet lui répondit, comme l'avaient fait les échos, en une myriade de grimaces. S'en détournant, elle reprit sa visite.

Nulle flèche tracée sur le sol afin d'indiquer le chemin, seules quelques flaques d'eau croupie qu'elle s'empressa d'enjamber. Nul décor sur les cloisons de pierre, seul le terne fond gris parsemé de quelques graffitis. L'enfant s'en approcha, à l'affut de jolis mots. Ses doigts suivirent les courbes des lettres à demi effacées, mal tracées. Malgré la poésie certaine d'écrire sur les parois délabrées de toilettes cachées au creux d'un château magique, elle se déçut des seules et futiles déclarations d'amour qu'elle découvrit.
Elle poursuivit alors sa recherche, en quête de tout comme de rien.
Elle s'enfonça aussi profondément dans le noir qu'elle l'osa. Ce qu'elle découvrir ne fut pas tout à fait rien. C'était quelque chose qui n'était techniquement pas grand chose. Une silhouette translucide, blanchâtre, qui se serait fondue dans les ombres sans son paisible éclat. Une silhouette pas trop grande, ni large. Un peu fine. Banale. Elle en discernait les contours, mais en était trop éloignée pour voir davantage. Curieuse silhouette fantomatique — bien plus fantôme qu'elle ne l'était elle-même —, que l'innocente fillette s'imaginait prête à se dissoudre dans une pluie de particules à chaque seconde, fragile comme le plus pur des cristaux.
Pourtant, il se trouva que l'apparition avait un corps. Apparemment bien tangible, malgré sa presque transparence. Cheveux sombres, yeux sombres, peau claire comme un nuage de beau temps.
*Drôle de style pour un fantôme*

Quelle étrange créature était ce donc ? Une seule manière demeurait pour apprendre cela, et celle-ci avait toujours fait ses preuves avec la persévérante fillette : questionner.

S'approchant de quelques pas, elle s'exclama :

« Bonjour, Monsieur le presque-fantôme. Qui viens tu hanter dans ce lieu désert ? Il n'y a personne, par ici. Enfin, à part moi. Donc, que fais tu ici ? », et après un instant d'hésitation, elle ajouta : « Et quel est ton nom, au juste ? »

L'idée qu'elle devait sûrement paraître plus étrange que lui ne l'effleura pas un instant.

[...]


Trois jours étaient utopiques, six étaient bien plus réalistes :roll:
Dernière modification par Felicia Luke le 17 févr. 2022, 15:58, modifié 3 fois.

évanaissance

13 mai 2021, 14:43
L'ombre du fantôme  + 
Ce retard est improbable, Excuses moi ;-;

Il sursauta violement au son d'un éternuement plutôt audible. Merde, il n'était plus tout seul. C'était pas vraiment comme ça qu'il avait prévu de passer son après midi, à se cacher dans une cabine miteuse des toilettes abandonnées mais ses journées se passaient très rarement comme il le souhaitait. Aujourd'hui, tout se cassait la gueule et voilà où il finissait quand il avait l'impression d'exploser. Il se sentait comme écartelé, déchiré de l'intérieur par ses angoisses et son ventre lui donnait l'impression d'avoir été poignardé à dix reprises. Ce n'était pas comme ça qu'il voulait que les gens le voient, et il préférait nettement s'enfuir pour se cacher quelque part plutôt que de faire face aux gens. C'était trop compliqué pour lui, à l'instant, de faire comme si tout allait bien. La plupart du temps ça allait tout seul, quelques sourires ou simplement en se cachant sous sa capuche et en rasant les murs, mais aujourd'hui non. Chaque pas qu'il faisait était tremblant et il n'arrivait pas à marcher plus de quelques mètres avant que son instinct ne le force à tourner la tête et à chercher du regard un danger dans la foule.

En un mot, paranoïaque. Les couloirs étaient trop bondés pour qu'il ne puisse même bien voir tout le monde et c'était infernal. Qui sait ce qu'il pouvait se cacher entre deux têtes ? Qui sait si quelqu'un n'avait pas sa baguette de pointée sur lui, ou tout ce qui pouvait lui faire du mal, le blesser ou le ridiculiser ? C'était stupide d'avouer une peur aussi stupide. Avoir peur du danger, c'était totalement bidon. Avoir peur des gens, tout pareil. Mais quand on avait peur des deux en même temps, il était impossible de ne pas se dire que tout le monde lui voulait du mal. Que chaque personne qu'il croisait dans les couloir pouvait lui planter un couteau dans le dos. Il ne leur faisait pas confiance, à aucun d'entre eux, même à ceux qu'il ne connaissait même pas. Il en avait des ennemis, même des gens qui le connaissaient de loin à qui il n'avait jamais parlé et son cerveau ne savait plus faire la différence entre les ennemis et les autres. Parfois même, il observait ses amis en se demandant à quel moment ils le planteraient. S'il leur tournait le dos quelques secondes ? Quand il fouillerait dans son sac ? Quand il poserait son bras autour de leurs épaules ? Il laissait trop d'ouvertures. Edwin se demandait parfois s'ils se rendaient compte que quelque chose clochait quand il avait peur comme ça, trop peur pour leur tourner le dos ou les perdre des yeux. Puisqu'il était toujours très proche d'eux, peut-être qu'ils ne s'en rendaient pas compte. Sûrement, d'ailleurs parce qu'après tout, il savait bien cacher ses conneries ou tout ce qu'il se passait dans sa tête.

Il était devenu vraiment fort, et parfois, comme aujourd'hui, il était nul et préférait rester dans son coin, autant pour lui que pour les autres. Il ne supportait pas d'avoir envie de leur hurler dessus à chaque pas qu'ils faisaient. Il se sentait horrible d'avoir envie de pousser ses amis à partir très loin, à ne pas le regarder. Il ne voulait pas être tout seul, il en avait aussi peur que de tout ça, mais dans ces moments là il poussait les autres à partir. Parce qu'il ne leur faisait plus confiance. Quel genre d'ami était-il pour faire tout ça ?

Il sort de sa cabine, les épaules tendues alors que les pas se rapprochent. Qui que soit cette personne, Edwin n'est pas dans le bon mood pour subir une quelconque moquerie de plus. Il se fait violence pour ne pas s'enfuir en courant quand il se rend compte que ce n'est qu'une fille qu'il ne connait pas, et qui n'a aucune raison de pouvoir l'attaquer, caché comme il est. J'hante les pauvres petites filles qui viennent déranger mon repos dit-il, la voix rauque d'être resté silencieux depuis le début de la journée. Il doit avouer que même s'il n'est pas rassuré, la situation l'amuse tout de même un peu. Edwin lance-t-il depuis sa position Et le tient ? Que viens tu faire par là ?

"T'a Smaug sur son tas d'or et t'as Edwin sur son tas de rédacteurs" - Isaac Powell
Edwin Wellhister (16 ans, quatrième année)

06 juil. 2021, 11:28
L'ombre du fantôme  + 
Le fantôme n'en était pas un, visiblement. Il était trop tangible pour cela, trop consistant malgré sa maigreur. La fillette n'avait pas une connaissance omnisciente de ces esprits morts *à demi survivants ?*, mais elle avait, en trois ans, suffisamment croisé de ces mystérieux êtres dans de sombres couloirs pour distinguer leur transparence blanchâtre au teint pâle du garçon qui lui faisait face. C'était dommage, d'un côté. Une conversation avec un fantôme entre deux cabinets de toilettes poussiéreux aurait certainement troublé la monotonie de ce long après midi. Cependant, si on l'observait avec plus d'attention, celui-qui-était-possiblement-humain-finalement, malgré sa consistance charnelle indéniable, avait un léger quelque chose de noir dans le regard, une triste trace laissée par... *j'sais pas* Une impression indéfinissable la traversait quand elle regardait le fantôme. Quelle raison pouvait bien avoir poussé un tel être hors de ses cachots, si ce n'était quelque chose de tragique et mystérieux ?
L'enfant était d'humeur imaginative, ce jour-là. Prête à inventer de toutes pièces la trame d'histoires invraisemblables afin seulement de rompre l'ennui mortel qui la persécutait. Elle attendait la réponse à sa question avec une curiosité pétillante, certaine que l'idée énoncée serait intéressante. Cependant, la réaction fut loin d'être celle escomptée ; elle se voulait certainement drôle — malgré l'air de déterré de celui qui avait prononcé ces mots — mais apparaissait comme légèrement lugubre ; le son rauque et bas de la voix n'adoucissait en rien l'atmosphère sépulcrale du lieu. Il hantait ‘les pauvres petites filles qui venaient déranger son repos’, à ses dires. Ce qui était d'un mauvais goût inimaginable, en plus de n'apporter aucun éclaircissement à la fillette. Elle ne se priva pas pour le lui faire remarquer, d'ailleurs.

« Hanter les petites filles ? », répéta-t-elle sur un ton presque impertinent. « Quelle drôle d'idée, les petits garçons sont bien plus faciles à effrayer. », se moqua-t-elle.

Pure vérité.

La suite des paroles du fantôme — qui portait une cravate verte, elle venait de l'apercevoir dans la demi-obscurité — eut au moins le mérite de lui apporter un nom. « Edwin. » C'était plutôt courant, mais elle aimait bien ; ça allait parfaitement au teint pâle et aux traits cernés qui lui faisaient face.

« J'm'appelle Felicia », répondit-elle à voix basse.
Donnant, donnant. Si l'inconnu lui offrait son nom, elle se présentait. S'il plaisantait à ses questions, elle répondrait de façon détournée aux siennes ; c'était évident. C'est pourquoi elle rétorqua malicieusement :

« Je cherchais quelques premières années à kidnapper pour tenter des expériences secrètes sur eux. » — Mensonge, mensonge... Elle était douée pour inventer des choses.
Elle conclut, après une légère pause : « Ici, c'est plus discret qu'ailleurs, tu vois. » — Vérité camouflée derrière ses précédentes paroles.

Je crains que tu ne doive me laisser une petite place sur le podium des retardataires... (j't'avais prévenu >.>)
Pardon, je ferai de mon mieux pour ne pas le reproduire !

évanaissance

16 févr. 2022, 22:46
L'ombre du fantôme  + 
Malgré son envie pressante de partir en courant, la remarque de la fille le fait rire légèrement. Il ne se défait cependant pas de son observation et fini par déclarer qu'elle ne présente pas réellement de danger à la partie de son cerveau qui hurle que tout le monde en est un. Elle est plus petite que lui, et légèrement plus fine même s'il n'est pas très gros. De plus, il est dans l'obscurité alors si elle prend l'idée de lui lancer un sort, il pourrait l'éviter sûrement assez facilement. En bref, elle n'a pas l'air menaçante plus que ça et elle fait des blagues alors il peut déjà la ranger dans la catégories des rencontres assez chouettes. A voir ce que cela donnera pas la suite mais pour le moment ça semble suivre un bon chemin.

Il réfléchit quelques instants à ce qu'elle vient de dire. Est-il plus facile d'effrayer les garçons que les filles ? Il n'en a sincèrement aucune idée, mais ce qu'il sait c'est que les garçons ont plus tendance à jouer les durs. Lui, en tout cas, l'a souvent fait. Cependant, si elle essaie de l'effrayer lui, elle se prendrait sûrement un mur. Il était tellement terrifié à longueur de journée par les gens et par ce qu'il se passait dans sa tête qu'il en oubliait un peu la réalité et que les choses qui devraient l'effrayer lui passaient un peu au dessus de la tête. Quand vous cherchez à fuir quelque chose dans votre tête, les choses qui peuvent vous toucher dans la vraie vie semblent moins dangereuses. Ce n'est qu'un corps, essaie-t-il de se dire. Un corps, ça se répare, ça se rafistole, mais un esprit ? Ca devait bien se faire aussi mais pour Edwin c'était devenu un peu un mythe de pouvoir réparer les esprits comme ça, juste en papotant un peu. Il n'y croyait pas alors il mettait plus d'énergie à se protéger là dedans qu'à protéger le Edwin sans âme qui portait en lui le petit trésor qu'il essayait de chérir.

J'suis pas sûr de ça, mais je veux bien qu'on essaie un jour. Les premières années sont encore un peu des bébés pour la plupart, ça devrait pas être difficile d'en trouver deux qui fassent l'affaire pour déterminer si les garçons sont plus poules mouillées que les filles. Il fredonne légèrement, trouvant la situation plutôt amusante. Être à moitié dans le noir, à deux pas d'une cuvette et parler avec une fille qu'il ne connait pas vraiment de faire peur à des petits nouveaux à Poudlard. Ca pourrait passer pour quelque chose de méchant s'il y pensait vraiment, mais il sait bien qu'il ne mettra jamais à exécution sa proposition. Faire chier les gens, ça ne l'intéresse pas mais c'est toujours marrant d'imaginer de faire des conneries comme tous les autres aiment en faire.

Il finit par rire clairement quand elle rouvre la bouche. Eh bien ! Ce n'est pas souvent qu'il croise des gens qui lui répondent avec le même humour qu'il emploi mais c'est chouette. Edwin peut citer toute une liste de gens qui l'auraient traité d'idiot ou auraient trouvé pathétique qu'il fasse une pauvre blague. Tout le monde était bien loin d'apprécier son humour mais bon, il le gardait pour quand ça pouvait fonctionner.

C'est pas très gentil ça, mademoiselle Felicia... Ils doivent même pas comprendre les pauvres, imagine. Tu joues tranquille dans les couloirs et voilà qu'une fille te pique pour te faire bouillir dans une marmite avec de la morve de troll. Paie le spa ! Il s'avance un peu pour sortir de l'ombre, toujours un sourire un peu penché aux lèvres. Mais bon, je garderais ton secret de vieille sorcière si tu me trouve un moyen d'atteindre la jeunesse et la richesse éternelle comme tous les grands méchants de films d'animation. Il fredonne à nouveau légèrement et lui offre un autre sourire. T'es bien marante, Felicia, ça change

"T'a Smaug sur son tas d'or et t'as Edwin sur son tas de rédacteurs" - Isaac Powell
Edwin Wellhister (16 ans, quatrième année)

24 févr. 2022, 18:47
L'ombre du fantôme  + 
Dans un triste recoin du monde, rôde l'ombre du fantôme. Deux voix l'éclipsent, résonnent dans un rayon de lumière qui filtre au travers du verre cassé, elles se répercutent contre les murs qui suintent des larmes d'humidité. Le bruit tire le lieu vers l'éveil, depuis sa mélancolie monotone et somnolente.

Ils allaient bien s'entendre. Elle, lunaire et impromptue, prête à inventer de folles histoires sur un coup de tête, et lui, un peu semblable finalement, comme décalé de la réalité qu'attendaient les Autres. Les normes, les règlements et les ordres à respecter, les idées dont il ne fallait pas s'éloigner ; le cadre rangé et limpide duquel les enfants ne devaient pas s'échapper, formatés, martelés comme du fer en fusion pour se couler dans une paisible torpeur dénuée d'agressivité. Toute différence était traquée, toute originalité était jugée ridicule et mise au placard ; le monde des adultes n'avait pas de couleur, et, jaloux de l'éclat multicolore et vivant des enfants, ils semblaient vouloir s'en emparer, les tirer vers le terne dans lequel ils s'enlisaient, comme de pâles clones, des copies informes d'eux-mêmes.
Tandis qu'ici, en ce lieu obscur et tristement lugubre, fuyant l'éclat du jour, l'air pétillait d'un frisson de mystère et d'aventures, comme si le recul et l'isolement de l'endroit l'avaient préservé du sérieux des professeurs, laissant les élèves s'y succéder en secret.

Elle aimait bien ce recoin perdu, finalement ; malgré la désolation que reflétaient les miroirs fendus, elle se plaisait à imaginer quels drames avaient pu se dérouler entre ces murs, dissimulés au regard du reste du château. Ce n'était pas une cachette magique, comme la Salle sur Demande, et ça lui donnait à ses yeux un charme particulier.
Ses pensées dérivaient sans but, mais un éclat de rire s'enfuit de ses lèvres lorsque le garçon *Edwin* répondit à sa malice. Il sortit de l'ombre, et la lumière lui allait bien ; à la vue de son sourire, et de son humour qui lui paraissait si semblable au sien, la fillette sentit ses lèvres s'étirer encore davantage en sourire, ravie que quelqu'un se décide enfin à égayer le temps qui passe. Elle en avait assez, des gens qui pleurent, des gens qui ont peur, des gens qui crient ; elle pouvait comprendre que la vie n'était pas toujours facile, mais les nuages fondaient rarement sous les rais du soleil, ces temps-ci.

« Le problème, c'est qu'ils risquent de crier, les pauvres, et de nous empêcher de dormir tranquilles. J'aimerais bien apprendre à lancer Silencio, mais il parait que j'ai pas encore le niveau... Ou alors, on pourrait les enfermer aux cachots, tu dois bien connaitre ce coin-là toi, si t'es à Serp ? » Et elle coula un regard de connivence en direction de son uniforme franchement débraillé, couleur sapin. C'était encore un point de détail, mais cette tenue un peu négligée ne la dérangeait pas, au contraire ; elle qui prenait soin de ses vêtements et de son accoutrement aimait voir sur d'autres un style plus fantaisiste, même dû à un désintérêt plus qu'à une réelle volonté de distinction.

« De la morve de troll ?, et elle secoua la tête, faussement contrite. Voyons, c'est trop commun, ça ; moi, j'utilise que de la bave de limaces à cornes, cent-pour-cent naturelle, c'est garanti. Mais, en vérité... Elle pencha un peu la tête de côté, réduisant sa voix à un mince filet, comme si elle allait lui révéler un grandiose secret. J'ai pas encore commencé, alors c'est pas sûr que ce soit l'ingrédient le plus recommandé pour les p'tits terrorisés ! »

Il n'en avait pourtant pas fini avec ses suggestions saugrenues, visiblement. Un instant, elle se demanda combien d'idées farfelues pouvaient naître de son cerveau, puis elle se ravisa : le nombre en était sans doute infini — comme pour elle.

« Vendu. J'te fournis ton remède et tu gardes c'que tu sais pour toi ! »

Ça lui plaisait bien, cet échange de services ; elle aimait penser qu'ils étaient deux dans leur délire, finalement.

« C'est sûr que les autres élèves, là, — vague signe de la main en direction de la porte — ils sont franchement ennuyeux. Enfin, pas tous, mais c'est une majorité. L'humour est une compétence qui se perd, mon cher Edwin. »

Elle allait se taire, enfin, et laisser la place au silence, mais une dernière pensée surgit au détour de son esprit.

« Mais qu'est-ce qui t'dis que j'vais pas te trahir et te donner une potion qui te f'ra ressembler à, euh... M'sieur Featherstone ? »

évanaissance