Été 2045 imaginez l'aesthetic Pinterest Cottagecore et c'est bon, vous y êtes

Le soleil ne pouvait mieux embrasser la vue que Solenn avait. Julia, accoudée sur sa chaise, les yeux fermés. Elle semblait si calme, c'était surprenant de la surprendre comme cela. Julia paraissait le plus souvent concentrée, presque énervée, ou alors fatiguée. Et donc la voir de cette façon, si calme, en paix, alimentait Solenn d'un sentiment de douceur qui lui réchauffait la poitrine. Elle avait appris à aimer sa belle-sœur au fil du temps.
Ses cheveux blonds semblaient scintiller, comme parcourus de milliers de paillettes qu'Amy aurait pu lui saupoudrer à son insu. Et sa peau légèrement bronzée paraissait briller. Allait-elle prendre feu ? Solenn n'aurait pas été surprise.
Ici, ça ressemblait au paradis. Et qu'est-ce que c'était beau, le paradis. D'où elle était assise, Solenn n'entendait plus les cris des jumeaux qui étaient partis se promener avec Abigail et Helen. Les deux jeunes femmes étaient maintenant seules. Et comme d'habitude, le silence prenait toute la place entre elles. Enfin, quel silence ? L'air chantait, les oiseaux aussi, de tout leur souffle. Le vent venait siffler dans leurs oreilles, l'air espiègle avec son sourire aux lèvres. On entendait aussi le ruisseau en bas, qui venait laver les pierres. L'herbe riait malicieusement, Dame Nature était de si bonne humeur, comment ne pas l'être aussi ?

Qu'est-ce que c'était fou de passer de la Citadelle à ça ! Ici, les rares nuages blancs dansaient dans le ciel, la mousse d'un vert parfait s'était gentiment invitée sur les pieds de la table blanche. Ici, le soleil venait vous caresser la peau, la réchauffant presque trop. Une pensée vint faire surface dans l'esprit de Solenn : il fait trop chaud. Mais très vite, Solenn la laissa couler. Non, elle ne rentrerait pas. Elle avait besoin de ce soleil.
Alors que Solenn allait fermer les yeux, une coccinelle se posa sur le bras de Julia et la rousse lui glissa, d'une voix faible pour ne pas briser le rêve :

-Regarde ! En plus, ça porte chance !

Julia sourit. Elle avait toujours adoré les insectes, et était incollable sur le sujet. Pourquoi partait-elle à l'Académie d'études des Runes, c'était un mystère pour Solenn. Elle savait très bien que Julia faisait tout pour s'intégrer et faire plaisir à sa mère, surtout depuis qu'elle avait déserté la maison, mais elle regrettait que la blonde ne suive pas ses rêves.

-Tu sais qu'il y a environ 6000 espèces de coccinelles dans le monde ?
-Non je savais pas...

Le silence si fit de nouveau, mais rien de tout ça n'aurait pu être embarrassant. Solenn se leva alors, pour sortir de l'ombre du parasol pour venir au soleil au côté de Julia. Cette dernière tourna son regard gris vers elle, pour lui souffler très sérieusement :

-Tes cheveux brillent, on dirait du feu.

Solenn rougit doucement. Il était vrai que la dernière fois que les deux s'étaient vus, c'était à la Citadelle, là où tout est noir, où tout est triste. Ici, le soleil venait rendre Solenn jolie. Il la bénissait de sa lumière, réchauffait son cœur toujours douloureux, et qu'est-ce que c'était agréable !
Ses pieds nus dans l'herbe la transformaient en une créature de la nature, elle pouvait s'imaginer en connexion avec les arbres, à leur parler, à les aider, dans une large robe blanche. Pourquoi n'avait-elle pas pu naître nymphe, fée, n'importe quoi autre que sorcière ? C'était trop compliqué de vivre dans ce monde, rempli de politique et de responsabilités.
Julia sortit alors sa baguette, ce qui tira Solenn de ses pensées. Elle admira le long bâton en bois foncé, presque noir incrusté de signes incompréhensibles.

-Avis

Quelques oiseaux apparurent alors, et Solenn sourit en les entendant gazouiller près d'elle. L'un d'eux vint se poser quelques secondes dans ses cheveux. Ils finirent par s'envoler en direction des arbres un peu plus loin, et les deux filles continuèrent de les suivre du regard.
Solenn soupira en s'enfonçant dans sa chaise. Cet après-midi était parfait et si elle avait eu l'occasion de vendre son âme pour y rester pour le restant de sa vie elle l'aurait fait sans hésiter.

Elle n'avait pas vu sa famille depuis les vacances de Noël, ayant passé celle de Pâques enfermée dans le château. Il était toujours étrange de revoir Adam et Amy, les deux jumeaux grandissaient si vite ! En cet été 2045, ils avaient huit ans. Il était étrange de se rappeler que Solenn les avait rencontrés dans leur cinquième année ! Leurs personnalités aux deux s'affirmaient de plus en plus, et leurs différences augmentaient. Amy était toujours cette pile électrique qui aimait parler et raconter des histoires. Cette enfant osait dire ce qu'elle pensait, et Solenn en était secrètement jalouse. La blonde n'avait pas peur de confronter les personnes qui étaient contre elle, et c'était sûrement pour cela que certains enfants pouvaient ne pas l'apprécier. Amy ne se laissait pas marcher sur les pieds, et Solenn espérait qu'elle garderait pour toujours cette confiance.
Adam était pratiquement l'exact inverse. Il était discret, ne parlait pas beaucoup - Helen faisait attention à ce qu'Amy ne l'empêche pas de s'exprimer - et était timide. Il n'était pourtant pas du genre à tout accepter, Amy avait fait attention à ce que le garçon comprenne de quoi il était capable. Mais c'était un enfant calme, et souvent les autres pensaient qu'ils pouvaient en faire ce qu'ils souhaitaient.

Les yeux perdus dans le vert de la campagne en face d'elle, la tête de Solenn s'était mise à trop penser. Elle soupira sans vraiment s'en rendre compte, déçue d'avoir perdu le calme de son esprit. Soudain, elle ressentit le besoin de se mettre à l'ombre. Abigail avait acheté une potion contre le soleil à Godric's Hollow et avait forcé Solenn à s'en mettre avant qu'elle ne parte en promenade. Elle avait eu raison, car Solenn sentait sa peau chauffer d'une façon presque désagréable cette fois-là. Elle se leva alors de sa chaise, sentit les traits que le bois avait dessiné sur le derrière de ses cuisses, et se déplaça de quelques mètres pour se mettre à l'ombre d'un petit arbre. Solenn s'allongea dans l'herbe délicieusement fraîche qui lui arracha un sourire. Elle aimait tellement cette façon qu'elle avait aujourd'hui d'apprécier les petites choses du quotidien. Elle se souvint de la limonade qui dormait au frigo à l'intérieur de la maison, et se réjouit à l'idée d'en boire dans quelques temps.

Peu de temps après, elle entendit les pas de Julia se diriger près d'elle. Solenn se poussa légèrement, pour laisser de l'ombre à la blonde. Cette dernière s'allongea près de Solenn, assez près pour ressentir sa présence, assez loin pour éviter que leurs deux corps se touchent. De nouveau, le silence s'allongea entre elles. Des sujets de conversation, Solenn en avait plusieurs. Elle aurait voulu savoir ce que Julia faisait depuis qu'elle n'était plus à la maison. La femme avait très vite montré son refus d'accepter les choix d'Helen. Elle avait commencé à ne plus rentrer pour les vacances, et depuis la fin de l'année, Julia n'avait presque pas mis les pieds à Godric's Hollow. Où séjournait-elle ? Qui l'hébergeait ? Tant de questions qui taraudaient Solenn, sans
qu'elle se décide à les poser. Elle aurait voulu savoir pourquoi elle avait choisi ces études, qui ne lui allaient pas, qui n'étaient pas faites pour elle. Elle aurait voulu connaître des anecdotes sur la vie de Julia. Qui étaient ses amis ? Avait-elle quelqu'un pour qui son cœur battait plus fort que pour les autres ?

Mais elle ne prononça aucun mot. La météo ne donnait pas envie de traiter de sujets sérieux, il faisait trop chaud pour cela, et elle n'osait pas montrer son intérêt pour la vie de sa belle-sœur. Cette dernière avait toujours été très secrète, et Solenn avait compris qu'elle ne voulait pas discuter de tout cela.
De sa main droite, elle s'était mis à arracher quelques brins d'herbe machinalement. Une plante lui chatouillait la joue depuis qu'elle s'était décalée, mais elle ne voulait pas bouger. Elle avait l'impression qu'un insecte lui montait sur la cuisse, mais cela ne devait être qu'une impression, alors elle ne fit rien. De toute façon, elle n'avait aucune envie de bouger.