Ennis venait de quitter Owen sur le champ de course. Les larmes aux yeux après la réactions de Jeffrey, elle avait intime à son beau-frère de rejoindre Domhall pour profiter de leur week-end. Elle n'avait aucune idée de ce qu'ils avaient prévu de faire ce soir ni demain. Et si plus tard elle ferait potentiellement preuve de curiosité, dans l'immédiat, elle voulait juste être seule. Elle avait donc hoché la tête à l'intention de l'irlandais qui lui souhaitait un bon week-end avant de s'éclipser avec son balai et quitter la clairière, non sans remarquer Jeffrey qui rejoignait Maddie. Laissant tomber l'éventualité de rejoindre son petit-ami, elle marcha d'un bon pas jusqu'à rejoindre le parc. Et delà, elle marcha jusqu'à trouver un endroit où elle pourrait être relativement tranquille. Un mur d'enceinte du château, entre deux contreforts. L'irlandaise s'installa dos aux pierres, assises au sol, dans le coin formé entre le soutien massif et la tour qu'il soutenait. Genoux remontés contre sa poitrine, balai posé à ses côtés, la jeune sportive qui revenait lentement mais sûrement à son niveau enfoui son visage dans ses bras, laissant enfin les larmes couler.

Plus que la déception d'être quatrième après un sprint dont elle ne devrait pas rougir si elle était objective, c'était la réaction de l'anglais aux cheveux bruns qui l'avait peinée. Il s'était braqué à peine le dernier mot prononcé par Owen à son attention à elle. Le bibliothécaire n'était pas quelqu'un qui manquait d'humanité, Ennis était persuadée que si on en lui avait laissé le temps, il aurait félicité le vainqueur. Mais non, il avait pris la mouche et était parti voir Eoin, la laissant de nouveau seule avec son sentiment d'échec. À se demander si oui ou non il en avait quelque chose à faire. Ou alors était-ce vraiment parce qu'elle ne lui donnait pas plus de preuves que cette rumeur n'avait aucun sens? Mais ne lui faisait-il pas confiance?


@Oxy Wright
Mots soulignés pour Au fil des mots

Après la course qu'elle avait réussi à mener jusqu'au bout cette fois ci et sans perdre une seule chaussure, Oxy était remontée au château pour se doucher et manger une petite collation avant de redescendre voir ses camarades de 16 heures. Cependant, une fois arrivée dans son dortoir pour y récupérer des vêtements propres et chauds elle avait très vite changé d'avis. Oh, elle allait bien se laver. Sauf que pourquoi se contenter d'une douche rapide quand elle pouvait avoir accès à une salle de bain grandiose. D'autant qu'à cette heure de la journée, elle n'allait pas y croiser grand monde.

Elle n'avait pourtant pas prévu d'y être si bien qu'elle s'y serait endormie. Son réveil s'était fait en sursaut, elle s'était habillée en vitesse et avait foncé comme une flèche dans le parc. Force était de constater que malgré tout, elle n'arriverait jamais à temps pour voir le départ de la course suivante. Elle se hâtait tout de même espérant au moins voir l'arrivée.

Sur son trajet, elle reconnu la silhouette de Ennis qui remontait avec son balai. Oxy lui fit signe. Sa camarade ne la remarqua pas et bifurqua même dans une autre direction. La plus jeune des deux préfètes hésita. Si son aînée était là c'était que la course était finie. Elle aurait plus vite fait d'en avoir le résumé et les résultats auprès d'elle qu'en allant dans la clairière qui serait peut-être même déjà désertée.

Elle suivit donc l'irlandaise puis la chercha un instant des yeux. Où avait-elle bien pu disparaître ? Fouillant un peu les environs, elle vit une silhouette recroquevillée dans un coin, un balai posé à ses côté.

"Ennis ?" chuchota-t-elle.

Elle ne l'avait jamais vue dans une position de détresse comme celle-ci et doutait même de bien en comprendre la scène. Elle avança doucement et se baissa à croupetons pour être à son niveau.

Ennis était en proie à un relâchement comme rarement elle le faisait, encore moins à découverte comme elle l'était actuellement. Certes elle s'était dissimulée à demi entre une tour et un contrefort, mais la châtain se trouvait tout de même dans le parc, après une épreuve sportive où une bonne partie de l'école était présente. N'importe qui aurait pu la suivre et la trouver là. Mais elle n'était pas en état de réellement réfléchir et c'est une voix chuchotée qui fit revenir sa conscience en contact avec la réalité.

Déstabilisée par les émotions qu'elle ressentait, la cinquième année n'avait pas reconnu la personne qui s'était adressée à elle. Il lui fallut alors tourner la tête pour découvrir, la vue troublée par les quelques larmes silencieuses qu'elle avait laissées échapper, le visage de sa binôme préfète de Gryffondor. L’adolescente releva alors la tête sans pour autant quitter sa position recroquevillée. Quitte à ce que quelqu'un la voit ainsi... Et puis Oxy, elle était plutôt bien tombée. La châtain savait qu'elle pouvait entièrement faire confiance à la brune. Le risque que tout ceci s'ébruite était infime.

Les yeux noisette fixaient ceux plus sombre de la quatrième année. Elle n'avait aucunement envie de parler, encore moins si on ne lui posait pas de question. Et puis pour dire quoi? Qu'elle était quatrième et qu'elle était déçue de sa performance. Que ses sensations en vol ne revenait pas aussi bien qu'elle le pensait. Qu'elle était frustrée d'avoir peur de brusquer son épaule et qu'elle prenait moins de risques, limitant ses chances de prendre de l'avance? Ou bien devait-elle parler de Jeffrey et de ses réactions qu'elle peinait à suivre à cause de la rumeur qui la plaçait en couple avec Owen? Elle était face à Oxy. La quatrième année pouvait être à l'écoute mais elle ne voyait pas dans le sport la même chose qu'Ennis. Et puis, parler garçon? Mouais...

Oxy regarda le deuxième membre de leur équipe de choc, ou pas mais ça faisait du bien de le penser, lever les yeux vers elle. Elle fut troublée de les découvrir brillants comme des étoiles sous le poids des larmes qu'ils avaient du mal à contenir. Elle ouvrit la bouche pour parler mais, une fois n'est pas coutume, tant de questions fourmillaient dans sa tête qu'aucune ne put franchir le seuil de ses lèvres. Toute joie avait quitté la jeune Gryffone devant la détresse de son amie.

Qu'est-ce qui pouvait avoir mis son binôme dans un tel état ? Elle l'inspecta de haut en bas et du peu qu'elle pouvait voir elle ne semblait pas blessée. Son visage semblait porter de saines couleurs malgré les sillons plus clairs et humides. Pas de trace de boue dénotant d'une chute non plus. Son épaule ? Se tiendrait-elle dans cette position si elle la faisait souffrir ?

Mais si elle n'avait mal nul part, qu'est-ce qui pouvait bien lui arriver ? La course ? Il y avait eu un problème lors de celle-ci ? Elle ouvrit à nouveau la bouche pour lui demander, les yeux plongés dans les siens et... se tut à nouveau. Elle ne trouvait pas de mots. Et Ennis ne semblait pas prête à parler non plus.

Alors elle fit une chose surprenante venant d'elle. Elle lui sourit, se redressa, se décala pour poser elle aussi son dos contre le mur et se laissa tomber à côté de l'irlandaise. La météo glaciale de ce mois de février lui gela instantanément les fesses mais elle n'y prit garde. Elle était prête à rester là indéfiniment, auprès de son amie.

Mots en gras pour Au fil des mots

Malgré le crochetage de leurs pupilles, Oxy détacha ses yeux des siens pour l'observer, l'inspecter. Venant de quelqu'un d'autre, l'irlandaise l'aurait certainement vertement envoyé paître avec les Abraxans. Les personnes qui pouvaient se permettre pareil regard appuyé devaient se compter sur les doigts des deux mains. Voir d'une seule. Clément, Jeffrey, Oxy, Owen. Ces quatre là était sûr. Comment reagirait-elle venant de la part d'une autre membre de leur petit groupe d'amis? Cela dépendrait grandement de qui. Ils n'étaient qu'un ou deux qui, éventuellement, ne se feraient pas rembarrer. Et bientôt il y aurait Diarmuid. Bon, il faudrait les deux mains pour les lister. Et, si la cinquième année ne fit pas éclater de colère, elle réenfoui cependant son visage dans ses bras, ne pas voir qu'on la passait sous un spectre analytique rendait la chose moins désagréable.

Ainsi, la plus âgée des préfètes de la maison rouge et or ne vit pas le sourire de sa cadette, pas plus qu'elle ne la vit se redresser pour se déplacer. Par contre, elle la sentit très bien s'installer à ses côtés. Sur l'herbe humide et froide de février. La sensation lui fit redresser la tête pour discerner la brune assise, dos au mur. La châtain soupira et, tout en gardant les jambes pliées. Detacha ses bras de ses genoux pour se laisser aller contre la pierre glaciale qui se trouvait derrière elle.

Après un moment durant lequel Ennis s'était cachée de son regard, elle sembla se détendre un peu. Quoi que détendre, pour parler de son amie, c'était peut être un peu exagéré. Surtout vue la situation actuelle. Au moins n'était-elle plus en position fœtale. Elle s'était adossée au mur froid du château, tout comme elle. C'était un mieux, non ?

Oxy sentait vaguement sa chaleur corporelle à ses côté. Elles se frôlaient à peine, la plus jeune se souvenant de la gêne de son aînée aux contacts physiques. Elle voulait quand même que cette dernière sente sa présence. Qu'elle sache qu'elle était là.

Elle laissa son regard flâner vers la cime des arbres nus. Encore un mois ou deux à attendre puis les premières feuilles oseraient mettre un peu de couleurs aux branches et le parc se parerait à nouveau de la multitudes d'espèces de faune et de flore qu'elle pouvait compter. Elle était impatiente.

Elle fit rouler la tête sur la pierre froide pour que son regard se porte à nouveau sur sa voisine. Elle se sentait étonnamment bien et voulait transmettre de son calme à son amie qui paraissait avoir besoin de sérénité. Peut-être pourrait-elle lui parler des bienfaits de certaines poudres dans leur salle de bain réservée.

"Tu crois qu'on va avoir quoi au menu ce soir ?"

Et oui, vous pouviez toujours compter sur Oxy pour amener le thème de la nourriture pour remonter le moral des troupes. Ennis ne dut qu'à son changement de tenue express de ne pas se voir offrir un cookies abîmé ou autre sucrerie qui échouait généralement dans ses poches.

Il n'y avait pas vraiment de contact entre les deux adolescentes. Simplement assises dans le froid de l'hiver écossais, côte à côte, les deux jeunes filles restaient silencieuses. C'était tout juste si leurs épaules se frôlaient. Ce qui convenait bien à la plus âgée pour qui le fait de toucher une autre personne était loin d'être naturel. Dans le château ils étaient encore moins que ceux devant qui elle serait capable de ne pas masquer l'état dan lequel elle se trouvait actuellement. Trois tout au plus. Quatre dans ses bons jours. La châtain se concentrait sur sa respiration et retrouver un état de neutralité. Le bouillonnement de ses pensées et de ses émotions devenait bien trop ingérable. Trop dangereux. Et dans cette situation, si elle perdait le contrôle, elle savait de source sûre que personne ne pourrait l'aider au château. Diarmuid n'était pas encore arrivé. Owen devait déjà être parti, déjà de retour auprès de Domhall. Quoique si, éventuellement, elle pourrait toujours tenter de frapper à la porte du bureau d'un de ses professeurs. Sauf que la cinquième année avait du mal à demander de l'aide, et puis il devait avoir bien plus important à faire que de venir - encore - à son aide. Elle lui en avait déjà beaucoup demandé. Elle laissa donc ses yeux se perdre sur le paysage, observer sans voir le ciel, les arbres...

Elle calma sa respiration, inspirant et expirant profondément, déconnectant ses sens du monde extérieur pour se recentrer sur elle-même. Méditer, fermer presque hermétiquement ses paupières, à ne laisser qu'un filet de la lumière du jour frapper sa rétine, laisser le léger courant d'air rafraîchir son visage, se focaliser sur les fluctuations de sa magie, le reflux de ses sentiments, jusqu'à remodeler dans le fin fond de ses pensées la rune dédiée à Jeffrey et ce qu'il lui faisait ressentir. Et puis revenir, tranquillement, prendre le temps de remont... L'irlandaise sursauta:

- "Pardon?" Ses yeux s'ouvrirent sous la surprise, cherchant le regard d'Oxy. Il n'y avait qu'elle qui pouvait avoir parlé. Mais qu'avait-elle dit au juste? Ennis cherchait. Quels mots avait-elle utiliser. Elle était incapable de s'en souvenir. Ses oreilles avaient perçu le son, mais son cortex n'avait absolument pas traité le sens que ces derniers pouvaient avoir. Elle la regarda, si elle pouvait répéter.

A sa question, sa voisine sursauta. Oxy la regarda un instant. Avait-elle déjà oublié sa présence ? Elle se serait limite sentie vexée si le regard qu'elle croisait alors n'avait pas été si perdu. A moins que ce ne soit sa question qui la dérangeait ? Sa mélancolie était-elle liée à la nourriture ? Ce n'était quand même pas de chance de tomber pile dessus alors qu'elle cherchait justement à lui faire penser à autre chose qu'à ce qui la minait.

Elle haussa les épaules et chercha désespérément un nouveau sujet de conversation. Pas la course, pas son épaule et pas la nourriture non plus. Il leur restait quoi ? Les élèves de leur maison, elle n'en avait pas envie. Elles n'étaient pas que préfètes non plus. Les professeurs, Mr Mason et Miss Priddy ce n'était clairement pas le moment. Les cours, elle n'avait pas d'idée et pas envie de penser à ses devoirs en attente. Le temps qu'il faisait ? Ah non, le temps, si elles se mettaient à parler bourrasques, elles en reviendrait à la course. Oxy se demanda d'ailleurs si les coureurs de son épreuve avaient également dû supporter ces brusques montées de vent qui auraient pu les faire tomber de leurs balais.

Revenons-en à une question. Ses yeux se posèrent sur le badge de son amie. Puis une interrogation lui vint à l'esprit. Elle y avait pensé une fois ou deux, pourtant, elle n'avait jamais été voir. Cela lui semblait irrespectueux de le surveiller, de les surveiller. La curiosité était là cependant. Après tout, si elle ne souhaitait pas lui répondre, elle ne le ferait pas, tout simplement. Cela valait le coup d'essayer. Elle pointa l'insigne du doigt et releva son regard sur l'irlandaise.

"Tu l'as utilisé ?"

Puis elle se dit que préciser sa question pourrait être une bonne chose.

"Enfin pas celui-là. L'autre je veux dire. Celui de Mr Dole."

Elle se trouvait incapable de l'appeler par son prénom comme Ennis avait réussi à le faire ce jour là.

"Tu l'as contacté ?"

Et surtout, avait-il répondu ?

Sa camarade haussa les épaules à son interrogation. Elle ne voulait pas répéter sa question? Ennis ne chercha pas beaucoup plus loin. Si elle ne formulait pas de nouveau ce qu'elle venait de dire, elle n'allait certainement pas chercher à ce qu'elle le fasse. Ce n'était déjà pas dans ses habitudes, alors encore moins aujourd'hui où elle n'avait guère envie de socialiser et encore moins de parler. Alors elle ne dit rien, posant son menton sur ses bras en attendant que le temps passe, que sa cadette dise à nouveau quelque chose ou bien s'en aille d'en avoir marre d'attendre une réaction. Et, finalement, cette dernière retint la première option, parler à nouveau.

La cinquième année baissa les yeux sur le bout de badge visible sur sa cape que désignait Oxy. Elle fronça les sourcils jusqu'à ce que la mention de leur ancien professeur de Défense contre les Forces du Mal lui permette de mieux comprendre ce que la brune voulait dire. Les yeux noisette reprirent contact avec ceux plus foncés et la châtain s'entendit dire d'une voix étouffée:

- "Oui." Elle l'avait contacté courant décembre après plus d'un mois d'hésitation. Son épaule, la rumeur, c'était beaucoup à porter. Mais elle n'avait pas voulu en parler à Mark. C'était la rencontre dans la bibliothèque avec Sixtine Valerion qui avait été un élément déclencheur. Elle avait eu des question à poser à l'ancien auror. Et puis la discussion avait dérivé.

Un simple oui. Tout juste une syllabe. Rien d'autre. Pas un son de plus que ces trois petites lettres. Pas même une consonne pour aller avec. Non, rien. Eh bien, elles n'allaient pas aller loin avec ça. Et pourtant ce petit mot faisait monter un Oxy un tel nombre de questions. Quand ? Comment ? Pourquoi ? Comment, elle en avait une bonne idée mis les deux autres... La jeune préfète était partagée entre la curiosité d'en savoir plus et le fait que sa voisine ne semblait pas en état de parler. Ou pas suffisamment pour répondre correctement à ses questions.

De quelle couleur avait été sa croix. Pourquoi l'avait-elle tracée. Combien de temps avait-il mis à y répondre. Avait-il envoyé un simple Hibou ou s'était-il présenté en personne. Où cela ? Pas à Poudlard, forcément. A moins que les anciens professeurs n'aient le droit de revenir ? Ou avait-il des amis ici qui pouvaient pallier ce genre de problème. Était-il en mesure de dépêcher un autre professeur ou adulte de Poudlard ? Ou alors Ennis avait gravé sa croix depuis Pré-Au-Lard...

Tant de questions et un simple oui. La frustration se faisait sentir de plus en plus violemment. Elle avait presque envie de la secouer pour en extirper les réponses. Voire même de lui crier dessus pour la faire réagir. L'air égaré de sa voisine la retint pourtant. Ce n'était apparemment pas le moment. Apparemment, ce n'était pas plus le moment pour parler que pour bouger. Elle était un peu inquiète de la voir dans cet état. Elle se demanda à nouveau ce qui avait bien pu lui arriver.

Elle soupira, se réinstalla plus ou moins confortablement contre les pierres froides du château et laissa à nouveau son regard errer. Ennis finirait bien par avoir envie de parler ou de bouger. Et Oxy serait là à ce moment là.