Ce Silencio sortit de nulle part lui coupa carrément le souffle. D’abord interloquée, elle tenta de prononcer un « Aaah » mais rien. Rien ne vint. Elle porta instinctivement ses mains à sa gorge, un peu panique et battant des cils pour bien comprendre ce qu’il se passait. Jamais encore, elle n’avait été atteinte d’un sortilège de mutisme, et encore moins par un professeur.

Pendant ce temps, la professeure la sermonnait sur son intention de faire des bébés. Toutes sortes de questions se chevauchaient les unes sur les autres. Elle fit la grimace à l’expression « donner son corps ». Yesenia n’avait aucune envie de donner son corps à quelqu’un. C’était dégoutant. Elle n’avait pas envie de n’être qu’un morceau de tête. Et puis, que ferait-on avec un corps de Yesenia ?

Cependant, la mention de l’amour lui fit relever la tête. Elle avait déjà entendu ça quelque part… Donner son corps était donc comme un bon gros galochage des familles. Reservé aux amoureux. Elle soupira silencieusement, et sa professeure comprit alors qu’elle était toujours en sourdine.

Le sortilège défait lui donna une drôle d’impression. Comme un serpent qui se dessert progressivement de sa proie. Elle se racla discrètement la gorge, et reprit une bouffée d’air.

- Ça s’attrape comment ? J’veux dire… être amoureuse… on fait ça comment ? Je ne l’ai jamais été. Dit-elle, honteuse. Et si je ne le deviens jamais ? Je ne ferai jamais tout ça. Est-ce que je suis normale ?

« Et vous Mrs., vous avez déjà été amoureuse ? » avait-elle envie de demander. Elle baissa la tête vers ses pieds, regrettant immédiatement d'avoir posé de nouvelles questions. Elle en avait trop dit. Mrs. Valerion avait montré une certaine patience, il était inutile d'en user.

- Laissez tomber, mes questions sont idiotes. Mais vos réponses m'ont déjà beaucoup aidée à comprendre... Certains trucs. Merci.

Au moment ou Sixtine aborda le sujet de l'amour, la petite Cooper releva la tête vers la professeure mais, elle n'avait pas pu mettre de mot tout de suite sur ses impressions puisqu'elle était sous l'effet du sortilège de mutisme. Une fois que la professeure comprit ça, elle avait lancé un finite sur l'adolescente pour qu'elle puisse de nouveau être libre de ses paroles.

Elle avait demandé à sa professeure comment était il possible d'attraper l'amour... Quelle drôle de question. Cooper n'était pourtant pas une enfant sortie du jardin mais une adolescente qui avait déjà dû se poser des questions avec ses copines. De plus, elle l'avait vu durant le bal d'Halloween avec ce petit blond sans costume. Ces deux là avaient l'air de sortir ensemble alors pourquoi ne connaissait-elle rien à l'amour ?

- Mais non voyons, ça ne s'attrape pas. Ce n'est pas une maladie. Oui bien sur qu'un jour vous allez être amoureuse... Vous allez le savoir, vous allez sentir une sensation nouvelle dans votre ventre c'est ce que l'on appelle "avoir des papillons" et, quand vous allez voir cette personne, vous allez sourire sans raison. Il s'agira d'une sensation nouvelle, vos yeux brilleront en voyant cette personne et votre cœur accéléra les battements qu'il produit.

Sixtine arrêta un moment d'inonder son élève avec toutes les informations qu'elle avait en sa possession. Ca faisait quelques années qu'elle n'était pas tombée amoureuse mais elle se souvenait malgré tout vaguement des sensations qu'elle avait éprouvé à l'époque. Elle se souvenait aussi du mal que ça pouvait causer mais elle avait préféré ne pas en dire plus à ce sujet.

- Non, vos questions ne sont pas idiotes mais je m'étonne que vous ne sachiez pas déjà tout ça.

Mais si l’amour ne s’attrapait pas, comment cela fonctionnait-il ? Yesenia bouillonnait d’idées, de questions, de réflexions. Elle cherchait au fond d’elle si ce sentiment s’était déjà produit auparavant dans sa vie.

L’expression « avoir des papillons » la fit sourire malgré elle. Etait-ce douloureux ? Yesenia semblait associer ce sentiment à un autre. Lorsqu’elle faisait une bêtise, et était à la limite de se faire attraper, elle ressentait une sorte d’excitation qui s’immisçait dans son estomac. Son ventre se tordait, mais ce n’était pas douloureux. C’était surtout… très amusant. Une sorte d’adrénaline indescriptible qui la poussait toujours à aller plus loin dans ses farces.

- Je souris déjà sans raison. Quand je vois mes amis. Aliosus, ou Kelly, par exemple. Mais je n’ai jamais eu les yeux qui brillent… Sauf quand je vois une belle plante en botanique.

Etrangement, ces nouvelles sensations lui donnaient envie d’en savoir plus, et de gouter à tout cela. Elle avait soudain envie d’avoir le coeur qui palpite, et ce sentiment au creux de son ventre. Elle avait envie d’être amoureuse.

Yesenia se sentit gênée de « ne pas savoir » face à Mrs. Valerion et, d’un coup, elle se rappela que Mrs. Valerion n’était que son professeur. Elle baissa la tête, honteuse, comme si on lui avait donné un Acceptable en « Puberté et relations amoureuses ». Si cela avait été une matière enseignée à Poudlard, l’adolescente aurait certainement dévoré un rayon de bibliothèque pour en savoir plus.

- Je ne suis pas la plus informée, je l’avoue. Dit-elle d’une petite voix. Mais je suis curieuse. Et j’apprends vite.

Yesenia se dandinait d’un pied à l’autre, puis se rappela qu’elle était toujours en pyjama, et qu’il fallait trouver une solution rapidement à son petit problème de base.

- Je… Je devrais aller à l’infirmerie maintenant, je crois…

Cette enfant n'avait décidément pas grand chose dans la tête et Sixtine aurait simplement passé son chemin en temps normal. Mais, elle était professeure maintenant et les petites têtes blondes qu'elle croisait lui adoucissaient le coeur. Et pourtant, là tout de suite, elle en avait ras le chapeau de sorcière de la petite Cooper. Elle n'avait absolument rien compris au discours de sa professeure, voilà qu'elle confondait l'amitié et l'amour. Il n'y avait plus rien que Sixtine puisse faire pour cette petite, elle était un cas désespéré.

Après un long soupire qui en disait beaucoup, elle continua d'écouter celle qui passait à l'âge adulte puis, lorsque cette dernière indiqua qu'elle devait se rendre à l'infirmerie ce fut comme un soulagement pour la professeure, cette enfant venait enfin, d'avoir une parole sensée.

- Par Merlin qu'elle merveilleuse idée, je vous y conduis.

Elle avait attrapé la main de la petite brunette et elle l'avait conduit en silence jusqu'à l'infirmerie. Elle s'était assurée que quelqu'un prenne en charge, elle avait expliqué de quoi elle souffrait puis, une fois qu'elle était sur qu'elle se trouvait entre de bonnes mains, elle recoiffa la jeune fille, lui fit un sourire avant d'ajouter :

- Vous allez surement passer la nuit ici, reposez vous et soyez en forme demain.

Sur ces mots, elle quitta l'infirmerie et continua sa ballade nocturne dans les couloirs du château espérant que le sommeil vienne jusqu'à elle.

Ce long soupir aussi bruyant qu’un Poufsouffle mâchant une part de gâteau irrita Yesenia. Elle baissa la tête, très honteuse, et se promit de ne plus jamais croiser un professeur dans une situation aussi embarrassante. Mieux valait encore être avalée toute crue par le calmar géant en personne que de vivre pareille situation.

La professeure de défense contre les forces du mal emmena l’adolescente à l’infirmerie. Yesenia regarda l’infirmerie d’un oeil suspicieux. Il était hors de question qu’elle passe tous les mois ici. Mais la fatigue l’emportait déjà. D’un geste étonnamment tendre, Mrs. Valerion recoiffa Yesenia, et la fillette évita son regard.

- Merci beaucoup, Mrs. Valerion. Dit-elle simplement.

Ce n’était pas qu’un simple merci pour l’avoir accompagnée à l’infirmerie. C’était un merci pour la porte qui venait de s’ouvrir vers la puberté et tous ses tracas.

Cette nuit-là, Yesenia s’endormit rapidement, les mains contre le visage, lovée dans les draps de l’infirmerie. Ses rêves mêlaient toutes sortes de sentiments. Elle se voyait sourire et tomber amoureuse d’un inconnu, tout en entendant en boucle les sages paroles de son professeur, puis Yesenia se retrouvait dans la classe de métamorphose vide, les pieds nus pataugeant dans un liquide rougeâtre, avant de tomber à la renverse dans un carré d’herbe, où Aliosus était couché à côté d’elle. 



Ces drôles de rêves furent bien vite oubliés, dès son réveil le lendemain matin.

Fin du rp. Merci Mrs.