« Peeves fait encore des siennes au sommet de la Tour d'Astronomie. »

Deux Serpentard de sixième année l'avait alerté des facéties de l'esprit frappeur. Et comme souvent, c'était lui, le Baron Sanglant, qui devait s'en charger. Était-il devenu un simple serviteur du château ? Un pion qu'on utilise à sa guise ? À cette simple pensée, une profonde irritation le gagna.

Ses chaînes frappant chacune des marches, le fantôme terminait l'ascension de la Tour d'Astronomie. Il espérait que Peeves s'y trouve et qu'il ne venait pas de perdre son temps à grimper ces escaliers inutilement. Arrivé au sommet, aucune trace de celui qu'il cherchait. Mais pourtant l'endroit n'était pas vide. Son regard froid se posa sur deux jeunes filles de la maison d'Helga.

Cela faisait plus de deux heures que le couvre-feu était dépassé. Le courroux du Baron allait finalement trouvé une cible sur qui s'abattre. Elles n'avaient aucune raison d'être là et le fantôme allait leur rappeler sans détour.

« Jeunes filles, le couvre-feu est dépassé depuis bien longtemps. Aucun motif valable ne vous autorise à être ici. Je pense que vos professeurs seraient ravis d'apprendre que vous n'avez aucun respect pour le règlement de l'école. »

Le fantôme n'avait que faire des explications qu'elles tenteraient de lui apporter. Il devait trouver Peeves et s'apprêtait à faire le tour du lieu voir si le fantôme sournois se terrait quelque part.

Elle ne réagit pas.
Elle ne dit pas un mot.
Que pense-t-elle ?
Que se passe-t-il dans sa tête ?
Parfois, tu aimerais presque pouvoir lire les penser des autres.
Autre ou autre ?
Les Autres ne sont-ils pas eux même les Autres des Autres ?
Et toi, qui es-tu ? Pour elle ? Pour eux ? *Pour moi ?*
Quelqu'un ? Ou personne ?

Les Étoiles brillent dans le Ciel.
Elles illuminent la vie de bien de personnes.
Elles ont cette force que tu n'as pas. Que tu n'as plus.
Et elle ? La Jaune, l'a-t-elle ?
Tu tournes ta tête du sol. Tu décolles tes yeux des dalles de pierre.
Et tu laisses glisser ton regard jusqu'à elle.
Elle est fasse à la Mer d'illumination.
Elle n'est pas tête contre sol.
Elle est forte. Comme Elles.
*Mais à la fin, ça sert à quoi d'être forte ? J'en ai marre moi. Elles, elles sont belles. Elles n'ont rien à faire pour être merveilleuse. Et elle, elle est forte. Moi à côté j'suis quoi ? Rien. J'suis simplement rien. Et j'en ai marre de lutter pour être quelques chose*

- Au m-moins, tu l'sais...

Qu'est-ce que tu sais ?
Ça, tu ne le sais pas.
De quoi parle-t-elle ?
*Moi j'sais rien... Absolument rien... Pas comme Elles...*

Tu n'as pourtant pas vraiment plus de temps pour réfléchir au sens des paroles de la Jaune et Noir que de nouveaux mots sortent d'entre ses lèvres pour aller s'élever dans la nuit printanière.
A quoi ça sert ?
A quoi elles servent ?
*Pourquoi tu d'mandes à moi ? J'sais rien, moi.*
Et puis, véritablement, à quoi elles servent ?
Qui sont-elles vraiment ?
Autre que des jolies petits points qui brillent dans le ciel, qui décorent la belle robe de Mère Nuit.
Tu n'en sais rien.
Mais as-tu seulement envie de savoir ?
Ça non plus tu ne sais pas.
Décidément, tu es qu'une...

- Ignorante.

Les mots sortent.
Les mots s'envolent.
Les mots dansent.
Du plus profond de ton esprit, ils s'en vont avec une telle véracité.

- J'suis qu'une ignorante.

Pourquoi as-tu mis à jour cette pensée ?
Tu n'en sais rien.
La Jaune s'en fiche probablement mais pourtant, tu l'as dit.
Elle, elle le sait maintenant.
Elle sait qui tu es.
*Rien*

Tu sursautes alors.
Un mouvement de surprise inattendu.
A qui appartient cette voix sortit ainsi ?
Tu étais tant plongée dans le méandre de tes pensées que tu n'as même pas remarqué la venu de... *Lui ?*
Tu te tournes légèrement sur tes fesses à même le sol. Tu laisses ton regard partir de la Jaune et Noir pour aller vers cet invité mystère.
Le... *Baron Sanglant*
Tu n'avais même pas réalisé que c'était bien sa voix sortit de nul part.

Tu ne sais pas quoi faire.
*Pour changer !*
L'exaspération envers toi-même est de plus en plus présente. Ça t'énerve de ne jamais rien savoir.
Elle, *ou même Elles,* elle doit *,doivent,* savoir quoi faire, quoi répondre.
Mais pas moi.
Alors, tu laisses juste le Silence répondre à ta place.
Lui, il est bien plus beau que *moi*.

" Ignorante."

La Jaune aurait pu tout dire.
Elle aurait pu tout avancer, tout décrire, ou au contraire ne rien dire. Elle avait l'infini des Possibles sous les yeux, et parmi tous les mots compris dans le monde, elle avait choisi celui-ci.

Si le froid n'avait pas anesthésie ses sens, la colère serait montée bien plus vite.
C'était un liquide aigre qui faisaient crisper ses poings, frémir ses doigts, tendre ses muscles.
Elle avait l'impression d'être un morceau de métal qu'on venait de plonger dans de l'eau glaciale. Elle se refroidissait, se durcissait, elle devenait aussi figée qu'une statue.
Une pauvre statue, ridicule, qui essayait quoi? D'entrevoir des reflets dans les étoiles?

Normalement, c'est à ce moment là que la Lune se voile, dans les romans.
Que le vent se met à forcir, que les étoiles se mettent à bouder, qu'elles se cachent et qu'elles ne réapparaissent pas.
Mais elle n'était pas une petite Fille de Papier, une petite marionnette entre les mains de quelqu'un.
Alors, la Lune ne bougea pas dans le ciel immense.
Les étoiles ne se mirent pas à disparaître. Elles brillèrent toujours avec autant d'intensité.
Extérieures à ce qui se passait ici-bas.
Elle pouvait leur prêter les plus beaux sentiments, elle pouvait leur offrir des mots, ce n'était qu'une relation à sens unique. Les étoiles ne s'amusaient certainement pas à prêter des belles choses aux humains.

"J'suis qu'une ignorante."

C'est comme si cette phrase lui faisait l'effet d'une marche arrière dans une voiture moldue.
Brusque, incontrôlée, irréversible.
Soudain, ce n'est plus elle, Alison, que la Jaune accuse. C'est elle-même.

Elle aurait voulu répliquer quelque chose, mais une autre voix la coupa.
Devant ses yeux, elle vit se détacher Julie, qui sursauta. Comme si ce n'était plus vraiment elle qui regardait.
Elle avait reconnu la voix.
Se retournant sans surprise, elle dévisagea le Baron Sanglant.

Que dire à ça?
La panique la submergea.
Elle n'avait aucune envie, mais alors aucune, de se faire prendre et punir.
Son sang battait à ses tempes, beaucoup trop fort pour lui permettre de s'en sortir avec une excuse louable.
Julie semblait dans la même incapacité de répondre.
*Merlin, c'est trop con!*

Fermant pendant un dixième de seconde les yeux, elle se rappela les différentes possibilités que le Baron Sanglant traîne dehors.
1/ Pour attraper les élèves assez idiotes comme elles deux pour se balader en dépit du couvre-feu.
2/ Parce que c 'était un fantôme, et qu'il pouvait faire ce qu'il voulait. *Ça doit être bien, d'être un fantôme.*
3/ Parce que les professeurs avaient besoin de lui pour... *Peeves*.

Elle se raccrocha à cette dernière hypothèse de toutes ses forces. Peut-être que le Baron voudrait bien les laisser tranquille si jamais elle l'aiguillait?
Sauf qu'elle n'avait pas la moindre misérable once d'idée de savoir où était l'esprit frappeur.

Détaillant rapidement le Baron, elle se surprit à penser que s'il cherchait Peeves, il n'en avait certainement rien à carrer de leurs excuses.
Elle aurait pu prétexter un devoir d'astronomie, mais elle pensait bien que le fantôme s'en moquait comme de son premier bavoir.

Au lieu de quoi, elle balbutia, incertaine !

"On est d-désolées M'sieur l'Baron... E-elle voulait... Parler à son grand-père, et..."

Elle s'arrêta là, ne voulant pas dévoiler plus que ça la vie privée de la Jaune. Si seulement l'autre pouvait confirmer qu'elle lui avait demandé de venir pour dire adieu à son Grand-père...
*Dans mes rêves.*
Mais normalement, on pardonnait à ceux qui ont Mal? Qui sont jeunes, qui sont paumés et qui font des erreurs?
*Ah. Ah. Ah. Le Baron a l'air d'être le Père-Noël? Ben voilà.*

"Vous cherchez Peeves?"

Trop direct. Toujours trop.
Mais elle n'avait aucune envie de changer sa phrase pour un "Vous cherchez des élèves assez stupides pour braver le couvre-feu?".

La voix lugubre du Baron Sanglant fit sursauter l'une des deux jeunes filles. Celle-ci semblait circonspecte ne sachant comment réagir face au fantôme. Heureusement, la seconde élève s'avéra plus loquace. Elle commença par s'excuser mais chercha rapidement à justifier leurs présences en ce lieu. Le Baron voulut lui dire qu'il était étonnant de croire que le grand-père se trouverait au sommet de la tour d'astronomie en pleine nuit mais fort heureusement la jeune fille s'interrompit.

Aucune trace de Peeves. Il n'avait rien à faire ici. Ne souhaitant davantage s'attarder, le fantôme s'apprêta à quitter l'endroit. Que les deux élèves ne se croient, cependant, pas tirées d'affaire. Si le Baron Sanglant croisait un professeur, nul doute qu'il l'avertirait de l'attitude des deux rebelles. Mais alors qu'il atteignait la première marche de l'escalier, un mot résonna à ses oreilles fantomatiques. Peeves.

« L'avez-vous vu ? Dites-moi que votre présence ici n'est pas complètement vide de sens. »

Les émotions de la soirée t'ont à demi épuisée et pas un mot n'arrive à s'échapper de tes lèvres.
Heureusement pour toi, Alison semble plus à même de répondre au Baron Sanglant.
Elle, elle sait quoi dire.
Elle s'excuse.
C'est surement ce que tu aurais dut faire depuis longtemps mais tu n'y arrives pas.
Et elle explique aussi.
L'entendre dire que tu voulais parler à ton grand-père du haut de la tour d'Astronomie sonne bizarrement tout à cout. Le fantôme de Serpentard ne doit rien comprendre à cette histoire. Toi-même si tu n'étais pas concernée, tu aurais peut-être du mal à saisir.
Mais la Jaune et Noir s'arrête là et n'en dit pas plus. Au fond, tu la remercies de ne pas en s'étaler de trop, tu ne souhaites pas qu'il sache. C'est ta vie et ça ne regarde que toi.

Pourtant le Baron ne semble pas s'intéresser à cette histoire mais bien à autre chose.
Tu as beau réfléchir, impossible de faire fonctionner correctement ton cerveau.
Encore une fois, c'est Alison qui saisit la raison de la venue du fantôme.
*Qu'est-ce que j'ferais sans elle ?*
Tu ne sais vraiment pas.

- Vous cherchez Peeves ?

Bien sûr, si ce n'est pas des élèves sortis après le couvre-feu peut-être est-ce l'esprit frappeur de l'école que cherche le Baron Sanglant.
A peine ces mots sont sortis de la bouche de la Poufsouffle que le Serpentard s'empresse de demander.
*Des informations ?*
Tu as beau faire fonctionner de toute tes forces ton cerveau, aucun souvenir de l'avoir croisé dans la soirée en te rendant à la tour d'Astronomie.
D'un geste machinale, tu te mord la lèvre inférieur.
Pourquoi faut-il que tu n'es aucune information pour vous sortir de là ?
Tu ne souhaites pas laisser Alison seule dans cette galère et pourtant tu te sens bien incapable de faire quoique ce soit.
Alors, tu croises les doigts en espérant que la Jaune est des informations à fournir au fantôme. Si elle a pausé cette question, peut-être en a-t-elle. Sinon, votre présence est belle et bien vide de sens aux yeux du Baron malgré qu'elle ne le soit pas pour toi.

Peut-être qu'elle aurait dû se taire.
Non, c'était même une certitude : elle aurait dû la boucler, ne jamais ouvrir sa bouche.
Avoir l'attention du baron pour elle toute seule ne lui plaisait pas. Vraiment pas.

Regardant le fantôme avec un air neutre, elle se força à ne pas paniquer et respira un bon coup avant de répondre :

"Il est parti vers l'infirmerie quand j'suis montée jusqu'ici."

Sa voix n'avait pas tremblé, elle donnait l'illusion d'être parfaitement sereine, alors que son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine. Elle suppliait intérieurement le Baron de partir, descendre ces foutus escaliers et ne pas remonter.
Elle jeta un coup d’œil à la Jaune à ses côtés. Elle ne voulait pas se faire punir. Une fois dans le bureau du concierge lui avait largement suffi.
C'était important pour la fille d'avoir été là ce soir. Cela l'avait été, et cela le serait toujours. Mais il fallait qu'elles fuient. Vite.

Elle avait cité machinalement le troisième étage, parce qu'elle savait que Peeves y rôdait souvent. Et puis elle connaissait d'autres escaliers pour rentrer à Poufsouffle pour ne pas recroiser le fantôme des Serpentards. Et c'était tout ce qui lui importait à présent.

Elle hésita à ajouter une phrase bateau comme quoi elle promettait solennellement *que toutes mes intentions sont mauvaises* qu'elles allaient rentrer bien docilement dans leurs dortoirs, mais se retint juste à temps.
Pas sûre que le Baron soit d'humeur pour les promesses. Et elle n'avait pas envie de diriger à nouveau le courroux du fantôme vers elles deux.
Elle avait l'impression d'être un chevalier en train de protéger l'autre Jaune.
*Quelle ironie. Moi, en armure ?*

Elle haussa les épaules intérieurement et resta à fixer la porte de toutes ses forces, comme si ne pas détourner son regard pourrait lui permettre de la traverser instantanément et de se retrouver dans son lit.