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19 avr. 2022, 14:27
La Moldue aux Camélias — Chapitre I  SOLO 
⇝ La Moldue aux Camélias — Prologue

Reducio
PRESENTS DANS CE RP :

ELIAN KERNAC'H (personnage joué)
A treize ans dans ce RP (septembre 2044), il rentre en troisième année d'études à l'école de sorcellerie Poudlard.


EVELYN KERNAC'H (père)
Sorcier de quarante-sept ans, il est trésorier dans une entreprise de fabrication de chaudrons.


POPPY JONES (mère)
Moldue britannique de quarante-quatre ans, elle vit à Paris.




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« Ils descendirent doucement dans le Jardin, et sautèrent
par-dessus les murailles. Ils coururent presque toute la nuit,
toujours en tremblant et sans savoir où ils allaient. »
– Charles Perrault


1st September, 2044
Aux alentours de la gare King's Cross


Avec les capacités attentionnelles dignes de celles d'un chat, Elian n'attendit pas la réponse de sa camarade et se retourna sur lui-même pour confirmer le fait qu'il n'était pas complètement paranoïaque. Il la vit alors très clairement, cette dame qui les observait depuis le chœur extérieur de l'église paroissiale. C'était... Maman ? Tous les enfants revoyant leur mère depuis tant d'années auraient accouru dans ses bras, le cœur battant et les larmes aux yeux. Elian, lui aussi, ressentait bien cet instinct naturelle de tomber dans ses bras, mais plusieurs choses le modéraient à cet instant : la présence de son père en premier lieu et la mauvaise temporalité en second lieu. C'était bel et bien le jour de la rentrée et il ne fallait absolument pas rater le Poudlard Express au risque d'avoir affaire aux Robes Noirs... aux Blousons Noirs... aux Manteaux Noirs, oui aux Manteaux Noirs ! Peu importait leur nom de fashion-addict, Elian les craignait sans même en avoir réellement croisé un jusqu'à présent. Pourtant, Poppy Jones était bel et bien là, il n'y avait aucun doute possible. C'était inimaginable de l'imaginer ici, aujourd'hui, à Londres... En réalité, c'était inimaginable de l'imaginer tout court, pour Elian qui ne l'avait pas revu depuis près de quatre ans depuis son départ ! Ses yeux se posèrent sur la pendule de l'église : il restait une heure, non... Il plissa les yeux : une heure quarante-huit avant le départ du train. Son père était visiblement encore occupé avec celui de Siobhán. La tête d'Elian ne cessait de réaliser des aller-retours entre la pendule, le grand sorcier et la Moldue. Tic, tac. Tic, tac. Fais ton choix Kernac'h, vite ! Que venait-il de tomber de la poche de la dame au trench-coat écarlate ? Sa curiosité était piquée. Détective Kernac'h, au rapport ! Non... Il ne pouvait pas faire ça à son père... Tic, tac. Tic, tac. Il croisa soudain le regard de Solal la Crapaude dans son terrarium, toujours fixé entre deux tombes au pied de l'arbre, comme un instant suspendu. Crôa. Que veux-tu dire ? Le garçon secoua la tête et se retourna de nouveau : sa dame leur adressait un signe de la main, faisant mine de s'éloigner comme si de rien n'était, dans la direction opposée à la leur. Elle semblait vouloir être suivie, c'était certain, et le jeune sorcier n'avait besoin que de ce signal - ce prétexte - pour partir d'un seul coup à sa poursuite. Il lança un « Couvre-moi ! » à Siobhán, sans vraiment savoir comment sa camarade pourrait justifier sa subite absence à son père, avant de se précipiter pour rejoindre l'arrière de l'édifice où sa mère venait de disparaitre. Quatre ans d'absence et seulement des lettres au contenu bien mystérieux envoyées l'année passée... Poppy Jones se donnait bien du mal pour lui, juste pour lui !

Elian ne modéra pas son arrivée au centre des musiciens et chanteurs de l'église, il déboula et ramassa la chose qui était tombée de la poche de sa mère au passage. Sous les rouspétances du petit public, il continua sa route à vive allure jusqu'à l'endroit où il avait vu Poppy Jones disparaître et s'arrêta enfin, haletant. Un parfum fruité le saisit soudain.
« Maman ? » hasarda-t-il, incrédule. Tournant dans toutes les directions, il dut rapidement arriver au constat qu'elle semblait avoir soudainement disparu. Merlin, il avait décampé comme un voleur et voilà qu'il perdait la tête ! C'était trop tard pour reculer : son poing qui avait agrippé la chose abandonnée au sol s'ouvrit sur une fleur. Elle avait maintenant une drôle de tête mais il l'identifia rapidement comme étant un géranium rouge. Son sourire s'étira : c'était bien elle, ça, à devoir passer par des intermédiaires pour s'exprimer à lui. C'était probablement un message à déchiffrer, comme l'année dernière au cours de leur correspondance épistolaire, bien que cette fois-ci elle avait décidé de se montrer directement. Son cœur s'accéléra de nouveau quand il entendit la voix tonitruante de son père, au loin. Oh non, il était au courant de son escapade ! L'avait-il vu partir dans cette direction ? Siobhàn n'aurait pas pu faire grand chose pour lui faire gagner du temps, de toute façon... Mais Elian ne désirait qu'une chose, c'était d'éclaircir ce qu'il venait de se passer pour pouvoir trouver sa maman avant de partir en Ecosse. Sa main se referma sur la tête de géranium, la rapprochant de son cœur et fermant les yeux. Respire Kernac'h, réfléchis... Cet exercice aurait été rendu plus facile s'il avait eu sur lui le manuel d'interprétation du langage des fleurs, resté bien au chaud à la bibliothèque de Poudlard. Un géranium rouge pour... Pour une invitation ! Oui, c'était bien ça, il s'en souvenait parfaitement !
« Elian, qu'est-ce que tu fais ?! » L'ombre de son père se dessina tout près du pan de mur à côté de lui, et le garçon décampa à toute vitesse de l'autre côté de la paroisse. Pour lui, ce n'était pas fini tant que ce mystère n'avait pas trouvé de réponse. C'est surtout pour revoir maman... Alors qu'il tournait au virage, il croisa une nouvelle fleur qu'il ramassa au passage sur le gravier. Une adorable pâquerette : la vérité. Il rangea les deux fleurs dans la poche de son manteau. L'invitation à la vérité, c'était de cela qu'il s'agissait ? Elian observa le sol dans les environs, sachant maintenant ce qu'il devait chercher. La grille au fond du parc le dérangea un instant de son grincement caractéristique. Il releva la tête et surprit le pan d'un manteau rouge se faufiler derrière la haute haie. Poppy Jones venait de quitter le parc. Sans réfléchir, il se précipita à sa suite, sautant par-dessus la porte de la grille au lieu de prendre le temps de la pousser comme un humain normal. Il entendait son nom retentir derrière lui d'une façon plus menaçante mais, tant qu'il se trouvait parmi des Moldus, son père ne pouvait pas transplaner ni l'entraver d'un sort. Elian était bien plus petit et agile, il distança facilement le sorcier, évitant soigneusement de croiser son regard dans sa course : il l'aurait sûrement fusillé sur place.
Dernière modification par Elian Kernac'h le 16 sept. 2022, 22:21, modifié 4 fois.

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26 avr. 2022, 17:39
La Moldue aux Camélias — Chapitre I  SOLO 
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1st September, 2044
Aux alentours de la gare King's Cross
H-1h40 avant le départ du train

L'invitation à la vérité... Grâce au langage des plantes, celui qu'ils employaient pour communiquer durant l'année scolaire, Elian était persuadé qu'il détenait bien la raison de la présence de Poppy Jones à Londres. Au loin, bien engagés la longue rue adjacente au parc, il distinguait toujours parfaitement la silhouette de sa mère qui avançait d'un pas pressé. Comment pouvait-elle savoir qu'il avait saisi son message et qu'il s'était élancé à sa poursuite ? La Moldue devait avoir une confiance aveugle en lui, mais le jeune sorcier se concentrait pour le moment sur sa course, n'y réfléchissant pas plus que cela. Un rapide coup d'œil jeté derrière son dos confirma le fait que son père le poursuivait toujours, à une cinquantaine de mètres plus loin. Le garçon allait d'une minute à l'autre atteindre à toute allure l'intersection derrière laquelle Poppy Jones venait de disparaitre temporairement de son champ de vision. Déjà essoufflé - il ne se souvenait pas de la dernière fois où il avait couru aussi vite - le garçon se sentait ralentir. L'air se comprimait dans ses poumons et il fallait dire que la grosse écharpe qui dissimulait la moitié de son visage ne l'aidait pas à reprendre son rythme cardiaque usuel. Heureusement, la voix très lointaine de son père lui indiquait qu'il demeurait hors de portée.

Cambré, les mains sur ses genoux, Elian souffla plusieurs fois avant de reprendre sa course de plus belle, tournant au même endroit que sa mère une minute plus tôt. Puis, à mesure qu'il observait autour de lui, sa démarche ralentit : Poppy Jones semblait une nouvelle fois avoir disparu. La rue se divisant en plusieurs chemins, il décida d'avancer encore pour atteindre le premier croisement, toujours essoufflé par cet effort matinal. « Maman ?! Ou-hou ! Maman ? » tenta-t-il. "Je suis loin derrière toi !" Ce terrible souvenir d'enfance qui revenait... Malgré la situation, Elian parvenait à garder son calme, sûrement grâce à sa certaine capacité de foncer tête baissée sans trop analyser ses actions. Mais si cet épisode - qui avait tristement marqué son enfance avec Poppy Jones - insistait pour se rappeler à sa mémoire... Le garçon souffla plus longuement, comme s'il soupirait déjà de sa très proche défaite : il ne saurait pas se perdre plus loin, au hasard dans les rues de ce quartier de Londres. Devait-il patienter, les mains dans les poches, jusqu'à ce que son père le rejoigne ? Après tout, il pouvait encore empêcher que son pauvre papa ne fasse un infarctus. Sa main droite toucha soudain les petites fleurs ramollies laissées par sa mère dans le parc. Le sol, regarde le sol ! Ce regain d'espoir l'activa instantanément au plein milieu du trottoir.

Jusqu'à maintenant, Poppy Jones n'avait rien laissé au hasard ! A quelques mètres devant lui, au prochain croisement, un nouveau plan végétal trônait royalement sous ses yeux ébahis. « Elian ! Arrête-toi ! Maintenant ! » entendit-il beugler derrière lui. Bien qu'il voyait son père arriver sur lui dans une rage folle, la barbe emmêlée et le visage rouge sang, Elian ravala sa salive et repartit à toute enjambée sur la plante qui lui était destinée, l'enfournant dans sa poche parmi les autres sans prendre la peine de l'observer empruntant le bon entrecroisement. La rue était toujours traversée par les voitures Moldues, c'était sa chance ! Même si son père était capable de briser les lois sorcières pour le stopper, quelque chose lui faisait dire qu'il ne franchirait tout de même pas cette ligne, comme la fierté à l'idée de le rattraper sans l'usage de la magie. C'était vrai qu'il agissait d'une manière bizarre ces derniers temps... Il s'apprêtait plus longuement dans la salle de bain et s'attardait sur les articles de Sorcière Hebdo comme à la recherche de quelque conseils de séduction ou quelque chose dans ce genre-là. La dernière fois que les Kernac'h avaient joué avec un ballon Moldu dans le hameau de Lavernock, son père s'était un peu importé dès lors que des voisines avaient posé les yeux sur eux, comme s'il avait soudainement reçu pour mission d'entrer en compétition avec lui. Bien entendu, il s'en était voulu après coup d'avoir envoyé de toutes ses forces le ballon en plein dans la tête d'Elian qui avait reçu mille et une graines à planter autour de la chapelle et double dose de chaque aliment trouvé à son goût en compensation. Il était donc évident qu'Evelyn Kernac'h semblait développer une obsession à l'idée de se trouver "toujours dans la course". Une petite crise de la quarantaine, probablement. « Eliaaan !? » Distanciation opérée, les yeux du garçon ne tardèrent pas à surprendre de nouveau un pan du trench-coat écarlate de Poppy Jones, cette fois-ci parmi une foule de londoniens pressés.

Il put enfin respirer de nouveau, son cœur battant toujours contre sa poitrine, mais en réalisant dans le même temps qu'il ressentait l'envie irrépressible de plonger sa main droite sous l'eau. Tout en continuant de slalomer d'un pas pressé entre les personnes qui croisaient son chemin, Elian sortit sa main de sa poche pour l'inspecter un instant. Elle était devenue aussi rouge que le visage de son père ou le trench-coat de sa mère. Il prit la décision ingénieuse de sortir également la plante qu'il venait de ramasser : un plant d'ortie. Voilà le coupable ! « Hein ?! » laissa-t-il échapper, ses yeux exorbités réalisant des aller-retours entre la silhouette pressée devant lui et sa main. Il avait beau adorer toutes ses amies les plantes, l'ortie faisait partie de celles qui ne l'appréciaient pas en retour. Pourtant, il y a quelques années de cela, la nature sorcière d'Elian s'était révélée grâce à elle : il avait été poussé dans les orties sans que leur pouvoir urticant ne l'atteigne. Nul doute que Poppy Jones se référait à ce moment précis de sa vie, bien qu'aujourd'hui leur dard le piquait comme l'autre Moldu du coin. Elian connaissait également la signification attribuée par le manuel d'interprétation du langage des fleurs : la trahison ou bien la franchise. Une dualité assez drôle, quand on repensait. Si l'on prenait en compte le sens des deux premières fleurs laissées par Poppy Jones, l'invitation à la vérité, il fallait d'après le garçon plutôt considérer la franchise. Mais la trahison pouvait tout aussi bien trouver sa place dans la vérité... Que voulait donc dire Poppy Jones ? Il fallait absolument qu'il la rattrape !

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04 juil. 2022, 18:53
La Moldue aux Camélias — Chapitre I  SOLO 
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1st September, 2044
Aux alentours de la gare King's Cross
H-1h35 avant le départ du train


Kof kof... Si le garçon se rendait rarement à Londres - et jamais sans son père - Elian connaissait tout de même différentes zones de la ville. L'activité de la rue et ses grands bâtiments ne lui laissaient aucun doute : il venait de déboucher dans le fameux "quartier des affaires". Quelles affaires tous ces gens devaient réaliser à cet endroit, il n'en savait rien, en tout cas cette agitation risquait à tout instant de de lui faire perdre son affaire à lui : Poppy Jones. Les travaux bruyants opérés sur le trottoir le désorientèrent un peu et dévièrent son attention de la sensation de sa main encore attaquée par les acides de l'ortie. « En voilà des drôles de chapeaux de sorcier ! » s'exclama-t-il au passage à l'encontre d'un agent des travaux publics. Ils observèrent tous les deux solennellement l'un des cônes rayés orange et blanc qui marquait la signalisation avant que l'homme ne lui fasse signe qu'il ne l'avait pas entendu, mais Elian se pressait déjà pour ne pas perdre la trace de Poppy Jones. La voilà qui descendait l'escalier qui longeait Camley Street ! Elian se précipita droit sur la rambarde pour planter ses yeux en contrebas : le passage menait sur l'étroit canal où étaient parquées de nombreuses péniches plus ou moins bien entretenues. Immédiatement, le garçon descendit les marches à sa suite sans même tenter de l'appeler cette fois-ci. Son père aussi semblait avoir renoncé à l'idée de le héler à travers les rues pour attirer son attention, puisqu'il n'entendait plus sa voix tonitruante appeler après lui depuis un bon moment. A vrai dire, il ne le voyait même plus... Avait-il choisi de rebrousser chemin ? Peut-être qu'il connaissait sa destination et l'y attendait déjà après avoir emprunté un itinéraire plus court, comme dans ces histoires d'horreurs où les proies semblaient prédestinées à se retrouver nez à nez avec leurs tueurs comme si ces derniers pouvaient transplanner d'un endroit à l'autre. Dans tous les cas, son père connaissait la ville comme sa poche, contrairement à lui... Elian préférait imaginer qu'il était revenu sur ses pas jusqu'au Hardy Tree pour ne pas bloquer plus longtemps les probables gardiens improvisés de leurs bagages et de Solal la crapaude devant cette étrange situation.

La rive qui longeait le canal était heureusement aménagée pour les promeneurs bien que le passage devenait difficile dès que deux personnes l'empruntaient dans sa largeur. Le garçon slalomait alors entre les Moldus qu'il croisait, essayant de ne pas les regarder dans les yeux comme un coupable en cavale - ce qu'il était effectivement - et surtout dans l'espoir de surprendre une autre fleur laissée au sol. Soudain, le coin de l'œil d'Elian fut happé par la couleur rose éclatante de fleurs de pétunias flottantes sur l'eau du canal. Il n'y avait aucun plant de pétunias dans les environs d'où elles pouvaient provenir. Il s'accroupit et tendit le bras pour en attraper une depuis le ponton. Une fleur de pétunia pour signifier l'obstacle ! L'obstacle... Allait-il se voir arrêté dans son élan ? Se redressant, il se rendit compte qu'il se trouvait sous un pont en pierre et, malgré le froid et l'humidité, il se sentit un instant protégé sans vraiment savoir pourquoi. Le parfum fruité de Poppy Jones continuait d'embaumer l'air comme une énième invitation à la suivre. Enfournant sa nouvelle fleur dans sa poche, il ralentit le pas jusqu'à s'arrêter complètement. L'obstacle... Son esprit associait directement ce mot à un visage en particulier, celui qui faisait barrage à toute échange épistolaire ou qui le persuadait toujours de ne compter sur personne d'autre que lui... Mais il était aussi celui qui s'était éperdument lancé à sa poursuite, probablement meurtri d'inquiétude. Poppy Jones raillait souvent son ex-mari dans leur correspondance, peut-être qu'elle avait eu le temps d'accumuler une certaine frustration à son égard et qu'elle devait à présent l'évacuer d'une façon ou d'une autre ? Et si Poppy Jones voulait attirer Evelyn Kernac'h dans un endroit dangereux en se servant de lui comme appât ? Cette idée lui traversait l'esprit en un éclair, tout comme celle qu'il était bien trop tard pour rebrousser chemin : il allait vite savoir de quoi retournait cette escapade et empêcherait quoi que ce soit d'arriver à son père. Reparti dans sa course, Elian comprenait progressivement que le chemin menait à de nouveaux escaliers et qu'il allait atterrir dans un nouvel endroit surpeuplé.

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06 juil. 2022, 15:34
La Moldue aux Camélias — Chapitre I  SOLO 
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1st September, 2044
Aux alentours de la gare King's Cross
H-1h30 avant le départ du train


Ces marches qui se dessinaient devant lui n'étaient pas communes. Elles remontaient depuis le canal et se trouvaient assez larges pour ressembler à une sorte d'arène étirée, sans compter qu'elles semblaient recouvertes d'une fine couche de gazon. C'était en réalité un endroit où se tenaient les nombreux événements artistiques du quartier St Pancras durant l'année. Ainsi donc, il se trouvait encore dans le quartier de la gare, ou du moins pas trop éloigné des jardins où il avait tout laissé en plan pour suivre Poppy Jones. Le faisait-elle tourner en rond ? Le bruit caractéristique d'une grande horloge se déclencha et incita Elian à courir sur les marches pour atteindre le spacieux Granary Square. A vrai dire, le garçon était persuadé qu'il se nommait plutôt "Granny Square" en référence au carré granny en tricot. Ce surnom faisait totalement sens dans sa tête puisqu'un carré granny était un assemblage de petits carrés crochetés qui, cousus ensemble, donnait généralement une pièce de forme carrée, comme une couverture par exemple, et le square se composait bien d'une ribambelle de petites fontaines au sol pouvant faire penser à du crochet en plusieurs carrés. Cette eau qui jaillissait directement du sol constituait l'attraction principale du lieu, surtout en été lorsque les températures excédaient le seuil de l'entendement. Illuminées à certains moments de la journée, elles participaient ainsi à l'esprit créatif de ce lieu atypique.

Il était déjà neuf heures et demi. Aux terrasses, les serveurs commençaient à sortir les chaises et Elian passa devant un groupe de collégiens en uniforme qui l'observa d'un air curieux pendant qu'il évitait un à un les petits jets d'eau dans une sorte de danse rituelle - alors qu'il aurait suffit de passer à côté. Mais aucune Poppy Jones à l'horizon... Où pouvait-elle être passée ? Les accords d'un instrument lui parvinrent soudain près d'un des vieux bâtiments entourant le square, le déconcentrant dans sa recherche. S'approchant un peu, Elian observa les musiciens de rue qui provoquaient un attroupement autour d'eux. Il cala ses mains dans les poches, sentant l'effleurement des plantes que sa mère avait laissé à son encontre. Il fallait profiter du moment pour reprendre son souffle et s'éclaircir les idées parmi tous ces gens matinaux qui, sans le savoir, le protégeaient du champ visuel de son père... La fatigue le tiraillait. Si Poppy Jones voulait réellement qu'il la suive, elle finirait par récupérer son attention d'une façon ou d'une autre, après tout ! Mieux que cela, il sentit une main se poser sur son épaule, et l'odeur d'un parfum fruité l'assaillit complètement.

Ce tissu rouge si vif, ce visage aussi proche... « M-maman ? » Poppy Jones lui accorda le plus merveilleux des sourires en tendant sa main vers son visage. Elle cala délicatement une mèche derrière son oreille et ce contact l'immobilisa. Il l'avait poursuivi comme l'on aurait pu poursuivre un fantôme, et à présent elle se tenait devant lui à caresser ses cheveux, soudain bien trop réelle. « Suis-moi », l'enjoignit-elle en zieutant de gauche à droite. Elian s'exécuta sans vraiment avoir la moindre chose à redire, bien qu'il se devait de rester sur ses gardes pour la sécurité de son père : il y avait toujours le risque qu'elle l'attirait dans un traquenard. Visiblement, ils allaient descendre les larges escaliers verts pour retourner vers le canal et il luttait à présent de poser toutes les questions qui se bousculaient dans sa tête depuis un moment.

En un clin d'œil, il était de retour au bord du canal, cette fois-ci en compagnie de sa mère et de son comportement étrange. Il l'observa avec insistance tandis qu'elle le menait tout près d'un homme occupé à fumer une cigarette devant l'une des péniches amarrée de tout son long. A quelques défauts près, elle ressemblait beaucoup à un wagon du Poudlard Express, du moins ce fut la première impression d'Elian en la regardant.
« Merci d'avoir attendu, dit-elle en adressant au batelier deux billets.
— Oh ce n'est rien, il n'y a jamais grand monde le matin ! »
Ce n'était pas n'importe quelle péniche, à vrai dire, il s'agissait d'un bateau-bus destiné aux trajets sur le Regent's Canal. Elian ne comprenait plus rien mais il était agréable de se laisser porter par les événements, d'autant plus que Poppy Jones paraissait savoir ce qu'elle faisait contrairement à lui. Le batelier sauta sur la veule arrière de la péniche et tendit les bras pour aider sa mère à en faire autant. Les yeux du garçon n'eurent que le temps de parcourir la coque du bateau pour y lire le nom "Harmony" en lettres victoriennes avant de se faire héler par son propriétaire. La cigarette de ce dernier, calée au coin de ses lèvres, manquait de tomber à tout instant. S'approchant alors au bord du canal, Elian observa Poppy Jones qui ouvrait la porte menant à l'intérieur de la péniche. Il n'hésita pas plus longtemps et grimpa à son tour à la poupe avec l'aide de l'homme, manquant de renverser des pots de fleurs en arrivant dans l'espace limité. Il se fondit en excuses tandis qu'il reculait à la suite de sa mère dans l'habitacle.

Une douce chaleur l'accueillit alors, celle du bois et du soleil matinal qui s'engouffrait de par et d'autre à travers les rangées de vitres. C'était un véritable bus, seulement, il se trouvait sur l'eau. Les deux rangées de banquettes en bois étaient séparées par un couloir étroit dans lequel progressait Poppy Jones. Nul doute qu'elle voulait éviter de s'installer trop près du seul couple qui occupait les premières places. Arrivée au fond du bus, elle se plaça à côté d'une fenêtre ouverte. La banquette était petite pour deux, mais Elian s'installa à son tour juste à côté d'elle, son parfum l'enivrant de nouveau complètement. « C'est comme ça qu'on voit que tu as grandi », remarqua-t-elle en se collant un peu plus sur la paroi. Elian lui sourit timidement, les soupçons qu'il avait pu nourrir à son égard un peu plus tôt avaient été visiblement balayés d'un seul coup. Elle observa la montre à son poignée :
« Nous avons un peu de temps devant nous, que voulais-tu m'annoncer d'aussi important ? » Elian cligna des yeux plusieurs fois. « Euh... Je... » Rien ne lui venait, et pour cause : n'était-ce pas à elle de lui expliquer ce qu'elle faisait à Londres à quelques heures de son départ pour l'école, à essayer de contourner son ex-mari pour pouvoir l'entraîner jusqu'à cette péniche ? Sa mère fronça les sourcils, comme si elle comprenait enfin que quelque chose clochait : « Elian... J'ai fait un long voyage ce matin en pensant que c'était urgent ». Elle paraissait déçue et, toujours très surpris par la tournure des choses, le garçon secoua la tête de gauche à droite comme pour se réveiller. « Mais... De quoi tu parles ? Qu'est-ce qui est urgent ? » Doucement, ils comprenaient qu'ils étaient deux à ne rien comprendre de la situation.

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19 juil. 2022, 23:08
La Moldue aux Camélias — Chapitre I  SOLO 
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1st September, 2044
Aux alentours de la gare King's Cross
H-1h20 avant le départ du train

Pour comprendre cette hésitation commune, il était apparemment nécessaire de revenir au début, de commencer par le commencement... Et ce dernier se matérialisait aussi simplement que la réception d'une simple lettre. « Tu m'as fait venir ici pour me parler de quelque chose d'urgent... Je ne pense pas avoir commis d'erreur en suivant tes instructions. » Comme pour illustrer ses paroles, la Moldue posa son petit sac à main sur ses genoux pour en sortir une enveloppe ouverte. Elle la lui tendit, un air contrarié clairement affiché sur son visage. Extrayant la feuille de parchemin qu'elle contenait, Elian remarqua également la présence d'une petite carte représentant le quartier Saint Pancras. Un itinéraire y était tracé et l'on pouvait voir que ce dernier était surplombé de points. Ces deux éléments ressemblaient fortement à des objets de quête pouvant mener à une chasse aux trésors.

Urgent : rendez-vous au jardin de Saint Pancras le premier jour du mois aux alentours de 9h30 a.m. Annonce-toi par un géranium rouge et mène-moi dans un lieu de ton choix où l'on puisse se parler. Sème autant de fleurs que nécessaire pour m'indiquer le chemin. Ce lieu doit être situé non loin de la gare, mon train part à 11h. C'est urgent. N'en parle à personne.

E.K.

Post Scriptum : C'est extrêmement urgent.

« Donc ça ne te dit rien... » Poppy Jones devait avoir compris à son expression qu'il lisait ce message pour la première fois. « Je sais maintenant pourquoi tu appelais après moi comme si tu ne te souvenais plus de ton propre plan... » commenta-t-elle plus pour elle-même, avant de soupirer longuement. L'occurrence du mot "urgent" a tout de même de quoi inquiéter... » Elle semblait déçue d'elle-même en disant cela, comme si elle ne tombait pas si facilement dans un piège habituellement. « Ces initiales m'auraient trompé aussi », affirma Elian comme pour la consoler malgré sa propre déception : il ne s'agissait pas du tout de son écriture et pourtant elle ne l'avait pas remarqué. C'était probablement le souci de communiquer uniquement par le langage floral. « Ce message ne peut pas venir d'Evelyn... Alors je suspecte fortement...
— Edith ? » Ce traquenard ressemblait en effet fortement à ceux dont la sorcière les avait habitués. Tous deux ignoraient pour quelle raison elle avait voulu les réunir de cette façon, mais à présent que c'était fait... Sa mère lui offrit un sourire tendre. « Si c'est bien elle qui est derrière tout ça, je ne peux pas lui en vouloir... A force de lui poser toujours les mêmes questions sur toi, je devais sonner comme un disque rayé ces derniers temps. » Même si ce n'était pas l'initiative de Poppy Jones, elle en avait toutefois eut l'idée. Le sol trembla légèrement et le son d'une cloche leur parvint quelques secondes plus tard : la péniche entamait son voyage. Elian se pencha un peu pour observer le paysage à travers les larges fenêtres. Il n'avait jamais eu l'occasion d'emprunter ces bateaux-bus.
« Ne t'en fais pas, tu ne vas pas rater ton train. » A vrai dire, le jeune sorcier ne s'en était plus inquiété depuis qu'elle l'accompagnait. « Tu as tellement changé en l'espace de... » Trois ans s'étaient déjà écoulés sans qu'ils ne se voient. Il se rendait compte à quel point une rencontre physique ne pouvait se troquer à une relation épistolaire. « Si tu avais attendu plus longtemps encore, peut-être que tu aurais fini par ne plus me reconnaitre du tout... fit Elian, craignant soudain le degré de véracité de sa propre théorie.
— Ne dis pas de bêtises, c'est impossible pour une mère de ne pas reconnaitre son enfant. » Elle avait beau affirmer cela, Poppy Jones n'était pas une mère tout à fait apte sur ce point-là. Peut-être sentait-elle le doute s'installer entre eux, elle enchaîna rapidement, un sourire aux lèvres : « Montre-moi donc les fleurs que tu as ramassé en chemin ! » Elian s'exécuta et sortit une à une les plantes de ses poches pour les poser sur ses genoux. La main délicate de sa mère se saisit du géranium rouge, celle qui avait initié cette escapade. En le faisant tourner entre ses doigts par la tige, elle s'interrogea tout haut : « La vérité... Tu sais, je ne savais pas qu'Edith maniait le langage des fleurs, elle aussi.
— La plupart des sorciers ont de bonnes connaissances à ce sujet. » La Moldue paraissait surprise... Et presque fière. Elle arborait le même air que son ex-mari un peu plus tôt, devant l'exposé de l'arbre de Hardy. « Mais je me demande bien de quelle vérité elle veut parler... » Elian l'observa en coin pour guetter sa réaction. Pour seule réponse, Poppy Jones s'empara d'une autre fleur : le pissenlit. « L'invitation... » Ce message en particulier paraissait à présent beaucoup plus clair dans l'esprit du garçon. Maintenant qu'il était presque établi que sa grande sœur était derrière tout ça, il pouvait deviner que c'était une invitation à s'installer à Paris. Edith n'abandonnait décidément pas facilement le combat, ce n'était pas la première fois qu'elle exprimait son envie de le séparer de leur père...

Le visage d'Elian s'éclaira soudain. Le mot que Poppy Jones avait reçu ne faisait état que d'une consigne pour les fleurs à semer : le géranium rouge pour se faire annoncer. Alors le choix des autres fleurs ne venait pas forcément d'Edith mais bien de... La Moldue lui sourit de nouveau et, sans émettre aucun commentaire, s'empara précautionneusement du plant d'ortie. « La trahison. C'est souvent ce que les enfants ressentent quand l'un des deux parents prend soudain la décision de... De se soustraire de son rôle. N'est-ce pas ? » L'air inquiet sur son visage encouragea Elian à la contredire, malgré la vive émotion qu'il sentait grandir dans son cœur et le souvenir douloureux de l'ortie plantée dans sa main un peu plus tôt. « Peut-être que c'est ce que j'ai... Euh, que c'est ce que les enfants ressentent en premier. Mais je pense que je... Euh, que certains enfants arrivent facilement à discerner les raisons derrière un tel geste, et pardonnent tout aussi facilement quand ce parent avait une bonne raison de vouloir se soustraire en premier lieu. » C'était tout un travail de parler en énigmes mais Poppy Jones sembla avoir reçu le message, en témoignait le contact soudain de sa main dans la sienne. « Pour finir... Les fleurs de pétunias roses ! » Sa voix semblait lutter pour ne pas se laisser envahir, lui-même avait du mal à se contrôler. « Un pétunia rose peut vouloir signifier l'obstacle... Tu crois que... C'est en rapport avec... » Le contact fut encore plus pressant dans sa main. Sa mère paraissait ne plus vouloir prononcer un seul mot et, bien que toujours rieurs, ses yeux étaient devenus très humides. Il avait vu juste sur la signification de cette fleur : son père était le pétunia rose.

Tandis que sa mère s'occupait en replaçant les plantes dans son petit sac, son regard se perdit derrière les fenêtres de l'Harmony dont la cadence ralentissait progressivement. Quand est-ce qu'ils avaient quitté Londres pour une forêt équatoriale ?! La voix du batelier retentit alors dans toute la cabine :
« Mesdames, messieurs, nous marqueront prochainement un premier arrêt au Regent's Park. Veuillez faire attention au bord du quai en descendant. » Elian et Poppy Jones observèrent le couple se lever avant de rejoindre la poupe extérieure. Voilà qui leur instaurait une trop soudaine intimité, mais des éclats de voix ne tardèrent pas à leur parvenir. Le jeune sorcier s'appuya sur le siège devant lui pour se lever, désireux de constater ce qu'il se passait à l'extérieur et prêt à apporter son aide, mais sa mère l'en dissuada en posant sa main sur son avant-bras. Elle écoutait attentivement. « Il est là. Il nous a trouvé. »

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On a tendance à s'assimiler des choses et à les restituer en croyant que c'est de soi alors que c'est d'un autre. – Hergé

16 sept. 2022, 22:20
La Moldue aux Camélias — Chapitre I  SOLO 
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1st September, 2044
Aux alentours de la gare King's Cross
H-1h05 avant le départ du train


— Quoi ! T-tu es sûre ? »
Voilà qui mettrait trop rapidement fin à ces retrouvailles improvisées ! Elian se rassit immédiatement, très mal dissimulé derrière le siège, sentant son cœur battre à toute allure à travers son corps immobile. Comment réfléchir correctement dans ces conditions ? A vrai dire, même dans une situation normale Elian avait beaucoup de mal à faire preuve de logique. Poppy Jones essayait d'écouter les voix qui leur parvenaient depuis leurs sièges tout en rangeant les fleurs dans ses poches, les manipulant comme des diamants précieux à ne pas laisser à la vue de tous les regards. Il n'y avait qu'un seul accès à la proue de la péniche, c'était la cabine du batelier. D'un seul geste, ils se retournèrent sur eux-mêmes : le batelier en sortait justement, le visage marqué par l'inquiétude. « J'avais bien dit de faire attention au niveau du quai..! Encore un qui voulait tester la température du canal... » maugréa-t-il en les dépassant dans l'allée. Elian et sa mère ne savaient toujours pas s'il fallait intervenir immédiatement. Soudain, la porte qui menait sur l'étroit pont s'ouvrit à la volée, laissant passer des protestations sonores ainsi que la silhouette d'un grand homme à la longue barbe. Un moment d'incertitude commun à toutes les personnes présentes s'éternisa un peu avant que le sorcier s'engage à son tour dans le couloir, faisant reculer le batelier de quelques pas mal assurés. Le corps d'Elian, lui, restait paralysé par la peur : bien que ses yeux suivaient chacun des mouvements de son père, lui ne rendait aucun regard - ce qui n'annonçait rien de bon. Droite dans son siège, sa mère arborait une expression du visage fermée parfaitement exécutée. Evelyn salua le conducteur du bus fluvial d'un geste poli de la tête après avoir atteint la rangée de son fils. « Ah, Monsieur, je crois que vos clients ont besoin d'aide dehors », informa-t-il tout en se décalant pour le laisser passer. Nul doute que le sorcier s'était précipité sur la péniche sans laisser le temps aux clients de descendre, provoquant leurs protestations. Les avait-il poussés dans le canal ?! Non... Tout de même, ils auraient entendu un "Plouf !". Le batelier se précipita à l'extérieur sans demander son reste, visiblement quelque peu intimidé, et le sorcier sortit sa baguette magique pour verrouiller la porte derrière lui en deux temps trois mouvements. « Intéressant », commenta-t-il ensuite, feignant de remarquer tout juste la présence de la Moldue à côté d'Elian. Ses yeux disparaissaient en deux fentes et ses joues étaient rouges d'avoir couru à travers les rues de Londres : il paraissait exténué.

Tout tremblant, Elian se leva et se décala dans le couloir pour lui faire face. Il se sentait comme une feuille à la dérive dans le courant de la Manche. Adieu Paris, bonjour la prison. Le poids de larges mains s'abattit alors sur ses épaules. Son père n'avait pas besoin de prononcer un seul mot, il pouvait sentir sa déception à des kilomètres. Les mains ne quittaient cependant pas leur contact qui le clouait au plancher, comme si son père avait peur qu'il s'envole soudain de nouveau. Poppy Jones se leva à son tour et se posta juste derrière son épaule, ce qui fit reculer le grand sorcier par reflexe. Les joues d'Elian devenaient aussi rouges que celles de son père, ils trituraient ses doigts comme un petit garçon prit en faute - ce qu'il était à bien des égards pour l'avoir fait courir à travers les rues de Londres. Poppy Jones et Evelyn s'apprêtaient à ouvrir les hostilités quand des tambourinements à la porte interrompirent la tornade qui commençait à se former entre eux. Poppy et les Kernac'h fixèrent la sortie derrière laquelle la voix du batelier leur parvenait partiellement :
« Je... Appeler... Bobbies... » Ils allaient avoir de plus gros problèmes sur les bras. Poppy Jones s'avança dans le couloir : « Laisse-moi faire. » Elle actionna vainement la poignée verrouillée avant de se tourner vers son ex-mari, résignée. « Tu permets ? » D'un coup de baguette, la serrure se déverrouilla. Sans vraiment réfléchir, Elian entoura son père de ses bras comme s'il pouvait arranger les choses de cette façon, mais ce dernier se contenta d'apposa une main sur les siennes sans dire mot. « Madame ! Tout va bien ? » s'enquit immédiatement le batelier en essayant d'observer à l'intérieur de la cabine. Il avait de quoi s'inquiéter après avoir entendu le témoignage de ses clients... Poppy Jones afficha alors une sorte de sourire insoupçonnable. « Tout va bien, c'est mon mari ! Il s'est montré un peu pressé parce que nous sommes attendus quelque part. Nous descendons ici, à bientôt ! » Du menton, elle fit signe aux Kernac'h de la rejoindre à l'extérieur.

Ils s'exécutèrent, suivis par le regard suspicieux du conducteur. « Navré pour le trouble causé, bonne journée », asséna le grand sorcier en passant devant lui. De retour sur la veule arrière de l'Harmony, Elian aida sa mère à enjamber la barrière. Lui n'eut même pas besoin de se donner cette peine, soulevé par les deux bras de son père et déposé directement sur le ponton. En retour, le jeune sorcier tendit sa main mais son père l'ignora. Elian resta bloqué dans cette position un instant avant de conclure que les choses allaient définitivement mal entre eux. L'adrénaline réalisant une courbe descendante, il pouvait à présent assimiler une autre information : ses deux parents se trouvaient là au même endroit, à ses côtés. C'était quelque chose qui n'aurait, à priori, plus jamais dû arriver - ou bien qu'après une longue incantation réalisée sous une Lune rouge. Elian ne pouvait s'empêcher de penser qu'il ne manquait plus qu'Edith pour reformer leur petite famille au complet. Les voix autour de lui commençaient de nouveau à dépasser un certain seuil sonore : le couple de touristes n'avait réellement pas apprécié d'être bousculé et Poppy Jones s'était transformée en médiatrice pour contenir tout le monde.

S'installant dans le creu d'une bouée posée sur le ponton, Elian observa la péniche s'éloigner avec un air désolé sur le visage : il aurait voulu que ce voyage s'achève autrement. Peut-être que s'ils s'étaient mieux entendus, ils auraient pu finir le trajet tous ensemble tranquillement. Ils se seraient amarrés à Little Venice, la destination du bateau-bus et dans ce quartier si romantique ses parents auraient redécouvert l'amour qu'ils se portaient l'un pour l'autre... Mais même après un divorce bien consommé, sa mère et son père se détestaient encore cordialement, les menant à des situations ubuesques à l'image de celle qu'ils venaient de vivre. « Allons-y maintenant ou tu risques de ne jamais retrouver tes affaires », déclara son père en évitant toujours de le regarder dans les yeux. Les bagages, et Solal...! Elian sentait que chacun de ses mots contenait le pouvoir de se transformer en détonateur, alors il décida de ne rien répondre bien qu'il aurait voulu savoir ce qu'il en était de sa crapaude. Il essaya de se défaire de sa bouée, mais ses gestes fatigués n'aidaient pas à le tirer de là.
« Tu as laissé ses bagages dans le jardin de Saint-Pancras ? » demandait Poppy Jones au grand sorcier d'un air narquois. Celui-ci ne se donna pas la peine de lui adresser une véritable réponse, bien qu'il parut très agacé qu'elle lui adresse la parole. Il y avait presque quelque chose de familier dans cette scène, Elian observait ses parents en contrebas, immobile. « On y va maintenant... » insista Evelyn avec plus de véhémence. Le garçon jeta un coup d'oeil à sa mère. Ils allaient se quitter aussi vite qu'ils s'étaient vus. Les yeux d'Elian s'embuèrent alors, il les cacha dans ses poings. « Tu le fais pleurer ! » Poppy s'était précipitée contre lui, abaissée à son niveau. Mais Evelyn aussi avait eu ce réflexe... Alors c'était comme si la Moldue et le Sorcier s'enlaçaient. Le cerveau du garçon n'était plus capable de déchiffrer la moindre chose, seulement le parfum de sa mère et l'étreinte un peu plus serrée de son père. « Il veut rester avec moi... Et peut-être même qu'il ne veut pas retourner en Ecosse cette année ! exhorta Poppy Jones avec aplomb.
— Ben voyons, et pourquoi pas le kidnapper jusqu'à Paris tant que tu y es ? » renchérit le sorcier en élevant la voix. C'était assez inhabituel de sa part pour le notifier, mais Elian n'avait plus vraiment conscience de son environnement, ainsi compressé de toute part. « Figure-toi que c'est une très bonne idée, bien meilleure que de le séquestrer ! » Elian se sentait à présent secoué : ses parents essayaient chacun de leur côté de défaire l'étreinte de l'autre. En voulant essayer de se dégager, Elian poussa sur ses jambes mais, étant donné qu'il était assis dans une bouée, cette dernière se mit à glisser la très courte distance du ponton qui les séparait du canal. En l'espace d'une seconde, Elian et ses parents qui avaient eu comme réflexe de s'accrocher à lui, s'étaient ainsi retrouvés dans l'eau glacée.

Accroché à la bouée, le garçon observa ses parents remonter immédiatement sur le ponton, hoquetant sous la surprise. Il se sentit de nouveau tiré et soulevé par la force de son père, conjuguée par celle de sa mère. Passé le choc, ils s'observèrent, tremblotants : ils étaient trois idiots sur un ponton, observés par un passant estomaqué. « T-tout va bien... C'était un pari ! » cria Poppy Jones avec son sourire de désamorçage. Ils purent alors entendre l'homme commenter distinctivement "Sûrement des nordiques" tout en s'éloignant le long du canal.

Un peu d'instinct, ils s'étaient rapprochés comme à la recherche d'une façon de se réchauffer rapidement. De l'extérieur, on aurait pu penser qu'ils conspiraient. Le grand sorcier sembla vérifier quelque chose dans son grand manteau et Poppy Jones leur chuchota, menaçante : « Vous avez intérêt à trouver rapidement une formule magique qui sèche et réchauffe parce que je suis en train de MOURIR ! » Evelyn observa les alentours de sa hauteur et sortit sa baguette magique au centre de leur ronde, visant d'abord son fils, puis lui-même - sa barbe gonflant alors d'un seul coup comme si l'on venait d'y passer un grand coup de sèche-cheveux. « E-ve-lyn ! » pesta Poppy Jones, toujours trempée et misérable. Elian implora son père puisqu'il croisait enfin son regard. Toutefois, voir sa mère ainsi sautiller sur place d'impatience et son père tarder à lancer son sort le faisait sourire. Sans prévenir, Elian éclata de rire. Poppy Jones le zieuta, outrée de savoir ce que son état lui provoquait. Surpris, Evelyn se décida tout de même à la libérer de son mal, non sans montrer une certaine nonchalance.

Quelque chose avait changé autour d'eux, Elian pouvait sentir que l'atmosphère n'était plus aussi pesante que l'instant d'avant, bien qu'elle allait sûrement vite laisser place de nouveau à une ambiance électrique. « J-je... Je voudrais dire quelque chose », essaya le garçon en se faisant tout petit. Le Sorcier et la Moldue s'écartèrent légèrement comme pour lui donner la scène, bien que leurs sourcils restaient froncés. Elian n'arrivait pas vraiment à se concentrer, avec leurs deux paires d'yeux rivés sur lui. Il se déplaça de nouveau près du ponton et observa l'eau du canal. Les fleurs de Poppy Jones, sûrement libérées de ses poches durant leur baignade improvisée, flottaient au rythme du courant. Son père et sa mère se postèrent de part et d'autre à ses côtés pour les apercevoir à leur tour. « Les tiennes ? hasarda son père, connaissant très bien son attrait pour les plantes.
- Non... Les nôtres. » Poppy Jones avait répondu d'un ton assez mystérieux. C'était peut-être la première fois qu'Elian ne discernait pas d'animosité dans l'un de leurs échanges. Le garçon pointa du doigt les pétales, les feuilles et les tiges mélangées au-dessus de l'eau. « C'est nous... Ces fleurs, c'est un peu notre histoire, notre famille. En quelque sorte... » Leurs yeux restaient rivés sur cette vision. C'était peut-être plus facile de se parler sans se regarder. « Qu'est-ce que tu voulais dire ? » s'enquit son père. Il gardait son calme d'apparence, fulminant toujours de l'intérieur. « Je voulais dire que je suis bien content de repartir à Poudlard. » Sans crier gare, Elian venait de faire la seule blague qui pouvait dérider un peu ses parents. Le grand sorcier eût du mal à sourire, mais il se mit à hauteur de son fils puisqu'ils en étaient aux confessions : « Il faut qu'on retourne à Saint-Pancras. » Il se releva un peu pour défier Poppy Jones dont le sourire s'évanouissait. « Alors quoi, on se dit au revoir maintenant ? » Ils allaient se quitter de nouveau sans certitude de se revoir avant très longtemps. Son ex-mari s'apprêtait à répliquer mais elle le coupa dans son élan, se mettant en route lentement le long du canal : « On tombe toujours dans les extrêmes avec toi... Je n'ai jamais eu l'intention de soustraire Elian à ta supervision. Si tu veux tout savoir, quelqu'un d'autre est derrière tout ça. » Elian mima "Edith" sur ses lèvres à l'intention de son père comme pour l'aider à deviner plus facilement. Les deux sorciers s'étaient mis à la suivre sur le chemin. Evelyn parut suspicieux pendant un instant, puis intéressé. Il tenait le bras d'Elian comme pour s'assurer qu'il ne partirait plus sans rien dire, l'obligeant à marcher à côté de lui, derrière Poppy Jones qui continuait son explication. « Edith a mis au point un guet-apens pour nous réunir. Pour que son plan réussisse, il me fallait croire qu'Elian m'appelait à l'aide. Et quelque part... » Elle laissa échapper un soupir. « J'étais heureuse à l'idée de pouvoir être celle qui allait le sauver. Peut-être même que j'ai songé un instant à rentrer à Paris avec lui... » Le grand sorcier plissa les yeux en secouant la tête, incrédule. « Et j'imagine que de mon côté... Il suffisait que je t'aperçoive pour tomber dans le guet-apens d'Edith », ajouta timidement Elian. Son père ne répondit rien, fixant le sol d'un regard... Triste ? « Papa... Tu ne m'aurais jamais laissé la voir alors j'ai sauté sur l'occasion. Je ne comptais pas t'abandonner pour toujours. » Poppy Jones s'était retournée pour guetter la réaction de son ex-mari. Celui-ci semblait seulement réfléchir. Elian n'osa plus rien dire pendant quelques minutes, coupable. « Je comprends mieux, mais... Je ne sais pas », se contenta-t-il de conclure en resserrant sa grippe sur son bras. Elian ne sut comment réagir, son père n'avait pas l'habitude de baisser les armes après un tel écart. Il se souvenait de son état quand il avait eu le malheur de lui annoncer vouloir être aussi indépendant que ses amis. Peut-être bien qu'il avait réellement été effrayé de le perdre et qu'il essayait à présent de ne pas envenimer la situation en gardant le silence, tolérant même la présence de Poppy Jones. Il devait être encore plus étrange pour lui de la revoir dans ces conditions. Elian dégagea son bras et glissa plutôt sa main dans la sienne comme quand il était petit. « Je ne comptais pas t'abandonner », répéta-t-il plus bas. Du moins, il l'abandonnerait dans moins d'une heure. Le grand sorcier serra sa main, toujours silencieux, accablé. Poppy Jones avait cessé de tenter quelque chose pour apaiser la tension et se contentait de marcher avec eux. Elian pouvait sentir toutefois qu'il leur restait de nombreuses choses à se dire, des choses bien trop sensibles pour les oreilles perturbées de son père.

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