Ellana marchait. Elle vagabondait, sans but précis, mais n'en voulait pas non plus. Elle voulait se perdre, et oublier les mois qui venaient de passer. Sauf qu'elle n'allait pas se perdre dans le parc, pas dans cet endroit qu'elle connaissait si bien. Alors, elle se contenterait d'oublier. Le passé ; le futur. Elle voulait vivre le présent ; trop lointain en cet instant. La fillette voulait d'un renouveau, elle voulait revivre. Elle n'en pouvait plus de se sentir traquée ; elle n'en pouvait plus de se sentir comme un lapin au centre d'une grande chasse. Tout ceci n'était peut-être pas réel, c'était peut-être inventé, mais que lui importait, la jeune brune voulait seulement oublier ses tourments, qui ne cessaient de la retourner et de l'anéantir. Elle en avait assez de tomber en silence ; elle voulait se relever. Alors, elle le ferait ; elle se relèverait ; elle ne se ferait pas emporter par les lames. *Je tiendrai* Une promesse. Qu'elle venait de se faire. Et qu'elle allait tenir. Ou au moins, elle essaierait, par tous les moyens en sa possession.

L'étendue sombre du lac apparut devant ses yeux. Ellana la regarda, et s'enfonça dans ses profondeurs. Mais là, elle n'avait pas besoin de se relever. Elle n'avait pas besoin de lutter. Elle se faisait engloutir ; elle le voulait. L'eau sombre lui rappelait ce jour, où elle avait plongé. Ce jour, qu'elle avait beaucoup regretté, mais qui d'une façon ou d'une autre, l'avait fait avancer. Elle avait pu retrouver un chemin, et, en cela, elle lui en était reconnaissante. Sauf qu'à présent, elle détestait l'eau. A cause de cette baignade, l'eau lui paraissait avide de s'emparer d'elle, engloutisseuse de sentiments et de pensées. Mais c'était du passé, et il ne fallait pas que la brunette le ressasse en boucle. Sauf qu'elle n'arrivait pas à faire autrement ; elle n'arrivait pas à détacher son regard de l'eau, et n'arrivait pas à éprouver autre chose que du dégoût. L'eau trouble la perturbait, s'immisçant dans ses pensées, l'envahissant à mesure que s'écoulait le temps.

Les souvenirs revenaient, multiples, comme voulant célébrer une date inconnue aux yeux de la jeune fille. Des morceaux de miroir, entrecoupés et entremêlés entre eux, si bien que notre reflet est presque entier. Ces brins de mémoire ressurgissaient et s'entrelaçaient jusqu'à former un tout, semblable à une tresse. Les souvenirs des moments passés là, à contempler l'eau, avant la baignade. Les souvenirs de l'eau, durant le plongeon ; de l'eau s'engouffrant là où elle le pouvait, dans le corps frêle et faible de la petite fille ; de la berge, sous un corps et une âme affaiblis ; du noir l'enveloppant, après cet instant funeste. Et puis, de l'Après. Après ce moment-là, Ellana n'avait plus vu l'eau de la même façon ; le reflet du miroir avait changé. Il ne semblait pas pouvoir revenir comme Avant. Les souvenirs n'étaient que des éclats du passé ; des éclats pouvant être blessants, les éclats du verre ; des éclats pouvant illuminer l'Après, les éclats du Soleil.

Lentement, mais sûrement, les souvenirs s'évaporèrent, laissant derrière eux traces de bonheur et de malheur. Les ravages du passé ne devraient pas toucher l'Aiglonne. Mais ces ravages, ces vagues puissantes, ces lames, constituaient une grande partie des ruines de l'Intérieur. La jeune fille, peu à peu, se reconstruisait. Pierre après pierre, l'édifice reprenait forme. Le temps de ressasser le passé était terminé. Maintenant, il fallait faire place au présent. Et, la jeune fille décrocha son regard du lac, pour aller le plonger dans le ciel. Les étoiles n'étaient pas encore visibles, mais elle les sentait. Elle sentait leur présence réconfortante, leur lumière pâle qui était sans aucun doute une des choses les plus belles au monde. Le regard fondu dans l'horizon, le temps s'éternisait. *J'veux rester là* Et même la faim et la gourmandise ne dépasserait pas l'envie de rester admirer ce ciel.

Cela faisait un peu plus d'une semaine que Cheryl avait intégré l'équipe de Cheerleader des Serpentard. Elle qui adorait la danse depuis son plus jeune âge, elle considérait le cheerleading comme son activité de prédilection. Elle se devait de faire ça. La danse était son moyen d'expression, (son moyen de se la frimer aussi). Et, par-dessus tout, c'était un moyen de se dépenser.

Il était légèrement tard mais, avec l'arrivée du printemps, le soleil se faisait bien plus présent et la température devenait agréable. Très agréable. Pour danser, Cheryl variait entre le parc et le lac. Aujourd'hui, elle avait choisi le lac. Sans doute parce qu'il y avait moins de monde, et puis, la vue du lac l'inspirait. Elle pouvait voir son reflet, voir les remous des légères vagues.

Sans trop réfléchir ni vérifier si quelqu'un se trouvait aux alentours, elle se mit à danser. Elle visualisait dans sa tête une musique puis dansa sur cette même chanson. D'un point de vue extérieur, cela était sans doute bizarre de voir une fillette danser toute seule, sans musique.

La rouquine se mit alors à chantonner légèrement pour accompagner sa danse. C'était une danse assez rythmée, similaire à celle qu'elle avait produite durant sa candidature pour le cheerleading. C'était aussi une danse qui demandait du souffle et de la souplesse mais Cheryl l'effectua sans broncher.



@Ellana Duchêne

Le soleil tombait sur l'horizon, teignant le ciel de ses couleurs crépusculaires. L'or se mêlait au rose et à l'orange, et des points lumineux ne tarderaient à apparaitre. Sous la voûte céleste, Ellana observait. Elle avait enlevé son regard de l'eau, trop avide de lui rappeler des souvenirs que la fillette ne voulait pas. Cette dernière ne voulait pas se faire emporter par les lames ; elle ne voulait pas se faire blesser. Le temps était passé, on était déjà en mars. Les vacances approchaient, dans un mois elle pourrait revoir sa famille. En attendant, elle rêvassait, écrivait, dessinait, apprenait. C'était un rythme monotone, mais elle n'en était pas lasse, pas encore.

Elle s'assit en tailleur, et laissa retomber ses mains. Ainsi, elle se faisait moins mal, et paraissait sans doute en train de méditer, au bord de l'eau, la tête penchée en arrière pour voir le ciel. Le crépuscule arrivait, la journée était passée vite. La fillette n'avait pas voulu faire ses devoirs, voulant profiter de son temps pour respirer l'air frais du dehors. Elle allait sans doute le regretter, car elle allait devoir les faire après le dîner, mais cela lui importait peu, au pire des cas, elle se lèverait plus tôt le lendemain. Après tout, ce n'était pas sept ou huit heures de sommeil qui allaient l'achever, Ellana trouver cela déjà très bien. Les insomnies et les cauchemars étaient moins répétitifs, et ça la soulageait grandement, la petite arrivait à mieux se concentrer qu'avant pendant les cours.

Alors, pensive, la jeune fille essayait de profiter de sa soirée, au maximum, avant d'aller faire ses devoirs. Il fallait qu'elle s'entraine à lancer des sorts, ayant beaucoup de difficultés sur la maitrise des sentiments, mais depuis qu'elle dormait mieux, elle arrivait mieux à se contenir, et ses sorts n'échouaient pas à chaque lancer. Néanmoins, ce n'était pas encore ça, donc elle avait comme ambition de s'entrainer à passer d'une émotion à une autre tout en se maitrisant. Mais, pour commencer sa séance de ce soir-là, elle avait besoin d'être calme, autant extérieurement qu'intérieurement. Alors, elle profitait, essayant de ne penser à rien d'autre qu'au calme et à la sérénité.

Près d'elle, dans le silence pesant qui régnait auparavant, elle entendit un chantonnement. Intriguée, elle tourna la tête pour voir d'où venait ce bruit, qui la dérangeait un peu. Elle aperçut alors une fille, la chevelure flamboyante, effectuer des pas de danses. *Cheryl Styles* Son nom emplit sa tête. Ellana n'avait pas envie de voir cette fille, mais maintenant qu'elle l'avait vue, elle n'arrivait à détourner le regard d'elle. Et Cheryl la verrait sûrement, bien qu'occupée par ses pas de danses.

Sans s'arrêter, Cheryl continuait sa danse. Concentrée, déterminée, minutieuse, chacun de ses pas étaient travaillés à la perfection. Chacun de ses mouvements étaient réalisés avec soin. La musique qui accompagnait sa danse était jouée dans sa tête ; rien ne pouvait la déconcentrer. Ni une horde de personnes qui crient aux alentours. Et puis, de toute façon, pas grand monde venait ici, encore moins à cette heure-ci.

Une fois sa prestation terminée, cette dernière saisit son chouchou rouge autour de son poignet et s'attacha les cheveux pour faire une queue de cheval haute. La jeune fille plaça ses mains sur ses hanches tout en reprenant son souffle. Soudain, elle eut une sensation étrange, une sensation d'être observée. Elle tourna alors vivement la tête et aperçut une élève. Cette dernière la regardait, les yeux... presque vides. Son visage lui était familier. Seulement, il ne lui était pas assez familier pour qu'elle se souvienne qui était cette personne. Je suis sûre de la connaître, pensa Cheryl.

- Je t'avais pas vu, susurra la jeune fille aux cheveux orangés tout en serrant sa queue de cheval.

Elle n'avait pas honte, non. Elle se demandait juste depuis combien de temps cette fille aux cheveux bruns était là. En réalité, ce qui l'importait à ce moment-là, c'était de savoir qui était cette fille. La Serpentard se remémorait chacune des personnes qu'elle connaissait plus ou moins cependant, rien à faire, la personne devant elle lui restait inconnue.

- J'ai l'impression de te connaître, on se serait pas déjà vues quelque part ? demanda Cheryl

Le regard fixé sur la rouquine, la jeune fille n'arrivait pas à l'en détacher. Il n'y avait pas vraiment de raison à cela, seulement, elle s'était figée à la vue de cette personne. Elle ressemblait peut-être à une statue, immobile comme elle l'était, mais ça lui importait peu. Le regard que les autres pouvaient lui porter lui était bien égal, seuls les mots et les gestes des Autres la blessaient. Le nom de cette personne lui emplissait la tête, la fillette ayant une bonne mémoire, elle n'aurait pas pu l'oublier si vite, sans compter que Cheryl, sans même lui avoir beaucoup parlé, avait gravé son nom dans sa mémoire, par beaucoup de choses. Visiblement, ça ne semblait pas être le cas de la rousse qui ne semblait se rappeler de rien.

A mesure que passait le temps, le soleil a l'horizon déclinait, faisant approcher le crépuscule. Ellana aimait bien ce moment de la journée, à mis chemin entre le jour et la nuit, entre l'ombre et la lumière, entre le blanc et le noir. Le crépuscule, c'était comme l'aube, du gris. Une couleur terne, mais issue du mélange de deux opposés. Et la jeune brune, bien que n'aimant pas beaucoup cette couleur qui la déprimait, lui trouvait un joli côté tout de même. La nuit était en train de tomber, mais cela ne devrait pas arriver avant une petite heure, laissant encore du temps avant que le noir n'envahisse le parc et que les lourdes portes permettant d'y accéder se ferment. La jeune aimait donc profiter des derniers instants du jour, où la lumière faiblit.

Ses pensées revinrent sur Cheryl. La fille attendait peut-être une réponse de sa part, mais la Bleue ne savait pas quoi lui dire. Elle n'avait rien à lui dire, donc pourquoi parler ? Rester silencieuse était peut-être un peu impoli, mais parler pour ne lui dire que ça n'avait pas beaucoup d'intérêt. Décidant tout de même d'aider un peu la Verte dans ses réflexions, la brunette hocha la tête, de façon perceptible afin que la rousse puisse comprendre que oui, elles s'étaient déjà vues quelque part.

Fixant toujours l'autre fillette, Ellana se replongea dans ses pensées. La danse de Cheryl inspirait la jeune Aiglonne, sur ses futurs projets. Elle n'avait jamais songé à ce moyen de se divertir et de faire du sport, mais en y réfléchissant un peu, cela pouvait être intéressant à pratiquer, et pour l'aider à se concentrer sur ses émotions et les évacuer, par des gestes. La fillette voulait absolument réussir à pouvoir mieux maîtriser ses émotions avant les examens qui, bien qu'il restait un peu de temps avant, approchaient plus les jours passaient. Elle voulait pouvoir mieux lancer des sortilèges, dans un but personnel, au delà des épreuves. Cela lui serait sans doute utile quand elle serait adulte, car si elle ne savait pas en lancer, ça l'embêterait sur beaucoup de choses. Alors, depuis le début du mois de mars, le repos étant revenu et la petite acceptant de dormir, elle avait voulu se reconcentrer pleinement sur ses études, et dans son temps libre, trouver des moyens de se concentrer sur ses émotions, et ainsi de dériver volontairement d'une à une autre, sans être emportée par un flot de sentiments. Tel le muguet au mois de mai, Ellana fleurissait. Cet hiver, le bourgeon avait failli dépérir, mais le soleil était revenu, avant qu'il ne gèle, et maintenant, il s'épanouissait, faisant une fleur lumineuse, à cheval entre le noir et le blanc.

Un silence. C'était la réponse de cette jeune fille qui se trouvait à quelques mètres de Cheryl. Après plusieurs secondes, elle finit par hocher la tête. Il a fallu du temps pour avoir une réponse. Soudain, elle eut une sensation de déjà-vu. Une sensation qu'elle avait déjà vécu ça. Où ? Quand ? Avec qui ? Elle se souvenait parfaitement d'un moment de sa vie où elle parlait à quelqu'un. Cependant, ce quelqu'un faisait comme si elle était invisible et ne lui répondait que par monosyllabes. Et quand elle vit que cette jeune fille avait affirmé le fait qu'elles s'étaient déjà vues, des souvenirs refirent surface.

- Attends... Je me souviens de toi.

La voix de Cheryl était à peine perceptible. De toute façon elle se doutait pas mal que cette dernière allait de nouveau l'ignorer. Elle était sans doute assise ici pour contempler quelque chose. La dernière fois, c'était les oiseaux qu'elle regardait. C'était quoi cette fois-ci ? Le lac ?

- T'étais celle qui était allongée sur l'herbe mouillée, pas vrai ? Aujourd'hui tu comptes m'ignorer de nouveau ?

La Serpentard avait posé la question de façon rhétorique ; elle en connaissait la réponse. Le silence, ou un simple "Non." à peine audible. Elle ne s'attendait clairement pas à une réponse. Elle ne pouvait pas compter le nombre de vents qu'elle s'était pris la dernière fois.

Finalement, Cheryl semblait se souvenir d'elle. Elle n'avait pas la mémoire tellement courte qu'elle ne se souvenait pas de cette aube, où la brune avait voulu regarder les oiseaux, allongée dans l'herbe humidifiée par la rosée, jusqu'à ce qu'elle arrive et vienne troubler le silence. Ellana en était soulagée pour elle, cela ne faisait même pas deux mois que les deux fillettes s'étaient trouvées là-bas.

- Oui, j'étais là-bas

Fermant les yeux doucement après sa phrase, la jeune brune se laissa voguer au milieu de ses pensées. Le noir l'entourait, l'apaisant d'une certaine façon, bien que cette couleur effrayait la petite. Le noir était la couleur des Ombres, qui venaient la tourmenter à la nuit venue, l'empêchant de vivre une belle journée par la suite, trop perturbée par son cauchemar. Les journées qui suivaient de ces rêves étaient songeuses et mornes, virant vers le gris foncé, et non pas vers le blanc. Et la brunette avait une grande peur des cauchemars, allant même jusqu'à se refuser le sommeil pour ne pas en faire. Néanmoins, en cet instant, le noir qui l'entourait ne la blessait pas, si ce n'était que des réminiscences arrivaient en vagues. Ellana avait fermé les yeux pour ne plus voir le monde tourner autour d'elle. Les sons et les images se mélangeaient, et la petite avait besoin de leur redonner un peu d'ordre pour se calmer. Aussi, elle avait besoin de réfléchir à la seconde question de la rousse, pas certaine de la réponse qu'elle pourrait donner.

L'Aiglonne bloqua ses pensées quelques secondes, de sorte à ce que rien n'afflue. Elle avait besoin d'une petit moment de calme dans sa tête, car même si elle pouvait paraitre l'être de l'extérieur, sa façade intérieure était bien différente, les pensées coulant en différents canaux dans tous les sens. Ainsi, elle essayait de faire revenir le calme et de faire s'apaiser les eaux. Au bout de quelques secondes, la petite ouvrit les yeux, la lumière s'infiltrant dedans. Des images d'une rousse se tenant devant elle se formèrent sur sa rétine, et, prenant une grande et longue inspiration, la fillette murmura quelques mots, semblables au bruissement des gouttes de pluie qui tombent.

- Je n'sais pas.

Une simple réponse, elle n'avait pas besoin d'en dire plus. La jeune fille ne se fatiguerait pas à parler inutilement, pour dire des choses qu'elle pouvait raccourcir. Rester mutique avait ses bons côtés, comme que cela permettait de se fondre facilement au milieu des Autres, de se mettre en retrait, et d'essayer de se faire oublier. Ainsi, silencieuse, elle créait une carapace autour d'elle, carapace qui la protégeait, un peu comme le ferait un bouclier. Ne pas donner d'informations inutiles sur elle la protégeait également, et la fillette ne comptait pas en donner.

Un papillon passa, devant le nez de l'enfant. Cette dernière regrettait que Lojae ne soit pas là, la chatte aurait pu s'amuser avec la bestiole, et faire sourire la fillette. Néanmoins, celle-ci regarda l'insecte, effectuer sa danse crépusculaire, entre les brins d'herbe de la rive du lac. Une danse, comme celle qu'avait fait Cheryl un peu plus tôt. Les mouvements d'ailes donnaient un aspect délicat au papillon, et la jeune brune admirait ses couleurs blanches et grises.

"Je n'sais pas", c'était la réponse de son interlocutrice. Cette réponse n'étonna pas la Serpentard. C'était une réponse totalement raccord avec la personne qu'était Ellana.
Alors que la première année s'apprêtait à relancer la "discussion", si on pouvait réellement appeler ça une discussion parce que de loin, ça ressemblait davantage à un monologue, Dami, le chat de Cheryl qui jusque-là dormait paisiblement dans l'herbe, se leva et accourut vers la Serdaigle. La fillette aux cheveux roux, confuse, s'approcha discrètement de la jeune fille pour voir ce qu'allait faire son chat. Soudain, Dami fit un saut, sans doute pour attraper quelque chose qu'elle ne voyait pas d'ici. La rouquine s'avança et aperçut alors un joli papillon blanc et gris qui virevolter délicatement.

- Dami, laisse le papillon tranquille, s'exlama-t-elle en prenant son chat dans ses bras.

Elle décida alors de s'asseoir à côté de la brune. Elle hésitait entre engager la discussion ou rester silencieuse comme une tombe. La première fois qu'elles s'étaient rencontrées, Cheryl avait opté pour la discussion et le résultat n'en avait pas été concluant. La première année, n'apprenant pas de ses erreurs, engagea la discussion.

- La dernière fois t'as pas voulu me dire comment tu t'appelais, rappela Cheryl en caressant son chat. Tu comptes me le dire aujourd'hui ?

"Je n'sais pas", murmura la fillette en imitant le ton de la voix de sa camarade. Elle posa son chat sur l'herbe et la vit pourchasser le papillon de nouveau.

Ellana avait le regard perdu sur l'herbe, observant inlassablement le petit papillon qui volait. A l'instar de sa chatte, la brune aimait ces insectes, beaux et fragiles, porteurs de sens. Parfois, ils étaient colorés, d'autres fois, ils étaient dans des teintes de gris, mais cela ne changeait rien à leur charme, car ils restaient des créatures délicates, ne vivant que peu de temps, mais ne faisant que faire resplendir le monde de leurs danses. Le chat de Cheryl, visiblement nommé Dami, voulut attraper le pauvre papillon, mais sa jeune maîtresse le rappela à l'ordre en le prenant dans ses bras, sans doute pour l'éloigner de l'animal. La brunette désapprouvait ce geste de la part de la rousse. Non pas qu'elle trouvait ça mal d'empêcher un chat de jouer avec un papillon, seulement, le chat était, et devait, être libre de ces actes, ne pas être obligé à faire quelque chose, et le papillon devait pouvoir s'envoler seul, sans que quelqu'un ne lui vienne en aide pour écarter la menace. Néanmoins, la jeune fille n'était pas sûre que ses pensées et ses actes soient en accord, car en réalité, il aurait été fort probable qu'elle ne laisse pas partir de son propre gré Lojae, s'étant attachée à elle.

Si sa chatte lui avait été offerte pour qu'elle affronte courageusement et d'un meilleur pied sa deuxième année d'étude au sein de la grande école qu'était Poudlard, la perdre lui serait plus que douloureux, et elle en serait déchirée intérieurement. Mais elle ne voulait pas creuser cette pensée pour le moment, ne voulant pas capituler de désespoir avant que l'heure ne sonne. A quoi bon penser au futur et ressasser sans cesse le passé, si on n'arrive plus à se concentrer sur le présent ? Elle ne savait pas, pourtant, c'était ce qu'elle faisait. Elle voulait pouvoir se concentrer sur ce qu'elle vivait, mais elle n'y arrivait pas, embarquée dans un tourbillon sous-marin dans lequel elle avait l'impression de manquer d'oxygène et de prendre l'eau.

Ellana se força à revenir au présent, détachant son regard du vide pour le planter sur Cheryl. Cette dernière voulait toujours connaitre son prénom, mais l'Aiglonne ne voulait pas le lui donner. L'anonymat avait ses avantages, on pouvait ainsi moins bien reconnaitre une personne, et si la rouquine voulait vraiment son prénom, qu'elle aille demander à d'autres personnes, en tout cas, l'enfant ne le lui donnerait pas car elle ne le voulait pas, s'étant fait une sorte de promesse à elle-même.

Le chat fut redéposer par terre, pourchassant de nouveau le petit papillon. La deuxième année le suivit d'un regard envieux. Elle aurait aimé être un chat, agile et petit, joueur et candide au point de jouer avec les papillons. Elle aurait pu prendre une filet à papillons, et en attraper, mais il n'y avait là aucun intérêt, si ce n'est qu'abîmer les pauvres créatures en leur courant après, chose qu'elle ne trouvait pas du tout drôle. En revanche, en étant un chat, peut-être que cela changerait sa perception du monde, et avec, sa perception de la chasse aux papillons ?

- Est-ce que t'aimerais être un chat ?

Ellana avait parlé de manière spontanée. Ses pensées s'étaient muées en paroles, et sa curiosité prenait le dessus. Après tout, peut-être que relancer une discussion avec cette fille lui ferait oublier sa précédente question laissée sans réponse ? La jeune brune n'en avait aucune idée, ne la connaissant pas bien, et ne sachant pas trop comment elle allait réagir. Le soleil, quasiment estival en ce mois de mars, déclinait peu à peu dans le ciel, mais il restait plus d'une bonne heure avant le dîner, lui permettant ainsi de profiter pleinement de cette fin de journée.

Au loin, derrière le lac qui entourait Poudlard, se dressait la forêt interdite. Le regard de l'enfant se promena dessus. Si elle avait pu se balader dans cette forêt, elle l'aurait sûrement fait. La découverte de nouveaux endroits était quelque chose qu'elle appréciait, et la forêt était un environnement agréable car vivant tout en étant relativement calme. Elle espérait seulement que si elle avait la chance d'y aller durant sa scolarité, elle n'ait pas peur une fois dedans des créatures et qu'elle pourrait profiter de cet endroit qui lui était pour l'instant encore inconnu.

Arrêtant de rêvasser à de futurs projets de découverte, elle essaya vainement de se reconcentrer, attendant de voir si Cheryl lui répondrait. La concentration était parfois un point fort de la jeune fille, mais également parfois un de ses plus gros défauts, ayant beaucoup de mal à se concentrer dans certaines circonstances, comme quand elle était en plein air et qu'elle pouvait se laissait divaguer.

Le silence fut de nouveau la réponse de la Serdaigle assise sur l'herbe. A ce niveau, je vais finir par croire qu'elle a pas de prénom. C'était la deuxième fois que cette dernière esquivait cette question. Enfin, ce n'était pas uniquement à cette question qu'elle ne répondait pas, c'étaient absolument toutes les questions qui étaient sans réponse, ou, du moins, des réponses évasives.

Cheryl se demandait même pourquoi elle se tuait à connaître son nom. Peut-être parce qu'elle préférait accorder un visage à un nom. Les futures conversations risquaient d'être compliqué si chaque fois que la Serpentard voulait désigner sa camarade, elle l'appelait "Toi", "Eh". Enfin, c'est pas comme si les deux élèves étaient appelées à discuter plusieurs fois.

Alors que la Serdaigle fixait d'un air évasif Dami qui continuait à poursuivre ce pauvre papillon, elle prit la parole, à la surprise de la première année. Et une question, qui plus est. Pas un "Je sais pas", "Va-t-en", non, une vraie phrase. Cheryl

- Euh... par moments oui. Mais je m'ennuierais vite je pense, répondit-elle en regardant son chat.

Tous les matins, lorsque la fillette allait en cours, elle enviait son chat qui, lui, continuait à dormir paisiblement sur le lit. Mais finalement, elle ne s'était jamais posée la question de ce que faisait son chat lorsqu'il n'était pas avec elle. Dormir ? Très certainement. Cheryl, qui était une personne qui aimait sortir, papoter, voyager, ne pouvait pas s'imaginer dormir toute la journée, attendre que quelqu'un lui donne à manger, subir des câlins à longueur de journée. Jamais