J'adresse un bref hochement de tête approbateur à mon amie suite à sa remarque : il est vrai que je me suis un peu emporté, surtout en présence d'une enfant. En tant qu'aîné, je dois prêter une attention particulière à mes propos. Me tournant vers la fillette pour ajouter une remarque sur la qualité des cours du professeur Dawson malgré ses goûts étranges pour la découpe, je suis coupé dans mon élan par tout un flot de paroles qui ne tarit pas. La petite Serdaigle a visiblement beaucoup à dire mais peu de remarques pertinentes se démarquent dans ce long monologue sans une aucune seconde de répit pour nous permettre une intervention. Pire, elle se montre odieuse et irrespectueuse, puis se justifie maladroitement par son jeune âge -preuve qu'elle a malgré tout saisi l'insolence évidente dont elle a fait preuve.

Même l'hommage rendu au Verlieu ne parvient à faire taire mon agacement et seule la brève réflexion qu'il aurait pu s'agir de ma petite sœur m'empêche de remettre froidement la fillette à sa place avant de la congédier tout aussi sec.

« Tu veux rester, alors reste. » J'indique avec ma baguette magique une zone d'herbe à gauche de Sybil -et bien éloignée de moi, comptant bien mettre la Serpentard entre nous deux pour qu'elle fasse tampon. « Assis-toi là et s'il te plaît, tais-toi. C'est un enterrement, fais preuve de respect. » Un mot supplémentaire de ta bouche et je te fais taire moi-même, me retiens-je tout juste d'ajouter. Je relâche doucement la pression sur ma baguette magique et pousse un soupir chargé de lassitude.

« Sybil, puis-je avoir les trois cailloux que tu as trouvé, s'il te plaît ? » m'enquiers-je auprès de l'adolescente pour la deuxième fois, ayant soudainement bien hâte de mettre fin à cet enterrement qui prend une tournure étrange.

Alors comment dire ... La situation a quelque peu dérapé : la nouvelle venue, comme je le pressentais, est trop jeune pour respecter cet enterrement. La solution que trouve Lest pour désamorcer la situation ne me convient pas, mais alors pas du tout. Il est hors de question que je me retrouve coincée entre mon ami et la jeune Serdaigle, car même si rien dans mon attitude ne laisse déceler mon énervement, la fille en question comment à doucement me taper sur le système. Doucement, mais sûrement. C’est étonnant la façon dont cette fille est différente de tout mes frères et sœurs. Si elle a pu aller à Serdaigle, franchement, pourquoi pas moi ? Je ne comprendrais décidément jamais le choixpeau. Et ce n’est pas, mais alors pas du tout de la jalousie. Vous vous faites des idées.

Pour m'exprimer, je ne peux qu’acquiescer chaque parole du sixième année, à grand coup de hochement de tête. Du respect, oui, exactement. Sa dernière injonction me délivre de mon inconfortable position, et je ne lui fais pas répéter deux fois sa consigne : je me lève, avance de quelque pas et reviens vers Lest avec les trois pierres, me positionnant à droite.

Ils ne sont pas mal, ces cailloux. Finalement, je suis sûre d'en avoir trouvé un convenable. Je les remet à Lest, en commentant

- On peut en choisir un parmi ceux ci

J’espère que Vero ne sait rien des événements de son enterrement. C’est un peu triste, tout de même.

Ok, là, c’est sûr, la situation a dégénéré, j’aurais dû me promener tranquillement dans le parc, sans prêter attention aux deux silhouettes que je voyais au loin ! Mais non, je devais absolument aller les voir !

Et maintenant, j’allais être obligée de me soumettre à leurs demande ! Donc, je m’avançais vers l’endroit indiqué et boudant, mais je me disais que n’allait pas leur donner cette satisfaction. Je ne montrerai donc rien de mes émotions. Je devais donc me contenté de les observer, le plus loin possible d’eux. Et puis, pourquoi j’avais dit que j’allais rester ! Je suis vraiment trop impulsive !

Pour m’occuper, je m’amusais à faire des petits dessins sur le sol, j’étais loin des tombes, je ne risquais donc pas de l’es énerver en dessiner sans faire exprès sur une tombe !

Et puis, parfois, je jetais un coup d’œil de leur côté pour voir ce qu’ils faisait et puis, j’effaçai mon dessin pour en faire un autre…
J’essayai de m’imaginer les différentes manières de comment aurait pus ce passer cette journée, c’est sûr qu’il y avait plein d’autres manières, beaucoup meilleurs que celle-ci… m’enfin bref, ç’aurait pu être pire !

Je m’ennuyai vraiment beaucoup ! Que faire pour ne pas m’ennuyer ? Des bonhomme de terre ? Non voyons ! Je n’ai plus 5 ans ! Quoi faire… Ah ! Je sais ! Je vais sourire bêtement pour leur faire croire que je m’amuse. Non, non, non je dois vraiment être désespérée pour faire ça ! Je me souvenais soudain que j’avais un petit carnet sur moi. Je fouille dans mes poche et je le trouve. Maintenant, je pourrais m’occuper à y écrire cette journée qui a mal tournée, et écrire les autres versions que j’aurais pu faire de cette pourtant belle journée ensoleillée.

Sybil me tend trois cailloux. Après les avoir chacun observé, je choisis le plus large d'entre eux qui devrait me permettre d'écrire confortablement, et repose les deux autres après l'avoir remerciée. Tout en faisant tournoyer l'objet entre mes doigts, je réalise que je n'ai pas réellement réfléchi à l'épitaphe bien que j'aie envoyé Sybil dénicher une pierre à ma place. Probablement trop perdu dans mes pensées, et peut-être toujours baignant dans un bain d'anxiété qui me suivra jusqu'à la fin des examens, je réalise doucement que le Verlieu ne bénéficie pas d'un enterrement aussi bon que les précédents.

Au point où nous en sommes, faisons simple. Tenant ma baguette magique tout près de la pierre, je commence à graver quelques mots à l'aide d'un Diffindo. Je m'applique et l'opération prend quelques minutes : la surface étant petite, il faut au moins ceci pour une gravure élégante et parfaitement lisible. Quand enfin le travail est terminé, je souffle sur mon œuvre pour enlever les résidus de poussière et dévoile ainsi un épitaphe parfait ; succinct mais adapté à la taille de la pierre. "Vero, Verlieu -06/47. A jamais regretté. Sois en paix."

Ceci fait, je creuse un léger trou avec ma baguette magique et vient planter la large extrémité de la pierre sur laquelle rien n'est écrit. En recouvrant le tout, je tasse bien la terre afin que la pierre ne tombe pas, puis pose ma main gantée sur la tombe en dernier hommage.

« Et voilà, Vero. J'espère que tu seras confortable ici. Je ne suis pas celui qui t'a tué, mais j'ai contribué à profaner ton corps dans la mort. Je suis désolé. »

J'en ai fini, je crois. Les deux sorcières ont gardé le silence pendant tout ce temps -guère étonnant pour Sybil qui comprend l'importance de ce geste à mes yeux, mais notre jeune perturbatrice se montre étonnamment discrète. Aurais-je été un peu trop dur avec elle ? Je la cherche du regard et la retrouve bien plus loin que la place proposée, apparemment occupée avec ce que je devine être un carnet. J'adresse un sourire attristé à Sybil à ma droite.

« Je me sens un peu mieux, » lui dis-je enfin à sa question qui attendait depuis longtemps.

Je trouve l'épitaphe de Lest un peu pauvre, mais je commence à guetter la fin de cet événement. Le temps passe, et la réalité me rattrape. Nous sommes en période d'examen, je ne dois pas me relâcher. Si Lest me réponds qu'il va mieux, tant mieux. Je peux repartir la conscience tranquille, le laisser là dans le cas contraire aurait été très embêtant. Comble de bonheur, notre petite gêneuse semble avoir décidé de se tenir a carreau, ce qui n'influe pas sur l'opinion que je m'en fais, mais qui apporte une touche de bonne conduite sur la tableau général.
Etant la rabat joie en chef, je vais une nouvelle fois avoir la tâche ingrate de sonner la fin de cet enterrement. Pensant une dernière fois a ce pauvre verlieu ayant succombé pour verifier les aptitudes d'une partie de la population sorcière en matière de soins aux créatures magiques. Soin, quel ironie. A mon avis, Mr Dawson n'a pas fini d'en entendre parler, de cet examen. Rien que d'envisager que moi aussi, je puisse ... Non, non et non. J'y penserais plus tard.

- Il faut y aller, maintenant. Tu viens ?

Je ne peux m'empêcher d'angoisser a l'idée que je puisse être en retard a un examen. Comme je ne peux pas m'empêcher de cauchemarder a propos de l'ombre, je suis plutôt fatiguée, mais une élève en retard et fatiguée... la honte de cette attitude négligente me submergerait.

J'ai fait ce que j'ai pu pour le Verlieu. A défaut d'avoir rendu parfaitement hommage à tout ce qu'il avait à offrir sur ma table de dissection après la sommation du professeur Dawson de le découper, j'ai au moins pu lui offrir une tombe convenable et lui adresser quelques mots.

Le cœur un peu plus léger, je réponds à l'invitation de Sybil pour quitter les lieux.

Mon regard inquiet se pose sur la petite tête brune qui nous a rejoints. L'enfant semble totalement retournée à ses occupations, ainsi je ne m'en inquiète pas davantage et lui adresse un simple signe de la tête -remerciement pour son hommage à Véro malgré l'irrespect dont elle a fait preuve précédemment, avant de prendre congé.

« Merci, Sybil » glissé-je à mon amie sur le chemin du retour vers le château. « J'ai beaucoup de chance de t'avoir à mes côtés. Tu es une bonne amie.»

Il est probable qu'après cet épisode, je ressente encore un peu de rancune envers le professeur Dawson. Rationnellement, je sais qu'il ne fait qu'appliquer un programme qu'il estime juste pour notre apprentissage et qu'il est attentionné envers les animaux dont il a la charge et nous présente, mais l'adolescent en moi aux humeurs fluctuantes n'apprécie pas ce type d'exercice sur une semaine d'examen qui tire déjà beaucoup sur nos réserves mentales.

Heureusement, je me réconforte dans le fait que le professeur Dawson n'est pas une personne que je suis amené à voir régulièrement en dehors des quelques cours que j'ai avec lui. C'est une bonne chose, comme je ne l'apprécie pas particulièrement.

Vero non plus ne l'aurait pas apprécié. Ou ne l'a pas apprécié, si elle l'a connu de son vivant. Pauvre Vero. Pauvre professeur Dawson.

Fin du RP