"Toi, je t'ai dit de pas bouger !"

Le regard autoritaire, Leo fit demi-tour sur elle-même et pointa sa baguette sur le serpent à sa droite qui se recroquevilla instantanément sur lui-même, enfouissant sa tête quelque part sous son corps. La Gryffondor maintint cette position quelques secondes, sourcils froncés de concentration afin de s'assurer que le dénommé Kaa dans l'herbe devant elle allait rester aussi immobile que la version mentale dans la tête de la rousse. S'il ne voulait pas des cornes qu'elle avait sans succès tenté de faire apparaitre sur sa tête, qu'il reste tranquillement dans son coin et ne l'embête plus !

Temps qu'elle s'occupe des deux reptiles qu'elle avait - dans un accès de manque d'originalité - baptisé Pi et Thon. Si les prénoms se complétaient, les deux serpents, en revanche, n'avaient de commun que leur forme de serpent. Le premier était mince et vif et Leo avait fait passer la couleur de ses écailles d'un vert holographique à rouge vif, sans omettre d'essayer le bleu électrique un peu trop voyant. Le second était gros et semblait particulièrement paresseux - du moins Leo avait plus de peine à le soumettre à sa volonté. Peut-être était-ce dû à sa taille imposante : le corps verdâtre de Thon s'étendait sur un bon mètre septante de longueur et si Leo n'était déjà pas une grande fan de serpents, celui-ci lui plaisait particulièrement peu. Pourtant, c'était elle qui lui avait donné cette apparence là. Quoique peut-être pas particulièrement intentionnellement : c'était le premier serpent qu'elle avait fait apparaitre et probablement que c'était cela, l'image spontanée qui lui venait en tête en imaginant ces bestioles.

Délaissant Thon à ses occupations de serpent paresseux, Leo s'accroupit devant le reptile aux écailles rouges. Levant légèrement sa baguette au-dessus de lui, elle le fit se redresser jusqu'à lever le premier tiers de son corps. Toujours docilement, le serpent s'exécuta lorsque la Gryffondor se le représenta serpentant dans l'herbe en tournant autour d'elle.

Leo glissa un regard en direction de Kaa. Sa tête avait réapparu et il la regardait de ses yeux inexpressifs de reptile, sifflant sa frustration de sa langue fourchée, mais toujours sagement enroulé sur lui-même. Satisfaite, Leo se détourna à nouveau. Ce n'était pas simple de maîtriser plusieurs de ces bestioles magiques simultanément, mais avec le temps, elle y parvenait de mieux en mieux.

Enfin...

Leo était sur le point de voir ce qui allait se passer si elle envoyait Pi attaquer Thon, sauf que...

"Non ! Thon ! t'es passé où !?"

Le gros serpent avait tout simplement disparu.

RP Libre Si quelqu'un a envie de rejoindre Leo et ses serpents... ou oui je conviens, ses invocations de serpensortia (très réalistes, pourtant !), c'est avec plaisir !

8 mars 2048
Parc — Poudlard
7^ème année


« Œufs de Runespoor, pattes de grenouille, poudre de griffes de dragon... »

Je marmonne tout en avançant, la main brandit devant moi. À chaque ingrédient que je liste, un doigt se lève. Quelque chose ne va pas.

« Champignons vénéneux sauteurs... Et un cerveau ! articulé-je à voix basse en prenant le ciel à témoin. Un cerveau de grenouille, pas des pattes ! »

Les grands pas que je fais sont censés me ramener au château mais mon rythme est irrégulier car mes pensées ne sont pas fluides. Je m'emmêle les pinceaux dans mes révisions. Des années et des années d'études pour les examens que je vais passer cette année. Je refuse d'être autre chose qu'excellente lors de mes ASPIC. Je ne peux qu'être excellente. Mes notes doivent refléter la personne que je suis, elles doivent décrire sans aucun doute mon intelligence. J'ai besoin que les examinateurs qui vérifieront mon dossier d'inscription à l'Institut se disent : celle-là, il n'y a pas de doute, il nous la faut !

Je bifurque et quitte le chemin, les yeux baissés sur mes doigts relevés, la mine concentrée et mon attention totalement tournée vers les potions, les temps de touille, la température du feu, l'ordre d'ajout des ingrédients, la couleur et la texture que doit avoir le mélange... Je croise des dizaines d'informations différentes en me fiant à ma mémoire, persuadée que ma réussite tient à ma capacité à me souvenir de cette vieille potion que j'ai apprise à réaliser il y a quelques années. Évidemment, je sais que ce n'est pas réellement le cas : personne ne me condamnera si j'oublie une partie de cette recette de potion. Personne, si ce n'est moi. La demi-mesure n'est pas une chose que j'accepte.

« Je dois d'abord réduire en poudre les... »

Je me stoppe au milieu de l'herbe, la main toujours dressée mais le regard désormais plus alerte. À quelques dizaines de mètres, une silhouette surplombée d'une tignasse de cheveux roux. Pour l'avoir observée à différentes reprises sur le terrain de Quidditch et pour entendre son nom au moins une fois par jour sur les lèvres des passionnés de sport, je n'ai aucun mal à reconnaître la capitaine de l'équipe de Quidditch de Gryffondor. J'aurais passé mon chemin si je ne l'avais pas vu parler à l'herbe. Non pas que les agissements de Leo Ginger m'intéressent outre mesure mais je dois avouer que c'est plutôt intriguant de voir une telle personnalité s'intéresser à...

« C'est pas des brins d'herbe, » marmonné-je par devers moi sur le ton de l'évidence.

Je m'approche à pas de crabe en me courbant — pourquoi ? Pour ne pas être vue ? Je n'en ai pas la moindre idée mais cela me semble indiqué dans une telle situation. Je m'approche donc à pas feutrés et mes lèvres s'étirent en un drôle de sourire lorsque j'aperçois les serpents, et surtout la baguette. C'est un drôle d'entraînement que celui-ci. Nous sommes bien loin des battes, des cognards et de toutes ces choses qui ne demandent pas énormément de cervelle. Ce qu'elle fait est évident : elle cherche à maîtriser le sortilège d'apparition de serpent et elle le fait d'une manière, ma foi, que je trouve intéressante. Cela explique pourquoi je reste là à l'observer, un sourire amusé aux lèvres.

Jusqu'à ce que son exclamation provienne à mes oreilles. Thon ? Qu'est-ce donc ? Un serpent ? Serait-il possible qu'elle ait donné un nom à son apparition magique ? Merlin. Je me redresse sans ne plus me soucier d'être vue et jette des coups d'œil autour de moi. Non pas que je crains particulièrement la chose rampante mais la situation évolue d'une façon particulièrement surprenante.

« T'as perdu quelque chose, Ginger ? » lancé-je sans y penser sur un ton amusé.

Il faut dire qu'elle finira de toute manière par m'apercevoir et je n'avais pas dans l'idée de ramper pour disparaître sans être vu, à l'instar de ces bestioles qu'elle met tant d'ardeur à vouloir soumettre à son contrôle.

Je me permets, je n'ai pas pu résister ! Si une chose ne te convient pas, n'hésite pas à me hibouter.

Toujours accroupie et entièrement absorbée par son trio-devenu-duo de serpents, Leo, pourtant observatrice, n'avait pas réalisé que des pas s'éteint approchés d'elle. Aussi, lorsque soudainement, une voix l'interpella, elle se releva si rapidement qu'elle faillit écraser le serpent rouge toujours à ses pieds. Pi lâcha un sifflement furieux et l'anglaise lui lança un regard navré tout en formant un "désolée" muet avec ses lèvres - avec un peu plus de concentration, elle aurait pu forcer le reptile à ne pas s'en formaliser, mais celui-ci avait momentanément échappé à son contrôle mental et l'instinct animal de l'invocation avait repris le dessus -, avant de porter son attention sur celle qui l'avait rejointe.

Aelle Bristyle. Pas besoin d'avoir eu affaire personnellement à la Poufsouffle pour pouvoir mettre un nom sur ce visage. Oh oui, Leo avait déjà entendu parler de la sorcière... et pas toujours positivement, à vrai dire. Mais elle se fichait pas mal des jugements des autres et avait bien l'intention, maintenant que la situation s'offrait, de se faire son propre avis.

"Ouais, un grand de serpent fainéant qui répond au nom de Thon. Est sensé répondre au nom de Thon, corrigea-t-elle, en fait j'ai un peu de mal à le contrôler tellement il est massif."

Leo lui adressa un sourire. Elle était assez certaine que la septième année était consciente que les reptiles autour d'elle n'étaient que des invocations et qu'elle n'avait pas réellement perdu du serpent, alors elle ajouta d'un air malicieux, supposant qu'Aelle allait comprendre l'allusion la nature magique de la créature :

"Je suis sûre que tu sais faire plein de choses, mais pour le coup, je doute que tu puisses retrouver pour mon serpent."

Son regard n'était plus posé sur la sorcière - elle le releva juste pour adresser à son aînée un clin d'oeil en ponctuant ses propos -, mais sur le serpent rouge dont elle avait repris le contrôle et que, tout en parlant, elle avait fait grimper le long de sa jambe. De sa main libre, Leo déplaça doucement Pi jusqu'à le poser autour de ses épaule à la manière d'un boa - boa de plumes, convient-il de préciser - avant de reporter son regard sur Aelle.

"Je suis en train d'essayer de customiser mes invocations."

Pas que la brune ne le lui ait demandé, mais la Gryffondor avait soudainement ressenti le besoin d'expliquer la raison pour laquelle elle s'était tout à coup fait charmeuse de serpents dans un coin du parc.

Au contraire, trop chouette

J'accueille les informations qu'elle m'offre avec une moue sur les lèvres et un petit hochement de tête. Elle lui a donc bien donné un nom. C'est étrange. Enfin, pas plus qu'Elowen qui pense s'être fait un ami du serpent qu'elle invoque avec son stylet runique, cela dit. Mais Elowen est Elowen et la jeune fille que j'ai en face de moi en est une autre. Elle ne me paraissait pas avoir ce caractère qui colle si bien à la personnalité de la Serdaigle et sur lequel je ne parviens plus depuis quelques mois à apposer un mot neutre à consonance positive, comme "lunaire" ou "délurée" ou "dans son monde". Non, maintenant, quand je me rappelle de Litchi et que je vois Ginger nommer son serpent Thon, je me contente de trouver cela particulièrement idiot — quelle perte de temps.

Massif, massif... Pour un serpent massif, la chose se camoufle pourtant bien dans les herbes qui nous entourent. En écoutant parler sa drôle de maîtresse, je scanne les alentours d'un regard peu concentré à la recherche d'un corps visqueux de serpent. Mais rien. Et lorsque je relève la tête, ce n'est que pour apercevoir le clin d'oeil que la rousse me fait et auquel je ne m'attendais pas.

Je suis sûre que tu sais faire plein de choses, a-t-elle dit. Je me permet un petit air triomphant. Je suis heureuse que ma réputation ait passé les murs épais de la Salle commune des Gryffondor. J'ai beau ne pas beaucoup apprécier cette Maison, pour des raisons tout à fait subjectives, je ne peux que me contenter du fait que cette fille retienne les rumeurs qui parlent de moi comme d'une excellente élève plutôt qu'elle s'arrête sur celles me dépeignant comme une jeune personne malpolie qui insulte les invités diplomatiques.

« Je vois ça, réponds-je distraitement en observant le serpent coloré qu'elle porte sur les épaules. C'est un bon entraînement. » Je hausse les épaules. « Pas mal pour la visualisation même si tu pourrais pimenter un peu ça... Un dégradé du rouge jusqu'au jaune ? » proposé-je avec un petit sourire moqueur.

Enfin, on y reviendra plus tard. Quant au fait de retrouver son serpent...

« T'as conscience que... Thon... » La répugnance avec laquelle je prononce le prénom ne cache rien de ce que je pense de cette manie de nommer les choses qui n'ont guère besoin de l'être. « Est une apparition magique, hein ? demandé-je sur un ton cassant. C'est avec ta magie que tu le contrôles, qu'il soit massif ou non. »

Cela dit je comprends qu'elle n'y parvienne pas. La magie est une chose complexe.

« Ferme les yeux et visualise-le en train revenir, » conseillé-je, prenant très à coeur le fait qu'elle ne puisse pas se passer de mes conseils pour réussir.

Bien que mon ton soit naturellement cassant et mon apparence nonchalante, la scène à laquelle j'assiste m'amuse et je compte rester rien que pour vérifier qu'elle arrive à ramener — ou tout simplement à faire disparaître, d'ailleurs — son serpent. La plupart des manifestations magiques des mes jeunes camarades ne m'intéressent pas. Pas suffisamment élaborées, trop banales, ennuyantes. Mais cette fille n'est plus une gamine. Quel âge a-t-elle ? Seize ans ? Dix-sept ? Je suis censée savoir en quelle année elle est mais j'ai oublié cette information au profit de d'autres bien plus intéressantes : comme le fait de savoir qu'il faut ajouter un cerveau grenouille dans l'Élixir Cérébral de Burafio et non des pattes de grenouille.

Oups, Aelle un brin condescendante qui se persuade que Leo a besoin d'aide, c'est parfait ça !

Mais il est bien mon serpent rouge ! Leo fit la moue, abaissant le regard sur la tête du serpent aussi écarlate que le pull Gryffondor qu'elle portait et contre le col duquel la couleur de ses écailles se fondait parfaitement. Dégradé jaune. Hum, elle devait avouer que l'exercice n'était pas mauvais. Et puis si elle refusait, Aelle allait croire qu'elle en était incapable. Alors Leo allait justement se concentrer pour tenter de modifier la couleur du serpent sur ses épaules... sauf que comme si sa fierté n'était pas déjà titillée, voilà qu'Aelle déversa une belle dose de condescendance sur le nom que l'anglaise avait donné à son invocation. Leo releva brusquement le regard vers la brune :

"Hé, pas b'soin de t'moquer ! Pi, Thon, Kaa... j'avoue que c'est pas original, mais j'allais pas passer l'aprèm' à essayer de trouver des noms, c'est pas pour ça qu'je suis venue. Après si, t'as une meilleure proposition..."

Bien que Leo ne fut pas sérieusement vexée, elle n'aimait pas être prise de haut comme ça. Elle releva le menton d'un cran, pencha légèrement la tête sur le côté tout en soutenant pendant quelques secondes le regard de sa vis-à-vis dans un petit air de défi et un léger sourire, attendant une éventuelle contre-proposition de la part de la Poufsouffle.

Oh et puis décidément, Aelle n'avait rien compris.

"Je veux qu'il soit aussi grand, déclara la rousse en appuyant le deuxième mot. Et pour réaffirmer l’idée qui s’était ancrée dans son esprit : Je veux réussir à contrôler la bestiole exactement comme elle est actuellement."

Après tout, Leo avait déjà deux exemplaires plus petits petits dans la palette d'invocations de serpents standards qu'elle était en train de se construire. Une fois peaufiné, Thon allait être parfait à faire apparaître en duel pour faire diversion : de taille imposante, sa gueule de serpent grande ouverte dévoilant deux longs crochets menaçants, des yeux jaunes perçants... Pendant ce temps, elle pourrait envoyer Kaa, plus vif et agile, attaquer directement son adversaire. Et puis Pi... Leo avait une idée bien particulière en tête pour le serpent rouge mais n'était pas encore certaine de comment la réaliser. Ce qu’elle espérait ainsi obtenir était une sorte de boîte à outils de serpents aux caractéristiques et caractères déjà forgés d’avance censée lui faciliter la partie mentale au moment de lancer serpensortia : plutôt que de devoir tout construire sur le moment, chaque serpent aurait déjà un certain nombre d’attributs que Leo allait automatiquement leurs associer pour faire apparaître, Kaa, Pi ou Thon déjà tout équipés.

Enfin tout ça restait bien théorique pour l'instant. Non seulement, elle n'était qu'au début du modelage de sa petite armée de serpents, mais surtout, l'un deux avait disparu. Alors ramener à nouveau le plus grand reptile du trio serait effectivement un bon début.

Si la présence de la sorcière était indéniablement source de distraction et n’allait pas l’aider pour la partie concentration, Aelle Bristyle restait la plus expérimentée d’elles deux. Et Leo n’allait pas rater l’occasion de lui soutirer quelques conseils supplémentaires. Même si cela voulait dire ne pas se montrer trop susceptible face à son ton condescendant. D’ailleurs le meilleur moyen de faire disparaitre ce petit air supérieur qu'elle affichait était certainement de lui présenter une réussite. Leo accepta donc le conseil de son ainée et ferma les yeux. Juste avant, elle avait pris le soin de scanner les environs du regard afin de pouvoir reproduire mentalement un décor aussi fidèle que possible à la réalité. Dans ce décor, elle visualisa le serpent réapparaitre. D'abord au loin, puis de plus en plus proche... Sans qu'elle ne s'en rendre compte, sa baguette avait esquissé le croquis des mouvement que la sorcière voulait donner au serpent. Les légères ondulations du serpent s'approchant. Elle l'imagina s'arrêter à la hauteur d'Aelle pour se redresser devant elle, le corps légèrement arqué comme un cobra devant sa proie, mais sans pour autant faire le moindre geste d'attaque.

"Alors ?"

Elle avait lâché la question à mi-voix, les paupières toujours fermées.

Rien que le fait d’obtenir l’aide d’Aelle… c’est déjà ça, j’imagine !
Je te laisse voir si le serpent vit encore sa vie de serpent quelque part dans le parc ou s'il est de retour

Je ne peux pas cacher mon amusement. Impossible d'empêcher mes lèvres de frémir. Pi et Thon ? Merlin, fait-elle ça exprès pour me faire rire ? C'est forcément ça, oui, car personne de censé ne donne des noms pareils, n'est-ce pas ? Et Kaa ? Serait-il possible que ce soit le nom d'une espèce de serpent que je ne connais pas ? Ma foi, je ne suis pas une experte de ces créatures, alors c'est possible même si ça me paraîtrait exceptionnel que cette fille-là connaisse comme par hasard une race de serpent dont je n'ai absolument jamais entendu parler. Ainsi donc, apprendre le nom qu'a donné la fabuleuse capitaine de Quidditch de l'équipe de Gryffondor, au demeurant non dénuée de talent, a de quoi me faire rire. Et elle me propose de trouver une idée, si tant est qu'elle soit meilleure que les siennes ?

« Je me moque pas, répliqué-je simplement, je vois juste pas pourquoi tu prends la peine de leur donner un nom. Ils existent même pas pour de vrai. »

Mon expression de visage ne cache rien de ce que je pense réellement, soit que je trouve cette tendance absolument inutile et que je ne compte pas gâcher quelques minutes de réflexion pour nommer un serpent qui disparaîtra dans quelques minutes car elle est sans doute incapable de le contrôler plus longtemps.

Si elle s'était contentée de cette réflexion, je ne me serais pas privée de la juger sévèrement. « Elle n'est bonne qu'à donner des noms idiots », me serais-je dit. Mais heureusement pour moi, elle cache d'autres talents que celui de voler derrière une balle. Elle est ambitieuse. J'aime son ton plein de confiance lorsqu'elle affirme vouloir contrôler cette bestiole-là et c'est puis c'est tout, j'aime son regard et j'aime le fait qu'elle soit prête à me prouver qu'elle est capable de le faire.

Je ne la quitte pas du regard tandis qu'elle se concentre et qu'elle rassemble sa magie. Me vient l'idée que je pourrais lui faire n'importe quoi, elle serait incapable de se défendre. Est-ce une confiance un peu naïve qui lui fait fermer les yeux devant une presque inconnue ou seulement de l'ignorance ?

Je regarde autour de moi et tends l'oreille, mais aucune signe du serpent. Il y a beaucoup de chance qu'il se soit tout simplement volatilisé, ses efforts ne servent certainement à ri...

Là, entre les herbes ! Juste derrière les jambes de la capitaine. Les herbes frémissent et se renversent, laissant apparaître le fameux Thon. Ce prénom ne fait pas honneur à une créature de cette envergure. Un gros bon serpent, voilà ce que c'est, qui glisse sur le sol avec une aisance déconcertante. Il se met en mouvement vers moi. Je glisse silencieusement la main dans la poche de ma cape pour en sortir ma baguette magique. La créature se masse à mes pieds : un bouclier apparaît devant moi lorsque je murmure la formule adéquate. Je recule d'un bon pas, même si la chose magique ne semble pas avoir d'intentions malfaisantes. Ce n'est pas tant que je crains que Ginger lui ordonne de m'attaquer. C'est surtout que je n'ai aucune confiance en son contrôle.

« Ouvre les yeux, » glissé-je à la fille sans détourner le regard.

Je me concentre sur les battements de mon coeur pour ne pas faire disparaître le serpent d'un coup de baguette. Je n'ai jamais été à l'aise de me soumettre aux petites expériences magiques de mes camarades. Même si actuellement, l'apparition se contente de grouiller à mes pieds. Sa masse informe et visqueuse m'arrache une grimace dégoûtée.

« Il était pas si perdu que ça, » constaté-je. Je jette un bref regard à la rousse. « Mais si tu le fais pas reculer, je m'en débarrasse d'un coup de baguette. »

Quand Aelle lui avait demandé de fermer les yeux, Leo avait fermé les yeux. A présent, elle lui demandait de les r’ouvrir et la rousse avait la drôle d’impression d’être menée à la baguette de la Poufsouffle de la même manière qu’elle tentait de mener son invocation au bout de la sienne. Pourtant, elle ouvrit docilement les paupières - en même temps, elle aurait eu l’air bien bête si elle avait insisté pour les garder closes -, et de toute manière, tout ça fut bien rapidement écarté de son esprit puisqu’elle découvrit le serpent de retour parmi elles. Dressé devant la Poufsouffle, exactement comme Leo l'avait imaginé. Un grand sourire s’étala sur le visage de la rouge et or et elle leva le regard en direction d’Aelle, décidant d'ignorer la petite menace qu'elle venait de formuler. Oh non, Leo ne doutait pas un instant qu'elle était capable d'effectivement faire disparaitre le reptile d'un simple coup de baguette et avec une facilité déconcertante. Mais si la rouge et or avait positionné le serpent près de la Poufsouffle, ce n’était pas pour rien.

“Attends, regarde...”

La fin des explications furent absorbées par le silence de la concentration avec laquelle Leo força le serpent à incliner le haut de son corps devant Aelle avant de le faire reculer auprès d’elle et surtout loin de la baguette de la brune. Ce n'était probablement pas très sain, mais la rousse ne pouvait nier qu'il était quand même terriblement satisfaisant, ce sentiment d'avoir le contrôle total sur la bête, de savoir que le serpent était soumis à elle - du moins quand il ne s'enfuyait pas - et qu'il devait littéralement se plier à sa volonté et s'incliner devant qui elle voulait - et était-ce une souris - si elle l'ordonnait. Quoi que, la pensée était peut-être un peu malheureuse parce qu'Aelle n'avait absolument rien d'une souris. Disons s'incliner devant quelqu'un qui pouvait le faire disparaître d'un coup de baguette, cela jouait aussi.

La rousse quitta son serpent des yeux pour poser le regard sur la sorcière qui lui faisait face, un sourire en coin.

“J’ai plus métamorphose et je regrette, du coup je fais comme je peux avec les sorts qui m’intéressent… donc merci pour le conseil.”

C'était sincère et elle s'avait l'apprécier, même si quelque part, la présence de la Poufsouffle l'avait interrompue, déconcentrée, et qu'elle était justement descendue dans le parc pour pouvoir s'entraîner toute seule.

Du coin de l'oeil, Leo vit Kaa remuer. Décidément, garder le contrôle sur trois serpents était une véritable gymnastique mentale. C'était complexe, demandait concentration et était, mine de rien, sacrément épuisant. Ne souhaitant pas qu'un deuxième serpent échappe à son contrôle devant la Aelle, la Gryffondor décida de prendre les devants et de congédier le cobra d'un coup de baguette. Après tout, elle pouvait le réinvoquer à tout moment. Leo vérifia rapidement que Thon était toujours sagement à ses pieds et Pi sur ses épaules - double check rempli -, puis reporta son attention sur la brune pour expliquer :

"Tu sais pour les noms... c'est un peu comme la couverture d'un livre. Ou comme les personnes mettent des étiquettent sur les pots de leurs ingrédients de potion. J'ai fait disparaître Kaa, mais avec un nom, il est comme étiqueté ou rangé dans un tiroir. Il suffira de penser à l'étiquette pour savoir à quoi il ressemble quand je voudrai l'invoquer à nouveau. Enfin moi ça m'aide, donc voilà."

L'anglais haussa les épaules comme pour mettre fin à la discussion : elle ne ressentait ni le besoin de s'expliquer plus amplement, ni celui de tenter de convaincre la Poufsouffle. Elle ça l'aidait, alors c'était raison suffisante pour donner un nom aux invocations. Point barre.

Et changement de sujet : il y avait bien quelque chose qui trottait dans la tête de Leo depuis un moment, quelque chose qui courrait sous l'étendard de la sincère curiosité...

"Dis, tu s'rais d'accord de me montrer à quoi ressemble un serpent si c'est toi qui l'invoques ?"

J'ai un peu trainé avec cette réponse, pardon !

J'attends, je regarde. Le serpent s'incline et mon regard se lève pour passer de la bête à sa maîtresse. Malgré son manque de maîtrise, prouvée par la fuite du reptile, elle n'en est pas moins capable de soumettre cette créature à ses envies. Ce qui, pour moi, a toujours été plutôt signifiant : je suis certaine qu'un Elian Kernac'h ou un Gabryel Fleurdelys serait incapable d'une telle maîtrise, aujourd'hui et même dans dix ans. Que ce serpent ne soit qu'une illusion ne change rien. Voyez comme Elowen s'est prise d'affection pour son serpent runique. La plupart des jeunes sorciers imaginent en voyant apparaître une créature devant eux qu'elle est aussi vivante que n'importe quelle autre bête. Ils commencent à s'attacher, donner des petits noms, être réticents à l'idée de leur forcer à faire quoi que ce soit... Mais Leo Ginger, bien que qu'appréciant donner des prénoms à ses créations magiques, a compris quel était son pouvoir et ce qui lui permettait de faire. Ceci, en plus de sa grande détermination à me montrer qu'elle allait y arriver et puis c'est tout, me satisfait grandement : je ne suis pas déçue de cette capitaine de Quidditch que je ne connaissais ni de Merlin ni de Morgane avant ce jour.

Même apprendre qu'elle a abandonné la Métamorphose ne me déçoit pas. C'est louable de sa part de vouloir poursuivre son entraînement malgré tout. De ne pas se laisser vivre parce qu'elle n'a plus de professeur pour lui enseigner des sortilèges. Je me contente d'un hochement de tête pour répondre à ses remerciements.

Je dois avouer que je ne m'attendais pas à la suite. Donner un nom comme pour poser une étiquette sur son serpent et pouvoir, à volonté, le sortir de son tiroir mental. Ça alors !

« Ingénieux, » commenté-je avec une moue épatée.

Peu de mot malgré la grande impression que me laisse cette technique à laquelle je n'avais jamais songé — sûrement parce que je n'en ai jamais eu besoin, moi qui ai une grande facilité à visualiser et qui ai une grande mémoire. Je reste malgré tout impressionnée par la technique trouvée par cette fille qui doit éprouver certaines difficultés avec la magie. Elle réussit à se débrouiller avec ce qu'elle a pour atteindre des résultats de bonne qualité. C'est désormais un fait : la Leo Ginger que j'imaginais avant ça, la capitaine un peu brute et inintéressante, disparaît au profit de la nouvelle idée que je me fais d'elle et qui est bien plus valorisante que la précédente.

« Pour ma part, j'ai pas d'étiquette mentale et j'en ai pas besoin, » commencé-je d'une voix vague.

Je suis concentrée sur le sortilège que je m'apprête à lancer parce qu'elle me l'a demandée et que je n'ai aucune raison de ne pas satisfaire sa curiosité. Je m'accroupis et fais rouler ma baguette entre mes doigts en songeant à tous les serpents que j'ai déjà invoqués et ceux que j'ai déjà aperçus, que ce soit en vrai ou en image.

« Je peux faire apparaître n'importe quel serpent, dis-je en haussant les épaules et en lui jetant un regard à travers mes cils. Tant que je peux facilement le visualiser, je veux dire. »

Je tapote ma paume du bout de ma baguette en réfléchissant. Devrais-je faire apparaître un grand serpent pour lui montrer ma maîtrise ou plutôt me concentrer sur une créature d'une taille moyenne mais avec des couleurs chatoyantes ? Je me souviens d'un serpent aperçu dans un livre de la maison, une longue créature fine dont la peau reproduisait à la perfection les couleurs de l'arc-en-ciel, tout en subtilité et en délicatesse. Je ferme les yeux et visualise la bête. Puisque cela fait quelques temps que je ne me suis pas amusée avec ce sortilège, je prends le temps dont j'ai besoin avant de murmurer la formule ; s'échappe alors de ma jolie baguette une créature bien moins impressionnante que le cobra que Ginger a fait disparaître. Mais ses couleurs sont telles que dans mon souvenir : chatoyantes sous la lumière du jour.

« Il est plus beau que dangereux, précisé-je à Ginger en faisant aisément serpenter la bête du bout de ma baguette — j'avais oublié combien il était bon de la sentir sous ma totale emprise. Il pourrait t'attaquer si je le lui ordonnais mais il ne ferait pas autant de dégâts que... »

Je ferme de nouveau les yeux et cette fois-ci, je fais appel à mes souvenirs d'étudiante. Lorsque j'ai appris Serpensortia je me suis évidemment renseigné sur les serpents réellement utiles à faire apparaître en duel. Apparaît à côté du premier serpent un second, plus long mais plus étroit. Plus de deux mètres de long, d'un joli brun métallique. Il se redresse bien droit. Ainsi, sa tête se trouve à la hauteur de la mienne mais j'ai confiance en mon contrôle : il ne peut rien m'arriver. Je le regarde dans les yeux. Difficile d'imaginer que cette étroite créature est en fait bien plus dangereuse que son congénère chatoyants plus épais.

« C'est un mamba noir, expliqué-je d'une voix lente à Ginger. Il est très dangereux et rapide. »

Je pousse sur mes jambes pour me redresser. Même si je regarde l'élève de Gryffondor, toute ma concentration est tournée vers mes deux serpents et sur ma baguette magique. Je ne leur laissera pas la moindre occasion d'échapper à mon contrôle.

« Mes étiquettes à moi, c'est plutôt le nom de la race de ces serpents. Je me souviens de ce que j'ai lu sur eux, des différentes couleurs et tailles qu'ils peuvent avoir. » Je hausse les épaules. « Au final ta technique est aussi valable que la mienne même si elle demande plus de travail. »

Pas de souci pour ton retard, j'en ai eu également !
J'adore vraiment l'étiquetage mental de Leo, c'est vraiment intéressant.

Ingénieux, elle avait dit.

Comment se pouvait-il qu’un seul mot de la bouche de la Poufsouffle puisse déclencher cette vague de fierté qui déferla en Leo, roulant jusqu’au bord de ses lèvres où un petit sourire venait trahir sa satisfaction ? La rousse en avait conscience et son amour-propre, qui tentait tant bien que mal de garder la tête hors des vagues, se raccrochant aux petites écumes de perplexité qui venaient se mêler à la jubilation, lui disait bien qu’elle n’avait besoin de l’approbation de personne en ce qui concernait sa technique d’apprentissage qui de toute évidence fonctionnait - approbation d’Aelle Bristyle comprise. Et pourtant, savoir que la sorcière ne trouvait son expérimentation pas totalement absurde… Arghhh. La rousse secoua la tête, tenant de chasser les pensées parasites pour rester focalisée sur ses deux invocations et la Poufsouffle qui lui faisait face.

Le serpent qui venait de se matérialiser eut l’effet d’une bouée de sauvetage qui attrapa son attention. Oh ! La créature née de la baguette d’Aelle avait de quoi impressionner, avec ses couleurs chatoyantes. Quand il serpentait sur le sol, le jeu de lumière sur ses écailles holographiques avait presque quelque chose d’hypnotisant et Leo prit un certain plaisir à l’observer se mouvoir devant elle jusqu’à ce qu’Aelle n’évoque l’attaque. C’est une menace ? Plantant son regard dans celui de la brune, elle haussa un sourcil et ouvrit la bouche pour répliquer.

Mais quand la septième année fit apparaître le second serpent, le premier, aussi joli soit-il, fut presque oublié. Avec des yeux ronds, Leo inspecta le reptile foncé qui, selon Aelle, pouvait faire de vrais dégâts. A vrai dire, ce changement d’attention n’était pas bien étonnant si on connaissait Leo : la Gryffondor avait toujours nettement préféré l’utile à l’esthétique. En silence mais avec une certaine fascination, la rousse observa son aînée jouer avec son invocation. Enfin plutôt l’invocation de soumettre à la volonté d’Aelle qui semblait avoir un contrôle aussi assuré qu’absolu.

Un mamba noir. Très dangereux et rapide. Les mots résonnèrent dans le crâne de l’anglaise et lentement, Leo hocha la tête pour signifier qu’elle avait assimilé l’information. Instinctivement, elle avait refermé sa prise sur sa baguette, le diffindo - de quoi trancher la tête de la bestiole - au bord des lèvres, prête à le lâcher à tout instant. Les deux invocations de la Gryffondor, en revanche, commencèrent à s’agiter et Leo finit par s’en rendre compte. Elle se rendit compte d’autre chose aussi : le mamba noir avait beau être très dangereux et rapide, elle ne craignait pas grand-chose. Leo avait confiance en Aelle. Enfin pas tellement en Aelle, mais en son orgueil et en sa maîtrise : elle était certaine qu’Aelle ne permettrait pas à la bête d’échapper au contrôle de sa baguette et par extension, à son contrôle. Et l’anglaise ne voyait aucune raison que la brune pourrait avoir d’envoyer volontairement le serpent l’attaquer, donc…

L’alerte de ses sens finit par se détendre un peu, suffisamment pour que sa volonté puisse raffermir sa prise sur ses deux invocations qu’elle intima à rester tranquille et pour réagir aux derniers mots de la sorcière.

« Plus de travail je sais pas… j’ai pas toute la partie documentation. Mais du travail différent, je suppose. »

Elle haussa les épaules comme pour laisser tomber le sujet, plutôt intéressée par le nouveau venu. La bestiole qu’avait fait apparaître Aelle était vraiment impressionnante et Leo brûlait d’envie de l’observer de plus près. Avant de s’approcher d’un pas et de se pencher vers le serpent, le tout sans le moindre geste brusque ou imprévisible, son regard se posa sur celui d’Aelle comme pour s’assurer qu’elle ne lâcherait pas sa concentration, glissa lentement jusqu’à sa baguette puis jusqu’au mamba, ses écailles métalliques, et finalement sa tête. Ainsi soumis à la volonté de la Poufsouffle, il n’avait pas l’air si dangereux… En fait, c’était plutôt lui, le serpent qui avait vraiment quelque chose d’hypnotisant : un danger à moins d’un mètre, dompté, maitrisé, retenu du bout d’une baguette. Sans lever le regard, Leo souffla pour s’en assurer :

« Il est venimeux, hein ? Je veux dire, même si c’est juste une invocation, le venin d’une morsure est bien réel ? »

Sans attendre de réponse, la rousse se redressa lentement et reporta à nouveau son attention sur Aelle et la baguette qui dirigeait le serpent.

« Tu penses qu’il se passe quoi s’il attaque une autre invocation ?  »

Comme pour offrir une cobaye à l’expérience si jamais Aelle n’avait pas de réponse à apporter, Leo fit légèrement onduler son python en direction du mamba noir. Et une nouvelle question traversa son esprit :

« Tu sais si une invocation peut se retourner contre soi-même si on perd le contrôle ?  »

Je ne manque pas les mouvements nerveux de ses deux serpents. Un élève lambda y verrait peut-être une réaction normale chez un serpent. Moi, je devine que c'est un répercussion du manque de contrôle de la rousse. Je tourne aussitôt les yeux vers elle, afin de trouver trace sur son visage d'un trouble quelconque qui pourrait la traverser, d'une pointe de fatigue peut-être. Je ne trouve rien et en réponse à ce qu'elle me dit, je me contente d'un hochement de tête : elle a raison, ce sont deux techniques différentes, n'empêche que la sienne me parait plus laborieuse que la mienne.

Je me concentre sur le contact familier de ma baguette de ginkgo contre la paume de ma main afin de ne pas perdre le contrôle de mes serpents. Ce n'est pas tant que je crains le perdre, c'est surtout que je ne suis pas habituée à ce sortilège, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Mieux vaut rester prudente. Je n'ai pas envie de devoir amener Ginger à l'infirmerie et d'expliquer pourquoi un serpent que j'ai créé s'est jeté sur son mollet.

La capitaine est bien loin de ces questionnements puisqu'elle fait mine de vouloir s'approcher de ma créature. Elle me jette un regard avant de poursuivre, comme pour me demander mon accord ; je l'y autorise d'un mouvement du menton et tandis qu'elle s'accroupit face au dangereux serpent, je l'observe, sans savoir si je trouve sa confiance inconsciente ou flatteuse. Il me suffirait de baisser ma concentration un instant... Un seul instant pour que le serpent, plutôt que de disparaître purement et simplement, se jette sur son visage pour lui arracher un lambeau de peau. Ça pourrait arriver en quelques secondes à peine. Un geste rapide et violent. Je m'efforce de me tenir loin des images qui veulent envahir mon esprit : ne pas me déconcentrer, toujours imaginer le serpent droit, fier et parfaitement immobile.

Elle l'observe sans la moindre crainte, à quelques centimètres de lui. Nous devons former un drôle de tableau. Moi, elle à mes pieds, le serpent face à elle et le compagnon chatoyant de ce dernier qui grouille et s'entortille à ses côtés. Et là, dans le fond, les deux créatures qu'elle a créé un peu plus tôt. Quatre serpents, deux élèves. L'image m'aurait amusé si je n'étais pas aussi concentrée.

J'apprécie les questions qui lui échappent. Surtout, j'apprécie qu'elle me les pose à moi, comme si elle était persuadée que l'élève de septième année que je suis avait les réponses. Ce qui est le cas, je les ai bien, mais ce n'est pas parce que je suis une élève de septième année, non. C'est seulement parce que je suis intelligente et que je comprends la magie, voilà tout. J'esquisse un sourire en voyant déjà ses serpents bouger vers les miens. Elle ne perd décidément pas une seule seconde. Cela me plait. J'aime l'expérimentation.

« Si tu perds le contrôle et que ton invocation disparaît pas, elle peut se retourner contre toi, oui. Ça n'arrive pas forcément mais c'est un risque. Quant à celui-ci... »

J'observe mon mamba noir qui, sur une impulsion de ma part, fait glisser sa langue entre ses lèvres pour siffloter longuement.

« Les mambas noirs sont bien venimeux. C'est l'une des races de serpent la plus dangereuse au monde. Monde moldu, précisé-je sans pour autant savoir s'il existe dans le monde sorcier des serpents plus redoutables. Mais ce sortilège ne permet pas de recréer son venin. Il pourrait te faire beaucoup de mal, te tuer si tu ne te défends pas, mais c'est pas le venin qui serait en cause. Plutôt ses crocs. »

Je me concentre de nouveau sur son python magique qui s'est rapproché du long serpent à la couleur métallique. J'autorise un petit sourire à m'étirer les lèvres. À mon avis, que se passerait-il si deux invocations s'attaquaient ? Mais voici ce qu'il se passerait, Ginger : d'une impulsion mentale et magique j'ordonne à mon serpent d'attaquer le sien. C'est fulgurant et d'une rapidité extrême : son cou se dresse et s'abat d'avant en arrière plusieurs fois de suite. Reste à voir si Ginger réagira suffisamment vite pour permettre à sa créature de se défendre...

Le texte était tout à fait prêt, en fait !
C'est reparti. Combat de serpents, nous voici.