Mercredi 2 novembre 2044
Un peu après 15h

Je sors du dojo trop heureuse, mon sac à dos kaki sur le dos, ma capuche sur la tête, mes baskets blanches - enfin, plus si blanches - aux pieds. Il pleut ! De multiples flaques se sont formées dans les rues de Cardiff, les gouttes d'eau éclatent dessus en faisant des petits "ploc !", ce son que j'adore autant que celui de l'orage. Sans pensées pour mes baskets déjà sales, je saute dans quelques flaques, la joie au ventre.
Au karaté, on vient d'apprendre un nouveau coup, je sens que ça va devenir mon attaque fétiche ! C'est le mawashi geri. Un coup de pied circulaire. Tout en courant à travers les rues pour rejoindre la maison, j'essaie de sauter de manière à travaille mon grand écart. Hop ! Dans la flaque ! Plaf ! Une autre !
Non loin de la maison, j'aperçois Mrs Jones à travers sa fenêtre, c'est une sorcière elle aussi, c'est ma préceptrice. Je lui fais un grand signe de la main, toute sourire. Elle semble triste, voire peureuse... Elle me répond par un signe de la main elle aussi, mais elle ne semble pas convaincue... Elle ferme ses rideaux.
Arrivée devant la maison, je monte le perron et essuie mes baskets sur le paillasson. Je me déchausse pour ne pas abimer le parquet, et je me place assez loin pour me mettre en position de mawashi geri face à la porte. Ma jambe arrière en jambe d'attaque, je l'envoie jusqu'à la poignée et l'abaisse pour ouvrir la porte, tout en criant :
"C'EST MOI !"
Pas de réponses. Tiens, c'est bizarre ça. J'entre en chaussettes dans la maison, dépose mes baskets dans le coin chaussures, puis jette mon sac sur le fauteuil qui meuble l'entrée. J'entends du bruit en haut, plusieurs voix que je ne distingue pas très bien. La peur commence à m'envahir, il se passe quoi, là ? Toutes les lumières sont éteintes en bas. Je marche tout doucement en essayant de ne pas faire de bruit. Personne dans le salon, ni dans la cuisine, ni partout au rez-de-chaussée.
Prenant sur moi, je lance :
"Papa Maman, tout va bien ?
- Merine ! Tu es enfin rentrée ! s'exclame Maman en pointant sa tête en haut des escaliers, un soupir de soulagement s'échappant de ses lèvres.
- Maman ! J'ai cru qu'il se passait quelque chose !" Dis-je en retrouvant mon habituel sourire et ma fougue.
Je saute les marches pour l'enlacer. J'ai l'impression qu'elle soupire à nouveau lorsqu'elle dit :
"Non chérie, il ne se passe rien...
- Où est Papa ?
- Dans le jardin. Il... vérifie que le jardin est dégnommé correctement."
C'est pas dans les habitudes de Papa de s'occuper du dégnommage... Bizarre tout ça, quand même...
"Bon, on doit y aller chérie, prends tes affaires.
- Aller où ? Prendre quoi ? De quoi tu parles Maman ?
- On va chez Grandpa et Grandma, à Godric's Hollow. Tu n'as pas le temps de préparer une valise et tout ça, faut qu'on soit rapide.
- Mais... c'est quoi tout ce cinéma ? Pourquoi on est pressés comme ça ? C'est même pas les vacances, pourquoi on irait à Godric's Hollow ?
- On... on a organisé un grand jeu avec les cousins et tes grands-parents. Allez, dépêche toi ! Ne prends que le nécessaire !"
Mais... ? Si on était pressés, qu'est-ce que Papa foutait avec les gnomes dans le jardin ?
Je me précipite dans ma chambre, et m’empare d'un grand sac fourre tout. J'y jette mes robes de sorcière, mon pantalon cargo, deux trois t-shirt, Quili, et le plus de bouquins que je peux jusqu'à ce que le sac soit plein à craquer.
Je sors de la pièce en vitesse, et m'arrête devant Tom qui, du haut de ses 3 ans, s'accroche à ma jambe :
"Merine ! Un grand jeu !"
Pfff... on allait bien voir de quoi était fait ce grand jeu. Je l'attrape dans mes bras et descend les escaliers quatre à quatre, mon sac sur une épaule, mon petit frère aux boucles rousses appuyé contre l'autre.
Les parents sont en bas, Carrie dans les bras de Maman, Octavius à côté. Papa a mon sac kaki du karaté sur l'épaule.
"Allez, on y va, dit-il en s'emparant de la poudre de cheminette. Maman d'abord, ensuite Merine, Octavius, puis moi."
Il jette la poudre dans la cheminée, et un feu vert se met à crépiter. Maman, Carrie dans les bras, un sac sur les épaules,
s'y engouffre, en disant :
"Godric's Hollow, Résidence des Smith !"
Puis c'est à mon tour.
Je ne sais pas ce que je ressens, quand je me place dans la cheminée, toujours en chaussettes. La joie que je ressentais en sortant du karaté semble s'être évanouie.
Qu'est-ce qu'il se passe ? Pourquoi j'ai l'impression que Papa Maman me cachent des choses ? C'est pas normal.
Tout ne va pas bien, et j'ai besoin de réponses.
"Godric's Hollow, Résidence des Smith !"
M'exclamais-je.
Et je me laisse emportée par le tourbillon. A la recherche de réponses.