Peut-on mourir d’ennui ? En cet instant, je dirais oui, sans aucun doute. L’ennui est source de malheur — voir de douleur pour les plus actifs. Dans ma main, ma plume tressaille frénétiquement au dessus d’un parchemin presque vierge. Titre, matière, nom prénom maison, quelque chose d’assez sobre, sans couleurs contrairement à mes habitudes. Première question, la suite est désespérément blanche, accompagnée d’une goutte d’encre se transformant petit à petit en une tâche indélébile.

Si j’observe cette pauvre goutte devenir tâche, c’est bien que je m’ennuie — sinon, je ne m’adonnerais pas à une activité aussi peu productive. Travailler est une activité productive, mais dans le cas de ce devoir, le faire ne m’apporte rien d’autre que d’éviter la punition. Je prends mon énorme trieur partie matières inintéressantes, et fouille résignée les notes que j’ai prises durant mes recherche sà la bibliothèque.

Plus que la rédaction. Étrangement, les mots ne me viennent pas. Le travail du fond a été fait, mais la mise en forme est particulièrement fastidieuse. Je songe un instant à rendre mon joli torchon à Miss Lydon, et, dans un esprit de rébellion, à marquer en prime « Je n’ai pas de temps à perdre pour faire quelque chose de beau ». C’est faux bien sûr. J’aime les belles choses, et je suis persuadée que la beauté a un grain d’utile en elle. Je crois, pour aller plus loin, que c’est la beauté qui me retient — sans elle la vie serait vaine, et en tant qu’artiste, il est de mon devoir d’en apporter dans ce monde de bitume.

Gratte gratte. Je m’y suis mise finalement. Phrases simples, sujet verbe complément, quelque chose d’épuré — loin de mon style ordinaire. Les informations lâchées brut en roue libre sur le parchemin, ni organisées ni liées par de quelconques expressions. Je suppose avoir fait ce que l’on appelle couramment « le minimum syndical ». Je roule avec un soin particulier mon parchemin déjà tâché et le glisse dans mon sac. Qu’est-ce que cela va me valoir ? Un A peut-être ? Fort probable, environ 70% de chance. Futur commentaire : « les informations y sont mais la forme est à revoir. Organisez vos idées ». Peut-être, « travail bâclé » ; cela serait fort pertinent. J’ai hâte de voir ce que cela va donner. Testons, testons. Cela m’évitera de m’ennuyer.

En pénétrant dans la salle d'études, elle est immédiatement assaillie par l'odeur du parchemin brut, de l'encre visqueuse et par le bruit assourdissant du silence des lieux. Seules les plumes, vestiges d'oiseaux du monde entier, grattent inlassablement le papier, y inscrivant les pensées obscures des élèves présents dans ce sanctuaire studieux.

Bien. Tamsin choisit sa place. Ses yeux parcourent la scène, repérant ici un morceau de table où quelques chaises sont encore disponible et là bas, une brune solitaire absorbée par sa tâche. Il n'y a que peu de gens autour d'elle, et son visage éclairé par la petite lampe à huile du bureau ne lui est pas encore familier. Elle se décide et se dirige droit vers elle, prenant place face à elle. Elle a apprit à ses dépends à se déplacer furtivement dans ce lieu calme et dédié à l'application et au travail, aussi fait-elle bien attention en tirant sa chaise et en déposant son sac au sol. Aussi légère qu'un fantôme, aussi transparente qu'un esprit, elle prend place et sort avec précaution son livre préféré, précieux cadeau de sa mère durant l'été. Un beau pavé, sur les arts divinatoires, corné et annoté à maints endroits, expressément aux pages qui traitent de l'astrologie.

Délicatement elle ouvre à plat sur la table l'ouvrage, appuyant sur son dos qui se fissure un peu plus. De son index elle parcourt les quelques lignes qui débutent la page de gauche, cherchant la ligne où elle a bien pu s'arrêter hier soir avant de piquer du nez. Là.

𝑱𝒖𝒔𝒒𝒖’𝒂𝒖 𝑿𝑽𝑰𝑰^𝒆 𝒔𝒊𝒆̀𝒄𝒍𝒆, 𝒍’𝒂𝒔𝒕𝒓𝒐𝒍𝒐𝒈𝒊𝒆 𝒆𝒔𝒕 𝒖𝒏𝒆 𝒗𝒆́𝒓𝒊𝒕𝒂𝒃𝒍𝒆 𝒔𝒄𝒊𝒆𝒏𝒄𝒆 𝒒𝒖𝒊 𝒑𝒆𝒓𝒎𝒆𝒕 𝒅𝒆 𝒎𝒊𝒆𝒖𝒙 𝒄𝒐𝒎𝒑𝒓𝒆𝒏𝒅𝒓𝒆 𝒍𝒆 𝒎𝒐𝒏𝒅𝒆. 𝑨 𝒍𝒂 𝑹𝒆𝒏𝒂𝒊𝒔𝒔𝒂𝒏𝒄𝒆, 𝒍𝒆𝒔 𝒔𝒊𝒈𝒏𝒆𝒔 𝒔𝒐𝒍𝒂𝒊𝒓𝒆𝒔 𝒒𝒖𝒆 𝒏𝒐𝒖𝒔 𝒄𝒐𝒏𝒏𝒂𝒊𝒔𝒔𝒐𝒏𝒔 𝒕𝒐𝒖𝒔 𝒂𝒖𝒋𝒐𝒖𝒓𝒅'𝒉𝒖𝒊 𝒂𝒗𝒂𝒊𝒆𝒏𝒕 𝒖𝒏 𝒓𝒐̂𝒍𝒆 𝒔𝒆𝒄𝒐𝒏𝒅𝒂𝒊𝒓𝒆 𝒑𝒂𝒓 𝒓𝒂𝒑𝒑𝒐𝒓𝒕 𝒂𝒖 𝒔𝒊𝒈𝒏𝒆 𝒂𝒔𝒄𝒆𝒏𝒅𝒂𝒏𝒕.

Appliquée, la petite sorcière blonde entreprend de continuer sa lecture. Mais l'espiègle lueur de ses yeux ne cesse de faire des allers-retours vers sa voisine de table. Si l'on observe bien, on peut la voir lire quelques lignes, puis relever les yeux vers la prétendue studieuse élève brune qui lui fait face, avant de replonger dans sa lecture comme si de rien n'était. Tamsin n'a jamais été très discrète dans ses méthodes d'espionnage, et sa curiosité semble finalement plus happée par la belle Gryffondor — comme semble en témoigner l'écusson de sa robe — que par sa passion dévorante pour les astres et leurs significations.

@Scary Limpson

Je ne prête aucune attention aux allées et venues des autres élèves dans la salle, à la fois absorbée et distraite par mes pensées, si bien que je ne remarque pas l'ombre qui se glisse à mes côtés. Ayant finit mon devoir, je décide de sortir un livre qui traîne dans mon sac. A Poudlard, nous sommes bercés par la magie, mais je m'intéresse également beaucoup aux sciences, parmi lesquelles l'astrophysique occupe une place de choix. C'est justement de cela que parle le livre que j'ai emprunté, et plus précisément de la formation des étoiles et de l'univers.

C'est alors qu'en décornant le coin d'une page, je remarque une petite blonde les yeux braqués sur moi. *Qu'est-ce qu'elle me veut ?!* est la première pensée qui vient à mon esprit. Je n'ai pas de temps pour discuter avec une gamine, et je suis sûre qu'elle voit très bien que je suis occupée. Ce n'est vraiment pas sorcier à comprendre, la lecture, c'est sacré.

D'ailleurs, elle-même semble plongée dans un ouvrage, alors pourquoi s'amuse-t-elle à me fixer ainsi ? Je la dévisage, car je ne comprends pas cette enfant bizarre qui a le chic pour me déranger. je m'attarde sur de petits détails ^__ la couleur de sa cape, le sujet de son livre, et les quelques lignes que je distingue provoquent un sourire railleur sur mon visage. Donc en plus d'être indiscrète, elle est stupide. Il faut lui dire que la vie est sur Terre et non dans les étoiles à la petite ! Le pire, c'est que je suis sûre que des gens y ont penser avant moi mais qu'ils n'ont pas osé briser le rêve étoilé de cette verte. L'astrologie, ce n'est pas une science ^__ c'est de l'ordre de la superstition. Les soi-disant voyantes manipulent la société pour se remplir les poches de gallions. Et le pire, c'est que ça marche ! Il y a des gens assez crédules pour y croire ! C'est désespérant. D'une voix qui charrie, j'engage la conversation sans cacher ma mauvaise humeur.

^__ Bon, tu me dis ce que tu m'veux où on attend là jusqu'au couvre-feu ?

Elle l'a mérité, et je n'ai pas à prendre soin de sa petite sensibilité. Cherché, trouvé, tant pis pour elle, elle ne perd rien pour attendre.

Les yeux clairs de Tamsin qui jusqu'alors étaient restés braqués sur la studieuse élève, se précipitent pour rejoindre vite fait bien fait les lignes de son ouvrage. Grillée. Elle retient sa salive, espérant peut-être que dans les quelques secondes de silence qui suivent l'interrogation de la brune, elle n'y verrait que du feu. Mais finalement c'est bien pire, car elle attend une réponse. Elle l'a cramée, il vaut mieux prendre ses responsabilités. Et puis après tout, elle ne faisait rien de mal, si ce n'est l'observer — peu discrètement certes.

Tamsin pose délicatement son livre sur la table et le referme, signifiant bien que l'astrologie n'était pas au centre de ses priorités finalement. Et puis franchement, elle assume, mettant les pieds dans le plat : « Rien » répond-t-elle sobrement, chuchotant à moitié pour éviter de ne déranger la moitié de la salle affairée dans ses devoirs. « Rien je t'observais c'est tout. » Sa voix est posée, peu gênée finalement par la question abrupte qui lui a été posée. Quand on est encore enfant, le seuil de tolérance reste très élevé. Alors elle ne gêne pas pour lui dire ce qui la pousse à la regarder depuis plus de cinq minutes. « En fait ... » commence-t-elle avec un sourire naïf. « Je te trouve vraiment super classe. »

Voilà qui est dit.

"Rien". Elle n'a rien de mieux à me répondre que rien. Si dans une trentaine de secondes elle ne change pas de position je lui dis que je pars et je m'en vais. De toute manière, je n'ai plus rien à faire ici, si ce n'est perdre mon temps avec une platine qui tente de se moquer de moi. Dans l'attente, mon regard se fait sévère, espérant qu'elle sente que je suis pressée. D'aller où ? De faire quoi ? Je ne sais pas, mais tout ce que je peux faire est sûrement plus intéressant que les bribes de conversation que nous allons échanger. Tout ce que j'espère, c'est juste qu'elle ne me parlera pas d'astrologie ^__ si elle commence je la rembarre et je détruit son petit rêve.

Cependant, la suite se révèle inattendue. Je hausse mon sourcils gauche, façon implicite de lui demander si elle me faire une blague, et lui réponds de façon relativement railleuse :

^__ Et donc ? C'est tout ?

Parce que si c'est tout ce qu'elle a à me dire on ne va pas aller bien loin. Elle me trouve classe, et ? A quoi cela va me servir à moi ? Brièvement, je nous vois marcher dans les couloirs comme si j'étais sa grande sœur idolâtre. Cette vision me donnerai presque envie de vomir, surtout que je ne vois aps pourquoi je ferais une chose pareille.Mais pas de chance, je me contrefiche de son compliment ne sachant pas ce qu'il vaut, et me demande si la conversation que nous menons a vraiment un sens ou si au final je partirai par ennui ^__ toujours le même.

Si la réponse de son interlocutrice se fait froide, voire glaciale, Tamsin ne se démonte pas pour autant. Au contraire, elle prend légèrement la mouche. Pourquoi cette jeune personne qu'elle vient de complimenter ouvertement, et ce à la force de son maigre courage, l'envoie-t-elle dans les roses fraichement coupées et pleines d'épines. Alors oui, c'est tout. Dans une haussement d'épaules, elle rétorque à son tour : « Oui. C'est tout. Que veux-tu que je te dises de plus ? » Elle ne s'attend tout de même pas à des courbettes de sa part ? Dans une attitude faussement nonchalante, elle reprend possession de sa page de lecture, ses yeux suivants sans conviction ce qu'elle lisait précédemment. Son attention est clairement détournée désormais, elle n'attend qu'une chose : avoir piqué la curiosité de cette élève mal lunée.

Si silence s'ensuit, Tamsin ne s'en rend même pas compte. Elle est déjà trop occupée à comploter dans sa tête, à élaborer une stratégie pour poursuivre cette conversation et s'assurer que cette fille la remarque et la retienne. Poudlard semble être un labyrinthe peuplé de fantômes — morts comme vivants. Les élèves le sillonnent parfois sans se décocher un regard. Cette gamine qui a eu pour habitude de grandir au sein d'une famille bruyante et curieuse, perd le fil dans ces couloirs. Les maisons s'y croisent mais souvent s'ignorent. Chacun file à son devoir, son sortilège mais peu se préoccupe des autres. Et encore moins d'exprimer à voix haute ce qu'ils ou elles pensent à voix basse.

Finalement elle relève les yeux. Sa bouche s'entrouvre, cherchant dans une inspiration ce qu'elle pourrait dire avant que l'autre ne s'enfuie. « Personne ne t'avait jamais dis ça je me trompe ? » Bavarde comme une pie, la voilà lancée la petite Tamsin, à tel point que les autres élèves risquent de s'exaspérer autour. « Je comprends que ça puisse être déroutant, mais ça aurait idiot de ne pas te le dire non ? T'as le droit de n'en avoir rien à faire, mais dans le fond je suis sûre que ça fait pleinement gonfler ton égo. Et puis c'est agréable de recevoir un compliment. T'as jamais eu envie de dire ça toi, à une personne que tu idolâtres ? » Le mot était un peu fort, car Tamsin n'idolâtrais pas cette inconnue. Mais qui sait, peut-être pouvait-elle devenir une source d'inspiration ?

« C’est tout ». Et bien tant mieux, parce que je n’ai pas de temps à perdre. Si cette platine n’a rien d’autre à me dire, cela m’arrange. Mais au fond de moi je doute qu’elle s’arrête là : sa question est une perche pour relancer la discussion, comme on lance un hameçon pour attirer sa proie. Elle est étrange cette enfant, mais bien trop sûre d’elle : elle me complimente puis tente de me tendre un piège ? Elle va voir à qui elle se chauffe. Alors moi aussi, je prends cette même attitude faussement nonchalante avec laquelle elle croit me tromper ; je m’en (em)pare si bien que je pourrais presque lui dire : tu vois, je les maîtrise tes petits artifices.

Rapidement, le silence se réinstalle dans la salle d’étude. L’atmosphère de concentration qui règne dans la salle, la tension, font que je deviens rapidement moi-même plongée dans des réflexions qui n’ornât ni queue ni tête. Le crissement des plumes et l’odeur du parchemin se font rapidement une place dans mon esprit au détriment de la platine.

L’impatience déforme rapidement mes traits lorsqu’elle reprend la parole, si bien que j’ai du mal à jouir de ma victoire, fière d’avoir deviné que ce n’était pas tout du tout. Tout ce qui sort de sa bouche m’agace au plus haut point. C’est quoi ce délire ? Vient-elle vraiment d’admettre qu’elle m’a complimenté pour flatter mon ego ? Et puis le verbe idolâtrer par Merlin… il en devrait même pas exister tellement il reflète un comportement idiot. Retour à la case départ : je me demande pourquoi elle agrémente de réflexions mal préméditées cette conversation que je n’ai pas envie de tenir. Je réponds sèchement :

— Je n’idolâtre personne. Tu ferais mieux de travailler au lieu de déranger tout le monde.

Assertion qui n’admet aucune réplique. Je ne doute pas un instant que les autres élèves en train de travailler maudissent cette enfant par la même occasion. Rapidement, je commence à remballer les affaires. Ce soir, ce triste incident sera très probablement sorti de ma tête.