Sixtine était rentrée de Tinworth la veille, avant le retour des élèves. Elle avait défait sa valise, rangé ses affaires et commençait à se faire à l'idée qu'elle ne reverrait jamais plus son oncle. Le week end avait été rude et chargé d'émotion. Elle ne s'attendait pas à revoir son ex, ne s'attendait pas à voir la fureur de son compagnon actuel et elle s'attendait encore moins à devoir reconstruire sa maison. Heureusement, tout ceci faisait maintenant partie du passé.

Elle avait fait de son mieux pour caché son petit mal-être et le fait qu'elle soit en pleins deuil à ses élèves. Par chance, le lundi elle ne donnait cours qu'aux 5e et aux 6e année ce qui lui rendait la tâche plus facile. Même si quelques fois, elle s'était perdue dans le flot de ses pensées, elle avait fait en sorte que ça n'entache pas son cours et que ça ne perturbe pas les élèves. Et, à la pause, au lieu de prendre une cigarette comme à son habitude, elle avait ignoré cette envie et en avait profité pour boire un thé. La mort de son oncle lui avait rappelé que la perte prématuré d'un être cher pouvait faire mal et elle n'avait aucune envie de perdre la vie trop tôt à cause d'une cigarette. Alors, elle s'était fait la promesse de diminuer sa consommation et pourquoi pas, de l'arrêter totalement si possible.

A la fin du cours avec les 6e année sur le sortilège de confusion, Sixtine se sentait vidée et, était bien heureuse de libérer les élèves. Ce soir, elle n'irait pas prendre le diner dans la grande avec les autres professeurs. Elle comptait rester dans ses quartiers, seule ou peut être avec Suileabhan qui la rejoindrait plus tard dans la soirée.

Dernier cours de défense contre les forces du Mal avant son départ pour Casadelespíritu. La meilleure matière avec sa professeure préférée. Tout cela expliquait la bonne humeur qui s’affichait clairement sur le visage de Bad en ce lundi de mi-avril. En entrant dans la salle de classe de Sixtine Valerion, le Serdaigle la salua d’un grand sourire mais cette dernière ne sembla pas partager le même plaisir, même si elle lui répondit d’une manière plus que cordiale. Bad ne s’en formalisa pas et s’installa à sa table habituelle. En parlant d’habitude, quelque chose de différent régnait dans la pièce. Le garçon mit plusieurs minutes à comprendre que la légère odeur de cigarette qui accompagnait généralement la professeure ne flottait aujourd’hui pas dans l’air. Tandis que le cours sur le sortilège de confusion battait son plein, une partie des pensées de Bad s’intéressait à cette rupture avec les habitudes d’une Sixtine visiblement perturbée. Une réunion sur la pause méridienne ? Une discussion qui s’était éternisée ? Une rendez-vous amoureux secret ? Ou tout simplement le désir d’arrêter cette pratique qui nuisait à sa santé ? Était-ce l’arrivée de son cinquantième anniversaire qui avait pesé dans la balance ? De trop nombreuses questions perturbaient le Serdaigle curieux qui décida de poursuivre ses investigations auprès de l’intéressée après le cours.

De nombreux coups d’œil à la pendule jonchèrent la fin de la séance de défense contre les forces du Mal qui habituellement passait à la vitesse d’un Éclair de feu. Non pas que le cours ne l’intéressait pas mais car Bad voulait trouver des réponses à ses questions indiscrètes. Il considérait Sixtine comme une seconde mère et commençait à comprendre ses réactions et à repérer ses changements d’humeur, même subtiles. Habituellement peu habile pour déceler certains sous-entendus, Bad avait analysé la professeure durant toute la séance et sa conclusion était incontestable : Sixtine était troublée.

Après que l’enseignante ait signalé la fin du cours et que chacun des élèves de sixième année ait rangé ses affaires, Bad ralentit volontairement le mouvement pour se retrouver seul à seul avec Sixtine.

« Non, ne t’inquiète pas, vas-y. Je dois demander quelque chose à la professeure, fit le garçon avec un sourire rassurant à l’attention de l’un de ses camarades. »

Tandis que le dernier élève quittait la salle, Bad, sac sur l’épaule, se leva et ferma la porte avant de se tourner vers Sixtine Valerion. Les sourcils légèrement froncé, il s’exprima d’un ton un peu inquiet.

« Tout va bien, Sixtine ? J’ai l’impression que quelque chose vous tracasse. »

La professeure était dos à la porte lorsqu'elle celle-ci se referma mais en attendant les pas d'un élève se diriger vers sa position, elle se retourna, dubitative. Elle fut surprise de voir qu'il s'agissait de l'un de ses élèves préféré. Mieux encore, un élève qu'elle affectionnait tout particulièrement. Son visage inquiet fit comprendre à l'ancienne Auror qu'il avait eu la sensibilité nécéssaire pour comprendre qu'elle n'était pas comme à son habitude. Peut être avait il senti que le cours était de moins bonne qualité ce qui fit mal à la fierté de Sixtine.

Dans un soupire, elle s'était assise, les jambes croisées, sur son bureau. Ses doigts tapotèrent le bureau comme pour combler une sensation de vide intense. Ou pour combler un manque car, à cet instant, elle avait envie d'une cigarette mais, elle ne céda pas à cette pulsion.

- J'ai envie d'une cigarette, d'un whisky et d'une partie de... de poker.

Bien sur, ce n'était pas d'une partie de poker dont elle avait envie mais elle s'était souvenue à temps qu'elle ne parlait pas à n'importe qui. Bien qu'elle appréciait Bad, il n'en restait pas moins son élève et devait, par conséquent, garder certaines choses pour elle.

- Sixtus est décédé et j'ai décidé d'arrêter la cigarette.

La professeure se perd dans la contemplation de son plafond pendant quelques secondes avant de revenir à la réalité et de plonger ses yeux bleus dans les yeux de son élève.

Comme Bad l'avait senti, Sixtine n'était pas dans son assiette. Le garçon regarda la femme s'asseoir sur son bureau, une nervosité inhabituelle l'agitant. Elle lui annonça qu'en cet instant, elle désirait fumer, boire et jouer. Le Serdaigle ne savait pas que le poker possédait de puissantes vertus apaisantes et relaxantes mais, sans jugement, il laissa apparaître un doux sourire sur son visage adolescent. Chacun prenait son plaisir là où il le souhaitait après tout.

Bad sentit qu'il n'avait pas besoin de répondre et que sa professeure viendrait d'elle-même à ce qui la perturbait tant. Il eut le nez creux car, quelques secondes plus tard, Sixtine vint à révéler l'événement qui était la source de ses maux.

« Oh ..., lâcha-t-il, autant en signe de surprise que de compassion. »

Les yeux de Bad se mêlèrent à ceux de la femme devant lui. Dans ses iris bleus, le garçon vit l'ombre de l'homme qu'il avait rencontré un an auparavant à la nouvelle Sainte-Mangouste. Un bel homme, pourtant affaibli, dont la mémoire avait été gravement touché, et qui, n'avait jamais eut tant de ressemblance avec Sixtine qu'en cet instant. L'homme était donc décédé. Bad savait que la femme allait rendre visite à son oncle chaque semaine et il ne pouvait qu'imaginer le chagrin qui était désormais le sien.

« Je suis désolé, Sixtine. Sincèrement. Bad s'approcha du bureau et s'installa sans un mot aux côtés de la cinquantenaire. Il veilla à ne pas tirer sur sa cape et glissa les mains sous cuisses en fixant ses yeux au sol. Le sixième année laissa passer quelques secondes avant de reprendre. Et savez-vous de quoi il est décédé ? Je ne le croyais pas mourant. »

La curiosité du garçon revenait à la charge une nouvelle fois. Même en ce moment difficile. Son envie de savoir ce qu'il s'était passé, de connaître chaque détail, de comprendre ce qui avait amené à cette funeste issue était plus forte que tout. Un désir viscéral qu'il avait toujours du mal à contrôler.

Il en oublia même cette histoire de cigarette.

Le jeune garçon qui Sixtine appréciait beaucoup était venu s'installer à côté d'elle tout en fixant le sol de la salle de classe. Cette simple petite action avait réchauffé le coeur de la professeure et, en le regardant agir ainsi, elle eut l'impression de revoir Suileabhan à l'époque ou il n'était encore qu'un jeune adolescent. Elle avait l'impression d'avoir de nouveau 16 ans et de retrouver Suileabhan à la fin de la journée pour que chacun puisse se raconter ses faits et gestes tout en critiquant les enfants passant dans le couloir.

Le brun avait rompu le silence et cette vision qu'elle venait d'avoir s'envola aussi vite qu'elle était apparue. Il demanda les causes de la mort et la professeure ne lui donna pas tout de suite la réponse à sa question. Non pas qu'elle ne souhaitait pas lui répondre mais, elle avait besoin d'y réfléchir, savoir comment aborder le sujet de la mort avec son élève. Ils avaient tous les deux déjà abordé ce sujet il y a quelques temps, l'adolescent avait mal vécu ce moment et elle ne souhaitait pas le mettre mal à l'aise. Après un certain temps de réflexion, elle put enfin lui répondre.

- Je pense qu'il n'avait plus la force de sa battre, j'ai l'intime conviction qu'il ne se supportait plus, qu'il ne supportait plus de devoir dépendre d'un hôpital, de voir sa mémoire s'amenuiser chaque jour un peu plus et peut être aussi voir le regard des autres sur lui. Je me trompe peut être mais je suis persuadée que quelque part, dans les tréfonds de son esprit, il était conscient de tout.

Elle marqua une pause pour reprendre le fil de ses idées sans les perdre. Elle se livrait un peu plus que ce qu'elle aurait voulu faire mais après tout, elle avait déjà accordé sa confiance à ce jeune homme et, il avait su en prendre soin et lui prouver qu'elle avait eu raison.

- Je suis convaincue qu'il est plus heureux à présent, qu'importe l'endroit ou il se trouve mais... C'est égoïste de ma part je sais... J'aurais voulu qu'il vive encore 100 ans au moins.