A peine onze ans. Qui pouvait croire que la destinée d'un enfant était sur le point de prendre un tournant extraordinaire à un si jeune âge ? La petite Lorelyne avait quitté sa Norvège natale pour un long et éreintant voyage jusqu'à l'école Durmstrang, mais les kilomètres parcourus avaient beau être pénibles, ils la rapprochaient de plus en plus de son rêve. L'île du lac Ladoga avait finalement surgi à l'horizon, dévoilant une masse sombre et mystérieuse qui semblait flotter au milieu des eaux calmes. Le bateau qui l'avait transporté jusqu'à l'île était à la fois imposant et majestueux, avec des voiles noires qui se confondaient avec les ombres de la forêt dense qui couvrait la majeure partie de l'île. Mais tous ces détails, la blonde ne savait pas qu'elle allait vite les oublier, car une fois débarquée sur l'île, l'enfant avait été guidée par le personnel jusqu'à l'impressionnant château de Durmstrang, après qu'on lui avait effacé tous les souvenirs de cette traversée.

Svalbard était aussi une île, l'île sur laquelle elle était née et avait grandi, dans une petite maison en pierre. Pas moins de quarante-huit heures après sa naissance, un puissant battement d'ailes avait retentit dans l'air, un aigle bicéphale majestueux était apparut devant ses parents, porteur d'une nouvelle qui allait changer la vie de leur fille à tout jamais. Dans le silence de la nuit, l'aigle avait délicatement posé un tube de cuir scellé d'un sceau gris, contenant l'annonce tant attendue de l'admission de Lorelyne à Durmstrang. Ils avaient ouvert le tube avec précaution et découvert le parchemin orné des emblèmes de l'école russe. La date, l'heure et le lieu d'embarquement sur le célèbre navire fantôme de l'établissement étaient inscrits en lettres d'or. Lorelyne avait grandi avec le secret de cette admission pendant dix longues années, et ce n'était qu'une fois qu'elle l'avait apprise, que sa vie avait prit réellement un sens. Au départ, ses parents n'étaient pas sûrs de la scolariser dans cette école prestigieuse, car ils l'avaient toujours prédestinée à reprendre la pêche familiale à Svalbard, à vivre modestement comme ils l'avaient toujours fait. Pour eux, l'océan était plus qu'un métier, c'était un mode de vie, une tradition ancrée dans les générations précédentes de pêcheurs de la famille. Ils avaient finalement changé d'avis, en voyant que leur fille était devenue une érudit, plus qu'une simple pêcheuse, et qu'elle aspirait à un autre avenir.

Quelques années plus tard, Lorelyne se tenait prête, vêtue de son uniforme impeccable et de sa pelisse rouge, symbole de son affiliation à l'école russe. Les nouveaux élèves se rassemblèrent dans un des couloirs du château, éclairée par les lueurs dansantes des chandeliers. La gamine se tenait debout, anxieuse au milieu de la foule, et les regards curieux des autres élèves se posaient sur eux, chacun se demandant dans quelle Voie ils seraient orientés. Son tour était venu, le directeur invita Lorelyne à le rejoindre dans son bureau pour l'entretien qui déciderait de son orientation à Durmstrang. La conversation débuta par une série de questions, le directeur l'interrogea sur son passé, sur ses expériences avec le monde magique et son parcours. Elle détailla avec précision ses aspirations, et au fur et à mesure de l'échange, les questions étaient de plus en plus précises, plus orientées... La petite blonde due notamment raconter les rêves qui hantaient ses nuits, elle répondit avec honnêteté, décrivant les songes étranges qu'elle avait eues, les voix qu'elle avait entendues, et ses croyances envers les esprits. Puis vinrent les tests, des épreuves de connaissances mais aussi des situations magiques imprévisibles pour évaluer ses réactions instinctives. Lorelyne se plia avec sérieux à chaque épreuve jusqu'à la fin de l'entretien, pendant que le directeur évaluait ses connaissances et ses attitudes. Puis, il prit une profonde inspiration pour annoncer sa décision.

Dédiée à la Voie de la Magie des Esprits. Les couleurs de la pelisse de Lorelyne et les galons de son pantalon virèrent au brun, marquant ainsi sa nouvelle orientation. Ce ne fut qu'à ce moment précis, qu'elle se sentit enfin à sa place, prête à embrasser sa nouvelle destinée. Devant elle, s'étendant un couloir étroit et sombre, elle se trouvait dans l'étage réservé à sa Voie, qui était ponctué de portes massives qui cachaient derrière elles des chambrées. Avec une certaine appréhension, elle poussa la porte de sa nouvelle chambre, découvrant trois autres élèves déjà présents. Sa chambre était spacieuse mais sobre, les lits alignés le long des murs, chacun orné d'une courtepointe grise et marron. Lorelyne échangea des regards curieux avec ses colocataires, se demandant quelles personnalités se cachaient derrière ces visages inconnus. Rapidement, elles se présentèrent les unes aux autres, partageant des sourires timides et des paroles pleines d'espoir pour les années à venir.

Да, давай, я иду !* L'une des difficultés les plus marquantes pour Lorelyne avait été d'apprendre le russe sur le tas, même si elle pouvait désormais le parler couramment. C'était la langue principalement utilisée à Durmstrang, et pour une jeune sorcière norvégienne dont la langue maternelle ne lui ressemblait en tout point, c'était un défi de taille. Au début, chaque phrase était comme un puzzle compliqué à reconstituer, chaque mot une pièce à recoller bout à bout. Les premiers mois avaient été particulièrement éprouvants. Les cours, les conversations avec les enseignants, même les interactions avec ses camarades étaient largement restreints. Elle se sentait souvent isolée, incapable de participer pleinement aux discussions en classe ou aux conversations informelles. Alors les nuits étaient remplies de dictionnaires, de conjugaisons et de grammaire.

Avec le temps, elle avait commencé à saisir les subtilités de la langue, à comprendre les nuances des mots et des expressions. Elle avait trouvé du réconfort dans l'aide de quelques camarades de classe patients qui l'avaient soutenue dans son apprentissage. Et petit à petit, les sons étrangers s'étaient transformés en paroles familières. Le russe lui avait ouvert des portes, notamment celle dont la poignée est dorée, juste derrière, l'épanouissement.

La Voie de la Magie des Esprits, loin d'être un fardeau, s'était révélée être sa véritable vocation. Au sein de sa voie d'étude, elle avait découvert de nouveaux enseignements. Les illusions, la compréhension des rites, l'étude des incantations antiques, et même la mort. Sa passion pour les mystères de l'au-delà s'était finalement transformée en expertise, son sens aigu de l'intuition et son instinct naturel faisaient d'elle une élève exceptionnelle dans sa branche.

Issue d'une famille (très) modeste, la jeune fille avait grandi avec peu de livres à la maison, mais une passion dévorante pour la lecture. Cependant, rien ne l'avait préparée à l'immensité de la bibliothèque de Durmstrang. Lorsqu'elle franchit les portes de cette pièce prestigieuse, elle découvrit un trésor de connaissances, un océan de livres qui s'étendait à perte de vue. La plupart de ses journées à l'école étaient donc consacrées à l'étude et à la lecture, chaque moment libre qu'elle pouvait dégager de ses cours et de ses devoirs était consacré à explorer les rayons interminables de la bibliothèque. Lorelyne se perdait entre les étagères, mais cela lui permettait de découvrir des ouvrages anciens et des grimoires qui la surprenaient. Les autres élèves la voyaient souvent, installée à une table recouverte entièrement de livres, qu'on voyait à peine ses cheveux blonds dépasser. Elle absorbait chaque mot, chaque formule magique, cherchant à enrichir ses connaissances et à comprendre les mystères qui entouraient le monde sorcier.

À travers ses lectures assidues, Lorelyne développa une expertise dans le domaine des Esprits. Occlumencie, legilimencie, et il y avait ce don mystérieux, le don de double-vue, celui du troisième oeil qui l'intriguait fortement. Sa soif de connaissances était insatiable et au bout de deux années à déambuler dans la bibliothèque, elle connaissait chaque recoin de cet immense trésor littéraire. Mais tout ces trésors, la jeune fille ne les gardait pas pour elle, elle partageait volontiers ses découvertes avec ses camarades de classe, les aidant dans leurs études et partageant sa passion contagieuse pour les livres. Et il y avait ce garçon, de la même année et de la même voie, qui avait des difficultés dans ses études. Proche de recevoir la note Pitoyable à son prochain examen, synonyme de renvoi immédiat, cette dure sentence planait au-dessus de sa tête comme une sombre épée de Damoclès. Alors, dans un geste de désespoir, il fit appel à Lorelyne, sachant qu'elle excellait dans leurs études communes.

Prénommé Alexeï, il se débattait avec les enseignements complexes de leur Voie, au bord du précipice de l'échec. La petite blonde accepta de l'aider, comprenant les enjeux cruciaux de cette situation et ensemble, ils se plongèrent dans les manuels, les parchemins anciens et les grimoires poussiéreux de la bibliothèque de Durmstrang. Les jours et les nuits étaient consacrés à des heures d'étude acharnée. Lorelyne partagea son savoir, elle expliqua patiemment chaque don et démêla les nœuds complexes des sorts et des rituels. Puis, elle lui créa des exercices pratiques, des simulations d'examens, et guida Alexeï à travers les méandres de la magie des esprits. La jeune fille devint alors le mentor d'Alexei, ce qui lui donna le premier avant-goût de l'enseignement, et même si elle ne s'en rendait pas compte sur le moment, jouer à la professeur lui plaisait énormément et l'aidera plus tard à choisir cette orientation.

Pour jouer à la professeur, Lorelyne ne se débrouillait pas trop mal. Elle avait appris à Alexeï à se concentrer sur ses forces, à surmonter ses faiblesses, à canaliser sa volonté pour maîtriser les sorts complexes qu'ils étudiaient. Et bien sûr en parallèle, elle l'encouragea à poser des questions, à explorer les sujets sous différents angles, à développer sa propre compréhension de la magie des esprits. À mesure que les semaines passaient, un lien spécial se forma entre eux. Ils travaillaient en tandem, partageant des rires dans les moments de succès, se soutenant mutuellement dans les moments de frustration. Alexeï gagna en confiance grâce à l'enseignement attentionné de Lorelyne, et elle, à son tour, trouva la satisfaction dans le fait d'aider un camarade en difficulté.