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12 déc. 2023, 21:52
L'Elu parmis les crapauds  solo 
Février 2048
Domaine Sangblanc, Saint-Gervais-Les-Bains, France



« Le premier est idiot et est le seul à ne pas en avoir conscience. Le second tient plus du gobelin que du sorcier. Le troisième est plein d’acné. La quatrième… par Circée, est-ce un registre de jeunes hommes à marier, ou un guide des créatures les plus repoussantes d’Italie ? »

La remarque fit naître un sourire aux lèvres de Père. Il se tourna vers Thomas, occupé à tourner les pages de son registre avec lassitude. « Si cela peut te rassurer, le mien n’est pas plus reluisant. »
Thomas glissa le registre à côté d’Alice et, du bout de son doigt, tapota la photographie associée à la page. « Regarde ces petits yeux porcins.
Tu es sans cesse dans l'exagération. Et cette remarque est cruelle.
Tu as raison. Les cochons ne méritent pas d’être associé à cette jeune fille. »

Père se pencha entre ses deux enfants, une main sur l’épaule de chacun. « Les moqueries sur le physique sont un aveu de sa faiblesse d’esprit.
Je dirais plutôt qu’il s’agit d’honnêteté, répondit Thomas.
Père a raison. De telles bassesses sont indignes de nous. Je vous présente mes excuses les plus sincères, Père. »

Dorian, satisfait, se redressa et s’écarta pour venir prendre place à l’extrémité de la table. Il se saisi de sa tasse fumante, avant de consulter son propre registre. Il tourna une page, puis une autre, ses sourcils se haussant parfois. Frère et soeur s’échangèrent un regard amusé.

Au bout de peut-être dix minutes, Thomas s’avachit dans son fauteuil. Il passa ses mains sur son visage, jusqu’à ramener ses boucles blanches en arrière. « Pourquoi ne puis-je pas avoir une italienne, ou bien une espagnole ? Ces françaises ne sont pas vraiment à mon goût.
En tant que prochain chef de famille, répondit Père sans se détourner de sa propre recherche, tu dois perpétuer la lignée française.
Notre honorable bisaïeule n’était-elle pas mariée à un suisse ?
Irène n’était pas prédisposée à devenir cheffe de famille. Elle l’est devenue à la mort de son frère aîné, et était déjà mariée et mère.
Cela ne m’arrange que peu. »

Thomas se pencha sur le registre d’Alice. Ses sourcils se haussèrent lorsqu’elle passa une page sans daigner la lire. « Il était beau garçon, celui ci », commenta Thomas. Alice serra la mâchoire pour taire un dégoût instantané. « Contrairement à toi, je ne m’intéresse pas seulement au physique », rétorqua t-elle presque aussitôt.
Un sourire mauvais glissa sur le visage de Thomas. Il fut si fugace qu’Alice n’eut pas le temps de prévoir la taquinerie de Thomas.
Avec l’agilité d’un chat, Thomas fit glisser le registre devant lui. Alice tenta de lui récupérer mais il lui bloqua le passage de son bras la repoussant. « Tu es pénible ! », s’écria t-elle en se tenant au bras de son frère pour ne pas tomber de sa chaise. « Rends-moi mon registre, ou tu recevras le tien en travers du visage ! » Père leva à peine les yeux de son registre. Damné soit-il, celui ci également !

« Damiano Luciano Gattonero » commença à lire Thomas tout en repoussant les assauts d’Alice. « Que de "o"… Héritier de la famille Gattonero, fils de Dino Platone Gattonero et Silvia Sienna Gattonero née Cappelletto… né en 2032… un domaine à Capri… passionné de musique… chanteur hors pair, multi-instrumentiste… Il est parfait pour toi, ce garçon. »

Alice vécu les mots de Thomas comme une insulte. Elle se releva d’un bond et contourna son frère pour récupérer son registre. « Je préférerai épouser une goule que Damiano », cracha t-elle en fusillant Thomas du regard.
Ce dernier souriait avec moquerie, son regard détaillant les rictus écœurés de sa sœur.

« Gattonero… », répéta Père. « — N'est-ce pas le nom du duo de chanteurs lyriques ?
Ce sont ses parents. Dino et Silvia Gattonero. Un ténor et une soprano. Mais croyez moi, il n’a pas hérité du talent de ses parents. »

Père tendit sa main vers Alice. Réprimant soupir agacé et grognement féroce, la sorcière contourna la table pour rejoindre Dorian et lui donner son registre.
Sans un mot, il tourna les pages les unes après les autres, jusqu’à tomber sur celle consacré à Damiano. Son sourire s’étirait à mesure qu’il découvrait l’italien. « — Je serais curieux d’entendre ce qui te repousse tant chez ce garçon.
Voulez-vous entendre mes arguments par ordre d’importance, ou par ordre alphabétique ?
N’exagères-tu pas un tant soi peu ?
Alphabétique. Il est arrogant, capricieux, coureur de jupon, narcissique, nonchalant et prétentieux. Donnez moi une heure, et je vous donnerai une liste longue comme un jour sans pain. »

Père souffla un rire en reposant le registre sur la table.
Il pouvait s’en amuser si cela lui chantait. Elle seule connaissait Damiano. Un dépravé, voilà ce qu’il était. Ses cheveux étaient toujours en désordre, ses chemises mal boutonnées et ses chaussettes trop hautes. Mais, bien sûr, son exécrable nonchalance ne se voyait pas dans le registre. Bien au contraire. Il y apparaissait avec les cheveux bien peignés, le sourire charmeur et le regard lumineux. Une tromperie, voilà ce qu’il était. Alice, elle, connaissait la vérité à son sujet. Et il était parfaitement hors de question de se lier à cette énergumène pour le reste de son existence.

Les portes du petit salon s’ouvrirent. Dans une envolée de soie, tante Élise pénétra dans la pièce. Devant elle volait trois exemplaires des registre qu’elle avait distribuée à Alice, Père et Thomas plus tôt dans la journée. Les pages se tournaient simultanément.

« Vous êtes tous là. Fort bien. Avez-vous trouvé quelque chose à votre goût ? »

Père et enfants restèrent silencieux. Tante Élise passa son regard de l’un à l’autre. « Thomas, mon cher neveu. Que pensez-vous de Josette Bochaton ?
Laide.
Jeanne de Batignolles ?
Laide, et j'ai déjà expérimenté ce prénom. »

Tante Élise referma le registre attribué à Thomas. « Mais toutes de Sang-Pur et dans vos âges. Ne croyez pas qu’elles soient nombreuses. Tôt ou tard vous faudra faire un choix. »
Cela, Thomas le savait. Aussi haussa t-il une épaule, avant de se tourner vers Alice. Ce sourire dont jamais il ne se déparait s’agrandît, jusqu’à découvrir ses dents. Aussitôt, Alice comprit. Elle lui fit les gros yeux, le menaçant silencieusement de ne pas l’inclure dans la discussion. « Nous pourrons en parler plus tard, ma tante. Pour l’heure, Alice à trouver un prétendant à son goût. » Maudit soit-il.
Le visage de tante Élise s’éclaira d’un sourire alors qu’elle pivota vers elle. « J’en suis ravie, Alice.
C’est une énième facétie de Thomas. Je n’ai trouvé personne à mon goût.
Pas même Damiano Gattonero ? Je refuse de croire que son profil ne vous convienne pas. »

Alice ouvrit de grands yeux, son souffle coupé. Père et Thomas s’échangèrent un regard, l’air amusé. Par Circée. Était-elle si prévisible ?

« Damiano est l’époux rêvé pour une jeune femme telle que vous », dit tante Élise, occupée à tourner les pages du registre des italiens de Sang-Pur. « Une perle rare. Je m’étonne qu’il ne soit pas déjà fiancé. Enfin, cela peut s’expliquer par leur lignage relativement récent. Les anciennes familles préfèrent s’associer aux leurs.
Nous sommes une ancienne famille, rappela Alice.
Nous sommes plus ouverts que nos contemporains. »

Seulement quand cela vous arrange, pensa Alice.
Comme si l’affaire était entendu, tante Élise referma le registre associé à Damiano. Elle rejoignit son frère, et se pencha par dessus son épaule pour observer sa recherche d’épouse.

« La cuvée n’est pas fameuse, cette année » avoua tante Élise. « — Désirez-vous que nous étoffions les recherches ? Peut-être que si nous augmentions la tranche d’âge, vous en trouveriez une à votre goût.
J’en doute.
Nous avons reçu plusieurs demande à votre sujet. Nombreuses sont celles qui seraient honorées de porter vos enfants.»

Alice décida que la suite de la conversation ne l’intéressait pas. Elle récupéra son registre et se plongea à l’intérieur tout en s’éloignant du frère et de la sœur. Une belle-mère et un hypothétique nouvel enfant, c’était bien trop à supporter pour Alice.

« Chère nièce, ne partez pas si vite. Il nous faut régler votre cas dés à présent. »

Alice s’arrêta et fit volte-face. « — J’aimerais prendre mon temps pour choisir l’homme qui partagera ma vie.
Allons Alice. Soyons réaliste : nous savons vous et moi que Damiano est le meilleur prétendant actuel.
A vos yeux, sans doute. Mais moi, je connais Damiano. Croyez-moi, il n’a rien d’un prince charmant. »

Un sourire ourla les lèvres de tante Élise. « Bien, le choix est vôtre. Je vous laisserai donc choisir l’un des autres jeunes hommes du Registre. Prenez tout votre temps. »

Le visage de ces jeunes hommes dansaient dans les songes d’Alice. Boutons d’acnés. Menton protubérant. Sourcils épais. Pilosité mal contrôlée.

« D’accord ! » s’écria Alice dans une grimace. « D’accord… prévenez monsieur et madame Gattonero. Ce sera Damiano. »

Faussement enchantée, tante Élise referma le registre des Sang-Pur italiens.
Thomas se laissa aller dans sa chaise, couvrant sa soeur d’un regard amusé. « “Je ne m’intéresse pas seulement au physique”, disait-elle il y a encore quelques minutes… »

Sixième année RP - 741B47
Étudiante à Beauxbâtons depuis Janvier 2046
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13 déc. 2023, 22:42
L'Elu parmis les crapauds  solo 
Cinq jours plus tard, les Gattonero furent invités à venir boire le thé au domaine Sangblanc. Une invitation qu’Alice refusait sans mot dire. Tout allait beaucoup trop vite à son goût. Mais, comme tante Élise aimait à le dire, il faut battre le fer tant qu’il est encore chaud.

C’est ainsi qu’Alice se retrouva un matin contrainte d’accueillir les Gattonerro sur son territoire, drapée d’un sourire aimable et enchanteur.
Il lui fallu lutter contre une irrépressible envie de faire tomber le masque lorsque Damiano, dans un sourire envoûtant, se saisi délicatement de la main d’Alice pour lui adresser un baise main. « La mia sposa… » lui avait-il glissé en s’inclinant, dans un voeu de paraître idéal aux yeux de sa future belle-famille. Et il avait réussi, le faquin. Il réussissait toujours à tromper les autres.
Mais pas Alice.

Trop impatients de condamner l’avenir sentimental de leurs héritiers, Sangblanc et Gattonero avaient commandés à Alice et Damiano de profiter de la météo clémente pour se promener. Par Circée, que n’aurait-elle pas donné pour voir le Ciel se déchaîner…

Son ombrelle à la main, Alice avançait sur l’allée de galet blancs sans se préoccuper de Damiano. Son regard marron décortiquait les alentours du domaine, ses mains jointe dans son dos. Plusieurs minutes de marches, et pas un seul mot ne fut échangé. Alice se concentrait sur le chant des oiseaux, désireuse d’oublier la présence de l’italien à ses côtés.
Vaine tentative.

La plaine du domaine s’étendait devant eux. Les hippogriffes avaient quittés la forêt pour profiter du soleil matinal. Alice aperçu Corvenin galoper à vive allure. Grand-Griffe et Féal étaient occupés à se nettoyer mutuellement le plumage.
Damiano s’avança pour contempler le spectacle. Il s’accouda à la barrière de bois blanc, suivant du regard la course de Corvenin. L’animal fonçait à vive allure, désireux de dépenser toute son énergie. Alice le monterait peut-être, lorsque la visite prendrait fin. Corvenin était plus facile à supporter après s’être épuisé.
Dans un rire soufflé, Damiano pivota pour s’adosser à la barrière.

« — C’est quand même incroyable, lâcha t-il, chaque mot emprunt de son accent italien.
Quoi donc ?
Que tu veuilles de moi comme époux. »

Alice recula sa tête dans un geste écœuré. « Je t’arrête de suite : je ne veux pas de toi comme époux.
Bien, comme ça nous sommes deux. »

Damiano se détourna d’Alice, et revint à son observation des hippogriffes. Alice haussa gravement les sourcils, offusquée par les propos de Damiano. Mais quel goujat !
Alice avala la distance qui les séparait pour venir se poster à côté de lui. Elle se pencha pour croiser son regard.

« Je crois que tu ne réalises pas l’immense privilège qui t’es accordé. Au lieu de me considérer avec condescendance, tu devrais me remercier. »

Damiano lui jeta une oeillade en coin, avant de se désintéresser totalement d’Alice. Il clapota sa langue pour appeler les hippogriffes.

« Ma famille existe depuis des centaines d’années, » poursuivit la sorcière. « Nous avons vu des empires se faire et se défaire, nous…
T’a-t-on déjà dit à quel point tu parles trop ? »

Alice ouvrit de grands yeux, courroucée par la muflerie de Damiano. Aussitôt, elle vint lui ficher un coup de pied dans le tibia. L’italien poussa un grognement agacé en massant sa jambe endolorie. Il daigna tout de même lui jeter un regard mauvais.
Une envie irrépressible de l’étrangler lui comprima la poitrine. Force et dignité, se répétait-elle en refermant les yeux. Force. Dignité. Cet imbécile ne méritait pas sa colère. Il n’était pas digne de la voir exprimer autre chose que du mépris à son égard.
Alice se détourna de Damiano, et braqua son regard sur les hippogriffes, insensibles à la scène se déroulant à quelques dizaines de mètres d’eux.

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15 déc. 2023, 10:31
L'Elu parmis les crapauds  solo 
Alice était une jeune sorcière au tempérament révolutionnaire. Ce ne fut pas toujours le cas. Alice fut autrefois une enfant docile, guidée par une éducation strict et des valeurs inculquées par sa famille. Sa mère, malgré ses violences, avait contribué à faire d’elle un exemple de droiture, d’élégance et de respect. Renesmée l’avait aidé à forger son caractère, martelant la douce enfant de vérité et de certitude. Jamais la jeune Alice n’aurait osé remettre en doute les décisions de ses pairs. Jamais elle n’aurait bravé les interdits.

Mais Alice n’était plus cet enfant. Alice avait quinze ans, et avait vécu suffisamment de choses pour savoir que ses pairs ne prenaient pas toujours les bonnes décisions.
Ils lui avaient arraché son père alors qu’elle n’avait que onze ans. Ils avaient voulu sa mort alors qu’elle voulait la justice. Ils l’avaient mutilée pour la punir de sa bravoure.
Alors qu’ils aillent tous au Diable, le temps de quelques heures seulement. Lorsqu’elle regagnerait le château, Alice redeviendra la jeune sorcière œuvrant pour le bien de sa famille.

Enveloppé sous l’épaisse couverture rapportée par Nath, les deux adolescents observaient les sommets enneigés des Alpes, assis à même la pierre. Le froid parvenait à se faufiler entre eux, aussi leur fallait-ils se presser l’un contre l’autre dans un sourire entendu.

« — Fais pas chaud, hein ?
Ce constat est d’une banalité affligeante.
T’veux que j’allume un feu ?
Non, ne te donne pas cette peine. Je suis bien, ici, près de toi. »

Nath sourit, et reposa sa tête sur celle d’Alice. Il resserra son bras autour de ses épaules. Leur expiration se transformaient en buée, les volutes disparaissant à peine expulsées.
Demain, Alice regagnerait Beauxbâtons et Nath son école moldu. Cette pensée peinait Alice, plus qu’elle ne voulait l’admettre. Elle aimait ses rendez-vous cachés, peut-être plus que Nath. Le moldu ne réalisait pas le caractère interdit de leur liaison. Bien que les Sangblanc ne soit pas anti moldu comme de nombreuses familles sang-pur, ils repoussaient tout de même les échanges avec eux. Grand-Père les disait trop impétueux, tante Élise trop sales, Thomas trop bêtes. Autant de qualitatifs pour dissimuler une aversion qui, assumées, les rangeraient tous dans la catégorie des suprémacistes qu’ils se refusaient d’être.
Si seulement ils n’étaient pas aussi ancrés dans leur avis, Alice pourrait leur parler de Nath. Ils ne l’aimeraient pas, c’était une certitude. Mais au moins n’aurait-elle plus besoin de mentir pour rendre visite à son ami. Bien qu’habituée à mentir, Alice n’aimait pas cela. Elle le faisait suffisamment.

Mentir. Quand avait-elle commencé à mentir ? A quel sujet ? A qui ? Pourquoi ? Alice ne parvenait pas à s’en souvenir. Peut-être n’était-ce pas un mal. Savoir pourrait lui faire prendre conscience qu’elle ne valait pas mieux que Damiano et ses volontés de paraître idéal devant ceux qui ne le connaissait pas.
Peste soit de celui-ci. Alice valait mieux que lui. Et, tout moldu qu’il était, Nath également.

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15 déc. 2023, 21:27
L'Elu parmis les crapauds  solo 
L’annonce de ses fiançailles prochaines avec Damiano Gattonero déclencha un rire tonitruant chez Léonie. Alice la corrigea d’une petite tape sur l’avant-bras. « Je suis touchée de voir que tu compatis à mon malheur » lui cracha t-elle sur un ton bas, désireuse de ne pas attirer plus d’attention sur elles.
Léonie, un sourire jusqu’aux oreilles, considéra longuement son amie, avant de pousser un nouveau rire. Cette fois, elle daigna se cacher derrière sa main.
Alice laissa son dos s’enfoncer dans l’assise de sa banquette, sourcils froncés et bouche plissée. Léonie voulait se moquer d’elle ? Fort bien. Alice la bouderait durant tout le trajet les séparant de Beauxbâtons.

Léonie vint coller son visage contre l’épaule d’Alice. Ses doigts s’enroulèrent autour de son bras. Elle singea la rédemption d’une petite fille en froissant sa bouche et en ouvrant de grands yeux verts. « Pardooon », minauda t-elle en papillonnant des yeux.
Alice soupira, et consenti à lui adresser un regard. Consciente de sa victoire, Léonie exposa son plus beau sourire, toutes dents dehors. Elle se redressa, leva le menton et cambra le dos.

« — Donc… ta famille a décidée que Damiano Gattonero et toi formerez un joli couple.
Oui. Parce que, comprends-tu, nous sommes tous les deux passionnés de musique, multi-instrumentistes, Sang-Pur…
Il faut dire que sur le papier, Damiano est le gendre idéal. Même ma mère a voulu me le ficher dans les pattes.
Et qu’a dit ton père ?
Qu’il faudra attendre son trépas pour voir l’une de ses filles s’accointer avec un italien. »

Alice s’amusa de cette réflexion. Si seulement Père avait pu avoir cette réaction… mais au lieu de cela, il avait accepté, et même encouragé. D’après lui, Alice ne trouverait pas meilleur partenaire de vie. Fadaises !

La main délicate de Léonie vint se saisir de celle d’Alice pour lui serrer avec douceur. Elle posa sa tête sur son épaule, et entreprit le récit de ses vacances, tout en jouant avec les doigts d’Alice. Elle parcourait ses veines jusqu’à ses ongles, s’attardait sur les plis que formaient ses phalanges, puis revenaient aux cuticules qu’elle caressait comme on s’assure du tranchant d’un couteau.
Alice ne la repoussait pas. A force de partager son quotidien avec Léonie, elle avait cessé de croire que ses ordres avaient une incidence sur la jolie française.


« — J’ai une préférence pour l’école florentine, c’est vrai, avoua Alice en descendant du carrosse. Elle me parle bien plus que la vénitienne.
La question à se poser c’est : pourquoi cette préférence ? Tu ne peux décemment pas dire que tu préfères l’école florentine alors que ton œuvre préféré est de la vénitienne.
Que veux-tu que je te dise ? C’est un tout. Et le Sisyphe de Titien n’est pas mon tableau préféré. J’aime cette œuvre, c’est tout. »

« C’est tout », répéta dans une tentative d’imiter Alice et sa tendance à ponctuer chaque fin de phrase d’un levé de menton. Alice lui donna un petit coup de hanche dans un sourire amusé. « Vous vous moquez beaucoup de moi aujourd’hui, madame de Beauvais. Et il n’est pas midi.
Je suis navrée, madame Sangblanc, mais vous savez ô combien les pasquinades me tiennent à cœur lorsqu’elle vous concernent. »

Des pas rattrapèrent les deux jeunes femmes. Elles suspendirent leur conversation lorsque deux bras les enlacèrent par les épaules. La tête de Damiano se glissa entre elles deux. « Ciao, bellezze mie », leur glissa t-elle dans un sourire enjôleur. Il passa son regard de l’une à l’autre, s’imprégnant de leur réaction respective. Si Léonie accueillait l’accolade de Damiano avec un sourire amusé, Alice, elle, affichait son air le plus consterné. « Il giorno e la notte… tu devrais apprendre à Alice à sourire, Léo. Ses parents ont sans doute oublié de le faire.
Ta présence ne m'évoque aucune joie, et donc aucun sourire. Que veux-tu ? »

Damiano baissa les yeux un instant sur le sol pavé, avant de se tourner vers Alice. Il souriait, presque avec tendresse, son regard se plongeant sans le sien. « Tu sais… je me disais que ce serait une bonne idée de garder… tu sais quoi, pour nous deux. Enfin, nous trois. Je me doute que Léo est au courant. »
Alice ne pu retenir un rire jaune. En voilà une demande peu surprenante. Le sourire jusqu’aux oreilles, Alice se détourna de Damiano pour observer le chemin devant eux. « — Ça veut dire oui ? demanda Damiano.
Laisse moi résumer, veux-tu ? Je garde pour moi nos prochaines fiançailles jusqu’à nos dix-sept ans, pour que tu puisses poursuivre ton existence de rustaud dépravé sans souffrir d’une réputation de coureur de jupon infidèle. C’est bien cela ?
Rustaud dépravé…
Depravato, traduisit Léonie dans un sourire. Rustaud… oh, je suis persuadée que tu peux te passer de traduction. Il suffit de voir avec quel regard Alice te considère pour comprendre que ce n’est pas un qualificatif dés plus affable. »

Damiano regarda l’une, puis l’autre, décontenancé par l’utilisation d’un vocabulaire qu’il peinait à comprendre. Sans doute regretterait-il son obstination à continuer d’utiliser sa langue natale à Beauxbâtons à la suite de cet échange.
Il se décrocha des deux jeunes filles pour les devancer et leur barrer la route. Les élèves dans le dos de Léonie et Alice durent les contourner, non sans manifester leur mécontentement et, pour les biens nés, leur indignation. Ce sont ces derniers dont Alice se préoccupaient le plus. Elle darda un regard méprisant sur Damiano. Comme si il réalisait les répercutions de son geste, il s’avança rapidement vers elles, ses mains tendues en signe d’apaisement.

« Tout ce que je vous demande, c’est de ne pas en parler. On est pas obligé de dire à tout le monde que nos parents veulent nous marier. Réfléchis, Alice. Si on en parle, tu peux dire addio à tous les garçons qui s’offrent à toi… et aux ragazza, aussi. »

Il coula un regard à Léonie, qui souriait toujours avec entrain, avant de revenir à Alice, le visage désespérément froissé. « Sois mignonne, et je le serai. »

Damiano marcha à reculons en conservant le regard d’Alice, avant de se retourner pour se perdre dans la masse d’élève. Bientôt, ses boucles brunes disparurent du champ de vision d’Alice.

« Être mignonne », répéta Alice avec aigreur. Elle reprit la marche, Léonie a ses côtés. « Je vais le dresser. Le faire rentrer dans le rang. Il est hors de question qu’il jette l’opprobre sur ma glorieuse famille en passant sa scolarité à folâtrer. Force et dignité. Je vais lui inculquer ces valeurs et le dépouiller de ce qu’il pense être les siennes. »
Léonie sautilla à côté de son amie. « Oh je sens que tu nous prépares à un départ en croisade !
C’est tout à fait cela. Prépare ton épée et ton bouclier : nous allons arracher Gattonero à l’immoralité. »

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18 déc. 2023, 15:46
L'Elu parmis les crapauds  solo 
« — Alice, elle est somptueuse !
Quelle chanceuse tu fais ! Et cette demande en fiançailles… me voilà jalouse ! »

Alice accueillait les compliments de ses jeunes camarades dans un sourire modeste. De sa main gracieusement tendue, elle les laissa contempler sa jolie bague d’or et de rubis qui, quelques heures auparavant, n’existait pas encore. La métamorphose… vraiment, quelle discipline sensationnelle.
Lorsque des doigts frôlèrent sa peau de nacre, Alice décida qu’il était temps d’arrêter la présentation de sa bague de fiançailles. « Votre tour viendra, mesdemoiselles », lança Alice en reprenant son manuel consacré aux créatures magiques. Léonie regardait son amie dans un sourire coquin, sans doute amusé par le côté théâtral que prenait leur première offensive.

Lorsque les jeunes années quittèrent le duo pour vaquer à leurs occupations, Léonie se tourna vers Alice, à nouveau plongée dans sa lecture. Sans un mot, elle contempla le sourire d’Alice qui n’avait de cesse de s’agrandir à mesure que sa victoire lui apparaissait plus clairement.
Bientôt, tout Beauxbâtons serait au courant que Damiano Gattonero n’était plus un coeur à prendre et, qu’au moindre faux pas, il jetterait l’opprobre sur sa personne et sa famille. Cette méthode était peu honorable, Alice en était toute conscience, mais peut importait si elle pouvait lui assurer la fidélité de Damiano. Il était hors de question que ce pourceau éclabousse les Sangblanc avec ses impuretés.

Après s’être échangé un baiser sur la joue, Léonie et Alice se séparèrent pour rejoindre leurs cours respectifs. La Sangblanc se retourna pour observer le pas chaloupé d’une Léonie ravie de retrouver madame Bertolucci et sa salle de classe. Ses grandes boucles noires volaient et retombaient sur ses épaules, la soie suivait ses mouvements. Même dans sa douce folie, Léonie était gracieuse.

« Tu es une harpie. Tu le sais, ça ? »

Un sursaut secoua Alice toute entière. Elle fit aussitôt volte face pour confronter Damiano, perché quelques marches plus haut. Le regard dédaigneux avec lequel il la regardait força Alice à rapidement se reprendre.
Alice gravit les marches, jusqu’à passer à côté de l’italien. « C’est un bien vilain mot pour s’adresser à sa promise, très cher. » Elle lui sourit avec audace, avant de reprendre sa marche. La main de Damiano se saisi de son poignet et, d’un geste vif, il la fit se tourner vers lui.

« Nous avions convenu que nous n’en parlerions pas », cracha t-il sur un ton bas, quand bien même ils étaient seuls dans les escaliers. Cette prudence était un aveu silencieux : Damiano craignait pour sa réputation. Alice avait visé juste.
Alice baissa les yeux sur les doigts de Damiano autour de son poignet, avant de lentement revenir à son visage. Damiano la relâcha.

« Tu as convenu de cela tout seul », dit Alice en ramenant ses mains dans son dos. Elle grimpa une marche supplémentaire, désireuse d’être à la même hauteur que son interlocuteur. « Que croyais-tu ? Que j’allais te laisser te pavaner dans Beauxbâtons en humiliant ma personne et ma famille ? C’est bien mal me connaître.
Mais qu’est-ce que tu…
Quand une dame s’adresse à toi, tu te tais et tu écoutes. Première leçon de bienséance.
Ce que je fais de mes journées et avec qui je les passe n’a rien à voir avec toi, Sangblanc.
C’est là que tu te trompes. »

Alice se pencha sur Damiano, ses sourcils se fronçant à mesure qu’elle constatait la négligence vestimentaire du garçon. Elle se saisi du col de son uniforme et tira sèchement dessus pour le remettre en place. « Ton nom est associé au mien, et cela se passe de notre consentement. » Alice enfonça ses doigts dans les boucles brunes pour les tirer en arrière, et s’affaira à les plaquer du mieux qu’elle le pouvait. « Chacun de tes faux pas passé, présent et à venir me couvriront de honte. Les miens tout autant, aussi n’en fais-je aucun. » Damiano s’obscurcissait à mesure qu’Alice le détaillait d’un regard inquisiteur. « Cela t’échappe peut-être, mais nous ne sommes pas n’importe qui. Nous portons l’héritage de nos familles respectives, quand bien même les racines des Gattonero ne sont pas ancrées aussi profondément que celles des Sangblanc. » Alice recula pour grimper sur une autre marche. « Alors si pour veiller à protéger ma famille je dois te tenir par une laisse et tirer dessus à chaque fois que tu t’apprêteras à commettre une ganacherie, je le ferai. Mais de toutes évidences, je n’aurai pas à le faire, puisque tu ne pourras plus courir les damoiselles sans apparaître aux yeux de chacun comme un vilain infidèle. »

Les sourcils bruns de Damiano se fronçaient toujours un peu plus. « — T’as vraiment envie de jouer à ça, Alice ?
Je ne joue pas. Et si il s’agissait d’un jeu, sache que j’aurais gagné.
Oh non, tu n’as pas encore gagné. T’as encore rien vu. »

Sans un sourire ni un regard, Damiano contourna Alice et remonta les marches deux par deux. Oh si, Alice avait gagné.

Sixième année RP - 741B47
Étudiante à Beauxbâtons depuis Janvier 2046
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23 déc. 2023, 12:49
L'Elu parmis les crapauds  solo 
Le nez en l’air, les yeux fermés, Alice laissait la balaguère caresser son visage. Sa chaleur était la bienvenue. Le son des jets d’eau de la fontaine dans son dos, l’odeur des fleurs, autant de petits rien pour rendre ce moment de repos plus agréable encore. Cette fin de semaine débutait comme Alice l’aimait.
A demi protégée par l’ombrelle d’Alice, Léonie croquait sur son carnet de dessin un groupe de septième année, rassemblés sur un banc. Son fusain dansait sur le papier, dessinant petit à petit les formes des corps.

Tout était calme. Reposant. Idyllique.
Alice n’avait jamais trouvé cela à Poudlard. Tant qu’il y avait des élèves dans un lieu, le calme n’y était pas. Voilà pourquoi, lorsqu’elle était seule, Alice rejoignait le Lac Noir, quelque soit la saison.
Mais ici, à Beauxbâtons, le calme y était maître. Chaque aspect de l’école française invitait à la perfection. Les pas étaient de velours, les couverts ne crissaient pas dans la porcelaine, les voix étaient mesurées, les gestes étaient félins. Enfin, tout dépendait des énergumènes. Plus d’une fois, Alice s’était retenue de faire quelques remarques désobligeantes, désirant rappeler aux malappris les mots inscrits au dessus de la grande porte de Beauxbâtons.
Excellentiam & Elegantia.
Excellente et élégances.
Des termes décrivant parfaitement Alice, et une grande majorité des élèves de cette prestigieuse école, fort heureusement.

Les notes mélodieuses d’une guitare lointaine parvint aux oreilles enchantées d’Alice. Elle sourit tendrement. Les notes étaient douces, amoureuses. Il s’agissait d’une chanson d’amour, à n’en point douter. Elle caressait ses sens, embrassait son âme, flattait son affection pour les mélodies romantiques.
La mélopée s’approchait. Alice la laissait sillonner en elle comme elle laissait la balaguère danser dans ses boucles libres. Ses doigts suivaient les notes, touchant le rebord de la fontaine comme si il s’agissait d’un piano.
Bientôt, une voix s’éleva avec la chanson. Douce, à peine marquée par la puberté, articulant des mots d’italien.
Alice fronçait les sourcils. Elle la connaissait, cette voix.
Alice ouvrit de grands yeux.
Damiano.

L’italien s’avançait dans l’allée, ses doigts grattant les cordes de sa guitare, ses lèvres chantant ce qui s’apparentait de plus en plus à une aubade. Les regards de tous étaient portés sur lui. Alice se sentir défaillir a mesure qu’elle comprenait.
Tout, mais pas ça.
Alice se leva d’un bond, et s’activait pour fuir d’un pas pressé sans être rapide.
Damiano accéléra, tout en continuant de jouer. Jusqu’à finir par la devancer. Alice se stoppa net, ses yeux grands ouverts face à l’affront que lui faisait Damiano. Il jouait des sourcils, prenait son air le plus séduisant. Alice se liquéfiait. Son visage s’empourprait, elle le sentait. Tout comme elle sentait le regard des autres sur elle. Les biens nés et ceux de naissances modestes, les Ulula, les Nyx, les Leones.
Non, il n’avait pas osé lui faire ça !

Damiano se mit à tourner autour d’Alice, affirmant la supériorité qu’il avait sur elle en cet instant présent. Il n’avait que fait du regard des autres. Pas Alice. Pas cette jeune fille parfaite, qui s’employait à se démarquer par sa grâce et sa réserve.
Mais la voilà sous le feu des projecteurs, forcée à se tenir droite et imperturbable face à Damiano et son vœu de vengeance. Alice sentait sa mâchoire trembler. Elle se mordit la langue pour l’en empêcher. Force. Dignité.

La chanson prit fin en quelques notes délicates. Damiano accompagna sa dernière mélodie en ployant le genoux face à Alice. Quelques applaudissements s’élevèrent autour d’eux. Alice entendit même Léonie pousser un petit cri d’excitation avant d’applaudir avec entrain.
Damiano leva la tête pour servir à Alice son regard le plus amoureux. Du bout de ses lèvres, il lui envoya un baiser. Alice vit le coin de ses lèvres se soulever pour sourire.

Damiano voulait jouer ? Ils allaient jouer.

FIN

Sixième année RP - 741B47
Étudiante à Beauxbâtons depuis Janvier 2046
Fondatrice du MERLIN