— Oh, elle adore faire ça, s'amusa Kalev quand Awstin explique que leur tante débarquée sans prévenir pour l'invité en voyage. Maman dit qu'elle déteste la solitude depuis toute petite. Elle a toujours besoin d'avoir quelqu'un auprès d'elle.

Et en grandissant, s'était resté, semblerait-il, mais rien qui ne pourrait embêter quiconque dans la famille Cohn. Chacun avait son caractère et on faisait avec, s'était comme ça. Au sein d'une grande famille, il fallait faire avec, respecter tout le monde et surtout, le plus important, faire des compromis. Et si quelque chose n'allait pas, il fallait le dire à la personne concernée. C'étaient les règles pour rester soudé et conserver une bonne entente. Parfois, ce n'était pas si simple, mais s'est grâce à ça si tout le monde continuait de se parler et de se voir régulièrement.

Ils retrouvèrent Sarah sur la plage, elle qui profitait du soleil pour bronzé un peu. Elle salue Awstin avec grande joie, bienheureuse de le voir aujourd'hui. Ce n'était pas tous les jours qu'il venait, si bien que chacune de ses visites était particulièrement agréable. Tout trois s'échangent quelques banalités. Parfois, c'était bon de parler de tout et de rien.

— Vous êtes dans la même année, non ? interroge Sarah avec curiosité. Pour ma part, pas grand-chose : je profite de ce dernier mois de liberté avant de me remettre au travail.

Elle soupire pour la forme sur ses mots et ajoute avec amusement :

— Rien que d'y penser, ça me fatigue !
— On cherche Ilyes, est-ce que tu l'aurais vue ?
— Regarde au ponton, il est certainement dans son bateau, indique-t-elle.
— Justement, on aimerait faire de la voile.
— Alors, vous ne devriez pas le rater, il est dans le coin.

Je souris en entendant Kalev affirmer mes dires. C'est vrai qu'elle est assez fofolle, mais c'est un vrai rayon de soleil. Je n'imagine pas toutes les vacances que j'aurais passé seul dans le manoir à compter les oiseaux dans le ciel ou simplement à contempler le plafond sans elle. Je m'en fiche si ça ne plaît pas à mes parents, ça me permet de passer du temps avec ma famille et me créer de bon souvenir.

Sarah semblait également contente de me voir. C'et vrai que je ne venais pas ici tous les quatre matins.

- Oui, c'est ça ! répondis-je à sa question. Tu as bien raison de profiter, bon courage en avance !

Kalev demanda ensuite à sa sœur si elle n'avait pas vu leur frère. Après quelques échanges, nous nous mîmes en route direction le ponton. Je fis un signe de la main à Sarah en lui souriant pour la saluer et suivit Kalev.

C'était agréable, l'air marin. J'avais l'impression de respirer quelque chose de nouveau. En fermant les yeux, je voyais apparaitre dans mon esprit les enfants faisant des châteaux de sables et les ado plongeant dans la mer. Vivre ici doit vraiment être agréable. Avoir cette super odeur dès le matin me donnerait encore plus envie de me lever et voir la mer agitée à l'ouverture de notre fenêtre...Un bonheur.

Marchant d'un pas nonchalant, sans pression, ils arrivent finalement à un ponton humide par endroits à cause des vagues turbulentes. Un voilier est amarré là et Ilyes est à bord, s'occupant de l'entretien de l'endroit et veillant à sa propreté. Il les remarque du coin de l'œil et se redresse immédiatement, les mains posées sur ses hanches.

— Awstin ! Je ne m'attendais pas à ta visite aujourd'hui, tu te portes bien ?

Il descend du bateau et parcourt les derniers mètres qui les séparent. Son cousin reçoit une embrassade chaleureuse, tandis que Kalev subit quelques railleries. Ce dernier essaye d'échapper tant bien que mal à ses poings qui frottent son crâne, sans trop de succès.

— Pourquoi es-tu dans le coin ? demande Ilyes, qui t'accompagne ?
— Tante Helel et oncle Cadwr sont à la maison, répond Kalev à la place, avant de repousser son aîné.
— Vraiment ? J’espère que vous resterez pour le dîner ! J'ai encore un peu de travail…

Il jette un coup d'œil à son voilier.

— J'ai décidé de me lancer dans un peu de nettoyage, mais j'admet, j’​​​​​​​ai tellement la flemme...
— Dit, tu ne verrais pas d'inconvénient si on fait un petit tour ? Awstin n'a jamais fait de voile.
— Bien sûr, montez à bord !

Kalev monte sans hésitation sur le bateau et Ilyes propose son aide à son cousin, si ce dernier se sent mal à l'aise. L'ainé des Cohn libère ensuite le bateau, le pousse à l'eau, avant de rejoindre les autres. Il s'installe alors au volant et démarre le moteur.

— J'espère que tu n'es pas sujet au mal de mer, Awstin, car ça risque d'être agité !

La marche est passée super vite, j'ai pas vu le temps passer quand nous arrivons près d'Ilyes, l'un des frère de Kalev, sur un voilier. Je n'ai jamais vu de bateau de si près, c'est vraiment très beau. Je n'imaginais pas qu'il y avait autant de corde ! Ca doit être dur de ne pas s'emmêler les baguettes quand on ne connait pas bien. Mais connaissant Ilyes, je suis sûr qu'il a appris à connaitre ce bateau sur le bout des doigts.

- Je m'y attendais pas non plus, j'avoue avec un sourire avant de lui rendre ses embrassades. Je vais très bien et toi ?

J'observe les chamailleries des deux frères avec un léger sourire. Je n'ai jamais eu autant de complicité avec mon frère pour que ça arrive et ma sœur est plutôt du genre calme. Je me demande ce que ça fait.

Je suis tiré de mes pensées par Kalev qui demande à son frère si nous pouvons faire un tour. Après avoir reçu confirmation que nous pouvions, nous montons dessus. Quand le voilier commence à quitter la côte, je sens un petit frisson me parcourir. Pas de peur, loin de là, mais d'excitation à l'idée du petit voyage que je vais faire.

- J'ai jamais fait de bateau, j'avoue à Ilyes, mais j'espère que j'ai pas le mal de mer, je compte bien profité de cette virée !

— Tu as de la chance, la mer est calme, répond Ilyes, ça devrait le faire, normalement.

Il manœuvre le fifty loin du rivage. Ici, l'air marin est plus fort qu'en bord de plage, rien ne peut arrêter ce vent qui frappe en ce moment le pays, mais rien de bien violent qui pourrait entraver une petite virée dans le coin. Ilyes maintient un rythme de croisière, lent pour mieux en profiter. D'ici, les côtes anglaises ont quelque chose d'impressionnant. Kalev trempe sa main, l'eau est froide, agréable par cette chaleur. Il en recueille un peu dans le creux de sa main et vient alors éclabousser son cousin, le regard malicieux.

— Kalev, si tu salis le pont, je te jette par-dessus bord, prévient Ilyes.

En réponse, le jeune sorcier lui tire la langue et ça n'a pas manqué : en moins de temps qu'il n'en faut, Ilyes a coupé le moteur et l'a jeté à la mer.

— Elle est gelée ! s'est aussitôt plaint Kalev en s'accrochant au voilier.

Il arrive à remonter, non sans mal, tandis que son aîné reprend la navigation, l'air de rien.

— Si on a un peu de chance, on pourra croiser une baleine ou bien des dauphins, il y en a dans le coin.

Les vagues bercent le bateau tandis qu'Ilyes manœuvre habilement à travers les eaux. Le soleil se reflète sur la mer, créant une toile étincelante à perte de vue.

— Tu crois qu'on aura cette chance aujourd'hui ? demande Kalev, scrutant l'horizon comme s'il pouvait y déceler les signes d'une rencontre marine imminente.

Ilyes se contente d'hausser les épaules en réponse, alors qu'il se tourne vers Awstin :

— Tu en as déjà vue, toi ? Des baleines ?

Pour mon plus grand plaisir, il s'avère que je n'ai pas le mal de mer. La mer calme me donne l'effet d'être bercé, et si je n'étais pas si occupé à observer le paysage avec de grands yeux brillants, j'aurais sans aucun doute piqué du nez.

L'air marin rentre dans mes narines et me fait un bien fou. C'est une odeur que j'apprécie énormément, et que j'associe à la bonne humeur, la chaleur humaine et les rires. En quelque sorte, dès que je sens cette odeur de sel, je pense au Cohn qui me donne le sourire à chaque instant.

Kalev, qui vient de m'éclabousser d'eau, en est la preuve. Bien que je lâche un petit cri de protestation, mon visage lumineux et mon rire montrent que, au fond, je m'amuse comme un enfant.

Alors qu'Ilyes met en garde son frère, qui n'en fait qu'à sa tête, j'observe la scène avec un petit sourire. Mon expression passe rapidement à l'incrédulité quand je vois Kalev passé par-dessus bord, mis à l'eau par son frère. La surprise passé, j'éclate de rire au point que je finis par en avoir mal au ventre.

- Kalev...T'aurais du voir ta tête !

Mon fou rire fini par se calmer et la navigation reprend. Mon attention est entièrement tourné vers la mer qui nous entoure quand Ilyes prend la parole pour parler des baleines et des dauphins, ce qui à l'effet de capter mon attention en un temps record.

- Des baleines et des dauphins ?! dis-je avec espoir, les yeux brillants.

Je secoue frénétiquement la tête quand mon cousin me demande si j'en ai déjà vu. Je n'ai hélas jamais eu cette chance. Bien sûr, je sais à quoi cela ressemble, grâce aux livres d'images que j'ai pu trouver, mais la simple idée de pouvoir voir ces animaux de mes propres yeux, à quelques mètres de moi me fait frissonner de plaisir.

- Ca serait trop bien si on en voyait ! je m'exclame rempli de joie à cette simple idée.

Il est trempé jusqu'aux os ! Et soyons francs, l'eau salée n'a vraiment pas bon goût... Il tousse plusieurs fois et effectivement, comme l'avait si bien noté son aimable cousin, il arbore une sacrée mine ! Le jeune sorcier jette un coup d'œil à Awstin, un sourire malicieux se dessinant sur ses lèvres. Avant même qu'Ilyes ne reprenne la barre, il pousse le lion hors du voilier, lui réservant le même sort que le sien, tout en éclatant d'un rire que beaucoup pourraient qualifier de démoniaque (bien que ce ne soit pas le cas).

— Alors ? Elle est bonne ? lance-t-il en gloussant comme une dinde.

Ilyes secoue la tête et même s'il tente de conserver un minimum de sérieux, il est évident qu'il a autant envie de rire que son cadet. Finalement, il se résout à aider Awstin à remonter, tandis que Kalev continue de rire à gorge déployée, avant de se calmer.

— Que vais-je faire de vous ? soupir Ilyes, faussement désabusé.

Il ouvre une trappe et lance deux serviettes dans leur direction avant de reprendre sa route. Ilyes signale la possible présence de baleines et de dauphins dans les environs. Tout comme Kalev, Awstin n'en a jamais vu.

— J'ai déjà vu des dauphins, précise Ilyes, mais j'aimerais bien rencontrer une baleine. Je sais qu'elles peuvent passer dans les Cornouailles, mais il faut être au bon endroit, au bon moment.

La mer calme berce le bateau, et le temps d'une seconde, le soleil disparaît derrière quelques nuages. Le vent salé caresse leurs visages et Kalev frissonne de froid. Ils se dirigent d'autant plus vers le large, l'excitation est palpable dans l'air, tandis que le bateau coupe doucement à travers les vagues.

Ah ! C'était pourtant prévisible ! Me voilà maintenant dans l'eau également ! J'aurais du me douter que Kalev n'allait pas me laisser rire tout seul sur le bateau sans me le faire payer.

D'abord étonné, j'éclate rapidement de rire. Ca fait du bien de passer du temps comme ça avec sa famille, de manière insouciante.

Je finis par remonter sur le bateau avec l'aide d'Ilyes et jette un coup d'œil amusé à Kalev qui ne semble pas pouvoir s'arrêter de rigoler. Ilyes nous donne des serviettes et c'est emmitouflé dedans que nous continuons le voyage. L'air dans mes cheveux mouillés me fait encore plus de bien.

J'écoute, les yeux brillants, les paroles d'Ilyes. J'aimerais beaucoup voir ces animaux, ils ont l'air si majestueux !

- J'espère qu'on aura de la chance !

Un peu calmé par ma douche glacé, j'observe la mer en silence, profitant du beau spectacle qui s'offre à moi. Je n'ai pas souvent l'occasion de me rendre près d'un tel espace, alors j'en profite un maximum quand c'est le cas. Même si nous ne voyons pas de baleines ou de dauphins, j'aurais tout de même profité de l'air marin et d'une belle vue. C'est déjà suffisant pour moi, il ne m'en faut pas beaucoup pour que je sois heureux. En plus, cela m'a permis de revoir mes cousins éloignés avec qui je m'entends bien.

Ilyes ralentit, et Kalev plonge sa main dans l'eau avant de fermer les yeux. C'est agréable, ce moment, si bien que l'adolescent se sent somnolent après cette franche rigolade. L'eau clapote contre le voilier, et le vent commence à se lever sans être trop violent. Le soleil s'impose au firmament, bien décidé à être seul dans ce ciel immaculé de bleu. Être là, au large, bercé par les vagues, a quelque chose de reposant.

— Je ferais bien une sieste, moi... marmonne-t-il.
— Je t'interdis de baver surtout, se moque Ilyes.

Kalev se redresse juste pour lui tirer la langue, comme il aime le faire habituellement. Et alors qu'il allait fermer les yeux de nouveau, un jet d'eau fend l'océan à une petite poignée de kilomètres d'eux.

— Ilyes ! s'écrie-t-il, tu as vu !? Dis, tu as vu !?
— Oui, j'ai vu et oui, on s'y rend !

Le voilier reprend de la vitesse, ils s'approchent de cette bosse qui replonge dans l'eau.

— Elle part déjà ? demande Kalev, déçu.
— Non, pas forcément, mais elle peut se préparer à faire un saut.

Cette fois, inquiet, Kalev regarde Awstin, puis son aîné.

— Et on craint rien ?
— Pas grand-chose si on n'est pas en dessous.

Il ralentit de nouveau et sort des jumelles de son coffre. Ilyes observe la surface de l'eau et pointe une direction.

— Regardez bien là-bas, je vais reculer un peu, mais j'crois bien que c'est une baleine, à voir si elle est seule ou non.

Il manœuvre, tandis qu'un cétacé adulte finit par émerger de l'océan, avant de chuter de tout son long, suivi d'une autre baleine, plus jeune.

— Une mère et son petit, indique Ilyes avec un grand sourire, il doit peut-être y avoir un groupe plus au fond.

Un sourire se dessine sur mon visage face aux chamailleries des deux frères. Mais je n'ai pas le temps de m'attarder trop là dessus car un jet d'eau attire mon attention, bientôt suivit de la voix de Kalev, qui lui aussi, l'avait vu. Emerveillé, je me suis rapproché le plus possible du bord, les yeux pétillants, comme si j'allais pouvoir toucher la baleine que j'avais vu. Ilyes dirige le bateau vers l'endroit d'où provient le jet d'eau. Mais la baleine a déjà replongé. Un peu déçu, je me tourne vers Ilyes pour entendre sa réponse, suite à une question de Kalev. La perceptive d'un saut illumine mes traits, mais cela ne dur pas longtemps car Kalev demande si nous ne risquons rien. C'est, vrai, et si la baleine renversait le bateau ? Je suis inquiet, et m'agrippe un peu plus au rebord, comme si cela allait m'empêcher de tomber si jamais cela arrivait. Je me détends tout de même quand Ilyes nous dit qu'on ne court pas de réel danger.

Tournant le regard vers la mer, j'écoute d'une oreille distraite ce que dit Ilyes, trop occuper à chercher le moindre signe de la baleine que nous avons vu tout à l'heure. Et le vit la baleine sauter. C'était vraiment impressionnant, je n'imaginais pas ça aussi grand et majestueux. Mes yeux ne perdaient pas une seule seconde du spectacle, cherchant à graver à tout jamais ces images dans mon esprit. Et la baleine n'était pas seule, elle avait un petit.

- Wouah... dis-je dans un murmure, comme si j'allais interrompre quelque chose si je parlais plus fort, C'est vraiment incroyable...