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13 déc. 2023, 19:19
Sois fière, et tais-toi.
Novembre 2023 - Bord du lac noir
Avec @Aliosus Nerrah
Oups, je me suis laissé aller, désolée pour le pavé 0:) ! N'hésite pas si tu veux que je modifie quelques choses :)

Plic. Ploc.

Comme les gouttes d'eau s'accumulent lentement dans une tuyauterie défoncée, la pression avait fini par envahir Lavinia sans qu'elle n'y prenne garde. Oh, elle s'en était rendu compte, dès la rentrée. L'angoisse la saisissait de plus en plus régulièrement, sans raison apparente. Comme un fantôme, elle venait lui frôler le cœur dès qu'une émotion négative venait s'inviter dans son esprit. Elle les chassait alors loin, ce fantôme et cette émotion. Il y en avait tellement... Et elle ne devait pas les lancer la distraire dans ses études.

Ils avaient plusieurs noms, ces fantômes. Mais Crainte et Solitude étaient ceux qui venaient à elle le plus souvent. Crainte de se ridiculiser, d'échouer, de faire honte à son nom, à ses parents, de les décevoir et d'échouer à jamais dans ses tentatives de leur décrocher un geste d'affection et un mot doux. Solitude, quant à elle, elle pensait pourtant l'avoir apprivoisée, avec le temps. Après tout, elle avait grandi seule, avec des précepteurs comme seul compagnie, et des enfants d'amis de ses parents, aux masques élégants et sans saveurs. Quand elle était isolée dans la grande demeure des Campbell, entourée seulement de ses parents, la solitude était normale et acquise, comme l'air que l'on respire. Mais se sentir seule à Poudlard, une école où des centaines d'élèves cohabitaient et partageaient leurs vies, c'était différent. Elle était seule, alors que d'autres ne l'étaient pas. Elle était seule, isolée, face à une masse d'enfants soudés... Contre elle.

Dans ses moments d'angoisse incontrôlable, elle oubliait Blair, Ava, Ezra, Tamsin, Narcisse, ou encore Mr Kohler. Elle ne voyait que les visages de Stevens et de ses colocataires de chambrées, Elena, Alaska, Daphné, Meghan et les autres. Le regard noir de ceux qui croisaient le sien, les messes basses et les chuchotements qui cessaient aussitôt qu'elle entrait dans la pièce. Les regards d'antipathie, de colère, de pitié et de mépris. Elle aurait dû ne pas s'en faire. Elle aurait dû les prendre comme ils sont : l'expression de la jalousie de sangs-moldus, incapables de comprendre pourquoi, dans un monde de sorcier, elle leur était supérieure. Elle y était très bien arrivée, d'ailleurs, l'année dernière. Mais c'était long. Très long. Et puis, il y avait aussi les regards des professeurs. Celui, terrifiant, de la Valérion. Celui, empli d'incompréhension et d'inquiétude, de Madame Lydon lors de son examen de fin d'année, qui jugeait ses paroles avec effarement.

Ses parents lui avaient appris à être fière de son nom et de son sang. Il lui avait inculqué le mérite et la supériorité des sorciers. Lavinia en avait toujours été fière, et elle trouvait cela normal. Mais depuis qu'elle était à Poudlard, elle avait appris à se taire, à se faire discrète. À arrêter de demander le statut de sang aux personnes qu'elle rencontrait. C'était interdit. Comme si assumer son sang-sorcier était une honte, alors que les nés-moldus l'affirmaient haut et fort. Elle avait appris à avoir peur, à cause de son statut. Quand Stevens lui avait lâché un "saleté de sang-pur", elle en avait ri. Sa famille n'était pas reconnue comme sang-pur, mais elle savait que son père travaillait dans ce sens, et que sa mère l'était en France. Elle avait trouvé ça drôle, que la plus noble part de la société sorcière soit utilisée comme une insulte pour tenter de la blesser, alors que la bêtise du garçon aurait pu la flatter, venant de n'importe qui d'autres. Mais quand elle avait vu ces mêmes insultes déplacées, placardées sur les murs de Poudlard, et appelant à la violence contre eux... Elle avait eu peur. Et au fond d'elle, malgré les paroles rassurantes du concierge, cette peur s'était encrée, invisible et silencieuse.

Plic. Ploc.

Et certains jours, comme ce soir, les émotions de Lavinia débordait. Elle se réfugiait habituellement dans les toilettes, derrière les rideaux de son lit à baldaquin, dans une salle vide. Mais ce soir, la sensation était encore plus horrible. Le repas n'avait pas de goût. Chaque bouchée lui brûlait la bouche, mais ne réchauffait pas son corps. Chaque déglutition lui donnait envie de vomir. Après qu'un ricanement lui parvienne aux oreilles, Lavinia sentit la vague qui se retirait pour mieux la frapper. Elle devait fuir, vite. Ne pas craquer devant eux. Surtout pas. Elle s'était levée et s'était dirigée dehors, quittant la chaleur de l'intérieur contre le froid mordant de la bise crépusculaire.

Elle avait marché, marché, tout droit. Sans vraiment savoir vers où, ni pourquoi. Le froid lui giflait douloureusement le visage, mais étrangement, cela lui faisait du bien. Cette douleur-là avait une origine tangible, elle était factuelle et pragmatique. Pas comme cette immense douleur qui semblait venir d'un creux dans sa poitrine. Comme un vide pouvait être si lourd et si douloureux ? Elle accéléra le pas, le corps tendu, la respiration saccadée, comme si tous ses muscles étaient devenus raides. Elle tremblait, mais pas de froid. Quoi que. Peut-être. Elle ne saurait pas le dire. Et elle arriva, sans trop s'en rendre compte, devant le lac noir.

D'ordinaire, Lavinia aimait le lac. Mais ce soir, elle le haïssait. Il était là, devant elle, parfaitement calme et lisse, silencieux et noble. Lui qui renfermait des créatures marines, un kraken et des êtres de l'eau, il restait paisible et imperturbable, cachant ses profondeurs et reflétant l'élégance du ciel nocturne comme un miroir délicat. Alors que Lavinia se sentait déchirée, le corps et l'esprit enflammée et chaotique, le lac semblait la narguer par son flegme et sa surface, aussi égale que le masque que Lavinia devait continuer de porter.

C'était injuste. Pourquoi son corps réagissait ainsi ? Pourquoi devait-elle supporter ces émotions si lourdes ? Pourquoi est-ce que Poudlard n'était pas l'école qu'elle espérait ? Pourquoi avait-elle envie de crier, de hurler, de pleurer, alors que rien de spécial ne s'était passé aujourd'hui ? Contre qui diriger cette colère ? Tremblante, Lavinia s'avança sur la plage de galets, prit un des cailloux et le lança rageusement dans le lac. Le plus fort possible, le plus loin possible, à s'en décrocher l'épaule. Le silence du soir fut brisé par le bruit de cailloux plongeant dans les eaux, et par le cri que Lavinia poussa malgré elle, en accompagnant son mouvement. L'onde se propagea, brisant la surface si lisse du lac.

Lavinia sentait son poul tambouriner contre ses tempes, et ses doigts étaient douloureux à cause du froid. Mais elle recommença. Une nouvelle pierre, un nouveau jet rageur, et un cri qui semblait vomir son trop-plein d'émotions, alors que sa voix s'enrouait. Le froid lui piquait les mains et les yeux, et elle essuya une larme qui lui échappa d'un revers rageur de la main, avant de continuer de lancer un nouveau galet contre la surface du lac. Elle avait l'impression étrange de se sentir plus légère à chaque caillou qui s'enfonçait dans les eaux du lac. Elle soupira, exaspérée. C'était officiel, elle était folle. Poudlard avait réussi à la rendre folle...

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Deuxième année 2048-2049 - Génération Péliade

15 déc. 2023, 23:18
Sois fière, et tais-toi.
Aliosus remontait le col de son manteau alors qu'il regagnait le château. Il faisait presque nuit à présent et la silhouette monumentale de l'école se dessinait en un contraste à peine plus noir que le ciel déjà d'une teinte d'encre. Seules les lumières perçant la forme de petits rectangles jaunes régulièrement alignés permettaient d'être à peu près certain de la présence de Poudlard. Il avait mangé tôt avant d'embrasser Yesenia et de lui glisser qu'il devait aller faire un tour rapide dans le parc avant de revenir la rejoindre dans la chaleur confortable de la salle commune. Il avait alors parcouru les extérieurs à grands enjambées afin de retourner sur le lieu du rituel de Samhain. Là il prenait un temps pour méditer, à intervalles irréguliers, c'était la troisième fois qu'il s'accordait ce temps où ses pensées allaient à ses ancêtres, à Aiobhe, à ses racines plongeant en Irlande, en France et en Allemagne. Dix minutes, trente parfois, c'était bien souvent autant de temps de trajet que sur place, mais ce coin en particulier l'aidait. Il était certain d'être seul et malgré le froid, la bise glacée qui venait du bras du lac le séparant de la forêt interdite, la boue dans laquelle il s'enfonçait jusqu'aux chevilles, il se dégageait du lieu une certaine sérénité, probablement visible du Serpentard uniquement tant l'endroit ressemblait à un décors de roman d'horreur gothique. Mais le rituel accompli avec sa cousine avait rendu cet espace sacré, sans qu'il ne puisse l'expliquer rationnellement.

Il était à présent sur le chemin du retour, connaissant le temps qu'il lui fallait pour rentrer, il prévoyait toujours un peu de marge, il serait au chaud bien avant que les portes extérieures ne se scellent magiquement pour la nuit. Il renifla, le froid mordait de plus en plus méchamment sur son visage et il rentra la tête dans son écharpe de laine, rare pièce de sa garde robe provenant de la famille de sa mère et non celle de son père. Dès demain, pensait-il, je ressortirai la chapka si je dois m'aventurer dehors après l'heure du thé.

Un bruit mouillé lui fit tendre l'oreille. Le genre de bruit qui, dans la pénombre de novembre, à l'orée du lac noir, vous fait penser à toutes sortes de choses désagréables, humides, rampantes, suintantes. A des formes inhumaines s'extirpant de l'eau glacée, à des êtres aveugles, guidés par un seul instinct primordial et malsain. Le bruit se répéta, encore et encore, déformé par l'écho sur les galets, semblant venir de partout et nulle part. Aliosus serra les dents et du s'empêcher de prendre sa baguette. Hors de question de se laisser envahir par des terreurs depuis longtemps refoulées et considérées comme vaincues. Il avait passé l'âge de laisser le noir autour de lui se remplir des cauchemars existentiels de son cerveau. Toutefois son cœur pompait frénétiquement son sang pour l'expulser et en gorger ses organes et ses muscles. Il haïssait ces moments où son corps trahissait son esprit.

Il respira et essaya de chasser les vrilles d'angoisses par les pensées de sa médiation. Des visages souriant remplacèrent les serres noires qui menaçaient son esprit. Voulant aller au bout de son combat contre lui même, il alla dans la direction supposée de la source des bruits et se maudit lorsqu'il pu entendre clairement qu'il ne s'agissait que d'éclaboussures. Quelqu'un était visiblement terriblement mauvais pour faire des ricochet. Mais il était tard et ses habitudes de préfet en chef avaient la vie dures, il alla donc à la rencontre de la fine silhouette qui se détachait sur la berge, afin de lui intimer de rentrer elle aussi.

«Cette occupation hautement productive devra être reportée à plus tard.» Il plissa les yeux pour reconnaître l'élève devant lui. «Campbell ? Qu'est ce que tu fabriques ici ?»

6ème année

21 déc. 2023, 19:13
Sois fière, et tais-toi.
Le rythme des jets rageurs commençait à se faire moins régulier, alors que la respiration de Lavinia se faisait, elle, plus lourde et plus profonde. Elle s'arrêta, le bras un peu endolori, et s'apprêtait à s'asseoir au milieu des galets, épuisée, quand une voix inattendue raisonna sur les berges, la faisant sursauter.

- Cette occupation hautement productive devra être reportée à plus tard.

Lavinia se retourna, essayant de garder son équilibre sur le sol glissant, et écarquilla les yeux, choquée et incrédule. Nerrah. Aliosus Nerrah, en chair et en os, devant elle. Lavinia se frotta les yeux pour chasser les larmes qui commençaient à lui brûler les paupières, et s'assura que son aîné n'était pas une illusion. Elle aurait pû le croiser dans un de ses rêves, après tout... Même si sa présence à ce moment-là, témoin de sa faiblesse et de son attitude déraisonnable, raisonnait plutôt comme un terrible cauchemar. Depuis quand était-il là ? Le regard de la jeune vipère se dirigea vers le coin vide de la cape de son aîné, là où jadis trônait en majesté son badge de préfet en chef, avant de les lever vers le ciel qui s'était obscurci. Par Merlin, quelle heure était-il ? Est-ce que le couvre-feu était passé ? Est-ce que sa bêtise lui avait fait enfreindre le règlement malgré elle ?

- Campbell ? Qu'est-ce que tu fabriques ici ?

Voilà, c'était officiel. Aliosus était bien réel, et c'était un cauchemar. Elle s'était passé tant de fois la scène dans son esprit, de sa première discussion en tête-à-tête avec l'illustre préfet en chef de Serpentard. Avec une coiffure et une tenue impeccable, elle l'aurait salué et se serait présentée : "Bonsoir, Aliosus." Ou bien "Nerrah", peut-être ? Plus respectueux, même si un peu plus brutal. Mais en même temps, ils n'avaient pas élevé les boursoufflets ensemble. "Mr Nerrah", peut-être même, non ? On parlait quand même d'un hérité d'une grande famille de sang-pur. En tout cas, elle aurait enchaîné avec grace et légereté : "Je me nomme Lavinia Wilhelmina Campbell, mon père travaille dans le même secrétariat que le vôtre. Je suis enchantée de faire votre connaissance. Puis-je me rendre utile en quoi que ce soit ?" Le vouvoiement, toujours, c'était une évidence pour elle. Comme elle avait vouvoyer Hannah Lyse Sparks la première fois qu'elles avaient échangé, dans un reflexe empli de respect. Elle lui aurait souri, il le lui aurait rendu, et ils auraient échangé à propos de choses hautement pertinentes, loin de l'ombre d'une quelconque Yesenia Cooper.

Aujourd'hui, elle était bien incapable de mettre en pratique ce scénario idéalisé et rondement travaillé. Elle ne se réjouit même pas qu'il ait retenu son nom de famille. Non, tout ce qu'elle voyait à cet instant, c'était l'image qu'elle devait lui renvoyer. Les yeux et le nez rouge, ses pommettes écarlates qui semblaient être deux tâches de peintures sur ses joues, ses lèvres sans doute un peu grisâtre. Les cheveux décoiffés, les mains tremblantes qui tenaient encore fermement un galet, qu'elle lâcha, honteuse. Elle aurait voulu se faire toute petite, ou mieux, disparaître totalement, transplaner loin. Elle était pitoyable. Lavinia aurait voulu baisser la tête et regarder honteusement ses pieds, mais elle se l'interdit. Si elle devait conserver une seule chose, outre sa dignité mise à mal par la situation, c'était au moins de garder sa tête haute. Surtout devant un Nerrah. Et même s'il était difficile de soutenir le regard d'Aliosus plus d'une seconde, avant que la gêne ne se fasse plus urgente.

- Bon... soir, s'étrangla-telle alors qu'elle entendit sa voix déraillée.

Ses émotions n'étaient toujours pas calmées, malgré le visage stoïque qu'elle tentait désespérément d'imposer à chaque muscle de sa figure. Cependant, elle n'avait pas encore trouvé un moyen de faire plier ses glandes lacrymales à ses exigences, et elle sentit deux gouttes chaudes s'écouler de nouveau contre sa joue glacée. Elle les chassa de nouveau, d'un revers rageur de sa main.

- Je suis désolée. Je n'avais pas remarqué l'heure. Je rentre tout de suite.

Aussitôt, une violente nausée la reprit. Rentrer ? Rentrer où ? Dans ce dortoir rempli de sang-moldus où elle n'était pas la bienvenue ? Fuir de nouveau sous les draps et derrière les rideaux du baldaquin, en serrant Lizbeth si fort dans ses bras que même son familier la fuirait? Pour offrir ce visage décrépi à ses adversaires qui le prendraient comme une victoire ?

@Aliosus Nerrah

Code couleur #008040 - #919100
Deuxième année 2048-2049 - Génération Péliade

13 févr. 2024, 15:43
Sois fière, et tais-toi.
Il y avait des signes qui ne trompaient pas. On ne restait pas dehors à cette période de l'année, à se geler sur les bords du lac, jetant des cailloux de façon rageuse dans l'eau noire en reniflant et s'essuyant le nez rougi par pur plaisir. Aliosus n'avait jamais été le plus fin observateur des comportements émotionnels de ses semblables, mais plus ils étaient jeunes, moins ils avaient eu le temps d'élever des murs entre eux et le monde extérieur, aussi était-ce plus facile d'appréhender les contours des sentiments de sa jeune camarade.

«Ne t'en fais pas, viens, je t'accompagne jusqu'au château, à la nuit tombée qui sait ce qu'il peut vouloir émerger des profondeurs des eaux ?»

Ce n'était même pas une fausse excuse, il avait en sainte horreur les choses tapies au fond du lac qui se mouvaient en d'écœurantes reptations en attendant d'avoir une proie sur laquelle faire plonger les appendices squameux. A cette seule pensée il devait réprimer une grimace de dégoût afin de ne pas laisser voir cette obsession et éviter que la jeune Campbell ne la prenne pour elle.

Elle semblait réticente, cette pauvre âme esseulée, à rentrer au château et du peu de connaissance des vicissitudes adolescentes qu'il possédait, il était prêt à parier qu'il s'agissait d'une histoire de garçon. C'était presque toujours une histoire de garçon.

«Allons. lui dit-il simplement, comptant sur sa seule autorité pour décider la blonde à se mettre en chemin. Nous avons quelques minutes devant nous avant d'arriver au chaud. A toi de voir si tu veux te soulager d'un poids d'ici là.» Ce n'était pas la plus chaleureuse des invitations à se confier, mais très franchement, il n'avait pas l'esprit à s'occuper d'amourettes futiles. Il lui sortirait un tu es encore jeune, ça passera, tu rencontreras quelqu'un d'autre et peut être le toujours efficace ce n'est qu'un Poufsouffle après tout.

6ème année

06 mars 2024, 14:35
Sois fière, et tais-toi.
Aliosus ne semblait pas en colère. Au contraire, il l'invita à le suivre d'un ton calme et doux. Lavinia fixa un court instant la surface du lac qu'elle avait malmené de ses jets intempestifs... Mais le lac était de nouveau calme et silencieux. Elle ne voyait pas ce qu'il pouvait y avoir de mal qui émergerait de l'eau. Des êtres aquatiques ? Des poulpes ? Le calamar géant lui-même ? Pas à cette distance, pas avec la hauteur d'eau si faible sur le bord du lac. Est-ce que le jeune sorcier tentait de l'effrayer pour qu'elle la suive et s'éloigne des rives ? Ou ces eaux profondes recelaient un danger qu'elle n'avait pas su apercevoir au travers des vitres de leur dortoir immergé ?

Lavinia détourna le regard et hocha la tête devant l'insistance de son aîné, avant de lui emboîter le pas en silence.

- Je vous suis, dit-elle dans un murmure qu'elle avait espéré plus assuré.

Pendant quelques minutes, la petite vipère se concentra sur sa respiration, prenant de grandes inspirations contrôlées et expirant avec lenteur. Elle continua ainsi jusqu'à ce que cette respiration artificielle ne soit plus saccadée de tremblements et d'une légère toux qui auraient pu être interprétés à tort comme des sanglots étouffés digne d'une pleurnicharde. L'adrénaline redescendant toute à fait, le froid se rappela à elle en lui mordant les morceaux de peaux qu'elle n'avait pas couverte. Elle glissa ses mains dans les poches de sa robe et baissa le nez pour le cacher dans son épaisse écharpe aux couleurs de serpentards, tout en réfléchissant.

"A toi de voir si tu veux te soulager d'un poids d'ici là."

Bien sûr qu'elle voulait se soulager. Faire disparaître le poids qu'elle sentait encore dans sa poitrine, en plus affaibli. Un peu comme la trace d'une empreinte laissé dans le sable. Elle ne faisait plus mal, pour le moment, mais elle était encore là. Comme si la violence des sentiments qui l'avait traversé avait causé des ecchymoses aux parois de ses poumons. Et puis, parmi tous les habitants du château, @Aliosus Nerrah était sans doute la personne la mieux placée pour la conseiller. Oui, mais sur quoi ?

- Est-ce que cela vous est déjà arrivé...

Lavinia ne termina pas sa phrase, cherchant à mettre de l'ordre dans son propre esprit. De quoi voulait-elle parler ? De la pression que ses parents lui mettaient, pour toujours être une élève excellente ? De la douleur que lui causait leur déception face aux bulletins imparfaits de leur fille ? Qu'elle ne serait jamais aussi douée que son frère, pourtant rejeté par ces mêmes parents ? Non. Ce n'était pas une pression, c'était de l'exigence. Et l'exigence était nécessaire quand on venait d'une famille comme celle des Campbell et de la lignée de Turenne. C'était la condition même de leur légitimité, ce qui les rendait supérieures aux autres familles. Aucun doute que cette exigence devait être encore plus exacerbée dans une lignée ancienne de sangs-purs, comme celle des Nerrah. Non, elle ne lui parlerait pas de cela, sous peine de se ridiculiser, et peut-être même, de baisser dans son estime.

Parler de quoi alors ? De ce sentiment de solitude qui la saisissait soudain au détour d'un couloir, au travers de discussion envolée ? Du faite qu'elle n'avait pas autant d'amis que l'espéraient ses parents, que la majorité de sa promotion la détestait et se permettait même de la mépriser ? Comment formuler cela sans qu'il la prenne pour une gamine chouineuse ? Qu'il comprenne la détresse que cela pouvait créer en elle ? Son incompréhension envers une situation qui ne serait jamais passée de cette façon en dehors des murs "préservés" de Poudlard ?

- Je veux dire... Je suis née-sorcière, et j'en suis fière. J'ai beaucoup de respect pour les grandes familles de sang-purs qui ont participé à la construction de notre société. Mais à Poudlard... On dirait que c'est une honte. On dirait qu'ils ne font que célébrer les nés-moldus, les sang-mêlés. Et quand on est née-sorcière, qu'on est fière de l'être, qu'on interroge d'autres élèves sur leurs statuts, et qu'on agit en conséquence... Tout le monde se retourne contre nous...


Lavinia prend une nouvelle respiration, priant tous les sorciers et les sorcières de jadis pour qu'Aliosus ne fasse pas parti de ceux-là, justement. Elle enchaîna, avec un ton qui semblait conclure le fil de ses réflexions.

- Est-ce que cela vous est déjà arrivé... Qu'on vous attaque sur votre lignée ?... Et qu'on présente cette fierté comme s'il s'agissait d'une insulte ?

"Saleté de sang-pur". La voix d'Ernest raisonna une nouvelle fois aux oreilles de la petite vipère. Les affiches placardés aux murs appelant à la haine refirent surface elles-aussi dans son esprit. Aussi effroyable que cela puisse lui paraître, peut-être. Peut-être bien qu'Aliosus avait déjà subi de pareilles injures. Et cette seule possibilité remplaça la tristesse par de la rage dans le cœur de Lavinia. C'était inacceptable, c'était intolérable. C'était incompréhensible.

- Comment peut-on réagir face à ça ?

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Deuxième année 2048-2049 - Génération Péliade