Sur cette herbe verte gonflée d'humidité, étincelante sous un Soleil de moins en moins pâle, Alyssa se forçait tant bien que mal à respirer calmement. La réalité se faisait de plus en plus nette, les évènements de plus en véritables : elle avait eu besoin d'aide, elle s'était montrée vulnérable devant une personne connue, et cette dernière n'était autre que Wayne. Mais la présence de celui-ci, calme, apaisante, lui apportait en fait un certain soulagement, un soutien qu'elle n'aurait jamais soupçonné avoir.

Ses mots avaient doucement résonné, un ton sans moquerie, sans message caché, juste sincère. Alyssa hocha presque imperceptiblement la tête, une partie moins embrumée de son cœur emplie de reconnaissance : cette réponse si simple de son amie apaisait sa honte d'avoir eu besoin d'une telle aide. Heureusement qu'il était là... Si la Gryffondor n'avait pas été en ce moment même aussi écrasée par la fatigue, elle aurait sans aucun doute été surprise par ses propres pensées.

Elle sentit alors un mouvement à ses côtés et soudainement, le vent se fit un peu plus frais encore, et une impression de vide l'envahit. Ses yeux clairs étonnés se levèrent imperceptiblement vers son ami, semblant véritablement le voir pour la première fois de la journée. Ce dernier était maintenant debout et Alyssa détourna aussitôt le regard, espérant brusquement qu'il n'allait pas partir immédiatement. Jamais, ô grand jamais, elle ne pourrait l'avouer devant lui, mais sa présence l'apaisait sincèrement.

Une sensation de chaleur, d'enveloppement, l'envahit alors, et Alyssa réalisa que Wayne venait de lui déposer sa veste sur ses épaules. Un déjà-vu d'un jour plus clair, plus heureux. Le doux tissu doublé du Soleil réchauffa doucement la jeune fille victime de la sensation d'un froid de plus en plus réel. Etrangement, devant ce geste, un léger sourire apparut sur son visage, l'espace d'un instant. Un sourire pâle certes, mais tout de même.

Wayne s'accroupit alors à ses côtés et cette fois Alyssa avait la capacité -et le courage- de vraiment le regarder. Ma... Crise ?, se répéta-t-elle alors aux mots du garçon, la pâleur sur son visage se faisant plus profonde, une sensation de fourmillements désagréable l'envahissant à nouveau. Mais le ton doux que conservait son ami l'aidait à rester focalisée dessus et elle fut ainsi capable de l'écouter, ne voulant pour rien au monde rater un mot de ce conseil dont elle se sentait désespérément dépendante. Son visage resta indéchiffrable alors qu'elle fixait longuement sans même plus se rendre compte Wayne.

Ce qui me fait réellement peur... ? Le lac ? L'eau ? Ne pas réussir à s'en sortir ? La lumière du soleil ou de la lune qui s'éteignait ? Du temps et de la patience... Ces mots avaient une signification bien vague pour une jeune fille bien trop énergique qui avait du mal à tenir en place plus que quelques instants. Mais aujourd'hui, pour bien l'une des premières fois de sa vie, ils semblaient importants. Ainsi ils se gravèrent dans l'esprit d'Alyssa et elle émit un nouveau petit hochement de tête.

Wayne se releva alors, et le regard distrait de la jeune fille le suivit dans un réflexe. Elle se sentait maintenant moins effrayée à l'idée qu'il la laisse ici, les nuages s'étaient dissipés, le froid s'en était allé ; le ciel au loin semblait bien sombre mais la suite n'était pas pour aujourd'hui. Le garçon reprit la parole, et Alyssa réalisa en même temps qu'il l'appelait à nouveau par son nom de famille, comme avant... Cela avait toujours été ainsi, n'est-ce pas ? La Gryffondor fit un nouvel hochement de tête aux mots prononcés. La prochaine fois... Ca me va, se dit-elle doucement.

Alors que le garçon tournait les talons, Alyssa murmura alors :

- OK... A la prochaine...

La blondinette se retrouva ainsi seule au milieu de l'herbe fraîche, mais les épaules recouvertes d'une douce couverture et le cœur protégé pour cette fois de ses inquiétudes. Cela ne pouvait cependant guère longtemps repousser l'épuisement qui la guettait, et Alyssa dû ainsi rester immobile, sans bouger, durant de longs instants. Etrangement, son esprit était maintenant vide de toute pensée ; il ne volait pas librement parmi les oiseaux dans le ciel mais ne se noyait pas non dans les profondeurs du lac sombre et glacé. Les derniers mots de Wayne revinrent au bout d'un moment dans sa mémoire et elle se releva doucement, ses jambes parvenant à peine à supporter son poids, mais le courage nouvellement retrouvé grâce à son ami l'aidant à rester debout. Elle allait regagner le château, et sans doute s'installerait-elle sur un fauteuil dans un coin discret de la salle commune de Gryffondor, personne ne la remarquerait ainsi.