Alyssa avait enfouit ses mains dans les poches, la tête baissée, son expressive invisible sous sa cascade de cheveux tel un champ de blé. On ne pouvait ainsi pas voir ses joues écarlates et son regard furibond où de minuscules larmes perlaient. Du côté de Daniel, ce dernier semblait avoir autant de mal à se calmer, le corps tendu, la respiration sifflante, l'anxiété se lisait maintenant en lui comme un ciel ouvert alors que sa colère diminuait.

Si la blondinette aurait accordé ne serait-ce qu'une seconde à l'état de son père, elle aurait été choquée de le voir aussi inquiet. Tout ce qu'elle lui connaissait, c'était une bonne humeur et un humour presque sans limite ; son esprit ayant toujours fait fit de son air sombre durant les années plus perturbées. De toutes manière, Daniel lui-même avait toujours fait attention à préserver sa fille. Peut-être un peu trop même.

Sarah-Lee posa alors une main dans le dos de son époux et ce contact aussi doux qu'une plume sembla lui refaire toucher d'un doigt la réalité. Nul doute que si l'homme s'était vu de l'extérieur, il aurait aussitôt ressenti une honte cuisante à la vision de son comportement excessif. Mais là, son air dur ne semblait vouloir partir de son visage, peut-être par fierté, peut-être par autorité, ou peut-être simplement car il était persuadé de faire la meilleure chose pour protéger sa fille unique. Sarah-Lee essayait maintenant de croiser le regard d'Alyssa, l'air bien inquiet pour elle, mais sans succès.

Personne ne dit mot tandis que la pression qu'Alyssa ressentait à présent allait jusqu'à faire tinter ses oreilles. Ce silence lui même était dur et ne parvenait ni à combler son incompréhension vis à vis du comportement de son père, ni de cette étrange honte de s'être fait gronder devant Narcisse et Oscar. Finalement ce fut ce dernier qui brisa le silence, d'un ton suffisamment doux pour qu'Alyssa relève légèrement la tête vers lui, croisant un instant son regard et son sourire.

Ce sourire, bien qu'il venait d'un inconnu, lui fit étrangement un peu de bien. Elle ne put le lui rendre, les traits de son visage bien trop crispés pour le faire, mais cela donna la force à Alyssa d'emboîter le pas au petit convois qui se remettait en marche. Dès que tous les dos furent tournés, la jeune fille se passa sa manche sur ses yeux pour effacer toute trace de potentielles larmes. Sarah-Lee, tout en gardant sa main dans le dos de son mari, accorda un regard sincèrement désolé en direction d'Oscar, elle avait grandement apprécié la petite discussion avec lui et regrettait la manière dont la situation avait dégénéré.

Durant le reste du trajet la mère d'Alyssa essaya bien d'attendre sa fillette qui traînait derrière. Tentant de lui souffler un mot, un sourire, ou même simplement lui effleurer l'épaule. Mais Alyssa, sans une once d'hésitation, évita toute attention, se détournant puis reprenant sa route en décalé. La jeune fille n'avait pas même prêté attention au fait que les bruits de tirs s'étaient interrompu, se contentant de regarder ses baskets poussiéreuses heurter tous les cailloux croisant son chemin.

Lorsqu'ils arrivèrent enfin dans l'espace tenu par des filets de sécurité, trois paires d'yeux clairs se pointèrent un peu partout pour tout observer... Non, deux au fait, Alyssa traînant toujours derrière et regardant ostensiblement le sol. Les deux paires d'yeux en question ne tardèrent pas à se fixer sur Honor, découvrant cette grande femme qui déchargeait une arme à poing pouvant les réduire d'un tir en bouillie. Le contraste qu'offrait le sérieux militaire de cette dame avec la joie du petit Narcisse qui se précipitait vers elle pour lui faire un câlin fut bien remarqué par Sarah-Lee qui se sentit tiraillée entre son besoin de rester sur ses gardes ou son cœur pour le moins ému. Mais le visage dur et sévère de celle qui était ainsi nommé Honor la convînt alors de se positionner sur sa première option. Un visage qui ne s'adoucit qu'une fraction de seconde lorsqu'Oscar posa ses lèvres sur ses joues.

Alyssa, traînant toujours autant le pas, arriva à leur hauteur et se fit alors accueillir par les mots secs d'Honor prononcé à son encontre. Cette dernière étouffa un soupir avant de relever un œil las. Et elle dut le lever haut, bien haut cet œil, pour distinguer le visage d'Honor. Pause. Alyssa avait-elle déjà vu une femme aussi grande ou, plutôt, aussi impressionnante ?

En d'autres circonstances, la jeune fille serait sans aucun doute restée figée, fixant cette moldue des plus impressionnantes d'un œil hébété ; ou peut-être l'aurait-elle plutôt détaillée sans aucune gêne. En fait, c'était difficile à dire, car pour l'instant Alyssa subissait plus la situation qu'autre chose. Et la pression qu'elle ressentait du côté des adultes ne l'aidait pas ; ses parents et Honor se fixant désormais tels des chiens de faïence.

Aux mots qu'avait prononcés cette dernière, ce fut Sarah-Lee qui répondit en première :

- Nous vous remercions, dit-elle avec calme. Cela nous a permit de découvrir la nature près de chez vous.

Son visage aurait dû s'éclairer d'un sourire mais son regard resta parfaitement neutre alors qu'il se pointait un court instant sur les cibles humaines à l'horizon, puis sur tout l'attirail installé sur la table qu'Honor avait défendue à Alyssa. Elle jeta ensuite un air appuyé à son mari qui ouvrit enfin la bouche pour dire :

- Bonjour, merci de nous accueillir ici.

Le ton était cordial mais une tension se lisait clairement dans l'attitude des deux parents. Ils étaient sur leurs gardes, la main prête à attraper leur baguette en cas d'urgence, regardant cette femme qui leur semblait incarner les militaires ayant combattu les sorciers lors du conflit de 2044. Alyssa s'était arrêtée près de ses parents mais avait dévié son regard dès qu'il s'était porté sur Honor. Elle vit le mouvement de sa mère pour la prendre par les épaules, mais sans une seule honte la jeune fille s'écarta d'un pas avant de la fusiller du regard ; non, elle n'avait pas digéré.

Néanmoins, Alyssa sentait nettement le pressement de ses parents à se montrer polie et, bien que la tentation de faire exactement l'inverse était plus forte que jamais, alimentée par ce plaisir nouveau d'aller à leur rencontre, elle releva la tête vers Honor. Peut-être était-ce en fait l'aura de cette dernière qui la poussa à faire abstraction de son envie.

- Bonjour Madame, dit simplement la jeune fille d'un ton un peu bas avant de regarder autre part. Bien qu'elle s'était montrée plutôt calme sur la fin du trajet, toute cette tension indirecte s'abattant sur ses épaules lui donnait le besoin de se concentrer sur autre chose. Ses prunelles bleues regardèrent la table, les cibles étranges au loin, puis se dirigèrent vers Narcisse en brillant d'un éclat incertain.

Oscar savait mieux que personne l'angoisse, la peur, et la colère dans lesquelles était plongée Honor. De un, car personne ne la connaissait mieux que lui, il la savait sur le bout des doigts, depuis toujours. Et même s'il n'avait pas été son mari, n'importe qui aurait perçu cette terrifiante tension qui venait de naître entre les trois adultes. C'est là qu'il regarda les parents d'Alyssa, en venant ébouriffer les cheveux de son fils, s'installant à côté de sa femme, provoquant le petit éclat de rire de Narcisse. Même lui se doutait de l'état dans lequel sa mère était, et il refusait catégoriquement de lui lâcher la main.

Ce simple geste apaisa la femme comme nul autre ne le pouvait, et elle lâcha une profonde expiration. Ses paupières se fermèrent une seconde, avant qu'enfin, son visage ne se décrispe imperceptiblement.

"Vous m'en voyez ravie. Et tout le plaisir est pour nous."

Elle baissa les yeux vers Alyssa, son visage prit un air désolé, avant qu'elle ne réussisse à sourire légèrement.

"Alyssa, c'est ça ? J'espère que tu vas te plaire ici."

Oscar leva les yeux au ciel, très rapidement, manquant de mordiller la lèvre. Putain mais cette tension... Il devait trouver quelque chose pour la décrisper, elle était encore plus stressée que lors du dîner avec les Bain. Et sans parler du comportement d'Alyssa, qui n'avait pas l'air décidée à digérer ce qui s'était passé tout à l'heure. Il devait trouver quelque chose.

"M'man ! On peut aller décrocher les cibles avec Aly ?!"

Alors qu'Honor commençait à retirer ses gants d'un geste souple, elle sentit un tiraillement au niveau de sa hanche. Narcisse avait agrippé sa tenue pour attirer son attention. Ce fut comme un petit coup de fouet qui nous sort de notre concentration, et enfin, le visage d'Honor s'apaisa de façon presque naturelle. Elle sourit doucement.

"Si tu n'as aucune honte à exploiter ta camarade pour ce genre de service, du tout. C'est gentil mon grand.
- Hihi ! Tu viens Aly ?"

Ce dernier avait rendu son regard malicieux à sa camarade, et il s'approcha d'elle, comme pour l'inviter à le suivre. Oscar soupira de soulagement. Encore une fois, c'était Narcisse qui trouvait le moyen d'apaiser sa mère, sans même le faire exprès.

Si jamais Alyssa accompagne Narcisse, Oscar rajuste ses lunettes en baissant le regard, et déclare d'un air grave, sa main libre attrapant celle de sa femme.

"Honor, je crains qu'il ne faille percer l'abcès."

Elle baissera les yeux en se mordant la lèvre, il fera l'inverse en regardant les parents d'Alyssa.

"Vous savez, n'est-ce pas ?"

Ce n'était pas le genre d'Oscar de laisser une situation en suspens sans la prendre à bras le corps. Et Honor était bien trop humble, et toujours honteuse, pour réussir à elle-même aborder le sujet, ne se sentant pas légitime à pouvoir s'expliquer elle-même.

N'importe qui en ce lieu dégagé aurait pu ressentir la tension s'émanant des trois adultes : Honor, Sarah-Lee et Daniel. Même les écureuils s'ils n'étaient pas déjà loin à cause de ces coups de feu. La tension était commune mais le comportement des deux familles n'en contrastait que davantage : Narcisse gardait sa main serrée dans celle de sa mère, Oscar venait d'ébourrifier la tête de ce dernier lui arrachant un éclat de rire ; tandis qu'Alyssa restait soigneusement à un mètre de distance de ses parents, les mains enfoncées dans ses poches d'un air considérablement crispé, évitant soigneusement leur regard.

Sarah-Lee avait hoché la tête aux paroles de cette dame, incapable pourtant de relâcher sa garde. En fait, elle surveillait peut-être autant son mari qui contrôlait d'habitude si bien son impulsivité, que sa fille qui avait en temps normal toujours le sourire, que cette femme impressionnante en tenue de combat.

Alyssa avait relevé son visage vers Honor en ne percevant aucune animosité dans ses paroles, elle hocha légèrement la tête, la regardant simplement un instant avant de détourner le regard à nouveau. Tout ce que la jeune fille avait envie en cet instant, c'était simplement de s'en aller courir jusqu'à l'épuisement, afin de ne plus pouvoir penser à quoi que ce soit. Et bien que cela était fort peu probable même pour un sorcier, Narcisse parut entendre ses pensées au vu de sa proposition soudaine.

Alyssa le regarda, hésita un instant -chose bien rare chez elle- avant de se tourner de mauvaise grâce vers ses parents. Son père avait amorcé un pas vers elle, sans aucun doute pour l'enquérir de rester à leurs côté, mais d'une main douce mais ferme Sarah-Lee l'avait stoppé. En une fraction de secondes elle avait réfléchit à la situation : la proposition venait de Narcisse, sa mère ne mettrait jamais en danger son fils -son comportement était parfaitement normal avec lui, Daniel et elle resteraient face à face avec Honor, mais, surtout... Sarah-Lee était bien consciente de l'état dans lequel se trouvait sa fille et, bien que cela lui procurait une vive douleur dans le coeur, elle sentait que meilleure solution était de laisser Alyssa s'éloigner... Rien que pour quelques instants.

- Tu peux y aller, Alyssa, dit-elle avant que qui que ce soit ne puisse intervenir, son mari par exemple.

Alyssa n'accorda pas même un signe de tête à ses parents mais sa mère devina sans mal le soulagement qui l'avait envahi au vu de ses épaules se decrispant presque imperceptiblement. La blondinette se dirigea elle aussi vers son ami et suivit ses pas, bien contente de pouvoir profiter d'un peu d'actions pour libérer ses pensées et surtout, de pouvoir échapper à cette tension insupportable.

Alors que les pas d'Alyssa et Narcisse les menaient plus loin, les quatre adultes se retrouvaient alors sans petites oreilles innocentes, dans un silence tout sauf naturel. Un silence qui ne tarda pas à être brisé par la dernière personne que Sarah-Lee avait imaginé : Oscar. Et ce qui suivit apporta autant un soulagement dans le coeur de la sorcière d'un nouveau cran de pression atteint. Oui, il fallait en parler. Mais comment ? Pouvaient-ils s'en sortir sans dommages ? Car nul besoin d'être devin pour deviner de quoi Oscar voulait parler.

La guerre de 2044. Le souvenir de son effarement face aux nouvelles sorcières puis moldues leur arrivant était aussi douloureux que l'image d'Alyssa restant assise devant une fenêtre, sans bouger ni parler, refusant toute activité alors qu'elle était auparavant si vive et énergique. Sang-mêlée, Sarah-Lee s'était cruellement sentie tiraillée entre ses deux mondes, mais avait du garder la tête haute pour le bien de sa fille. Quand à Daniel, venant d'une famille complètement sorcière mais bienveillant envers les nés-moldus, l'épreuve n'avait qu'à peine été plus aisée. Il était impulsif et ne se gardait pas d'émettre ses idées politiques, alors voir le monde s'écrouler autour de lui en restant impuissant n'avait guère été mieux.

Cependant, ce n'était plus un regard emplo de défi que leur jetait l'immense silhouette qu'était Honor. Elle qui inspirait la puissance et l'intimidation quelques instants plus tôt, avait dorénavant la tête baissé et respirait la honte à plein nez. Cela désarçonna Sarah-Lee qui était une personne très empathique, contrairement à son mari qui avait tendance à foncer tête baissé tel un (trouver comparaison) Malheureusement, ce fut ces quelques secondes d'hésitation qui laissèrent la place à Daniel de répondre :

- Oui, nous savons parfaitement que votre femme, Honor, est militaire. Et nous savons très bien aussi ce qu'ont fait les militaires en 2044.

Sarah-Lee lui lâcha un regard sombre, il avait été direct. Trop direct. Elle dit alors, presque dans une énergie de désespoir :

- Nous savons aussi très bien ce qu'on fait les sorciers.

Narcisse parcourut la centaine de mètres jusqu'aux cibles à forme humaine à toute allure, sans même chercher à dissimuler le fait qu'il avait envie de courir. Il se tourna vers Alyssa :

"Le dernier arrivé est, euh... top départ !"

Évidemment, il n'avait aucune méchanceté gratuite à lancer à son amie, il n'en avait même pas l'envie, pour être honnête. Et peu importe le résultat, une fois arrivés à destination, il s'arrêta pour prendre le temps d'observer les cibles criblées de trous.

Cette vision lui inspirait des émotions mitigées et contradictoires. Il n'aimait pas les armes. Et encore moins les armes à feu, qui causaient chez lui un mélange de fascination profonde et de terreur absolue. Sa mère, professionnelle et ne laissant rien au hasard, n'avait jamais laissé l'une de ses armes à sa portée, ni même à sa vue, sans surveillance. Conformément à la loi, elles se trouvaient toutes rangées, dans des armoires, des sacoches, et verrouillées à double tour, n'étant manipulées que par Honor, et seulement par elle.

Et les cibles, quant à elles, n'en menaient pas large non plus. La précision d'Honor avec son arme de poing était redoutable. L'emplacement de la tête était trouée, celui du cœur également, et divers endroits stratégiquement choisis. Seules quelques cartouches semblaient avoir manqué leur cible çà et là.

Narcisse prit une profonde inspiration avant de regarder Alyssa en souriant.

"J'décroche celui-là, et tu fais l'autre ??"

Les silhouettes devaient bien peser au moins deux kilos, elles n'étaient pas faites en papier, mais en alliage spécial, pour éviter que le moindre choc ne les fasse bouger. Pendant qu'il s'échinait, il continuait de parler comme si de rien n'était.

"En tout cas, j'suis trop content qu'tu sois venue ! Ça va être trop bien, j'ai trop hâte !"


Les mots avaient été lâchés. Ils s'étaient abattus, tel un couperet, entre les adultes. Cependant, là où Honor redressa les yeux, noyant sa détresse en agissant comme elle savait le mieux le faire : en affichant son masque de pierre. Elle savait qu'elle avait agi comme elle le devait. Elle savait qu'elle avait fait ce qu'elle pensait être la bonne chose, et cela lui avait coûté. Mais il était hors de question pour elle de se justifier, et encore moins de s'excuser. Par conséquent, les mots s'embouteillaient dans sa bouche et dans sa gorge, son regard transperçant les parents d'Alyssa, son poing crissant contre sa paume.

Oscar poussa un profond soupir, en secouant la tête. Nous y voilà. Il craignait comme il attendait ce moment. Trop souvent, depuis que Narcisse était entré à Poudlard, sa femme voyait ses traumatismes déterrés pour lui être jeté en pleine figure.

De plus, en cet instant, le père d'Alyssa avait choisi une approche plus que frontale. Or, si cette décision permettait à sa femme de lutter par la colère, elle les plaçait tous dans une situation très dangereuse. Cependant, Oscar n'était pas du genre à se laisser démonter, et il fit un pas en avant.

"Pour être plus exact, ma femme était militaire."

Petit silence nécessaire, une nouvelle inspiration. Il rajusta ses lunettes du pouce, en se redressant.

"J'ignore, nous ignorons, l'étendue des souffrances que ces événements vous ont causé. Cependant, vous n'avez pas l'air de tout savoir...
— Oscar."

La voix d'alto de la femme retentit, comme un coup de fusil. Mais Oscar ne tressaillit même pas, et il se tourna calmement vers elle, un sourire tendre aux lèvres. Elle s'en retrouva désarmée, son visage trahi une surprise décontenancée, et l'instant d'après la résignation prit la place.

Elle se détourna dans un grognement, les dents serrées, vers la table chargée de ses armes. Elle ne voulait pas entendre. Elle ne voulait pas qu'on l'excuse, qu'on lui cherche des explications, qu'on la justifie. Mais essayer de lutter contre Oscar aurait été l'équivalent de lutter contre un rocher buté. Aussi se réfugia-t-elle dans le déchargement et le nettoyage de ses armes, essayant de toutes ses forces de se détourner de la conversation.

Oscar soupira en ramenant son regard sur les parents d'Alyssa, aussi placide que toujours.

"Honor était bien présente, ce jour-là."

Un regard vers elle.

"Et elle était également là, lors de l'incendie du ministère, j'ai appris tout cela récemment."

Il plongea ses yeux dans ceux de Sarah-Lee et surtout de Daniel.

"Si aujourd'hui, ma femme n'est plus militaire, c'est parce qu'à l'époque, elle a refusé de combattre. Sur une intuition, motivée par son seul instinct, et la seule hésitation qui l'a jamais pris lors de sa carrière. Et cette décision lui a coûté cette dernière. Alors, je vous prierai, cher monsieur, de ne point porter de jugement hâtif à l'égard de ma femme."

Ce fut peut-être le seul moment où le visage d'Oscar se durcit quelque peu. Les épaules d'Honor se voutèrent lentement, au fil de ses paroles. La voix de la femme n'était que grondement, au fil des cliquetis mécaniques de ses armes.

"Oscar, il ne savait pas."

Il sourit, sans ajouter un mot, conservant le contact visuel.

Dès que les pas d'Alyssa l'avaient menée en dehors du périmètre des adultes, ses épaules se soulagèrent d'un nouveau poids. Elle ne jeta pas même un regard en arrière, abandonnant ses parents à ces moldus qui avaient l'air plutôt gentils -enfin cela restait à vérifier. Narcisse lui avait soudainement lancé un défi, et même s'il ne fixa aucune conséquence, cela était amplement suffisant pour que la blondinette s'élance à sa suite. Elle courut à toute allure dans la nature, ne portant aucune attention sur le paysage défilant sous ses yeux, ne ressentant plus que l'air lui fouettant le visage.

Alyssa stoppa sa course dans un dérapage poussiéreux et, en se retournant vers Narcisse, elle fut bien incapable d'estimer qui était arrivée en premier. Si elle n'avait pas été autant perturbée par les évènements récents, nul doute qu'elle aurait prétendu être arrivée première. Minute... Ces cibles, vues de près, étaient assez... étranges ? De un, elles avaient une silhouette humaine. De deux, différents endroits étaient fortement percés. Alyssa bloqua un instant devant les têtes et les torses troués, posant sa main par réflexe sur son propre cœur, comme pour vérifier qu'il était bien là. Les armes moldues ne représentaient rien, ne signifiaient rien pour elle. Alors ces cibles la plongeaient dans un état perplexe.

Sans rien dire la jeune fille se contenta d'un coup d'œil hésitant vers son ami. Ce dernier se retourna alors vers elle, un sourire sur les lèvres auquel elle répondit après un instant. Alyssa n'aimait pas réfléchir trop longtemps sur quelque chose et elle accueillit ainsi avec joie la proposition de Narcisse qu'était de récupérer toutes ces cibles qui l'avaient troublée quelques instants plus tôt.

- Ça marche !, s'exclama-t-elle.

Sans hésitation, la jeune fille se dirigea vers la cible désignée par Narcisse. Posant ses mains dessus, elle ne tarda pas à être surprise du poids de ces plaques pourtant si fine à ses yeux.

- Gnnn..., fit-elle en forçant à son tour.

Jeter toutes ses forces dans une action lui convenait à merveille, l'aidant à maintenir au loin les sensations si douloureuses au cœur qu'elle avait ressenties, sensations que la blondinette pensait avoir laissées à Poudlard. Aux mots que Narcisse dit alors, Alyssa fit une courte pause pour l'entendre et un sourire un peu pâle apparut sur son visage. Elle était contente elle aussi, mais son esprit lui soufflait qu'il aurait aimé que tout se passe différemment. Que ses parents ne soient pas devenus subitement aussi étranges, tendus, agressifs, par exemple.

La jeune fille prit le temps de rassembler ses mots, puisant dans l'enthousiasme qui l'avait étreint toute la semaine à l'idée d'aller chez Narcisse, et lui dit :

- Pareil ! C'est vraiment trop cool !

Malgré tout, l'image de ses parents face à ceux de Narcisse s'imposa à nouveau dans son esprit et la jeune fille prononça un peu maladroitement :

- Tes parents ont l'air... Heu... Sympas.

Du côté des adultes, l'ambiance différait très nettement. Daniel ne s'autorisa pas même une expiration après avoir lâché ses mots de but en blanc. Il avait cédé une nouvelle fois à ses impulsions exacerbées par la perspective de la rencontre avec une militaire, après avoir une fois crié sur sa fille de manière... Bien trop soudaine ; il en prendrait conscience dès que la pression serait redescendue, soit bientôt. Ou pas.

Tout au fond de son esprit, une petite voix amplifiée par le regard de reproche que Sarah-Lee venait de lui décocher lui soufflait que ses paroles avaient été bien trop brutales. Il n'avait pas vu en cette immense femme qui se tenait devant lui la mère de l'ami de sa fille, mais un de ces militaires sans visage qui avaient kidnappé, torturé, tué des sorciers. Une situation qui les avait contraints à craindre puis fuir leurs voisins, à se cacher, et à doucement voir leur fille dépérir sans trouver une seule solution. Cela faisait bien longtemps que Daniel ne s'était pas laissé emporter par ses sentiments.

Oscar ouvrit la bouche à nouveau et un froncement de sourcils assombrit le visage implacable de Daniel, le marquant d'une expression étonnée sur le même instant. "Était" militaire ? Le sorcier n'avait aucune familiarité avec le système militaire moldu, mais il avait bien conscience que même dépourvus de magie, ces hommes et ces femmes avaient créé des armes au moins aussi destructrices que leurs baguettes magiques, si ce n'était plus même. Cependant, lorsqu'Oscar poursuivit, le visage de Daniel s'assombrit à nouveau. Il était piqué au vif, bien trop porté par ses émotions pour réaliser que même du côté moldu, il s'en était passées des souffrances. Ne pas tout savoir ?

À l'instant où Honor avait prononcé le nom de son mari, Daniel sentit une légère pression sur son épaule et croisa alors le regard de Sarah-Lee. Un regard où se mélangeaient une anxiété et une mise en garde. Un regard qui lui permit de ne pas directement sauter à la gorge, pas littéralement, de cet homme moldu qui semblait si sûr de tout savoir.

Lorsqu'Oscar avoua finalement qu'Honor avait été présente ce jour là, ainsi qu'à l'incendie du ministère, Daniel et Sarah-Lee échangèrent un regard lourd de signification ; c'était exactement ce qu'ils avaient craints lorsqu'Alyssa leur avait parlé avec enthousiasme de la mère de son ami né-moldu "militaire". Le sorcier sentit le regard d'Oscar se plonger dans le sien et le soutint sans ciller, "reculer" ne figurait pas dans son vocabulaire, il avançait et assumait.

Cependant, aux mots que prononça l'homme moldu, les yeux de Daniel clignèrent malgré lui. Il lui fallut quelques instants pour être sûr d'avoir compris, lui qui n'avait aucune connaissance sur la désertion militaire. L'homme serra les poings, paraissant insensible au ton d'Oscar alors qu'une petite partie de lui-même, bien cachée en son fort intérieur, regrettait. Il avait fait exactement ce qu'il reprochait aux familles conservatrices sorcières : porter un jugement hâtif et catégoriser une personne en fonction de sa nature, ou en l'occurrence ici, de sa profession. Les paroles d'Honor se plantèrent alors tout droit en son cœur.

Oui. C'était vrai. Il ne savait pas. Mais même, comment aurait-il pu deviner ? Ce n'était pas pour autant une raison pour ne pas assumer. L'homme inspira avant de dire, d'un ton transperçant d'honnêteté :

- Je n'aurais pas dû.

Son regard se posa sur le dos d'Honor, avant qu'il ne rassemble tout son courage et mette sa fierté de côté :

- Je suis désolé. J'ai négligé bien trop de possibilités.

Peut-être que la fierté était aussi de savoir reconnaître ses erreurs. Même du haut de son âge adulte, Daniel n'en avait aucune idée. Il expira finalement, partiellement, et coula un regard vers Sarah-Lee. La connaissant si bien, l'homme put lire dans les yeux de son épouse que cette dernière était fière -et soulagée- de l'avoir vu reconnaître ses tords. Il restait à appréhender le "après" qui allait suivre.

"Hgnn... Allez... pousse !"

Narcisse réussit à lever la cible au-dessus de sa tête, un sourire triomphant déformant ses lèvres. Il se laissa même aller à un petit rire idiot et béat, savourant cette petite victoire simple et rapide. Alors qu'il commença à faire demi-tour, il se retrouva obligé de manœuvrer à l'image d'un camion, visualisant dans sa tête le "biiip, biiip" que faisaient ces véhicules. Ses lèvres gonflèrent sous son éclat de rire qu'il retint in extremis, avant de regarder Alyssa, le sourire aux lèvres.

Son visage s'illumina doucement, et un bonheur sans limita irradia de lui.

"Ouais ! J'les adore ! Ils font vraiment d'leur mieux, et moi ça a toujours été parfait j'ai trouvé !"

Une expiration délicate, un sourire encore plus grand.

"Héhé, j'suis sûr qu'tu vas les adorer, tu vas voir ! Et puis avec Claire, ça va être super fun !"

Il prenait son temps pour porter la cible, histoire de profiter de la discussion privée avec son amie, sans se douter pour autant de la tension qui montait chez les adultes.


Personne d'autre que Honor n'aurait pu percevoir l'hésitation de ses propres gestes. De l'extérieur, elle démontait son arme de poing avec une habilité terrifiante, replaçant les pièces aux bons endroits les yeux fermés. Mais en réalité, elle savait que ses doigts tremblaient, qu'ils hésitaient. Que le trouble causé par la situation la plongeait dans des émotions aussi dépréciables que désagréables.

La chaleur de la reconnaissance à voir Oscar monter au créneau qui entourait délicatement sa poitrine bataillait férocement avec les serres glacées de la culpabilité et de l'embarras. Elle avait été impuissante dans cette guerre, inefficace et impulsive, têtue et ridiculement idéaliste. Toutes ces choses qui ne lui ressemblaient pas, et qui, pourtant, s'étaient révélées être les meilleures motivations de sa vie.

Ses épaules se voûtèrent de nouveau lorsque l'homme présenta ses excuses. Sa mâchoire se crispa. Le cliquetis métallique du canon qu'elle emboîta dans la chambre, avant de rabattre la culasse, amorcèrent ses mots.

"Ce n'est rien."

Clac. Le chargeur coulissant dans dans la crosse, elle actionne le cran de sûreté. Le pistolet résonne dans un lourd bruit de métal en revenant sur la table. Elle croise les bras et se tourne vers eux. Sa cicatrice la démange atrocement, mais aucune émotion ne transparait dans ses yeux. Oscar rajuste ses lunettes dans un sourire en la regardant.

"Tout le monde se plante."

Elle détourne le regard, il vient délicatement tapoter son bras, avant de relever la tête pour regarder les Wright. Il savait qu'Honor n'était pas douée avec les excuses, et plus particulièrement lorsqu'elle les recevait.

"Il semblerait que nous soyons parti sur de mauvaises bases."

Son sourire s'agrandit, et il soupira en jetant un regard derrière lui, histoire de s'assurer que les enfants allaient bien, et c'était le cas.

"De l'inconnu naît toutes les tensions. Et ce doit être valable aussi bien dans notre monde que dans le vôtre."

Honor baissa la tête son sous regard, avant de prendre une grande inspiration en se redressant droitement.

"Pourquoi avoir amené votre fille, avec les informations que vous aviez ?"

Oscar retint de justesse son claquement de langue. Honor ne gardait jamais la sienne dans sa poche. Il croisa les bras sur sa poitrine, hésitant à rejoindre les petits. Mais il savait que sa femme avait besoin de lui, dans ce genre de situation. Et ces situations désagréables avaient tendance à devenir de plus en plus récurrentes... Elle était plongée au cœur de la tourmente, et elle ne ressentait même pas la légitimé nécessaire pour lutter afin de s'en extirper.

Narcisse et elle partageaient ce trait commun de l’autoflagellation, et Oscar s'en trouvait chaque jour un peu plus désespéré, mais toujours aussi attendri. Il était le meilleur rempart qu'ils auraient pu espérer contre cette nature autodestructrice. Si Honor avait déjà pas mal travaillé sur cet aspect, notamment avec Claire, pour Narcisse, tout restait encore à faire. Et encore aurait-il fallu en prendre conscience...

L'image de Narcisse manœuvrant précautieusement avec sa cible au dessus de sa tête était particulièrement comique aux yeux d'Alyssa qui n'avait encore fait que traîner sa cible derrière elle. La joie s'affichant alors sur le visage de son ami devait être contagieuse car un sourire sincère étira les lèvres de la Gryffondor. Il avait le pouvoir de dissiper ces nuages gris qui ne cessaient de se reformer au dessus de sa tête. Elle était cependant toujours autant étonnée par la liberté qu'il prenait en parlant de ses parents et de sa relation avec eux, elle-même ne réfléchissait jamais à ce genre de choses et n'en clamerais même jamais rien.

La voix de son père lui ayant vrillé les oreilles retentit alors dans un écho lointain et les épaules de la jeune fille tressautèrent avant de balayer ce souvenir au loin. Ce n'était arrivé qu'une fois, et là elle était avec Narcisse, alors tout allait bien. L'enthousiasme de ce dernier la soulagea à nouveau et elle dit alors :

- J'espère ! Claire elle a l'air marrante... Un peu du genre à dire des blagues qui gênent tout le monde !

D'ailleurs Alyssa n'avait toujours pas compris ce qu'avait sous-entendu cette étrange moldue tout à l'heure, mais ce détail n'était guère important. Dans un souffle la jeune fille hissa finalement à son tour la cible au dessus de sa tête et s'exclama :

- Avec ça, on pourrait faire une super batte pour taper des cognards !

Elle fit mine de tourner sur elle-même en sifflant des bruits d'air et manqua pour de bon de perdre son équilibre avant de se mettre à rire, les pieds miraculeusement encore plantés sur la terre ferme. Son regard était entièrement dirigé vers Narcisse et ne regardait aucunement les adultes au loin.

C'était bien en toute sincérité que Daniel avait prononcé ses excuses, mais on ne pouvait dire qu'il avait baissé sa garde pour autant. En même temps... Le dos musclé d'Honor dissimulant partiellement les éléments sur la table, ainsi que le résonnement réguliers des cliquetis, craquements et autre bruits étranges, dans un fond de terrain vague complètement inconnu aux sorciers n'étaient guère rassurants. Concernant Daniel ou Sarah-Lee, tout deux n'avaient qu'une connaissance très vague des armes moldus, mais nul besoin d'être un spécialiste pour avoir conscience que tous ces "morceaux" d'armes pouvaient leur ôter la vie en un mouvement une fois montées. Et les mains d'Honor les manipulant d'un geste sûr et machinal, à toute vitesse, avaient autant un effet hypnotisant que terrifiant.

Les quelques mots qu'avait pu dire Honor auraient pu légèrement soulager le sorcier s'ils n'avaient pas été accompagnés d'un *clac* retentissant suivi du bruit métallique causé par l'impact du pistolet posé sur la table. Devant le mur qui se dressait maintenant face à eux, Daniel ne put même pas échanger un regard avec son épouse.

Lorsqu'Honor poursuivit, le sorcier se laissa quelques instants avant d'hocher doucement la tête, avec une certaine humilité qui lui était rare. Il n'avait rien à ajouter, et sa gorge maintenant extrêmement sèche ne l'encourageait pas à parler pour ne rien dire. Voir l'ex-militaire détourner alors le regard signifia alors à l'homme qu'il avait prit une bonne décision. Ce fut d'ailleurs Oscar qui prit la parole et Daniel coula enfin un regard vers son épouse, comme pour lui passer le relais.

Cette dernière se tenait parfaitement calme, en position de soutien avec son mari, mais avec un visage parfaitement neutre. Elle hocha légèrement la tête aux paroles du moldu, "parti sur de mauvaises bases", il n'aurait pas pu mieux dire... Quand à construire de bonnes bases... La vision des deux enfants qui portaient maladroitement chacun une cible sur leur tête, riant, lui montrait bien qu'un tel effort ne serait pas vain. Autant le comportement d'Honor plongeait la sorcière dans un état d'anxiété particulier, autant ses paroles pourtant brutales avaient touché son cœur sensible. Sans compter le contexte que leur avait donné Oscar.

- Oui, je suis bien d'accord, répondit-elle alors à ces paroles emplies de sagesse qui contrastait avec le sourire presque innocent qu'arborait l'homme.

La question d'Honor tomba alors, aussi sèche et direct que son époux avait pu se montrer doux et diplomate. Mais, étrangement, Sarah-Lee ne le perçut ni comme une mise à l'épreuve, ni comme une remise en doute de leurs capacités de discernement. Elle coula un regard vers son époux et lui prit la main, lui montrant dans ces gestes simples mais tendres qu'il pouvait la laisser répondre sans se monter une fois encore sur ses grands abraxans et s'emplir de colère à nouveau. Car la réponse était toute simple. Et c'est ce qu'elle dit alors :

- C'est très simple. Alyssa avait l'air vraiment emballée par l'invitation de votre fils, nous ne pouvions dire non..., la jeune femme hésita alors, se rendant compte que finalement, ce n'était pas si simple. Mais la carte de la franchise semblait être plébiscitée par Honor Brando, alors pourquoi s'en priver ?

- Pour être honnête..., reprit-elle avec toujours autant de calme. Nous avons tout d'abord pensé à refuser, d'une part car ces vacances ne durent qu'une semaine et qu'Alyssa n'était pas rentrée de toute l'année à la maison, cela signifiait moins la voir. D'une autre part à cause de ces informations justement. Mais...

Le regard de Sarah-Lee coula à nouveau vers les deux enfants, s'attardant sur Narcisse semblant rire aux éclats avant de se diriger vers sa fille.

- De ce qu'on a pu voir, votre fils a l'air pour le moins démonstratif. Et bien ce n'est pas vraiment le cas d'Alyssa... Elle ne se confie que très peu et joue plutôt "à la forte"... Elle est forte oui, mais dès son retour du train, à la maison, nous avons bien senti que quelque chose n'allait pas. Quelque chose que nous n'avons pas encore réussi à comprendre..., son ton s'était fait douloureux à ces mots.

Sarah-Lee se laissa quelques secondes pour rassembler à nouveau ses esprits, avouer devant des presque inconnus qu'ils ne parvenaient pas à suffisamment bien s'occuper de leur fille -du moins c'était ainsi qu'elle le percevait- était une épreuve difficile. La sorcière releva finalement les yeux clairs vers Honor pour finir simplement :

- Alors vu sa joie à l'idée de passer quelques jours avec Narcisse, il fallait lui donner cette chance.

Peut-être que ce qu'il fallait à Alyssa, en dépit de passer déjà les trois quarts de l'année à Poudlard, c'était changer d'air. Le cœur de Sarah-Lee était en miettes à ces pensées et au vu du regard presque perdu qu'arborait désormais Daniel, le couple était visiblement en phase dans cette pensée.

Narcisse éclata de rire en rougissant lorsqu'Alyssa commenta le caractère de Claire. Et oh, Merlin, qu'elle tapait juste ! Depuis son enfance, Claire avait toujours, TOUJOURS su où il fallait taper pour embarrasser, mais tout en restant hilarante et gentille. Lui qui avait les plus grandes difficultés avec le sarcasme faisait une cible des plus faciles pour la maîtresse de cet art subtil et délicat qui lui échappait dans toute son ampleur. Même son père était impuissant, il n'y avait que sa mère qui semblait pouvoir faire jeu égal de temps à autres.

Observer leurs joutes verbales était toujours quelque chose d'incroyablement impressionnant pour le petit garçon, qui n'en revenait jamais de ses oreilles.

Un petit rire.

"Hihi, purée ouais, t'as grave raison ! Elle fait tout l'temps ça !"

Il l'observa ensuite envoyer valser la lourde cible, balayant ses cheveux d'un lourd courant d'air. Il eut envie de bondir sur le côté pour prétendre esquiver, et ensuite lui rendre ce coup factice, mais en cet endroit, il se montrait étonnamment prudent. Aussi se contenta-t-il d'éclater de rire en rajustant une mèche d'un coup de tête.

"Mais ouais ! Bon, ce s'rait un poil encombrant quand même sur un balais haha ! Allez, en avant !"

Oscar était un peu inquiété par la question que venait de poser sa femme. Lui qui venait à peine de commencer à poser les pierres de la confiance dans l'espoir de bâtir le pont de l'amitié, le voilà bien embarrassé. Il ignorait totalement quelle allait être leur réponse.

Mais lorsque la jeune femme répondit d'un air hésitant, même le visage d'Honor se décrispa doucement. Oscar s'autorisa à sourire en croisant les bras sur sa poitrine, et en jetant un regard en arrière, observant les deux enfants s'amuser gaiement. Honor ne bougea pas d'un iota, mais ses épaules se détendirent perceptiblement, et l'ombre d'un doux sourire naquit avec une lenteur désespérée sur ses lèvres. Contrairement à leur fils, Oscar et Honor savaient quand écouter, et quand se taire.

L'homme hochait la tête délicatement, laissant s'écouler plusieurs secondes après la fin des mots de la jeune femme. Il pouffa d'un rire léger avant de sourire.

"Oui... C'est un drôle de pouvoir que semble avoir notre fils."

Son regard a reculons, en se tournant vers son fils, ne trompait en rien sur la fierté qu'il ressentait à cet instant. Le sourire d'Honor s'apaisa, elle fit rouler ses épaules, avant de se passer la main sur la nuque. Oscar retourna ses yeux sur les deux adultes, désormais totalement détendu, comme par magie.

"J'ose espérer que le séjour de votre fille lui fera le plus grand bien.
- J'en suis persuadée."

Honor ne partageait pas la même détente que son mari, mais il apparaissait désormais que sa vigilance s'était quelque peu abaissée. Elle se contenta de pivoter vers sa table pour saisir son fusil, qu'elle commença à démonter habilement, en laissant le pistolet sur la table. Ses doigts s'agitaient fluidement, répétant des mouvements qu'elle avait mille fois pratiqué lors de sa vie. Les yeux fermés, elle aurait pu reproduire cette tâche.

Oscar reprit la parole pendant qu'elle travaillait. Il connaissait l'importance pour Honor de pouvoir pleinement se concentrer sur ce genre de tâche, qui la détendait plus efficacement que n'importe quel médicament. Peu importe l'opinion qu'il pouvait avoir sur les armes, et dieu sait qu'il en avait une, il savait à quel point ces équipements tenaient une place énorme dans le cœur de sa femme. Et pas seulement pour leur utilité, mais pour le plaisir d'occuper ses doigts à une tâche complexe et minutieuse. Le genre de tâche qui occupe entièrement et pleinement vos pensées, vous permettant ainsi de vous vider la tête. Même la méditation n'avait pas autant d'impact sur elle que ces activités.

"Désirerez-vous redescendre avec nous, une fois Alyssa et Narcisse revenus ? Ou, si vous le souhaitez, vous pouvez directement transplaner ici, cet endroit est parfaitement à l'abri des regards."

Un infime froncement de sourcils au mot transplanage, qu'il devait encore parfaitement assimiler à son vocabulaire.

Alyssa avait tournoyé avec sa cible se balançant dangereusement sur ses épaules, riant maintenant aux éclats. Il s'agissait de loin d'une des activités les plus risquées de jouer avec une batte qui était en réalité une lourde silhouettes en alliage alors que son ami ne se trouvait guère loin, mais la blondinette n'avait qu'une envie : s'amuser, et par ailleurs avait une totale confiance en Narcisse. D'ailleurs ce dernier éclata de rire, sans non plus chercher à s'approcher. A ses paroles, Alyssa gloussa avant de commenter :

- Ouais faudrait le porter à deux en fait, mais ça serait tellement PUISSANT !

Sur ces mots, elle rajusta sa prise sur sa cible avant d'hocher la tête, prête à suivre son ami jusqu'aux parents. La jeune fille ne pensait plus à l'atmosphère tendue qu'ils avaient quittée quelques instants plus tôt, bien trop amusée par ses jeux avec le garçon.

En contrebas, l'ambiance s'était quelque peu détendue. Comme quoi, la sincérité avait été une solution plus que convenable cette fois. L'atmosphère avait perdu toute son électricité au fil des paroles de Sarah-Lee, même si cette dernière, à l'instar de son mari, avait la mine bien sombre en regardant Alyssa de loin. Il était dur de prononcer de tels mots, de reconnaître le mal-être de leur fille sans pour autant être directement capable d'agir en conséquence, et ce encore plus face à des parents qui ne semblaient rien avoir en commun avec eux. Mais cette confession avait été pour le moins accueillie avec de la bienveillance de la part de ces derniers, même Honor avait finalement laissé un doux sourire apparaître sur son visage.

Au rire et aux paroles d'Oscar, Sarah-Lee se détendit légèrement et sourit en hochant la tête, ayant la confirmation que son instinct et ses observations ne l'avaient pas trompée. Les dires de l'homme, ponctués par ceux d'Honor, furent accueillis avec reconnaissance autant par Daniel que par son épouse. Ce dernier, encouragé par le sourire soulagée de Sarah-Lee, parvint à détacher son regard du fusil que tenait maintenant en main la militaire, pour dire au couple moldu :

- Merci beaucoup.

Ces paroles étaient simples mais emplies de sincérité, et Daniel lui même ne savait pas vraiment s'il les remerciait pour leur accueil d'Alyssa, ou pour l'ensemble de cette discussion qui, par miracle, ne s'était pas achevée de manière dramatique. Aux paroles d'Oscar, Sarah-Lee n'hésita pas avant de répondre :

- Nous redescendrons avec vous avec plaisir, elle coula un regard vers son mari avant de poursuivre. Daniel a une petite discussion à faire avec Alyssa, et nous pourrons comme ça lui dire tranquillement au revoir.

Le regard clair de la jeune femme se porta au loin, juste assez pour voir les deux enfants revenir sur un pas rapide -d'une façon plutôt comique au vu de leurs cibles tenues en équilibre sur leurs épaules- et son ton se fit plus bas, plus précipité, ses yeux soudainement couverts d'un éclair ombragé :

- Je dois tout de même vous prévenir. Alyssa n'a absolument aucune conscience du danger que peuvent avoir de telles armes. Elle est imprudente, n'a que faire des interdits, et je peux vous garantir qu'elle est capable de s'introduire dans des lieux interdits sans vergogne.

Sarah-Lee fait une légère pause avant de finir :

- N'hésitez pas à vous montrer directif avec elle si cela est nécessaire.

Narcisse éclata de rire en essayant d'imaginer deux joueurs de Quidditch en train de trimballer une batte gigantesque, beaucoup trop disproportionnée pour eux, mais trop fiers pour le reconnaître. Aussi manqua-t-il de lâcher ce qu'il transportait, avant de se reprendre en inspirant.

"Ouuh, oh purée, ce s'rait tellement pas pratique ! Genre va à droite, va à gauche ! Déjà qu'ça s'fout sur la gueule avec des vraies battes imagine avec celles-là."

Il détala ensuite en brandissant son mannequin comme un trophée, avant de revenir aux côtés de sa mère.

"Yooo ! Voilà, ils sont lààà ! Bravo maman, t'as presque pas raté j'ai l'impression !!"


Lorsqu'Honor glissa son arme dans sa sacoche, avant de la verrouiller soigneusement, elle coula un regard intrigué en direction de la mère d'Alyssa. Oui, elle avait bien soupçonné que cette gamine allait potentiellement être encore plus compliquée à gérer que Merinda ou Tiffanie. Elle espérait quelque peu que la petite discussion qu'il devait avoir avec elle portait sur l'importance de ne pas faire n'importe quoi ici. Autrement, elle s'en occuperait elle-même.

Et l'avertissement de la mère lui fit hocher la tête, ainsi que celle d'Oscar, qui approuvait mille fois ses mots. Elle balança ses sacoches sur son épaule.

"Soyez rassurée. J'ai l'habitude, et à moins qu'elle ne fasse usage de magie, elle ne pourra jamais toucher à mes affaires. Et encore..."

Quelque part, au fond d'elle, Honor était convaincue que ses serrures pourraient résister à même la magie. Oscar, lui, en doutait davantage, et il manifesta ce doute en rajustant ses lunettes d'un geste du pouce.

Enfin, Narcisse débarqua avec Alyssa, interrompant la conversation des adultes joyeusement. Honor récupéra les mannequins avec un léger sourire et un hochement de tête, ainsi qu'un ébouriffement de cheveux pour Narcisse, avant de les porter comme s'ils ne pesaient rien. Oscar fit un geste de main délicat en direction de l'endroit duquel ils étaient arrivés.

"Bien ! Maintenant que ces petites histoires sont résolues, que diriez-vous d'aller prendre un café ?"

Honor et Narcisse se regardèrent avec une grimace de dégoût. Beurk, du café.

On peut faire la première ellipse ici, t'en penses quoi ?