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09 mai 2024, 15:59
Ces sentiments-là  PV 
Un immense sourire s’affiche sur le visage de Zakary lorsque Maddison accepte de jouer le jeu. Un sourire comme seul peut en avoir une personne au sang remplit d’alcool : les dents en avant, les lèvres retroussées sous la force de la grimace et les yeux brillants comme l’éclat d’un diamant. Ayant des années d’expérience derrière lui, l’homme sait bien que l’euphorie qu’il ressent soudainement, le bonheur qui monte dans son coeur, l’excitation provenant de la certitude d’être en train de faire quelque chose de profondément idiot et immature, tout cela lui vient de l’alcool qu’il a ingéré. Malgré tout, c’est un sorcier trop sincère pour se laisser totalement influencer par une boisson : certes, son inhibition provient du fond de son verre mais son bonheur, lui, est bien réel. Les dernières semaines passées à se demander ce que pouvait bien avoir sur le coeur cette femme qui est redevenue une amie proche pèsent encore sur ses épaules. Il ressent un soulagement indécent à être là ce soir avec elle, les tensions effacées, ou presque. Profiter de sa présence, de ses sourires, de son caractère affirmé, de son humour semblable au sien. Il a envie de faire durer la soirée, de ne jamais la voir toucher à sa fin. Et si demain tout changeait ? Il préfère se concentrer sur ce soir et évacuer dans ses immenses sourires toute la crainte qui l’a tenaillé ces dernières semaines.

Zakary laisse un gloussement lui secouer les épaules en voyant Maddison sortir sa baguette.

« Trop bien ! s’exclame-t-il de sa voix trébuchante. Tu vas faire des micra… Miracles ! »

Il la connaît suffisamment pour savoir qu’elle donnera tout ce qu’elle a, même si elle est fatiguée de sa journée et qu’elle a bu. Alors Zakary s’installe plus confortablement, les bras croisés devant lui, le menton posé dessus, le regard braqué vers le verre victime de leur jeu d’enfants. Il ne manque rien du spectacle : le verre qui s’élève dans les airs, qui traverse la table, qui se positionne au-dessus de la bouteille… N’importe qui, imbibé d’alcool ou non, se serait rendu compte à ce moment-là qu'une catastrophe allait arriver. Le verre est trop lourd, la bouteille trop vide et évidemment, l'inconnue attablée près d'eux beaucoup trop proche du drame à venir. Mais Zakary a toujours aimé le chaos joyeux, celui qui ne blesse personne, qui met de l’ambiance, qui fait rire et sourire, alors, loin d’être craintif, il ouvre grand les yeux lorsque le verre s’approche tout doucement du goulot.

Évidemment en une fraction de seconde tout dérape : le bruit du verre qui se casse fait sursauter Zakary qui se redresse subitement. Comme un enfant pris en faute, sa main vient se plaquer sur ses lèvres. À l’instant même où son regard croise celui de Maddison et qu’il aperçoit la commissure de ses lèvres frémir, le sorcier sait qu’il ne pourra pas retenir le fou-rire qui monte en lui avec la force d’un tsunami. Il pouffe derrière sa main avant d’éclater d’un rire bruyant qu’il s’empresse de camoufler — en vain.

Partager un fou-rire avec une personne que l’on aime est la forme la plus pure du bonheur. Entre les regards qui se frôlent, aggravant l’hilarité, et le plaisir de voir l’autre rire aux larmes, c’est comme si un canal reliait les deux acteurs du fou-rire pour faire circuler une joie impossible à refuser. Le bras de Zakary s’enroule autour de son ventre douloureux et il met toute sa force pour contenir son éclat et pouvoir écouter ce que lui dit son amie.

« J’étais sûr que tu allais y arriver ! lui souffle-t-il avec un grand sourire sur le même ton qu’elle, penché par-dessus la table comme pour partager un secret. Tu l’as même pas réveillée, c’est incroyable… »

Son regard se tourne vers la sorcière avachie qui, loin d’être dérangée par leur hilarité et le bruit du verre cassé, redresse la bouteille comme si elle était coupable de l’avoir fait tomber. Zakary lance un sourire ahuri à Maddison et mime sur ses lèvres, sans prononcer le moindre mot, une phrase qu’elle comprendra certainement : « Elle est complètement morte ! »

Lorsque le verre s’est brisé, le bruit de la pièce principale du Chaudron Baveur a légèrement diminué, les regards se sont tournés vers eux, certains mécontents, d’autres amusés. Insensible à tout cela, Zakary, incapable d’effacer de ses lèvres le sourire amusé qui semble s’y être définitivement installé, sort sa baguette magique. Il sait que faire de la magie lorsqu’on a bu de l’alcool est la pire idée possible, à la fois bête et dangereuse, mais il pense avoir suffisamment de contrôle sur lui-même pour réparer ce verre. Loin de lui l’idée de laisser qui que ce soit d’autre le faire à sa place : après tout, c’est lui qui a eu cette idée enfantine ! Il doit s’y reprendre à deux fois avant de réussir à prononcer la formule adéquate, mais il y parvient finalement et le verre retrouve sa place d’origine.

Puis il se tourne vers Maddison, laquelle semble rayonner de fierté. À moins qu’elle ne soit juste heureuse d’avoir fait cette bêtise digne d’une gamine de quinze ans ? Peu importe, Zakary adore voir cette expression sur son visage.

« Et bien… Je pourrais être sévère et di-dire que t’as pas réussi, baragouine-t-il en s’avachissant toujours plus sur son banc, mais t’as quand même touché l’goulot alors j’t’accorde la victoire. J’suis magma-nime, hein ? Magmanime. Magmanime ? Magnia-gnianime ! » Il glousse derrière son verre. « Merlin, pourquoi j’utilise des mots aussi compliqués maintenant ? »