Selma venait de sortir d'un des couloirs entourant la cour de la tour de l'horloge et marchait lentement, la tête dans ses pensées. Emmitouflée dans une grosse veste, elle frissonnait tout de même, la cour étant dans l'ombre à cause de l'horloge cachant le faible soleil. La petite était venue dans l'espoir de trouver une de ses camardes et en même temps quelqu'un avec qui discuter ou encore jouer bavboules.

Comme d'habitude, la petite avait fait la grasse matinée et, quand elle s'était réveillée, la plupart de ses amies avaient déjà déserté le dortoir. C'est ainsi qu'elle se retrouvait seule dans la cour pavée, marchant lentement, les mains dans les poches. En promenant son regard un peu partout, elle s'aperçu vite qu'elle ne connaissait personne ici et, à sa plus grande surprise, elle n'était pas d'humeur à se faire de nouveaux amis.
La Gryffone était d'habitude très sociale et il lui arrivait souvent de commencer des conversations avec des parfaits inconnus, mais elle s'était levée de mauvaise humeur et elle considérait sérieusement l'idée de passer sa journée dans son lit, ensevelie dans ses couvertures. Déjà à son réveil, elle s'était sentie mal, sans pouvoir expliquer pourquoi, et avait dû se faire violence pour sortir de son nid douillet.

Elle fit donc demi-tour et commença à marcher vers une des sorties de la cour, quand son pied raccrocha à un pavé légèrement plus haut que les autres. La tête dans les nuages, Selma n'eut pas le temps de réagir et tomba de tout son poids en avant, tout en laissant échapper un petit cri apeuré. L'instant d'après, elle était par terre, à quatre pattes. Elle avait heureusement réussi à se rattraper avec ses mains, mais celles-ci étaient toutes écorchées. En plus de ça, ses genoux lui lançaient et elle avait déchiré son legging.

Selma sentit les larmes lui monter aux yeux, non par douleur, mais à cause de l'humiliation qu'elle venait de vivre.
*J'en ai marre, marre, marre, marre de marre !*
Rapidement, la Gryffone se retourna pour s'asseoir sur ses fesses et vérifier que sa chute était passée inaperçue, ce qui n'avait sûrement pas été le cas vu son cri.

Alyssa était tranquillement perchée sur un mur de la cour de la tour de l'horloge en ce samedi hivernal. L'air était frais, froid, et la jeune fille ne regrettait absolument pas son gros manteau et son bonnet d'où dépassaient quelques une de ses mèches blondes. Malgré la température basse, elle n'était pas toute seule en ce lieu, plusieurs élèves s'étaient retrouvés pour discuter, jouer à la bataille explosive, chahuter... La routine du week-end en réalité.

Avant de se poser là, Alyssa avait joué un long moment dans la neige avec sa cousine Winter, notamment en construisant un Troll des Neiges plutôt réussi (la tête dissymétrique correspondait bien à la créature réelle). Winter avait ensuite décidé de remonter à la salle commune de Gryffondor pour faire ses devoirs près du feu. Alyssa n'ayant nulle envie de travailler après une aussi bonne partie de jeux avait décidé de rester un moment dans la cour, sans forcément avoir quoi que ce soit de prévu. Fuir ses devoirs encore un peu était déjà parfait.

Alors que la fillette rêvassait, se demandant si elle pourrait emprunter une batte pour son Troll des Neiges à Onyx qui avait récemment intégré l'équipe des Griffes Ardentes en tant que batteuse-poursuiveuse remplaçante, un cri résonna dans la cour en se répercutant contre la paroi des couloirs ouverts. Alyssa leva les yeux juste à temps pour voir une fille tomber de tout son long au sol. Oh non, c'est trop drôle, retiens toi, pensa avec force Alyssa, essayant de ne pas éclater de rire. Et elle ne pensa apparemment pas avec assez de force car elle ne put finalement s'empêcher de s'esclaffer. Comme un ressort, la jeune fille se leva et s'approcha de celle au sol, dans l'idée de tout de même l'aider à se relever.

Mais en tendant la main vers l'adolescente qui était maintenant assise par terre, Alyssa ne put s'empêcher de commenter d'un ton qui ne cachait absolument pas son amusement :

- Wow, on peut dire que tu t'es vraiment écrasée comme une crêpe !

Selma entendit rapidement quelqu'un s'esclaffer et elle leva les yeux pour voir qui avait oser se moquer d'elle. Elle remarqua rapidement une fille qui devait avoir à peu près son âge et qui s'approchait vers elle. La petite se souvint avoir déjà vu la blonde dans la salle commune de Gryffondor, bien qu'elle aurait été incapable de connaître son nom, mais elle savait qu'elle était plus jeune qu'elle.
Quand elle vit sa camarde lui tendre la main, Selma leva ses sourcils avec surprise et énervement. D'abord elle se moquait d'elle puis elle venait pour l'aider ?
*Chelou la fille*
La petite tremblait de froid, elle pouvait sentir l'air froid s'infiltrer dans son legging déchiré et ses mains qui avaient été en contact avec le sol gelé étaient glacées.

Ignorant la main de l'autre Gryffone, la petite se leva, les joues toutes rouges suite à l'humiliation qu'elle venait de vivre. Elle tenta d'ignorer les regards qui étaient encore tournés vers elle suite à sa chute et elle répondit à son interlocutrice en la regardant droit dans ses yeux bleus, les sourcils froncés:

- J'avais remarqué figure toi. Je peux savoir pourquoi tu rigoles ? T'as jamais vu quelqu'un tomber ou quoi ? Nan mais franchement.

Tout en prononçant ces derniers mots, Selma se baissa pour essayer de se débarasser tant bien que mal la neige accumulée sur ses jambes, ce qui ne fit que la tremper encore plus.
La mauvaise humeur de la Gryffone et sa susceptibilité habituelle formaient un mélange explosif la rendant prête à s'énerver à chaque instant, et la réaction de la blonde n'avait rien arrangé.

Si on pouvait dire quelque chose d'Alyssa, c'était qu'elle manquait parfois cruellement de discernement. Pour ne pas dire souvent. Ou toujours même. Ainsi, la fillette n'avait nullement conscience de l'état d'énervement dans lequel était plongé celle qui venait de chuter sur le sol gelé. La blondinette la regardait même avec une bouche crispée par un éclat de rire qui menaçait encore une fois d'en sortir, qu'est-ce que les chutes pouvaient être drôles, par Merlin !

Même la main tendue que sa camarade ignora ne lui mit pas la puce à l'oreille, alors que son regard passa sur le legging déchiré de la malchanceuse sans le voir. Ainsi, lorsque cette dernière planta ses yeux verts dans les siens bleus, en prononçant des paroles sur un ton qui aurait du mettre en garde Alyssa, celle-ci répondit du tac au tac en essayant de calmer son rire :

- Si, bien sûr, mais ta chute à toi... Elle était particulièrement drôle !

Maintenant que la blondinette avait pu vraiment voir le visage de son interlocutrice, elle se souvenait parfaitement l'avoir déjà croisée dans la salle commune de Gryffondor, c'était donc bien une camarade de maison. Un peu plus âgée qu'elle, si la mémoire d'Alyssa ne lui faisait pas faux bond. Alors, dans un vague esprit de compassion alors que son aînée époussetait difficilement la neige sur son pantalon, la fillette pensa finalement à demander :

- Ca va quand même ? Tu t'es pas fait trop mal ?

Selma regarda sa camarde de maison avec un regard incrédule, la fixant avec des sourcils froncés. Alyssa n'avait pas du tout l'air de se rendre compte de l'état d'esprit de Selma, de savoir qu'elle se retenait pour ne pas lui hurler dessus. Elle pouvait parfaitement voir que sa cadette devait se faire violence pour ne pas rigoler. Mais dans la tête de la Gryffone, son interlocutrice ne voulait pas juste rire, elle voulait se moquer. Se moquer d'elle. Et elle avait horreur de ça.
Bien que la petite avait presque toujours un sourire aux lèvres et préférait tout prendre à la légère, elle ne pouvait pas supporter les moqueries et l'humiliation. À la moindre remarque négative, la moindre boutade un peu trop agressive, la Gryffone se refermait directement sur elle-même et pouvait sentir la colère monter en elle. Elle n'y pouvait rien, elle était incapable de réagir de manière constructive aux critiques.
Le sourire idiot de la fillette en face d'elle commençait sérieusement à l'agacer, elle aurait voulu la gifler pour le faire disparaître. Mais elle devait apprendre à gérer sa colère, à ne pas la laisser prendre le contrôle, à calmer sa susceptibilité. Mais c'était tout sauf facile pour la troisième année.
Elle se contenta tout de toiser sa camarde avec froideur, en essayant de lui faire comprendre qu'elle ne trouvait pas la situation drôle, pas du tout.

- Tu rigolerais moins si c'était toi qui avais les genoux trempés et tout écorchés. Essaie voir et on verra ce que t'en penses. Si tu veux j'peux même te balayer pour que ça soit un peu plus réaliste.

Avec un peu de chance, la Gryffone était tombée sur une fillette naïve qui prendrait ses paroles au premier degré.

Alyssa pencha sa tête sur le côté à la réponse de sa camarade qui lui était plutôt inattendue. Sa tentative de compassion semblait avoir été balayée à la volée, et même elle commençait à capter l'énervement de la Gryffondor se tenant en face, enfin... Très vaguement. Du regard, elle la jaugea quelques instants après cette menace plus ou moins sous-entendue, son interlocutrice la surpassait en taille, ce qui n'était d'ailleurs guère étonnant. Mais sa silhouette n'était pas non plus spécialement impressionnante ; vive, Alyssa estimait être assez rapide pour esquiver si cette fille mettait ses menaces à exécutions. Et puis, cette dernière était-elle aussi sérieuse que cela ? Il était difficile pour Alyssa de faire disparaître pour de bon le léger sourire qui demeurait sur ses lèvres, elle qui voyait encore cette discussion comme un simple amusement, sans vraiment réaliser que sa camarade pouvait réellement avoir mal -après tout cette dernière n'avait pas répondu à sa question. Elle lança alors :

- Tu peux toujours essayer, si t'arrives à me rattraper. J'aimerais bien voir ça.

Sur cette petite provocation assortie d'un sourire malicieux, Alyssa tendit imperceptiblement les muscles de ses jambes, prête à déguerpir au plus loin. Elle était bien curieuse de voir jusqu'où pourrait aller cette Gryffondor face à elle. Au pire, la blondinette finissait par terre, peut-être que toutes deux pourraient alors faire un concours de chutes ; au mieux, elles faisaient la course dans la neige, à voir.