Alors que vas-tu me dire ? Tu cherchais un passage secret ? Une bonne farce à découvrir demain matin ? Une petite exploration nocturne du château ? Alyssa fut presque déçue par la simplicité de la réponse qu'elle reçu, tout en sentant une certaine once de compassion éclore quand aux insomnies ainsi évoquées. Elle-même en avait été victime bien trop de fois dans l'année, dire qu'il lui semblait en cette nuit si bien dormir et qu'elle se retrouvait pieds nus face à une inconnue posant beaucoup de questions...

Toute sa compassion s'envola à l'instant où la blonde face à elle réitérait ce qu'elle ne pouvait s'empêcher de percevoir comme un grossier sous-entendu. Son regard se durcit ; la méchanceté gratuite Alyssa laissait cela plutôt à certaines personnes de sa promotion dont elle tairait les noms en cette nuit, mais la dénommée Ashley commençait à faire se remuer un puissant sentiment d'agacement dans ses entrailles.

- Je...

Alyssa était peut-être agacée, mais les rouages de son cerveau lui semblaient complètement rouillés tandis que ses pensées étaient comparables à une épaisse brume opaque et surtout impénétrable. Il fallait pourtant trouver une excuse, il était complètement exclu d'avouer à cette semi-inconnue qu'elle n'avait strictement aucune idée de ce qu'elle faisait ici, bien trop loin de sa couette et de son boursouflet endormi.

- J'imaginais être un fantôme., déclara-t-elle finalement sur un ton posé.

Bravo Alyssa pour cette réponse parfaitement perchée. Mais la jeune fille ne s'en démonta pas et adressa au contraire un sourire à sa camarade, bien destiné à disperser son trouble -ou peut-être à l'inséminer en son interlocutrice. La blondinette finit tout de même par capter l'incertitude émanant d'Ashley, au vu du regard de celle-ci semblant plongé dans une course folle, et se radoucit -tant que cette dernière n'insisterait pas d'avantage sur le somnambulisme. Elle lui demanda alors plus gentiment :

- C'est la première fois que tu sors après le couvre-feu, Ashley ?

La jeune Serdy sut au moment précis où le regard d'Alyssa se durcit qu'elle avait fait une bêtise de poser cette question idiote. Ca c'était bien Ashley tout craché : se mettre à dos une fille plus âgée qu'elle dès leur première rencontre. La blonde se sentit rétrécir sous le regard de son interlocutrice et jeta un regard au dehors, gênée de cette situation. Elle espérait juste qu'Alyssa ne lui jetterait pas un sortilège qui lui ferait vomir des limaces parce qu'elle avait eut le malheur de lui demander ce qu'elle faisait debout en plein milieu de la nuit, pieds nus et sans baguette (en tout cas apparente). A la plus grande surprise de la jeune Serdy, Alyssa lui annonça de but en blanc qu'elle imaginait être un fantôme. Elle lui adressa ensuite un sourire sortit de nul part et Ashley ouvrit de grands yeux, se demandant si elle croyait qu'elle était si naïve que ça. 'Et puis moi je suis le ministre de la magie' pensa la jeune Serdaigle intérieurement. Pourtant, elle préféra garder sa bouche hermétiquement close pour ne pas s'attirer une bonne fois pour toute les foudres de la blonde terrifiante.

— Hum... nan, pas vraiment mais je ne me suis jamais éloignée... autant de ma salle commune. Et... et toi ? J'imagine que tu l'as déjà fais des cinquantaine de fois.

Répondit elle avec un petit rire gêné, espérant qu'elle n'avais pas encore fait une gaffe. La jeune Serdy se demanda pourquoi Alyssa lui faisait si peur. Peut-être était ce due à la frayeur qu'elle lui avait faite, quelques minutes plus tôt ou juste qu'elle était... imposante. Ashley trouvait que son interlocutrice dégageait une aura terrifiante. La blonde songea que cette impression était sûrement amplifiée par la pénombre qui régnait ainsi que par sa fatigue.

— Et... sinon, je ne sais pas trop où se trouve ta salle commune...? J'en ai une vague idée mais je ne saurais pas trop m'orienter de là jusqu'à la tour de Gryffondor. Il faudrait d'abord que je revienne en territoires à peu près connus... On se met en route ?

Dans la pénombre ambiante, il était difficile de juger à quel degré les paroles d'Alyssa avaient pu toucher sa camarade. La blondinette avait gardé son sourire ayant deux visées pourtant bien contrastées : la première, faire regretter à sa camarade d'avoir osé émettre de telles insinuations ; la deuxième, essayer de ne pas trop l'effrayer non plus. Rien à voir en somme. Mais en plein milieu de la nuit, complètement déboussolée par cette situation inédite, il était difficile pour Alyssa de garder une constance dans son comportement.

Elle hocha la tête doucement à la réponse de sa cadette. Au vu de la surprise apparente de cette dernière à leur rencontre, ses paroles n'étonnaient guère Alyssa. La troisième année marqua cependant une hésitation à la question qui survint. En dépit du comportement pour le moins agité de la Gryffondor, les nuits où elle avait bravé le couvre-feu pouvaient se compter sur les doigts d'une main. Elle se souvint soudain de la veillée de Noël lors de laquelle elle avait suivi son amie Dorra à l'extérieur de la salle commune car le comportement de cette dernière l'intriguait. Y-avait-il eu une autre fois avant aujourd'hui ? Alyssa réprima un bâillement, c'était vraiment difficile de réfléchir à cette heure.

- Ca m'est arrivé, parfois, se contenta-t-elle finalement de répondre d'un ton neutre.

Dans un état moins fatigué, moins perdu, nul doute que la blondinette n'aurait pas manqué une seule occasion pour continuer de faire marcher sa camarade. Mais là, il lui tardait de retrouver un paysage plus familier afin de se sentir plus à l'aise. Lorsque Ashley lui demanda des indications quand à la localisation de la salle commune de Gryffondor, Alyssa comprit subitement que la blonde face à elle n'était autre qu'une première année. Si on se perd toutes les deux on est pas sorties du Chaudron Baveur..., songea-t-elle avant de se forcer à réfléchir.

- L'entrée est au même étage que la salle de métamorphose..., répondit la jeune fille un long instant plus tard, les sourcils froncés sous sa concentration évasive. Oui, on y va !

Et sur ces mots, elle décida finalement de s'avancer dans une direction, bien qu'elle n'avait strictement aucune idée de si c'était la bonne ou non.

Ashley regarda avec crainte le visage de sa camarada, espérant que celle-ci ne lui lance pas un sort qui lui ferait pousser des tentacules sur le dos ou un qui la transformerait en statue de pierre parce qu'elle avait osé douter de la parole de son aînée. Mais Alyssa finit par hocher la tête aux dires de la jeune aiglonne et à lui dire que ça lui était arrivé 'parfois' de sortir la nuit dans le château. Cette déclaration surprit Ashley car elle avait immédiatement pensé que son interlocutrice était plutôt une 'racaille' comme dirait ses parents. Peut-être que c'était juste un air qu'elle se donnait pour paraître forte mais qu'en réalité elle était fragile ?

Alyssa finit par lui annoncer que l'entrée de la tour de Gryffondor se trouvait au même étage que la salle de métamorphose. La jeune fille évita de dire à son aînée qu'elle ne savait pas trop où était la salle de métamorphose par rapport à ce couloir. La blonde avala sa salive de travers mais s'empêcha de tousser et regarda l'autre blonde s'éloigner le long du couloir par où elle était arrivé. Ashley se demanda si elle savait ce qu'elle faisait mais elle n'osa pas lui demander si elle était sur de la direction à prendre. La jeune aiglonne pressa le pas pour arriver à la hauteur. Sans vraiment savoir ce qu'elle faisait, elle lança à son aînée.

— Hum... c'est bien de faire le fantôme ? Je devrais essayer, ça a l'air bien.

A peine une milliseconde plus tard, Ashley prit conscience de la bêtise monumentale qu'elle venait de proférer. Alyssa allait la trucider si ce n'est la torturé. Elle prendrait certainement ça comme de l'ironie (ça l'était un peu, certes) mais la jeune aiglonne avait dit ça surtout pour lancer la conversation, pas pour s'attirer les foudres de son aînée.

— Enfin je veux dire... est-ce que tu... tu as eus des soucis récemment ? Car la nuit on peut délirer suite à un choc fort, tu vois ce que je veux dire ? elle anticipa la réaction de sa camarade. Et puis, pas besoin de me lancer un regard assassin ou que sais je, je m'informe juste, j'aurais oublié d'ici demain. Juste, parfois, ça fait du bien de se confier à des inconnus qui ne se permettront pas de juger car ils s'en foutent un peu. En sois, je m'en fous un peu de ta vie mais je suis une bonne auditrice, au besoin.

Bon, au moins, Ashley allait mourir en ayant dit ce qu'elle pensait. A Alyssa de choisir si elle allait lui parler ou juste la désintégrer sur place. La jeune aiglonne espérait intérieurement que son aînée choisirait la deuxième option mais au vue du caractère de 'cochon' si elle puis dire de la blonde, c'était râpé d'avance. Mais bon, la jeune fille n'avait pas le courage de faire des efforts pour plaire à une fille plus âgée qu'elle, ce n'était pas, mais alors vraiment pas le moment.

C'était d'un pas décidé qu'Alyssa avait choisit une direction, bien qu'elle n'avait strictement aucune idée de s'il s'agissait de la bonne ou non. Il lui était naturel de faire semblant de parfaitement gérer une situation qui en réalité lui paraissait en tout point effrayante. Personne n'avait envie de subitement ouvrir les yeux et de n'avoir alors aucune idée ni du lieu où elle se trouvait, ni du moyen pour y être arrivé. Non, vraiment personne. Et aucune explication possible, qu'elles aient été soulevées par sa jeune camarade ou par elle même, ne lui semblait logique -ou plutôt lui convenait. Ainsi, Alyssa avait presque inconsciemment choisit de prendre les devants de la route bien que c'était Ashley qui était supposée lui indiquer le chemin pour retrouver sa salle commune. Mais qu'est-ce que c'est humiliant..., ne pouvait s'empêcher de songer la blondinette à cette idée de se faire guider par une première année alors qu'elle-même foulait les sols du château pour la troisième année consécutive.

A ses oreilles parvinrent soudainement des petits pas précipités et son regard clair -à nouveau froid- pivota vers sa jeune camarade dont elle avait deviné la présence. Aux mots de cette dernière, le regard d'Alyssa se durcit immédiatement. Dans une situation moins critique pour elle-même, nul doute que la Gryffondor aurait réagit sur le ton de la rigolade avec plaisir et aurait ainsi prolongé le délire plus longtemps. Mais là, la seule idée qui lui vint en tête fut : Elle se moque de moi. Alyssa prit une imperceptible inspiration, essayant de s'insuffler un peu de calme avant de composer son meilleur sourire malicieux -et un peu effrayant- avant de dire :

- Si tu veux je peux même t'aider à en devenir un.

A voir maintenant à quel degré Ashley prendrait ces paroles. C'était qu'il y avait parfois mille manières d'interpréter de simples mots et, en cet instant présent, Alyssa n'avait que faire de ce que choisirait sa camarade. Bien sûr qu'elle n'aimait pas la méchanceté gratuite, même effrayer quelqu'un qui ne lui était pas familier ne l'intéressait pas vraiment habituellement, mais en cette nuit la sensation que la Serdaigle se jouait d'elle et de ses faiblesses la faisait voir rouge.

Lorsque Ashley reprit la parole, Alyssa tourna la tête vers elle, les sourcils froncés. Les mots "soucis" et "choc fort" furent amplement suffisant pour que toutes les défenses de la Gryffondor surgissent à nouveau de toute leur hauteur. A l'anticipation de la Serdaigle, Alyssa avait déjà chargé le dit regard assassin. Oh, dommage déjà fait, pensa-t-elle avec une certaine hargne saupoudrée d'ironie. Cependant, malgré le blocage immédiat que la blonde avait déployé, les mots d'Ashley étaient parvenus à se faufiler jusqu'à son esprit partiellement embrumé.

Alyssa stoppa net ses pas et, l'espace d'un instant, son regard se changea. Sous la clarté de la nuit l'éclat de ses yeux clairs se ternit en une certaine inquiétude. En quelques secondes, tous les évènements survenus seulement deux jours en arrière lui revinrent brusquement en tête : son accrochage avec Éli qui s'était mué en un duel sans aucun sens entouré par la majeure partie de leur promotion, sa rencontre avec Redose complètement inattendue qui l'avait laissée dans un état de terreur critique et, enfin, la venue de Narcisse qui l'avait tout simplement sauvée de ces murs étouffants du fin fond des souterrains. Si ce dernier n'était pas venu, la jeune fille n'était pas certaine qu'elle aurait pu avoir la capacité de remonter seule. L'air se chassa de ses poumons alors qu'elle essayait tant bien que mal de reprendre contenance, complètement emprisonnée dans son propre esprit.

- Je...

Une brève hésitation. C'était que... L'offre de la Serdaigle était tentante. Tout dire à une presque inconnue, à cette heure hors du temps, où ses paroles ne resteraient dans aucune mémoire dès que le Soleil se serait à nouveau levé... Cela pouvait être... Une bonne idée. Attends, quoi ? Alyssa cligna des yeux subitement, n'en revenant pas de la petite voix qui avait jailli dans son esprit. Elle ? Alyssa Wright ? Confier ses soucis à une fille plus jeune qui, par Merlin, lui était complètement inconnue ? Sûrement pas, la vraie Alyssa Wright survolait tous ses problèmes en un tour de main !

La troisième année se râcla la gorge et emplit ses poumons dans une grande inspiration. Son regard se porta à nouveau vers la Serdaigle, ses yeux retrouvant cet éclat aussi tranchant que de l'acier. Avec une bravache qui frôlait l'insolence à ce point, elle déclara :

- Nan, tout va merveilleusement bien, la routine quoi.

L'hésitation avait visiblement passé sa route, du moins pour le moment.