Sybille ne croyait pas au hasard. Elle avait observé attentivement chaque candidat depuis l'ouverture de la Grande Salle et aucun d'eux n'était parvenu à lui faire froid dans le dos. La peur était une inconnue que Sybille ne plaçait dans aucune de ses équations. Ce qui ne laissait place qu'à une seule interprétation possible au cours des évènements : personne n'était en mesure de lui faire mordre la poussière dans sa propre école comme dans les deux autres invités à participer au Tournoi. La conclusion était navrante à défaut d'être surprenante. Sybille soupira discrètement, les bras croisés sur sa poitrine.

L'épaule droite appuyée contre le battant de la porte, Sybille fit peser son regard intense, que beaucoup, même parmi les personnes les plus courageuses de Beauxbâtons, jugeaient parfois intimidant, sur toute la largeur de la Grande Salle. Elle s'arrêta ici et là, au gré des candidats restés sur place, et poursuivit un peu plus loin en quête de celles et ceux qui n'avaient pas encore osé mais qui se déclareraient peut-être... en vain. Elle remarqua bien des regards admiratifs, avides, envieux, et intolérants mais elle ne releva aucune ardeur profonde, aucun désir chez qui que ce soit qui aurait pu la mettre sur la piste d'un dernier champion potentiel. Elle en éprouva une certaine déception. Ainsi, personne ne viendrait chatouiller sa curiosité... quelle tristesse.

Lentement mais sûrement, elle se décolla de la porte et s'avança vers l'objet de toutes les attentions. La mystérieuse coupe de feu. Sur son chemin, elle n'observa plus personne quand bien même elle sentit la brûlure de quelques regards dans son dos. Elle était une Luneau. Attirer la lumière pour mieux façonner les ombres était un art qu'elle maîtrisait aussi bien que ses illustres tantes.

Arrivée au plus près de la coupe, Sybille dégagea un petit papier plié de sa manche et le lâcha au-dessus des flammes magiques. Les folles s'en nourrirent. Un léger sourire sarcastique aux lèvres, la blonde quitta les lieux. Cet acte n'étant qu'une formalité de plus dans le monde sans saveurs dans lequel elle évoluait.

Marie hésitait. Assise à l'une des tables repoussées contre le mur ouest, elle tournait consciencieusement le dos à la coupe de feu et se détournait par la même occasion des favoris venus sceller leur sort en déposant leur nom dans les flammes. Savoir qui et pourquoi ne pouvait l'aider à prendre sa décision. Son hésitation naissait d'une peur sourde et pourtant bien réelle. Celle de se tourner en ridicule. Elle avait entendu les discussions de couloirs à Beauxbâtons comme à Poudlard ce matin, et aucune ne l'avait jamais placé au-dessus de Sybille ou de Laura. Si même ses propres camarades n'étaient pas capable de lui reconnaître une telle valeur, pourquoi une coupe ensorcelée bien des siècles auparavant par des sorciers avides de pouvoir la lui accorderait ? Aucune réponse ne pouvait l'éclairer.

Marie se leva, prête à quitter l'endroit pour de bon, quand son regard accrocha le sourire de Sybille au moment où celle-ci franchissait de nouveau la limite d'âge. Marie la regarda remonter l'allée centrale en entrainant derrière elle sa suffisance. Ainsi, c'était là tout ce que Beauxbâtons avait à proposer ? L'idée la dégoûta. Marie ne voulait pas que les élèves de Poudlard se fassent à cette idée. Elle ne voulait pas qu'on associe l'école à qui elle devait les plus belles années de sa vie à tant de froideur, de désinvolture, et de vantardise. Beauxbâtons valait infiniment plus que ça.

Se saisissant de la plume d'un première année ébahit par le spectacle, elle inscrivit son nom sur le bout de parchemin vierge qu'elle sortit de sa poche.

Marie Duval, Beauxbâtons

D'un pas décidé, voir quelque peu pressé, elle se fraya un chemin jusqu'à la coupe de feu et y déposa son parchemin. Son coeur vibrait d'émotions. Si la coupe de feu était aussi perspicace qu'on le disait, elle devait les ressentir et peut-être même comprendre que Marie était une candidate étonnante. Parce qu'elle ne courrait pas après la gloire. Elle voulait seulement rendre à l'académie une partie de ce qu'elle lui avait offert depuis ses 11 ans.

Le lendemain ~


Les élèves de Poudlard, les professeurs, les invités, tous étaient réunis dans la Grande Salle pour ce moment tant attendu : la découverte des noms choisis par la Coupe de Feu. La directrice de Poudlard, enveloppée dans son grand manteau, marchait les bras croisés, d’un pas déterminé. Arrivée face à la coupe de feu, elle se retourna et fit face à l’assemblée d’yeux rivés droit sur elle. Derrière elle, les adultes du château attendaient aussi impatiemment l’annonce des noms. Un silence absolu régnait sans même que l’on ait à le demander. Le professeur Loewy, d’un geste de baguette, empêcha la lumière d’entrer par les vitraux de la Salle. La flamme de la coupe était désormais l’éclairage principal de la pièce et lui donnait une allure tout à fait mystique.

« Le moment que vous attendez tous est arrivé. La coupe de feu va nous révéler qui seront les champions pour le Tournoi des Trois Sorciers… »

Kristen se retourna et tendit le bras vers la coupe, dont la flamme surgit de plus belle dans un magnifique éclat d’un bleu virant au violet. Elle s’en approcha de quelques pas et attendit. Quelques secondes plus tard, dans un second éclat, un papier s’en échappa. Elle le saisit au vol et déclara :

« Le champion de Durmstrang est… Jonas Kirsanov. »

Le champion s’approcha d’elle et vint récupérer son papier à moitié brûlé – peut-être le garderait-il comme souvenir ? - avec un sourire plein de fierté et des yeux emplis de détermination. La coupe de feu émit ensuite une seconde secousse. Un autre papier en surgit.

« La championne de Beauxbâtons… est Marie Duval. »

Quelques chuchotements se firent entendre – la décision de la coupe semblait plutôt inattendue. La jeune fille vint elle aussi récupérer son papier, visiblement surprise, et rejoignit le champion de Durmstrang derrière. Venait maintenant le champion de Poudlard, celui que Kristen attendait tout particulièrement. La coupe, dans un ultime éclat, cracha le dernier papier :

« Et enfin… La championne de Poudlard est Elina Montmort ! »