Alice n’en revenait pas. Trouver un professeur pour l’accompagner avait été en réalité d’une facilité déconcertante. C’était acté, miss Bergstrum l’accompagnerait après-demain, à quinze heures. Il leur faudrait d’abord se retrouver ici, aux serres, avec quinze minutes d’avance. Bien. Très bien même, le retard angoissait considérablement la fillette, et même si le rendez-vous n’était qu’avec son frère.

Miss Bergstrum signa la fin de l’entrevue par un au revoir. Bien, cela n’avait pas duré trop longtemps. Dans un maigre sourire, Alice inclina un peu la tête pour saluer à son tour son professeur.

« Au revoir, miss Bergstrum. Merci encore. »

Alice quitta la pièce sans un regard supplémentaire pour les paillasses ou les plantes. Il lui fallait à présent gagner la salle commune pour se plonger dans ses devoirs et ses révisions. Vendredi et samedi, Alice savait qu’elle ne serait pas en phase avec elle même.




19 février 2045

Alice avait peu dormi, en cela rien de surprenant. En elle se mélangeait de bien nombreuses émotions, comme la peur, la curiosité et l’impatience. Plus vite Thomas aura été rencontré, plus vite Alice pourrait retourner à son quotidien tourmenté par les problèmes en sa connaissance. Le fait de ne pas savoir quelle sombre affaire était encore arrivé terrassait la fillette. Qui était mort ? Jacob ? Kenneth ? Imogen ? Père ? Grand-père ? Tante Élise ? Bien trop de monde gravitait autour de l’enfant, et cela faisait bien trop de victimes potentielles.

La boule au ventre, la gorge nouée, Alice avait traversé le château pour rejoindre les serres de miss Bergstrum, avec quinze minutes d’avance comme elle lui avait demandé. Ses longues boucles nouées en une chignon lâche, Alice arborait une mine aussi neutre que possible. Elle ne voulait plus passer pour un pauvre petit chien glapissant à la moindre difficulté. Ce n’était pas elle. Alice était forte, et elle l’avait toujours été, miss Bergstrum devait le savoir d’un seul coup d’œil.

Mais lorsque la fillette arriva aux abords des serres, elle senti la boule dans son ventre grossir, grossir et grossir jusqu’à la tétaniser. Et si Alice se remettait à pleurer à l’annonce de la nouvelle de Thomas ? Miss Bergstrum perdrait patience et cataloguerait définitivement Alice comme une faiblarde pleurnicharde. Cela ne devait surtout pas arriver, Miss Taylor devait déjà la voir ainsi, il ne fallait pas que ce soit le cas avec tous les professeurs.

Alice prit une grande inspiration, qu’elle expira presque aussitôt, toqua à la porte de la serre où elle avait eu cours il y a quelque jours, et entra.
Vivement la fin de cette maudite journée.

Le surlendemain en lisant mon agenda je me souvins de la promesse faite à une élève. C'était deux jours plus tôt, j'avais eu le malheur de me soucier de son comportement et voilà que je me retrouvais engagée comme chaperon. Mais je crois me souvenir que c'est important pour elle, elle doit voir son frère. Mon cœur se serre un peu à cette pensée, cela fait tant de temps que je n'ai pas vu les miens.

A l'époque quand nous étions petits, je ne jalousais pas la relation qu'ils avaient entre eux. Je les aimais aussi fort que cette élève aime son frère certainement. Maintenant nos relations ont été dégradés et même si nous sommes en de bon termes elles ne daignent pas redevenir comme avant. Une vieille rancœur reste en l'un d'entre eux, et l'autre même si il ne m'en veut plus ne peux pas s'opposer à son jumeau, car il l'aime plus que moi. C'est quelque chose que j'ai toujours su au fond, qu'ils s'aimaient plus qu'ils ne m'aimaient. Cela ne m'a jamais posé problème, parfois simplement je me sens un peu triste de n'avoir personne pour m'aimer autant. Il me reste mes parents mais avec eux c'est différent. Un parent c'est toujours du côté de son enfant, ça le chéri de manière inconditionnelle.

Soudain alors que je défrichais pensivement un arbuste j'entends qu'on toque. "Entrez." je réponds mollement, faisant à peine l'effort de hausser la voix. Les gens d'habitudes toquent pour entrer dans mon bureau, pas dans ma serre. Celle-ci est ouverte au public.

Alice poussa la porte de la serre lorsque la voix de miss Bergstrum lui parvint. Se souvenait-elle de ce qu’elle avait promit à Alice ? La fillette commençait à en douter.
Elle s’avança dans la serre, ses mains gantées de cuir cachées dans les poches de son manteau. Alice n’avait aucun regard pour ces plantes qu’elle affectionnait pourtant, pas même pour s’assurer de leur allure en ce jour. Elle aimait prêter main forte à son professeur, parfois, pour s’occuper des plantes des serres. Le contact des plantes, le plaisir de les voir grandir jour après jour, c’était merveilleux pour cette petite fille à la vie si tumultueuse. C’était une pause dans son quotidien, et cela même lorsqu’il fallait faire des activités éprouvantes ou se salir. Elle appréciait chaque facette de la botanique. Aujourd’hui, cependant, elle n’avait pas la tête à s’occuper des états d’âme de la menthe poivrée, des champifleurs ou des plantes à pipaillon.

« Bonjour miss Bergsturm. » lança Alice, son professeur en vue.

Elle ne dit rien de supplémentaire, attendant seulement que son professeur de botanique décide de se mettre en route. Elle n’avait pas envie de parler, pas envie de pleurer encore. Tout ce qu’elle voulait, c’était rencontrer Thomas, accueillir ses nouvelles sans larmes, et retourner dans la salle commune. C’était juste cela, rien de bien compliqué.
Ses poings serrés dans ses poches, Alice attendait seulement, la boule dans son ventre grossissant toujours un peu plus.

A mains nues je comblais un pot de terreau avant d'y déposer quelques graines. Je préparais de jeunes plans d'une espèce que je venais tout juste de recevoir mais sous forme de graines et qu'il me tardait de découvrir. Une plante espagnole utilisée dans la composition de certains feux d'artifices et autres farces et attrapes magiques. Mais je ne l'avais pas prise pour m'en servir d'ingrédient, mais surtout parce qu'elle semblait capable de générer de la chaleur autour de ses racines. Si cela était vrai j'allais pouvoir m'en servir pour mes espaces les plus tropicaux comme une manière naturelle de tenir la terre chaude, ou à minima tiède.

Soudain je fût interrompue par une élève. En la reconnaissant je réalisais immédiatement qu'il s'agissait de la petite Alice, qui m'avait demandé un service il y a peu. Embarrassée d'avoir les mains pleines de terreaux je m'essuyais sur le premier chiffon qui me vint tout en répondant : "Bonjour, j'arrive."

Je laissais finalement mes pots en plans, vérifiait simplement qu'Alli était sage et la rejoins, non sans me saisir de ma canne que j'avais posé le temps de faire mes manipulations. Je me mis en marche sans rien ajouter en voyant la mine de la gamine. Elle semblait perturbée, et je sentis que ce n'était pas le moment de lui faire la conversation.

Miss Bergstrum et Alice n’avaient pas encombré leur marche d’une discussion qui, de toutes façons, n’auraient fait que renforcer ce sentiment de gêne que la fillette ressentait déjà. Quel étrange sentiment que celui que ressentait Alice. Elle avait hâte, et peur à la fois. Hâte de pouvoir tirer un trait sur ces questionnements qui la hantaient depuis quelques temps, peur de connaître leurs réponses. Il le fallait, pourtant. C’était un mal nécessaire.

Les deux sorcières avaient rejoint les barques qui les amèneraient de l’autre côté du Lac Noir, et étaient grimpé au bord de l’une d’elle. Un jour différent de celui la, Alice se serait certainement penchée de part et d’autre de leur barque pour tenter d’apercevoir un tentacule, ou le sommet du crâne d’un de ces si aimés merrows. Mais voilà, aujourd’hui Alice n’avait que faire des habitants du Lac. Elle regardait tantôt loin, tantôt ses mains agitées. Elle inspirait profondément, ne voulait pas paraître faible devant miss Bergstrum. Alice affronterait les vérités de son frère avec force, il n’était pas question de s’effondrer.

La barque atteignit la berge, miss Bergstrum et Alice en descendirent pour poursuivre leur route.
Bientôt, au loin, le grand portail de fer forgé apparu aux yeux d’Alice. Et de l’autre côté se tenait un homme que la fillette devinait être son frère. Droit, les mains dans les poches de ce grand manteau noir qui témoignait de son métier, un chapeau trilby déposé sur ses boucles blanches. Son regard d’argent était pointé vers le rien, ses lèvres étaient basses, dépouillée de ce sourire qu’Alice lui connaissait.

« C’est lui » dit-elle a l’attention de miss Bergstrum. « C’est Thomas, mon grand frère. »

Je menais l'élève en silence. Nous dûmes prendre une barque afin de traverser la partie du lac qui nous séparait des bords du domaine. Ces douves gigantesques donnaient l'impression que le château était inatteignable et que nous n'avions rien à craindre d'une potentielle attaque.

Je fixais l'eau sombre, pensive, veillant à garder notre trajectoire droite dans un même temps. Je n'aimais pas particulièrement les balades en bateau, même si elles avaient l'avantage d'être reposantes pour ma barque. Lorsque je sentis que nous cognions le sable de l'autre rive je mis fin à l'impulsion magique avec laquelle j'avais forcé les rames à se mettre en mouvement. Je grimpais sur le vieux ponton, si occupée à ne pas tomber que j'en oubliais d'aider l'élève. Mais elle ne dut pas en avoir besoin puisque quand je me redressais elle était à mes côtés.

Nous marchâmes encore un peu pour atteindre le portail. Derrière les grilles se tenait un homme. Je pensais au début qu'il portait simplement un habit un peu sombre, mais je me figeais en réalisant ce qu'il en était. Un manteau noir. La fillette m'avait menée à l'un des partisans de l'autre bonne femme tyrannique. Aussitôt je l'arrêtais d'une main sur l'épaule ; "Alice, c'est un manteau noir." mon ton était sévère, mes sourcils froncés.

Devais-je la laisser rejoindre l'ennemi ou l'en empêcher ? A ce stade je pouvais encore renoncer. Mais pourquoi ne m'avait-elle pas prévenu ? Quoi qu'il en soit ils n'auraient pas d'intimité. Je comptais bien écouter ce qu'ils avaient à se dire. "Tu ne t’approches pas à moins de cinq mètres. Et j'écouterais ce que vous avez à vous dire."

Leur de vérité approchait, ce n’était plus qu’une question de seconde avant qu’Alice n’apprenne enfin la terrible vérité qu’elle imaginait depuis quelques lunes déjà.
Mais la marche d’Alice fut arrêtée net par la main de miss Bergsturm sur son épaule. Peut-être aurait-elle dû lui dire que Thomas était un Manteau Noir. Involontairement, Alice s’était bien gardé de lui apprendre, peut-être pour que miss Bergstrum accepte de l’amener à son frère.
Voilà qu’il ne fallait pas approcher Thomas. Cinq mètres ? C’était beaucoup, cinq mètres. Alice n’avait bien sûr aucune envie d’être inutilement aux côtés de son frère, mais tout de même… cela faisait beaucoup.

« Oui, madame. »

Enfin, le regard de Thomas se releva sur les deux sorcières, et aussitôt adopta t-il une posture moins nonchalantes, sortant ses mains de ses poches. Alice s’avança un peu, jusqu’à s’arrêter à ce qu’elle considéra comme être cinq mètres.
Thomas sembla comprendre pourquoi sa petite soeur n’avançait pas plus, et releva ses yeux d’argent sur miss Bergstrum;

« - Je savais que miss Loewy n’était pas dés plus ravie que je me présente aussi près de Poudlard, mais j’ignorais en revanche qu’on me tiendrait aussi éloigné de ma sœur.
- Miss Bergstrum doit rester avec nous tout au long de l’entretien. »

Le Manteau Noir ne se cacha pas pour exposer son avis à ce sujet et soupira lourdement, levant les yeux au ciel. « Allons bon » grinça t-il.

« C’est ma petite soeur. A quoi vous attendez-vous ? A ce que je force les portes pour l’enlever et vous avec, pour ensuite demander une rançon à votre patronne ? »

De l’agressivité, alors qu’ils n’étaient pas là depuis bien longtemps. Que se passait-il ? Alice jeta un regard à miss Bergstrum, l’implorant silencieusement de ne pas faire demi-tour. Elle connaissait le tempérament de son professeur, ou du moins pensait le connaître. Alice n'était pas à l'abri d'un revirement de situation.

L'homme ne se contente pas de ce que je lui accorde. Et j'en suis bien étonnée, je les trouve déjà privilégiés de pouvoir se voir et se parler. Pour Loewy et bien... Elle peut bien ne pas être ravie, je garde la situation sous contrôle et aucun mal ne sera fait. L'homme semble me voir comme une geôlière, sans comprendre le service que je lui rends. Je lui réponds : "Votre sœur m'a demandé à pouvoir vous parler, vous pouvez très bien le faire de cette manière."

L'autre avantage d'une distanciation physique était qu'ils allaient être obligés de parler fort, et rien ne me serait caché de l'entretien. À moins qu'il ne pratique la légilimancie...

Seulement cette première critique ne lui suffit pas, et il faut qu'il en rajoute. Il commence à m'agacer celui-là, d'autant que je ne porte pas les manteaux noirs dans mon cœur. " Demander une rançon à ma patronne, quelle délicieuse idée... Vous avez donc bien réfléchi à la question. " je soupirais.

J'avoue ne pas être rassurée à l'idée qu'il puisse se servir de la petite comme espionne. Notre priorité à Poudlard est de protéger nos élèves, peu importe qu'ils soient d'un camp ou de l'autre. Je sais qu'il ne l’enlèvera pas, il ne sera pas assez puissant pour outrepasser les protections magiques.

Agacée par l'individu je rajoute dans l'espoir de le calmer : " Ce que vous ne réalisez pas c'est que je vous fais une faveur. Et je peux très bien vous l'enlever. Alors je vous prie de baisser d'un ton à moins que vous ne vouliez voir cet entretien écourté."

Alice sentait la boule au fond de son ventre grossir un peu plus lorsque son frère et son professeur échangeaient sans politesse. Thomas était visiblement en colère, vexé, et miss Bergstrum sur la défensive. Cela ne mènerait à rien, sinon repousser l’échéance.
Thomas inspira brutalement à la dernière intervention de miss Bergstrum. Il se comportait vraiment comme un sale gamin.
« Très bien » lâcha t-il en posant ses yeux sur sa sœur qui le regardait avec impatience.

« Kenneth est pourchassé par tous les Moldus du pays pour avoir enlevé un Moldu devant le ministère de La Défense » lâcha t-il. « Lui et sa moldue de femme ont disparus, leur maison n’a pas été ravagée donc j’en conclus qu’ils se. cachent quelque part. Tu n’as donc plus de foyer. J’ai récupéré tes affaires, cependant. Robes, chaussures, livres...J’ai tout.»

Les yeux d’Alice papillonnèrent longuement après les mots cruels de Thomas. Il avait lâché un regard réprobateur à miss Bergstrum avant de les reposer sur sa sœur. L’expression de son visage était rude.
Les mots manquaient à Alice qui ne parvenait pas à assimilé ce qui venait de lui être craché. Oncle Kenneth, serait le sorcier qui a été vu en train de kidnapper un Moldu ? C’était impossible ! Pourquoi aurait-il fait une chose pareille ? Dans quel but ? Alice passait et repassait ses mains sur son visage, ramenant ses cheveux en arrière.

« - Non, dit-elle seulement.
- Oh, et j’ai retrouvé Jacob. La Résistance a fait de lui un abruti inconscient, mais il va bien. Enfin, jusqu’à la prochaine idiotie. »

Comment pouvait-il lâché cela, comme ça ? Alice était abasourdie, elle ne savait pas si il disait tout cela pour ... il n’y avait aucune raison pour expliquer ce qu’il faisait.
Les yeux de son frère se relevèrent sur miss Bergstrum.

« J’aurais aimé lui annoncer tout cela sans avoir à le partager avec quelqu’un d’extérieur à notre famille. »

Alice restait muette, refusant ce qu’elle avait entendu, tant sur Kenneth et Imogen que sur Jacob.
Mais ce qui concernait Jacob... cela lui ressemblait bien.

Le gamin finit par accepter de changer de sujet pour dire à sa petite sœur ce qu'elle devait entendre. Mes poings se serrent devant le ton qu'il prend. "sa moldue de femme". On dirait qu'il parle d'un individu d'une autre espèce. Cet énergumène doit être persuadé qu'il est supérieur à tout ce qui lui est différent. Pour ça les Hommes ne cesseront jamais de me désespérer. Ils ne veulent jamais prendre conscience de leur vulnérabilité, ni du fait qu'ils ne sont rien. Un jour ce gars-là ne sera que du néant, personne ne se souviendra plus de lui. Et pourtant dans ses habits noirs il reste convaincu de mériter plus de respect que quiconque. Il ne réalisera qu'il est un être de merde et de sang que le jour où les vers reprendront leurs droits sur lui.

Je respire profondément. Mon souffle tremble. J'ai tendance à m'énerver vite lorsque je suis face à des...imbéciles. Et la petite qui se retrouve sans foyer. Je la plains. C'est terrible de se dire qu'on a nulle part où l'on est sûr d'être chez soi. Mais elle a toujours Poudlard...

À la remarque du bonhomme je répondis sèchement ; "Oh vous taisez-vous."

Je l'ignorais ensuite pour m’approcher doucement de la petite. J'hésitais à m'accroupir pour me mettre à sa hauteur mais ma jambe ne l'aurait pas voulu. Je me contentais d'essayer de la réconforter doucement ; "Alice je suis désolée. Nous sommes là, nous allons t'aider. Ici tu auras toujours un foyer..."

Moi et le réconfort, pas une grande histoire de compatibilité. Je fais ce que je peux.




désolée pour le retard