AVERTISSEMENT
Harriet est atteinte de DÉPRESSION et d'un TROUBLE ANXIEUX. Comme elle écrit dans son journal ses pensées, ressentis, sentiments etc, je fais référence dans cet Écrit à CERTAINES PENSÉES "DÉPRESSIVES" ET IDÉES SUICIDAIRES mais aussi à des CRISES D'ANGOISSE et à l'ANXIÉTÉ en général. Je ne suis pas certaine que mes Mots soient très durs ni troublants, cependant je préfère mettre un avertissement afin que la sensibilité de ceux qui ne sont pas à l'aise avec ces sujets ne soit pas touchée. Après, libre à vous de lire cet Écrit ou non, dans tous les cas vous êtes averti.

[Solo]

Répétition (Deuxième année)

Le vent faisait trembler les feuilles des arbres et le soleil commençait son ascension dans le ciel. Comme d'habitude, tu t'étais levée plus tôt que le reste de l'école, étais passée dans la Grande Salle pour y manger une tartine de marmelade et étais sortie prendre l'air, tandis que le château entier gardait les yeux fermés. Dans quelques minutes, le Monde se réveillerait et par la même occasion chasserait le silence, la plupart des adolescents grogneraient en sortant du lit alors que d'autres seraient tout excités de commencer leur première journée de cours. La machine se mettrait en route, comme elle le faisait tous les matins, et la beauté de la nuit s'en irait pour revenir quelques heures plus tard. Dans sa course, Galarneau obligeait les étoiles à battre en retraite et transformait doucement le ciel en une peinture de Claude Monet, celle intitulée Soleil levant. Si vous n'avez pas compris ce que je voulais dire, je décrivais simplement une douce matinée du mois de septembre.

Seule, assise au pied d'un grand arbre dans le parc de Poudlard, tu mis tes écouteurs dans tes oreilles et lanças ta musique, ne sachant toujours pas si cela était autorisé. *Après la nuit, avant le jour, et à travers les roselières.* Tu aimais la musique, mais surtout tu aimais Fauve. Tu aimais Fauve parce que la partie instrumentale était si douce et les paroles si dures et pourtant vraies. Les Mots de Fauve étaient souffrance mais aussi soulagement, et plus précisément réalité. Ils résonnaient en toi sans que tu ne les comprennes tous. Les musiques de ton groupe favoris étaient douloureusement belles, ce qui expliquait que tu écoutais Fauve en permanence, que tu pensais Fauve, que tu dansais Fauve, que tu souffrais Fauve, que tu criais Fauve, que tu respirais Fauve, et tout simplement que tu vivais Fauve. Mais revenons à l'instant présent, à la douce matinée de septembre que je décrivais plus haut.

Tu retiras ta cravate et te débarrassas de la lourde cape que tu plias en guise coussin pour pouvoir poser tes fesses bien tranquillement sans qu'elles soient couvertes de terre (bien que finalement, c'était ton uniforme qui allait être repeint en marron). Une fois que tu t'étais parfaitement installée, le dos bien calé contre l'écorce épaisse de l'arbre et tes converses plantées sur le sol de manière à ce que tes genoux soient repliés devant ta poitrine mais restant à une certaine distance de ton corps, tu commenças à fouiller ton sac en tissu avec des lanières en cuir. *P'tain mais il est où ?* Tu avais encore perdu ce fichu truc. Après cinq minutes d'injures de tous genres et une fois avoir lancé un peu partout livres, parchemins, partitions et toutes autres choses que tu emportais habituellement avec toi, tu lâchas un soupir de soulagement et sortis enfin un carnet de cette caverne d'Ali-Baba.

Il était plutôt petit, avec une couverture en cuir brun. Tu le caressas avec soin et le retournas entre tes doigts. Il était beau, ce carnet. Il sentait le papier neuf et était encore en parfait état. Ton dernier journal s'appelait Do bémol, mais comment allais-tu appeler ce petit nouveau ? Ton regard se balada autour de toi. Dans l'herbe encore mouillée par la rosée se trouvaient par-ci par-là des petites fleurs de couleur. *Chrysanthème* Ni une, ni deux, tu ouvris le carnet - boîte à pensées -, pris ta plume noire et blanche - instrument du coeur -, la trempas dans l'encre noire - liquide de sentiments - et inscrivis sur la première page "Chrysanthème" puis "carnet numéro 7". C'était le septième carnet, tu en avais fait un par an depuis que tu savais écrire et ils étaient tous rangés dans ta malle, dans le dortoir. Ils renfermaient tes pensées, tes sentiments, tes humeurs... ton Monde.

Ton regard se porta à nouveau sur les petits chrysanthèmes et ta plume se mit à danser au rythme de la musique. Quelques minutes plus tard, un joli bouquet de fleurs avait germé pour accompagner ton titre. Le sourire qui se dessina sur ton visage dévoila ta fierté. Tu n'étais pas une artiste et dessinais beaucoup moins bien qu'Alienor et la belle inconnue, mais il faut avouer que cette illustration était réussie. Enfin, tu n'oublias pas d'indiquer que ce carnet t'appartenait, au cas où tu l'égarerais, même si cela était quasiment impossible car tu le gardais en permanence avec toi et y faisais très attention. Cependant, tous tes carnets depuis le premier contenaient cette phrase, c'était comme une sorte de tradition, et tu aimais les traditions comme celle-ci. Satisfaite, tu tournas la page, pris une grande inspiration, trempas ta plume dans l'encre pour ensuite la déposer délicatement sur le papier.

Nouvelle année scolaire veut dire nouveau carnet, alors salut. J'aime pas faire les présentations, mais je m'appelle Harriet Greenwood, j'ai 12 ans et, pour mon plus grand désespoir, je suis de retour à Poudlard. Poudlard, ma foutue école de magie. Je te préviens, ici, les gens sont tous des nazes. Mais comme tu peux pas voir, je te raconterai. Enfin bon, le parc c'est un des seuls endroits que j'aime, parce qu'il y a forcément un coin où je peux être tranquille. Hier, il y a eu la cérémonie de répartition, je t'assure que la Grande Salle bondée de monde ne m'avait pas manquée. Je pourrai rien te dire des têtes des nouveaux arrivants, tu t'imagines bien que je n'ai pas fait attention aux évènements. Pour ce qui est du dortoir, je n'ai pas pris la peine d'observer les autres filles, ce que je peux te dire c'est qu'il y en a une qui ronfle tellement fort que j'ai été obligée d'aller la secouer pour qu'elle arrête. Mais, même après ça, je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit. Je n'arrive pas à croire que deux mois se sont écoulés depuis que j'ai quitté le château... les vacances sont passées tellement vite ! Je donnerais tout ce que j'ai pour pouvoir rester à York avec Maman et Will. Enfin, tout ce que j'ai... sauf mes carnets, ma plume, mes partitions et les trésors d'Alienor, bien évidemment. Tiens, puisque je te parle d'Alienor, je ne l'ai pas encore croisée mais de toute façon je n'oserai pas aller lui parler. À tous les coups, elle ne se souvient même pas de moi... Sérieux, pourquoi elle se souviendrait d'une gamine insupportable comme moi ? Quoique... le match de quidditch... non, si ça se trouve elle ne m'a même pas vue. D'ailleurs, les matchs de quidditch, je n'y assisterai plus cette année, la bagarre avec le mouton frisé m'a bien suffi.

Ma première année a été horrible, j'ai traîné seule toute l'année, dormis pendant les cours, exploré le château la nuit, gueulé sur un tas d'élèves, trainé une fille par terre, enfreins le règlement un bon nombre de fois (mais après tout, qui lit vraiment le règlement ?) et j'en passe. Enfin, bon je n'ai pas sociabilisé avec beaucoup de monde mis à part Alienor et je ne compte pas sociabiliser cette année non plus. Tu sais, la réputation de la fille un peu bizarre qui est toujours toute seule et ne parle jamais sans cracher sur tout le monde me va parfaitement, après tout ça a toujours été ça alors pourquoi changer ?

C'est beau la nature le matin. Tu devrais voir le soleil qui se lève et les arbres qui se réveillent, les perles de rosée sur les fleurs, l'étendue d'herbe fraiche qui n'a pas encore été piétinée, le brouillard qui s'en va pour laisser place à la clarté du jour... C'est beau. Le parc, j'aime bien cet endroit, surtout le matin tôt comme là. Je ne vais pas dire que je m'y sens bien car ce serait faux mais je m'y sens moins mal... moins mal, c'est exactement ça. En y réfléchissant, même à York je ne me sens jamais totalement bien, jamais totalement moi... mais je m'y sens moins mal, c'est sûr. Tu crois que c'est normal, de se sentir au mieux moins mal, et au pire horriblement mal ? Tu crois qu'il y a des gens qui se sentent bien, de temps en temps ? Qui sont ces gens, des extraterrestres ou bien seulement des enfants qui ont encore un père et une mère ? Mais qu'est-ce que ça fait de se sentir bien, au juste, est ce que ça change vraiment quelque chose ? De toute façon, la vie c'est de la merde, non ? Une géante prison où nous sommes tous inutiles et fades ?

Enfin bon, merde, je vais devoir te laisser, j'ai cours d'histoire de la magie dans quelques minutes. À l'autre bout du château, évidemment je vais forcément arriver en retard. Mon premier cours, arg, on commence bien l'année, pas vrai ? Bref tchao,

J'espère que mon sac n'est pas trop désagréable, et que tu n'es pas étouffé par les vieux bouquins de cours ou mon appareil photo. Enfin bon, au pire, tu t'y habitueras vite, et puis estime-toi déjà heureux que je te transporte avec moi, tu pourrais rester au fond de ma malle... enfin non, je tiens trop à toi pour ça. Tiens en parlant de malle, en deux jours j'ai eu le temps de découvrir les autres filles de mon dortoir. Elles m'ont l'air pour la plupart assez insupportables, tu vois le genre de gamine qui voit la vie en rose, chante à tue-tête toute la journée et raconte sa vie avec enthousiasme à toute l'école ? Et bah voilà, c'est exactement ça. Heureusement que j'ai pris le lit du fond, j'y suis un peu plus tranquille... J'ai rangé un peu mes affaires, enfin je me suis surtout assurée que mes photos et ma collection de dessins étaient bien cachés au fond de ma malle.

Hier j'ai croisé Thalia, la gamine aux paroles étranges, et une autre fille un peu bizarre, je crois qu'elle s'appelle Aelle. Elles étaient en train de s'engueuler dans la salle de bain, comme quoi même tôt le matin on ne peut pas être tranquille à Poudlard... Je n'ai pas très bien compris ce qu'il se passait d'ailleurs. Ce dont je suis sure c'est que Thalia n'avait pas l'air ravie de me voir, et que l'autre ne m'a pas adressé la parole. Au début j'ai cru assister à une dispute ridicule entre copines comme on a l'habitude d'en voir à l'école, mais après c'est plus parti en comédie romantique Hollywoodienne. Je ne sais pas trop si elles sont ennemies, amies, ou même plus mais leur relation avait l'air un peu chaotique. C'était pathétique à voir et ça m'a mise de mauvaise humeur dès le matin alors que j'avais une journée de cours qui m'attendait, mais en y réfléchissant c'était assez drôle, ridicule mais drôle. Enfin bon, je suis pas rédactrice ni lectrice aguerrie d'un magazine people qui raconte du baratin sur les gens donc je me permets de m'arrêter là. Et puis c'était vraiment pas intéressant.

Sinon, les cours ont repris et figure-toi qu'ils ont l'air encore plus ennuyants que ceux de l'année dernière... pourtant ce sont les mêmes matières et les mêmes professeurs. Ils ont tous commencé par nous dire que cette année était particulièrement importante parce qu'elle nous permettrait de choisir notre filière pour l'année prochaine et blablabla... Enfin bon de toute façon je sais déjà que je prendrai la filière générale parce que je ne sais pas quoi faire de ma vie plus tard. En plus on a déjà des devoirs plus chiants à faire les uns que les autres, si tu savais comme j'avais la flemme. De toute façon ça ne sert à rien alors je les bâclerai et j'aurai des notes potables, comme je l'ai toujours fait. Mais tu sais, c'est pas la peine de m'engueuler hein. J'essaie, j'essaie vraiment mais tu sais c'est tellement dur... C'est cette géante chose invisible qui me retient et m'empêche de faire les choses, me supprime toute envie et toute force pour quoi-que ce soit. Tu sais ce que c'est cette chose ou comment on la tue, toi ? Moi non, et je pense qu'une fois qu'elle est arrivée elle reste pour toujours. Donc je n'ai pas le choix, ma vie et foutue alors je n'ai plus qu'à attendre que le temps passe point final.

Ah, aussi, je ne t'avais pas raconté mais j'ai eu la merveilleuse idée de m'inscrire sur la liste des grandes soeurs. Tu sais, le genre de truc où il faut épauler une première année et l'aider à s'intégrer à Poudlard ? Ne me demande pas ce qui m'est passé par la tête en faisant ça, mais n'empêche que maintenant je me retrouve à devoir m'occuper un asticot peureux. Bien sûr, j'avais raté la réunion donc je lui ai dit de me rejoindre dans un couloir à l'heure du déjeuner aujourd'hui. Elle n'a pas l'air bien méchante, elle s'appelle Margaret. Par contre je me demande comment ça se fait qu'elle ne soit pas encore morte de timidité. Je ne m'inquiète pas pour elle mais bon, elle m'a demandé comment on se faisait des amis parce qu'elle n'y arrive pas et autant te dire que ce n'est pas moi qui vais l'aider à ce niveau-là. Enfin bon, Margaret n'avait pas l'air très à l'aise en ma compagnie, et encore moins dans une salle de classe à l'heure du déjeuner mais il faudra bien qu'elle s'habitue. Elle m'a aussi posé tout un tas de questions plus débiles les unes que les autres mais que veux-tu, ce n'est qu'une première année. En revanche, je me suis félicitée de ne pas avoir été aussi chiante avec une élève d'une classe supérieure à mon arrivée au château...

Bon, il commence à faire nuit et il va falloir que j'aille manger un bout, puis que je fasse mes devoirs évidemment. Dommage, je n'aurai pas le temps de traîner dans les couloirs cette nuit, ce sera pour une autre fois. À plus dans le magicobus,

Il ne se passe pas grand-chose à Poudlard, ces temps-ci. Les cours sont toujours des plus ennuyants et les devoirs tombent en masse, mais à part ça tout est comme l'année dernière, enfin à peu près. Si tu veux savoir, je passe le plus clair de mon temps toute seule, parfois dans le parc, parfois dans les couloirs peu fréquentés, et je n'ai adressé la parole qu'à un nombre limité de personnes, et seulement en cas de nécessité. Je ne déjeune plus que très rarement dans la Grande Salle, j'y passe en un éclair juste pour prendre un sandwich et pouvoir aller le manger dans mon coin bien tranquille. Le soir, je vais me coucher le plus tard possible pour ne pas devoir discuter avec les filles du dortoir et m'enferme dans mon lit avant de parfois ressortir la nuit puis de me lever le plus tôt possible pour aller petit-déjeuner ici avant les cours. Je crois que je n'ai pas passé une seule seconde dans la salle commune à faire autre-chose que traverser la pièce, peut-être même que les poufsouffles ont oublié mon existence ? Franchement, ce serait tant mieux.

D'ailleurs, tu sais, je suis de plus en plus mal à l'aise quand il y a du monde ou du bruit. Avant-hier, il y a eu plein de boucan d'un coup dans un couloir et j'ai eu soudain la tête qui tournait, le regard qui devenait flou, les mains et les jambes qui se mettaient à trembler énormément et comme l'impression que j'allais tomber. Heureusement, j'ai pu me réfugier dans une salle de classe vide et m'assoir par terre adossée contre le mur. C'était vraiment bizarre et affreux cette sensation, comme si je n'étais plus vraiment vivante, que le monde disparaissait autour de moi. Je n'arrivais plus à respirer ni à parler, et ne pouvais plus bouger. Alors j'ai serré les poings de toutes mes forces (j'ai encore la marque de mes ongles sur mes paumes mais ça fait pas trop mal), j'ai recroquevillé mon corps tout tremblant sur moi-même et j'ai attendu que ça passe. Quand mes membres ont cessé de trembler et ma tête de tourner, j'ai rouvert les yeux et j'avais presque oublié où j'étais. Je ne savais pas combien de temps s'était écoulé : des minutes, des heures ? J'ai mis quelques minutes à vraiment me calmer avant de pouvoir me lever et ressortir de la salle. Il n'y avait presque plus personne dans les couloirs, je pense que c'était presque l'heure du dîner, mais je n'en suis pas sûre parce que je ne suis pas passée par la Grande Salle, de toute façon je n'avais pas faim. Je suis juste allée me réfugier sous ma couette pour regarder les dessins et les photos que je garde.

Ça m'a fait peur, tu sais. Ça ne m'était jamais arrivé. C'est juste arrivé comme ça d'un coup, et j'ai peur que ça m'arrive encore une fois, sans prévenir. C'est tellement horrible ! Cette sensation, c'était très différent de la géante chose qui me rend vide depuis que je suis petite, tu sais je t'en ai déjà parlé, c'est la chose qui me poursuit tout le temps et qui aspire tous mes plaisirs. Là c'était aussi une chose invisible mais beaucoup plus petite, qui m'empêchait de respirer et de bouger. Un peu comme si elle voulait me tuer, ou alors non, juste me faire beaucoup de mal sur une petite durée... Enfin, je sais pas vraiment en fait... Je n'arrive pas à comprendre ces choses. Est-ce que tu penses qu'elles font pareil à tout le monde ? Ou alors seulement à moi, mais alors pourquoi moi ? Est-ce que tu penses que ce que je ressens c'est normal ? Est-ce que tu penses que le géant monstre partira un jour ? Et que le petit monstre reviendra ?

J'y comprends rien et j'en ai marre... J'aimerais tellement pouvoir en parler à quelqu'un... Mais je connais personne, dans cette foutue école ! C'est pour ça que je voulais t'écrire à toi, pour te raconter. Mais je suis si stupide putain ! Je suis stupide parce que t'es qu'un foutu carnet. Bien sur que toi tu n'es pas attaqué par ces monstres, parce que tu ne ressens rien, toi. T'es même pas vivant, T'ES QU'UN FOUTU CARNET ! Je suis débile de t'écrire, parce que ça ne rime à rien. POURQUOI JE SUIS AUSSI DÉBILE ? Parce que je suis moi, peut-être. En tout cas, ça ne sert à rien de te dire tout ça. Non mais sérieux, comme si tu allais me répondre. TU SERS À RIEN, ET MOI NON PLUS. Alors adieu foutu carnet.

Je suis désolée pour la dernière fois. J'étais énervée contre moi-même et contre ces monstres invisibles alors je t'ai traité de foutu carnet inutile et je t'ai refermé violemment avant de te fourrer dans mon sac. Après ça, j'ai pleuré. J'ai pleuré parce que je n'en peux plus d'être moi, parce que je n'en peux plus de cette école merdique et surtout parce que je n'en peux plus de vivre. Tu sais, toi tu n'es qu'un carnet qui se laisse trimbaler partout par une gamine inutile alors tout est simple, mais elle la vie n'est pas aussi facile pour cette gamine qui t'écrit. La vie ça brûle, ça brûle et ça fait drôlement mal, tu sais. Moi, je vois les jours défiler sans avoir envie de rien. Je ne sais pas ce que j'aime, je ne sais pas qui je veux voir, je ne sais pas ce qui m'intéresse, je ne sais pas ce que je veux faire plus tard... En fait je ne sais pas qui je suis. Ok, je m'appelle Harriet Greenwood, mais après ? J'ai des cheveux roux, des yeux bleus, des taches de rousseur et une peau très pâle, mais en quoi ça m'aide à savoir qui je suis ? En quoi ça m'aide, tout ça ? Je suis la fille de Rhys et Emily Greenwood et la petite soeur de William Greenwood mais je suis qui par rapport à moi ?

La vie, c'est dur à comprendre. J'essaie, je te jure que j'essaie, mais je sais pas. Je dois avoir un cerveau trop ramollo pour comprendre, parce que j'arrive pas à savoir à quoi ça sert, de vivre. Alors je regarde les jours passer, enfermée dans mon coin. Les autres élèves, eux, ils sourient. Ils parlent, ils s'amusent, ils s'intéressent aux cours... ils sont heureux de vivre. Alors pourquoi moi non ? Est-ce que c'est parce que je suis différente ? Mais pourtant tout le monde est différent, non ? C'est M.Gérald qui disait que tout le monde est différent. Mais peut-être que je suis plus différente. Tu sais, il y a des gens plus grands ou plus petits, plus maigres ou plus gros que la moyenne. Alors peut-être que je suis simplement plus différente que la moyenne. J'arrive pas à me dire que tout est coloré, je vois le monde en nuances de gris. Et ces nuances de gris je les trouve belles, mais pourtant j'ai l'impression que tout ça est inutile. Je suis constamment rongée par ce géant monstre invisible qui me rend de plus en plus vide. Je suis comme un coquillage qui a perdu ce qu'il cachait. Vide, oui c'est ça.

Est-ce que tu crois que les Autres aussi sont vides et qu'ils font juste semblant ? Ça se pourrait, mais en même temps c'est si dur de faire semblant. C'est tellement dur de rire alors qu'on a juste envie de s'enfuir en courant, de s'intéresser à quelque chose alors qu'on a seulement la force de s'allonger à rien faire, de parler gentiment alors qu'on a envie de foutre une baffe au premier venu. J'ai l'impression que personne ne me comprend, mais en même temps je ne parle à personne. Et si je ne parle à personne, c'est que les gens sont bizarres. Ils me font peur. Ils sont tous là, incompréhensibles pantins de la Vie. Ils avancent en étant sûr d'eux, certains trébuchent mais se relèvent. Moi, je n'arrive plus à faire un pas. Je n'arrête pas de trébucher sans parvenir à me relever. Je n'arrive à rien et je n'ai envie de rien. Je suis nulle. Fade. Inutile.

Avant, à York, le monde était déjà peu coloré, mais j'arrivais à voir parfois un peu de rouge, de bleu ou de jaune par-ci par-là. Depuis que je suis à Poudlard c'est impossible. J'ai juste envie de passer mes journées ici à écouter de la musique ou alors dans la Salle de Répartition à jouer du piano. D'ailleurs, tu crois que Papa aussi est comme moi ? Maman dit que je lui ressemble alors peut-être que lui aussi il est trop différent ? Peut-être que lui aussi se sent fade, vide, incompris, impuissant, fatigué de vivre. J'aimerais tellement pouvoir lui parler, le voir pour lui foutre une énorme tarte avant de le serrer dans mes bras. C'est bizarre parce que je le hais tellement et en même temps c'est la seule personne à qui j'aurais envie de parler en ce moment. Mais il est loin, je ne sais même pas où il est. En plus, je ne peux plus supporter le monde ou le bruit sans trembler, avoir un tourbillon de pensées dans ma tête, l'impression que le monde s'efface et devoir me recroqueviller en attendant que ça passe. Moi qui aimais tant crier avant, je ne comprends pas ce qu'il m'arrive.

Voilà, c'est pour te dire tout ça que je voulais t'écrire. Ça fait tellement longtemps que je ne t'ai pas ouvert mais je te gardais toujours dans mon sac. J'ai essayé de tenir, de continuer à te bouder encore mais c'était trop dur. J'avais besoin que ça sorte, j'avais besoin d'expliquer tout ça même si en ce moment j'ai bien du mal à mettre mes idées au clair quand même. J'ai bien du mal à trouver mes mots. (T'as intérêt à avoir reconnu Fauve !) Je voulais te partager ce que je ressentais, te dire que la vie c'est tellement dur, bien que tu ne puisses pas comprendre. Mais bon il est temps que j'essuie mes larmes et que je te laisse. Je dois remettre le masque de la fille qui ne ressent rien et s'en fout de tout pour retourner affronter l'enfer qu'est le château. Encore désolé,

Ça fait quelques jours que je ne t'ai pas écrit, mais ce n'est pas parce que je t'aime pas hein, c'est juste que... je sais pas quoi te raconter. Plus j'avance et moins je sais où je vais. Ma vie devient de plus en plus un enfer, et Poudlard un vrai calvaire. Franchement, moi aussi j'aimerais bien être un carnet plutôt qu'être enfermée ici. C'est toujours bruyant, il y a des gens partout, enfin bon je suis obligée de venir me réfugier au fond du Parc pour avoir un peu de calme. Le Monde me fait de plus en plus peur. J'ai refait plusieurs fois des épisodes bizarres comme je t'avais raconté - attends, je regarde - le 13 septembre. À chaque fois c'est la même chose : tous les membres de mon corps se mettent à trembler, un sifflement hurle dans mes oreilles et me fait mal à la tête, mes idées se tordent dans mon cerveau, mon regard se brouille et j'ai du mal à respirer. C'est comme si j'allais mourir, que quelque chose me serrait la gorge. Je ne sais plus où je suis, à quoi je pense ni ce que je dis et fais alors je suis obligée de courir pour pouvoir m'assoir dans un endroit un peu plus calme en me recroquevillant, les mains sur les oreilles, et alors le Monde s'efface autour de moi pendant que j'attends que ça passe. Je ne sais pas vraiment combien de temps ça dure. Sur le moment ça me semble une éternité mais je crois qu'il s'écoule quelques minutes, de longues minutes. Une fois que je peux me lever, je vais me promener ici pour reprendre un peu mon calme mais c'est difficile, et souvent je suis épuisée comme si je venais de jouer un match de quidditch.

J'ai remarqué que ce petit monstre invisible venait m'attaquer aux moments où il y a trop de bruit ou de monde. Par exemple, ça m'est déjà arrivé dans les coins fréquentés du château comme la Grande Salle, la Salle Commune et certains couloirs. Heureusement, le monstre ne vient pas me chercher pendant les cours, sinon ce serait horrible de devoir essayer de contrôler ça devant tous les Autres. D'ailleurs, personne ne m'a jamais vu dans cet état, enfin je crois. Souvent j'arrive à m'enfuir avant que ça prenne de trop grandes proportions et à m'enfermer dans une salle vide, alors personne ne remarque jamais rien. Et de toute façon je suis toujours toute seule. Mais je ne sais pas ce que c'est et ça me fait un peu peur. J'aimerais pouvoir poser un mot sur cette sensation mais j'y arrive pas. C'est apparu tout d'un coup, comme ça sans prévenir, il y a un peu plus d'un mois et maintenant ça m'arrive souvent et je sais pas quoi faire. Et je n'ose pas demander, enfin je ne sais pas à qui en parler. Peut-être que je devrais en parler à Alienor, après tout elle est la seule au château à laquelle je me suis déjà confiée, mais je sais pas j'ai peur. Et si elle sait pas ? Et si c'est juste moi qui me fais des films et qui invente tout ? Parce qu'après tout, je ne sais même pas si tout ça est réel, si je suis réelle. Peut-être que tout ça est dans ma tête...

Oh et puis merde, j'en ai marre. Ça me bouffe depuis un mois, ça me hante. J'ai tellement peur de me mettre dans cet état devant tout le monde, imagine ce serait tellement horrible. Sincèrement, j'ai du mal à me voir recroquevillée sur un banc de la Grande Salle en train de trembler comme une malade devant toute l'école, avec les voix des élèves qui se foutraient de moi. Alors je vais demander à Will. Je vais lui envoyer une lettre pour lui expliquer ce qu'il se passe. Je vais lui dire exactement comme à toi : que quand il y a trop de bruit ou trop de monde, je me mets à trembler et à avoir mal à la tête, ma vision se brouille au point que je doive m'accroupir en attendant que ça passe pendant que le Monde disparaît autour de moi et me laisse seule. Perdue. J'espère qu'il comprendra et qu'il n'en parlera pas à Maman, je te dirai ce qu'il m'a répondu. La bise (même si j'aime pas les bisous erk),


PS : Il y a une fille dans mon dortoir qui fait des espèces de dessins avec des fils de couleurs et une aiguille sur ses habits, elle me fait un peu penser à Maman quand elle rafistolait mes pantalons sauf qu'elle elle appelle ça de la brodri (je sais pas comment ça s'écrit, en fait je suis même pas sure que ça s'appelle comme ça mais bon). Enfin bref si je te dis ça c'est que j'aimerais bien lui emprunter un fil rouge pour coudre le ≠ de Fauve sur mon sac en tissus marron, t'en penses quoi ?

Je sais pas si tu le sais, mais dans deux jours c'est Halloween. Tu sais, la fête des zombies, des monstres, des momies, des squelettes et tout là ? Enfin, bon, comme l'année dernière, il y a un truc organisé. C'est le Bal des Sorcières organisé par la directrice et les professeurs. Tout le monde arrête pas d'en parler toute la journée, franchement si tu voyais tous les élèves et les professeurs qui discutent de leur costume, les gamines qui rêvent de se faire inviter par un beau cavalier gentleman... tu aurais envie de vomir. Crois, moi ça pue plus que les bombabouses. Ça me rappelle un peu l'année dernière. Il y avait eu une soirée d'Halloween aussi, mais c'était que pour Poufsouffle. En soi, quand je suis arrivée dans la Salle Commune, je m'attendais à bien pire. J'avais retrouvé Alienor, on avait dansé un peu avec une autre fille (je sais pas qui c'était puisqu'elle était déguisée en détraqueur), mangé tout un tas de trucs... enfin ça allait quoi, je supportais bien la soirée. Après, bien sûr, ça ne pouvait pas durer comme ça, c'était obligé de déraper totalement sinon ça aurait pas été drôle. Enfin bon j'ai mis assez de suspense donc je continue.

Alors que tout se passait bien pas trop mal, la musique est passée (tu vois de laquelle je parle), et là j'ai commencé à partir en vrille, mes souvenirs sont remontés pour se mélanger dans mon crâne. J'ai cru qu'il allait exploser, vraiment. Bref, je suis sortie me promener dans les couloirs pour me calmer (logique) et, tiens-toi bien, je suis tombée sur une fille à moitié en train d'agoniser, allongée par terre à côté de la salle d'études. Bien sûr, la laisser là toute seule et faire comme si de rien était, c'était l'abandonner, donc c'était pas envisageable. Franchement, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour l'aider. Je l'ai assise sur une chaise, j'ai attendu longtemps qu'elle m'explique ce qui allait pas... très longtemps. Et puis au bout de 20 000 ans (j'exagère pas hein) comme elle avait pas ouvert la bouche, j'en ai eu marre et puis si je continuais d'attendre j'allais m'endormir. Du coup j'ai eu un éclair de génie, et je l'ai traînée par les pieds dans le couloir puis dans les escaliers pour l'emmener à l'infirmerie. Bref, tu vois dans le genre soirée super bizarre (et super chiante du coup), on était pas trop mal.

Tout ça pour te dire qu'évidemment, je ne comptais pas aller à ce fichu bal. J'avais déjà fait une overdose d'Halloween rien qu'en entendant toute l'école parler de ça à longueur de journée. J'avais plein de raisons de pas y aller, attend je vais te faire une liste ça sera plus simple :
- trop de bruit et trop de monde, ce qui veut dire potentiel épisode chelou (tiens, d'ailleurs Will n'a toujours pas répondu à mon hibou)
- personne avec qui je serais "contente" d'y aller
- pas envie de porter un costume ridicule
- puisque tout le monde sera occupé, ce sera plus facile de se promener dans les couloirs
- je suis bien mieux toute seule à regarder les étoiles
- 99% de chances qu'il y ait que de la musique de merde
Bref, je pense que c'est clair. Je m'étais faite à l'idée de ne pas y aller, sauf que bah devine quoi ? J'ai dit à une meuf que je connais même pas que j'irai avec elle. Mais attend avant de m'engueuler, je t'explique ce qui s'est passé (même si en fait j'ai pas d'excuses).

Tout à l'heure à la fin des cours je voulais aller déposer des trucs dans mon dortoir avant de me promener dans le parc (jusque là tout va normalement) mais en traversant la Salle Commune j'ai fait tomber un bout de tissu qui était sur une table, et comme je suis un minimum gentille je l'ai ramassé pour le reposer. Et en fait ce vieux machin appartenait à une fille qui était en train de préparer son costume pour le bal. Elle avait une bouille d'ange et faisait de la couture (tu sais, le truc que font les mémés), tout ce que je déteste. On a commencé à parler, enfin à se critiquer (elle m'a dit que personne ne m'aimait et que personne ne s'intéressait à moi, nan sans blague genre je savais pas), enfin bon des trucs de gamines quoi. Et elle, elle se croyait dans une série américaine où on parle d'histoires d'amour de filles de dix ans, avec son soi-disant prince charmant qui l'accompagnait au bal. Et quand elle m'a proposé de lui tenir compagnie jusqu'à ce qu'elle le retrouve, j'ai pas réfléchi et pour me foutre de sa gueule et de celle de son cavalier j'ai dit d'accord. Nan mais sérieusement, je comprends toujours pas ce qui m'est passé par la tête...

Donc en gros je vais devoir me retrouver en plein milieu de la Salle de Bal dans une foule de monstres en tous genres, avec de la musique de merde à devoir assister à un spectacle immonde de câlins et de bisous. Ouais, comme tu dis, ça va pas être fameux fameux. Je crois qu'il faut que je me trouve un costume, tu sais pour me fondre dans la masse, mais j'ai aucune idée. Mais bon je vais te laisser, j'espère juste que je vais pas devoir me coltiner cette nunuche toute la soirée et que je vais retrouver des gens avec qui je m'entends bien (enfin par là j'entends Alienor puisque c'est la seule que je peux supporter ici) mais surtout que le petit monstre invisible ne va pas venir m'attraper, j'ai pas envie de me recroqueviller au milieu de la pièce et de trembler pendant que tout le monde me dévisage. Désolé parce que les nouvelles ne sont pas réjouissantes,


PS : J'ai brodé (j'ai demandé et ça s'appelle bien de la broderie sauf que ça s'écrit pas brodri enfin bref on s'en fout puisque je compte pas devenir couturière) le ≠ de Fauve au fil rouge sur mon sac ! J'adore j'adore j'adore.

Comme prévu, je viens te raconter la soirée d'hier, enfin Le Bal d'Halloween. Au début, j'étais avec cette gourde de fille qui m'avait convaincue de l'accompagner. Elle était ridiculement moche, déguisée en pirate mais avec des habits violets bizarres. Enfin bon, on a écouté le coeur des grenouilles faire leur show, elle était surexcitée parce que son cavalier en carton chantait (d'une voix affreusement fausse d'ailleurs, c'était pire que Will) ce qui était vraiment gonflant. Quoi, tu trouves que j'exagère ? Je te jure que non, c'était affreux. Enfin bon, après le concert les danses ont commencé, alors que je me suis vite éclipsée sur le côté pour éviter de me retrouver au milieu de la foule et de refaire un épisode bizarre. Évidemment, j'avais perdu la fille qui m'accompagnait ma camarade (si on peut appeler ça comme ça) qui était partie se dandiner comme une poule avec son prince charmant. (À gauche s'est un squelette que j'ai découpé dans un livre parce que c'est en ça que j'ai essayé, je dis bien essayé, de me déguiser).

Les musiques défilaient pendant que la plupart des élèves s'éclataient sur la piste, sauf quelques-uns qui restaient à l'écart. Et devine quoi, je suis tombée sur Galvane. Je l'avais croisé quelques fois pendant notre première année mais ne l'avais pas vu depuis la rentrée, et à vrai dire il n'avait pas vraiment changé. Comme d'habitude, il semblait faire plus ou moins la gueule et était accompagné d'une autre fille (d'ailleurs j'étais super étonnée de pas le voir seul mais enfin bon) qui semblait chiante mais je suis quand même allée les voir pour pas rester toute seule pour les faire chier. D'ailleurs, j'aurais pas dû. J'avais vraiment l'air de les embêter vu le ton sur lequel ils m'ont répondu tous les deux et en quelques minutes ils s'étaient déjà fondus dans la foule pour me laisser encore une fois toute seule. Enfin bon de toute façon peu importe puisque mon attention s'était reporté sur quelque chose de beaucoup plus intéressant que deux gamins.

Une bagarre avait éclaté, alors tu peux bien t'imaginer que ça m'avait intéressée. Je crois que c'était parce qu'une imbécile de Gryffondor avait volé la couronne de la reine du bal qui avait été donnée à Herminie (une fille de Poufsouffle un peu plus âgée). Le temps que je traverse la salle, l'imprudente voleuse s'était retrouvée avec une grenouille sur la tête et des sortilèges et des verres d'eau volaient. Plein de gens étaient venus en aide à Herminie dont Alienor. Mais j'ai même pas eu le temps de m'incruster dans le combat qu'elle s'est prit un sortilège de crache-limace en pleine face, lancé par le capitaine des Hel's (l'équipe de quidditch de Poufsouffle). Tu t'imagines bien que j'ai gueulé sur le garçon avant de suivre Alienor en courant pour l'aider. Mais c'est elle qui m'a repoussée. Alors que je venais d'arriver à sa hauteur elle m'a dit de la laisser. Alors j'ai pas réfléchi et je suis restée sur place, mais si tu savais comme je m'en veux ! Si tu savais comme je m'en veux tellement !

J'avais raconté à Do bémol, le carnet numéro 6, qu'on avait fait un pacte dans une salle de cours en mars dernier. Je m'étais confiée à elle à propos de Papa, et elle s'était confiée à moi à propos de sa mère Claire qui venait de l'abandonner en partant avec son père en Espagne. À la fin on avait fait une promesse du petit doigt, mais pas une promesse de bébé hein, un vrai truc. On s'était juré de jamais abandonner personne et de ne jamais s'abandonner entre nous. Tu vois où je veux en venir ? Hier soir, je l'ai abandonnée avec ses copines les limaces qui sortaient de sa bouche. J'ai mis quelques minutes à réaliser ma bêtise mais c'était trop tard. Elle était partie en courant et même en fouillant tout le château je ne l'ai pas retrouvée. Tu te rends compte ? Je l'ai abandonnée bordel, ABANDONNÉE. Mais tu t'en fous toi, hein ? Tu t'en fous parce que personne ne t'a jamais abandonné, parce que tu sais pas ce que ça fait. Il faut absolument que j'aille m'excuser auprès d'Alienor. Je sais pas encore ce que je vais lui dire mais je dois lui parler parce que je peux pas me permettre de l'abandonner comme ça. C'est moi qui ai brisé la promesse alors c'est à moi d'aller la voir.

Ah oui, faut que je te raconte aussi. Juste après qu'Alienor se soit enfuie et juste avant que je parte à sa recherche, des élèves bizarres déguisés en Mangemorts ont débarqué dans la Salle de Bal et se sont attaqués aux élèves et aux professeurs alors que tout le monde vivait sa vie tranquille pour foutre le bazar, comme si la bagarre n'avait pas suffi. Ils ont exigé que les "traitres à leur sang" et les "sang-de-bourbe" (en gros les fils de parents moldus quoi) se dénoncent publiquement, sûrement pour les humilier ou faire je ne sais quoi de stupide. Ils ont aussi écrit au plafond des trucs contre les élèves qu'ils considèrent comme des traitres et fait apparaître la marque des ténèbres. Heureusement que j'ai réussi à m'éclipser pour chercher Alienor parce qu'il paraît que c'est vraiment parti en baston générale. Enfin bon, je crois que les faux Mangemorts ont été virés de l'école et ce qui est cool c'est qu'on a une semaine de vacances (enfin on est quand même coincés ici mais ça reste une semaine sans cours). Voilà, je t'ai tout raconté de cette soirée de merde et franchement t'as bien fait de pas venir,


PS : J'ai lu dans une Gazette que j'ai trouvé par terre que l'hôpital de Sainte-Mangouste a été détruit et que ça a fait pas mal de morts, des sorciers mais aussi des moldus. Je crois que cet attentat (ils appelaient ça comme ça) a été fait par une famille du nom de McKinney puisqu'ils en parlaient beaucoup dans le journal. J'ai aussi vu passer un truc sur les Sept Lignées du Nord mais j'ai pas trop compris j'y ai pas trop fait attention.

WILL A RÉPONDU À MON HIBOU !! Ce matin, une lettre accompagnée d'un gros paquet est arrivée pour moi. Comme je reçois jamais de courrier, j'ai tout de suite su que c'était la réponse que j'attendais depuis des semaines, enfin quelques jours pour être plus réaliste. En revanche, je n'attendais pas de colis et fus bien étonnée d'en trouver un mais j'ai quand même pris les deux avant de m'éclipser dans un coin de couloir tranquille afin d'ouvrir tout ça. La lettre, c'était l'écriture rapide et tordue de Will. En gros, il m'expliquait que ce que j'avais ressemblait fort à des crises d'angoisse, un truc assez répandu. Enfin bon, je vais coller sa lettre ici, ça sera plus facile.

Salut frangine,
J'espère que ça va, enfin désolé c'est un peu con comme question puisque tu m'as dit que c'était pas vraiment le top mais en tout cas j'espère que ça va aller mieux. De mon côté tout est carré, Maman perd de plus en plus un peu la boule à cause Papa mais je suis là pour m'occuper d'elle, t'en fais pas. Par contre, le lycée c'est carrément chiant, à part que les nanas sont plutôt canons (je rigole évidemment t'inquiète) mais bon on est pas là pour parler de moi.
Ce que tu me décris, ça me fait pas mal penser à des crises d'angoisse. Enfin je suis pas psy mais j'ai un pote, Mike, à qui ça arrive assez souvent. Quand il me raconte ses crises elles me paraissent exactement comme les tiennes. Alors c'est possible que tu sois atteinte d'un trouble anxieux, comme lui. T'en fais pas, c'est pas un truc super grave et puis t'es tellement forte que je suis sûr que ça va aller. Je peux pas tellement t'aider à distance mais j'ai pensé qu'un truc pourrait t'être utile. Dans la grosse boite (j'espère que cette andouille de hibou l'aura pas lâchée en chemin) tu trouveras un espèce de casque pour écouter de la musique, sauf que ça a pas du tout la même utilité. Ça s'appelle un casque anti-bruit, et Mike le met quand il sent qu'il y a trop de monde, trop de bruit ou juste quand il sent que l'angoisse commence à monter, ça lui permet de se couper un peu du monde extérieur le temps de se calmer. Ce que je te conseille, c'est de le garder tout le temps dans ton sac pour pouvoir le mettre sur tes oreilles en cas de besoin et éviter au maximum les crises. J'espère que ça va t'aider, courage frangine !
Une pichenette sur ta joue (Maman t'embrasse aussi mais promis je lui en ai pas parlé),
Ton frangin Will

Intriguée, j'ai ouvert le paquet sans trop y faire attention et, comme l'avait dit Will dans sa lettre, il contenait un casque comme ceux qu'on utilise pour écouter de la musique mais il n'avait pas de fils. Je l'essayai et wow, les bruits d'élèves qui discutaient dans le couloir disparurent automatiquement. Le silence régnait, je n'entendais même plus ma jambe qui tapait le sol en rythme. Je t'assure, quand tu portes ce casque et que tu fermes les yeux, c'est comme si tu étais dans un autre univers, un univers totalement silencieux et relaxant, enfin beaucoup moins stressant que le Monde. Je lui ai écrit pour le remercier et je peux t'assurer que ce casque ne va pas quitter mon sac de cours. Je sais pas si ça va vraiment tout le temps m'aider mais c'est déjà super rassurant de pouvoir s'enfermer dans le silence quand tout commence à partir en vrille.

Faut aussi que je te tienne au courant des actualités du moment dans le Monde des sorciers parce que pour une fois c'est croustillant, mais un peu flippant aussi je t'avoue. Je t'avais déjà parlé de l'attentat de l'hôpital Sainte-Mangouste, mais figures-toi qu'il s'est passé pas mal de trucs depuis cet évènement. Déjà, le 2 novembre (il me semble) deux Obscurus se sont affrontés dans les rues de Londres et le combat a été filmé par des moldus. Persuadé que ces "attentats" étaient causés par des sorciers, le gouvernement moldu a envoyé l'armée et la police pour rattraper les coupables. Pour faire court, la Chasse aux sorcières est lancée. Le lendemain, j'ai lu dans une Gazette qui était abandonnée dans une salle de classe qu'une sorcière appelée Bathilda je-sais-plus-trop-quoi avait été dénoncée et donc capturée par les moldus. Apparemment ce n'est pas le seul cas d'enlèvement ni la seule sorcière qui a été dénoncée. Enfin, il paraît qu'une réunion importante ou un truc comme ça a été organisée et que la Grande-Bretagne a été expulsée de la Confédération internationale des sorciers parce que le Secret Magique n'a pas été gardé. À vrai dire, je sais pas trop ce que ça veut dire mais bon ça pue quoi. Voilà, c'était le feuilleton du jour, merci Michel pour ces informations et on vous donne rendez-vous plus tard pour d'autres nouvelles abominables !



PS : Je n'ai pas eu l'occasion d'aller m'excuser auprès d'Alienor. Enfin, pour dire juste, j'ai eu l'occasion mais à chaque fois que j'essaie de l'approcher l'angoisse bloque mon corps et m'oblige à battre en retraite. Ouais, tu peux le dire, je suis carrément nulle. Si tu savais comme je m'en veux, je sais même pas si j'aurai un jour le courage d'aller lui parler...

La guerre contre les moldus continue, et tout le monde ne parle que de ça. Des affrontements, des enlèvements, des meurtres, des dénonciations, des Conseils de Sorciers, des réunions dans tous les sens, un nouvel hôpital près de Poudlard... On entend parler de la Chasse aux Sorcières à tort et à travers. Je ne suis pas très inquiète pour nous, les élèves de l'école, parce que le château est vraiment bien protégé, il l'a toujours été et l'est encore plus depuis la Bataille de Poudlard. Jamais les moldus ne pourront nous attaquer là où on est. En revanche, je suis un peu inquiète pour Maman. Je sais que personne à York n'est au courant qu'elle est une sorcière (à part ses amis qui sont des nôtres évidemment) mais ça ne m'empêche pas de flipper quand même. Heureusement que Will est là pour la protéger... D'ailleurs, des tas d'élèves s'inquiètent pour leurs parents, ils n'arrêtent pas de pleurer dans les couloirs et de leur écrire je ne sais combien de lettres par jour.

Les cours ont repris et c'est pas super étonnant mais figures-toi que c'est pas la grande forme. Je me débrouille en Sortilèges et en Défense contre les Forces du Mal alors que pourtant je ne fais aucun effort et ne travaille jamais en dehors des cours mais que veux-tu, je dois avoir un talent caché ou un truc comme ça, ça me vient peut-être de Maman puisqu'elle m'avait dit un jour que le prof l'adorait (dommage que ce soit pas le même, il aurait pu faire le rapprochement et m'apprécier aussi mais malheureusement ce n'est pas le cas). Enfin bon, ça c'était la partie cool. Du côté Botanique et Vol, c'est une catastrophe... je ne tiens pas sur un balai et je déteste les plantes, surtout les plantes magiques parce que pour la plupart, elles puent et sont dangereuses. En Potions ça passe, à part le fait que j'arrive jamais à faire chauffer la préparation correctement, et en Métamorphose c'est un peu plus dur, j'arrive jamais à visualiser le résultat... La seule matière à laquelle je m'intéresse vraiment c'est l'Astronomie. Les cours se déroulent le soir, en haut d'une tour, et on observe les étoiles et les planètes c'est tout simplement génial. Si tu savais comme j'aime les étoiles ! Oh, ça me fait penser que les soirées étoilées passées dans le Parc de l'année dernière me manquent... Mais là il fait bien trop froid, ce serait con que je reste enfermée dans un glaçon. On fera ça quand le printemps reviendra, promis juré (craché) !

Bref, on va pas en parler des heures parce que les cours c'est super chiant, t'as bien de la chance d'être un simple carnet qui se la coule douce dans mon sac à dos. Heureusement je n'ai pas encore fait de crises d'angoisse en plein cours, mais par contre j'en fais de plus en plus dans les couloirs. J'évite à tout prix les endroits où il y a du bruit et les foules d'élèves et porte assez souvent le casque anti-bruit que Will m'a envoyé. Ça m'aide vraiment beaucoup. Sinon, je me balade le plus possible dans le Parc, même s'il commence à faire froid, parce que c'est très calme. Mais tu sais, c'est de plus en plus difficile de vivre. Plus j'avance et moins j'ai de force, moins j'ai de motivation. J'ai comme l'impression que le monde va trop vite pour moi, qu'il file et me laisse perdue dans le brouillard. Je ne sais plus quoi faire, enfin plutôt je ne sais plus ce que je suis capable de faire. Tout m'angoisse et me paralyse. Je suis comme une enfant au milieu d'un énorme gribouillis qui m'enferme et m'étouffe. J'en ai marre, si tu savais comme j'en ai marre.

J'aimerais tellement avoir quelqu'un à qui parler de tout ça... enfin je veux dire quelqu'un de vivant, que je peux voir en chair et en os... mais je suis seule, complètement seule. L'unique personne qui avait un minimum d'estime pour moi et pour qui j'avais un minimum d'estime à Poudlard a disparu. Elle s'est perdue, enfin je l'ai perdue, je l'ai abandonnée. Et je ne suis même pas foutue d'aller m'excuser, non mais sérieux ! J'EN AI MARRE ! J'aimerais bien retrouver la belle inconnue ou le garçon philosophe mais ça fait tellement longtemps que je ne les ai pas croisés que de toute manière jamais je n'oserais leur parler de ce que je ressens, ce qui me fait tant souffrir. Alors pour le moment je tiens, je supporte la Vie tant que je le peux. Maman m'a dit un jour que j'étais courageuse. C'est peut-être vrai, après tout je ne sais plus ce que je suis ni ce que je ne suis pas. Je n'arrive plus à savoir ce que je vaux, mes qualités, ce qui me définit. Je ne sais plus qui je suis, d'où je viens. Je suis tétanisée, assommée, incapable de rien. J'en ai marre de faire semblant. J'en ai marre de faire comme si tout me glissait dessus. J'en peux plus d'entendre les sirènes même à travers le double vitrage.