Tally Jenkins ne put s'empêcher de serrer fermement la main de Mei Ling au moment de son éclat de rire. Certes, elle partageait au moins en partie son ressenti mais sentant les regards alentours, sa seule tactique était de se taire. La scène était plus que surréaliste. Chu Jung quitta la Grande Salle malgré la voix tonitruante du Doyen. Puis, ce fut Miss Loewy qui prit la parole pour s'adresser à la Poufsouffle. Tally retenait son souffle, ne sachant plus quelle était la meilleure façon d'agir. Devait-elle se lever pour prendre la défense de cette folle qu'elle ne connaissait pas ? Ou bien lâcher un rire rauque dans le même genre que Mei pour ensuite arracher un commentaire mordant envers la petite Poufsouffle ? Finalement, elle ne bougea ni ne pipa mot, stoïque, elle admirait le tournant que prenait cette soirée qui aurait dû être festive.

Sa main était toujours posée sur celle de Mei. Maintenant que la grande femme vêtue de jaune était partie, devaient-elles encore rester ainsi ? Profitant de l'agitation, elle se pencha vers la fille de l'école du Dragon, cherchant à rester discrète.

« _ … Qu'est-ce qu'on est censé faire … ? »

Son regard ne se levait pas plus haut que le bout de la table. Il était hors de question de s'attirer plus les foudres de la directrice qui pouvait être... imprévisible. La force qui s'était emparée d'elle quelques minutes auparavant semblait avoir trouvé refuge bien plus loin, bien trop loin.

Le rire de la petite Chinoise me trouble dans ma colère ; je la regarde, fronçant les sourcils à ses mots. Je veux répliquer quelque chose, seulement pour apaiser ma colère mais ma main est soudainement libérée par Celui-qui-devait-être-mon-partenaire et ce geste est suffisant pour me détourner de mon idée. 

Je le regarde partir. Il fonce au travers les tables et malgré mon contentement, je me sens mourir sous les regards de tous les adultes, alors je retiens mon rictus. Ils me regardent comme si j’avais fait une horrible chose ; je suis pourtant persuadé de n’avoir franchit aucune limite, si ce n’est celle du langage.

Encore une fois, je ne sais que faire de mes mains. Alors quand Loewy se lève, je les fourre sous mes aisselles, croisant les bras pour me cacher du monde. Je hausse les épaules à ses mots et baisse la tête ; l’agitation est telle qu’elle me coupe l’envie de parler. Cela étant, je n’ais rien à dire : si l’Autre Idiot n’est pas capable de résoudre cela tout seul, c’est son problème. Moi, je n’ai rien à faire ici.

Je garde les yeux fermés, ni l’éclat de rire, ni les autres mots me les font rouvrir. C’est au hurlement bestial que mon regard s’échoue sur le chinois fuyard. Les yeux écarquillés, je prends conscience que c’est le partenaire d’Aelle ; et il se barre. *Aelle*. Malgré mon envie féroce, je ne tourne pas le visage vers la Pouffy. D’autres mots, d’autres bruits, la Directrice, une Autre.

Prenant conscience que j’appuie comme une tarée sur la main de Qiong, je desserre ma petite poigne tout en la tirant doucement vers moi, l'agrippant par la taille pour qu'elle ne trébuche pas.

— Reste près d’moi.

C’était un ordre chuchoté, le temps de comprendre ce qu’il se passait.

Les bras serrés autour du corps, je n'ose plus lever la tête ; la colère de Loewy semble peser sur mes épaules plus fort que ne l'avait jamais fait la Maison. Un sentiment d'injustice gagne mon cœur mais je fais comme les Autres : j'attends, incapable du moindre geste.

Les minutes s'écoulent sans que rien ne se passe. Je me sens idiote à rester ainsi, victime du regard de tous. Quand la Chinoise jaune revient, je la regarde du coin de l’œil, crispant mes doigts autour de ma robe. Je tourne légèrement le dos aux professeurs de Poudlard – surtout à Loewy dont la sourde colère me renfrogne.

Ainsi, l'autre Chinois abandonne ? Le lien autour de mon poignet s'évapore, je me sens soudainement mieux, libéré d'un poids énorme. Il est plus idiot que je pensais : qui abandonnait aussi facilement ? Même si je sens mon cœur battre de soulagement, une part de moi regrette de ne pouvoir aspirer le savoir du Chinois. Les choses seraient légèrement plus compliquées, maintenant.

Lorsque la Chinoise jaune s'adresse à moi, je laisse mes bras retomber autour de moi, le souffle court :

« C'est pas d'ma... » je m'ingurgite avant de me taire. Je ne suis pas aveugle au point de ne pas remarquer que les trois quart de la salle me regarde comme si j'étais coupable de la Peur de Celui-qui-aurait-du-être-mon-coéquipier.

Finalement je ferme la bouche et saute de l'estrade puante, jetant un dernier regard à Charlie qui s'agrippe à son binôme. Quand je m'assoie, la colère du vieux chinois me fait trembler et j'écoute ses reproches sans retenir les paroles que je marmonne à mon assiette :

« Il exagère ! »

Je ne bouge pas. Je pense beaucoup de choses, mais je les garde pour moi. Tout le monde ouvre sa bouche pendant que je me tais. Tout ce que je refoule se répercute sur ma poigne autour de Qiong, toujours plus forte.
Je baisse la tête car j'entends Aelle se déplacer sur l'estrade. Et j'attends, comme tout le monde.

Je n'ai aucune idée de ce qu'est un Mogwaï, mais Qiong doit savoir puisqu'elle s'arrache brusquement à mes doigts. Ma main est trop petite pour la retenir.
Je n'ai pas peur ; je connais la mort, ce n'est pas une bestiole qui allait me faire peur.

J'entends la suite, et je prends conscience qu'Aelle est disqualifiée. Un truc déterre des muscles sur mon visage que je ne connais pas ; je crois que c'est un nouveau sourire. Et il me fait mal.

Je me tourne vers ma partenaire et lui chuchote : « On bouge. J't'écouterais dans un coin plus tranquille ».

La fièvre atteignit la table des professeurs où ceux-ci s'interrogeaient à haute voix. L'attention de Tally fut rappelée par la Guérisseuse qui les invita à se rapprocher d'elle. La Serdaigle obtempéra et sentit un frisson la parcourir toute entière lorsque sa main se posa sur son épaule. Ça y est ? Elle est officiellement en lisse ? Une drôle de fierté s'empara d'elle. Un nouveau tourbillon d'émotion. C'est vrai de vrai. Elle est embarquée dans cette aventure avec Mei. Les dés sont désormais jetés. Elle échangea un regard avec la Chinoise lors de l'annonce de la toute première épreuve. Des Mogwai. A vrai dire, Tally n'avait jamais vu Mei aussi peu maître d'elle-même. Elle posa sa propre main sur l'épaule de sa comparse.

« _ On va en faire qu'une bouchée. Son ton se voulait rassurant et assuré. Hors de question de se laisser abattre avant même d'avoir commencer. Qu'importait ce qu'étaient ces trucs, Tally était certaine de trouver une solution. Elle raffermit sa prise sur l'épaule de Mei. »

Et elle capta les dernières paroles de la grande jaune. Elle évoquait Chu-Jung. Son cœur manqua un nouveau battement. Elle ne su pas si elle était heureuse ou amer d'apprendre que le parcours du garçon n'était peut-être pas tout à fait arrivé à sa fin.