A Poudlard, il y avait quelques vieilles familles de sorciers dont les origines étaient presque aussi pures qu’un agneau qui venait de naître. Yesenia avait commencé à les reconnaître, petit à petit. Les élèves faisaient perdurer certaines traditions, montraient leur fierté d’appartenir à une famille noble, ou certains même agressaient des gens pendant les bals. La petite ne savait pas vraiment se positionner vis à vis de tout cela. Elle était née-sorcière, et ce titre lui allait parfaitement.

Tout en écoutant Aliosus, la petite s’exclamait par des « Waouh » ou des «  quatre cents ans, vraiment ? ». Le garçon était plutôt patient avec la fillette, ce qui était plutôt étonnant. Le garçon était doux et encourageant, si bien que lorsqu’il lui dit qu’il faudrait qu’elle voit avec une seconde arme d’entrainement, la Serpentard répondit naturellement « Oui, pourquoi pas ! » sans savoir si c’était une réelle invitation ou non.

- C’est vrai, autant trouver de quoi s’occuper, répéta-t-elle pour approuver ce que disait Aliosus. J’ai mon lot de trucs pour m’occuper moi aussi.

Elle montra d’un signe de tête tout son petit matériel de dessin, qui était resté sur l’herbe fraiche. En réalité, elle faisait référence à tout autre choses. Elle repensa à sa valise, pleine à craquer, débordante de farces et attrapes qu’elle se promettait d’utiliser dans toute situation.

- Du coup, dit-elle un peu brusquement, tu préfères utiliser ton épée, ou ta baguette ? Tu en fais une utilisation différente ?

Déterminée à continuer sur sa lancée de questions, la petite se ré-installa par terre, telle une apprentie.

Le jeune garçon était un peu surpris d'avoir un auditoire si intéressé par ses histoires familiales. Jusque là il n'en parlait pratiquement qu'avec Alice, lors de longues discussions où ils faisaient chacun leur possible pour rattraper onze ans de vie dissimulés loin l'un de l'autre. Elle parlait de sa famille, lui de la sienne, et finalement ils construisaient, de conversation en conversation, un passé et un présent commun, en pariant sur un avenir qui le serait tout autant.

Yesenia était la première personne à qui il exposait autant, certes il était un peu pudique de manière générale, mais surtout aucune occasion ne s'était jamais présentée de cette façon auparavant. Était-ce vraiment intéressant ces histoires d'épées et d'ancêtres ou était-elle simplement polie ?

«J'ai vu ça oui, commenta Aliosus en parlant du carnet d'esquisses et de peinture qu'il avait feuilleté, j'aime bien ta manière de dessiner, ton trait. Je trouve qu'il fait... hum, "vivant". Tu dessinais quoi avant que je te distraie ? » Il n'avait pas parcouru les dernières pages et il regrettait à présent ce manque de curiosité.

La question de la brunette le pris au dépourvu.
«Ma baguette ou l'épée ? Et bien ça n'a rien à avoir, heu, la baguette on l'a toujours avec soi, elle sert à faire des dizaines de choses différentes. L'épée je ne l'ai jamais, ou seulement pour m'exercer. Si je commençais à l'utiliser vraiment pour ce qu'elle est sensée faire, je me ferai vite destituer de mon rôle de préfet !» Il avait beau plaisanter, l'idée de mettre quelques coups à certains idiots était tout de même séduisante.

L’herbe lui chatouillait le bout des doigts qui étaient plongés dans la terre. Elle appréciait particulièrement gratter le sol avec ses ongles. C’était satisfaisant. Elle jeta un rapide regard vers les autres élèves qui se promenaient dans le parc. C’était bien le seul endroit où la jeune Serpentard arrivait à ne pas trop penser du contexte politique sombre qui s’était abattu sur le monde des sorciers. Mais pour l’instant, cette pensée ne faisait pas partie de son esprit.



Elle était tout simplement concentrée sur son interlocuteur qu’elle trouvait passionnant. Il prenait le temps de lui expliquer et répondre à ses questions. Pas tout le monde ne faisait ça, et elle en était bien consciente. Le Aliosus rencontré dans ce parc n’avait plus rien à voir avec l’image qu’elle s’en faisait quelques mois - presque une année entière - plus tôt.

- Vivant ? Répéta-t-elle sans en comprendre directement le mot.

Elle imaginait voir son dessin prendre vie sur le papier. Etait-ce possible d’ensorceler un dessin ? La deuxième année se promit de poser la question à l’un de ses professeurs.

- Merci, dit-elle timidement bien que cela passe pour une légère froideur. Rien de très passionnant, comme j’t’ai dit - décidément il était tenace ! - des silhouettes en mouvement.

Elle tendit son carnet à la dite-page, ressortant ses mains de la terre humide, tout en parcourant son doigt sur la feuille pour montrer les silhouettes, ce qui avait effet d’être cachées par sa petite main ; un astucieux moyen d’en montrer suffisamment pour ne pas tout dévoiler. Faisant attention à l’état de ses doigts, terreux, elle s’empressa de refermer le carnet et de cacher ses petites mains dans ses manches.

- Je vois, dit-elle, toujours assise en tailleur observant Aliosus de haut en bas. La baguette, c’est cool quand on sait s’en servir. L’épée par contre, c’est bien pour menacer les autres si ils t’embêtent. C’est ce que je ferais je pense, si j’en avais une… C’est trop triste d’être préfet. Tu dois renoncer aux bêtises… non ?

Plantant son épée au sol, Aliosus croisa les bras sur la poignée et se pencha pour observer le carnet de sa camarade. Ses petites mains encore fraiches et partiellement couvertes de terre s'étalaient sur les pages sans que cela semble la gêner. Ça ressemblait bien à la Yesenia qu'il connaissait, enfin, en tout cas du peu qu'il la connaissait. Un index timide lui indiqua quelques croquis, des silhouettes aux poses effectivement en pleine action, qu'est ce qui était sous sa main d'ailleurs ? Il lui sembla reconnaître un...
Sa curiosité du en rester là, aussitôt ouvert, le carnet fut de nouveau fermé d'un mouvement rapide de la Serpentard avant de disparaître dans une de ses poches, tout comme ses mains farfouilleuses d'humus.
«C'est plutôt bien réussi lui confirma le préfet, ne sachant pas trop quoi ajouter. Tu vas plus loin après les croquis ? Je veux dire, tu les reprends avec de l'encre, ou bien ils restent comme ça, en guise d'entrainement ?»

Dominant de sa stature debout Yesenia en tailleur sur le sol, Aliosus rechigne à la politesse de se mettre à son niveau. L'herbe est encore humide et il vient tout juste de s'arrêter de s'entrainer, il préfère ne pas trop se refroidir et continuer à bouger. La remarque de la deuxième année, le cou tordu pour que ses yeux atteigne les siens, le surprend. Il n'avait jamais eu aucun retour négatif sur le rôle de préfet, c'était la première fois qu'il ne recevait ni félicitations ni compliment.

«Renoncer aux bêtises... Pourquoi renoncer ? En réalité ça ne me change pas tellement, je n'ai pas l'habitude de jouer des tour, moi, miss danger ambulant !» il arborait un demi sourire complice.

- C’est plutôt bien gentil. Répondit-elle du tac au tac. Euh, oui, ça dépend…

Pourquoi donc cet intérêt pour ses dessins ? Ils n’avaient rien de particulier. Des croquis informes, des trucs imprécis, parfois de l’aquarelle, parfois d’autres… substances. Yesenia aimait dessiner avec tout ce dont elle trouvait. Et c’était une chance qu’elle vive à Poudlard. Elle avait donc tout le loisir de ramasser des objets farfelus, que ce soit dans le dortoir des filles… ou ailleurs. Elle aimait ça, oui, tout ce qui contenait de la peinture et de la colle.

- J’aime peindre. Dit-elle simplement.

Elle laissa promener son regard sur la stature d’Aliosus. Il paraissait si grand, de là où elle était assise. Ça ne la gênait pas. Elle préférait l’herbe tantôt douce, tantôt humide du parc de Poudlard. C’est vrai qu’il avait une vraie tête de préfet, celui-là. Toujours le visage fermé, difficile de le faire sourire - oh c’était bien un clin d’oeil complice qu’il venait de lui faire ? Elle n’en était pas sûre -. Elle pouffa de rire. Ce surnom lui allait à ravir.

- Je n’ai encore tué personne cette année. Dit-elle en souriant de toutes ses dents, cachant sa gène derrière son épaisse frange un chouia trop longue. Peut-être qu’un jour j’apprendrai la discipline… Mais pas maintenant.

Au moins, sa réputation était faite. Faire des défis étranges et farfelus en première année avait laissé du répit à Yesenia. Désormais, la deuxième année était classée dans les fauteurs de trouble. C’était une bonne chose. Elle était dans une case. C’était rassurant les cases. Quand on en faisait partie, évidemment. C’est étrange comme les adolescents ont besoin de ce sentiment d’appartenance.

- Bon alors, c’est vrai ce qu’on raconte sur la salle de bain des préfets ? Il y a vraiment un Gobelin posté à l’entrée qui te demande de mettre un peignoir ? Je veux tout savoir ! Parce qui si tu peux plus faire de bêtise, avoir un lieu secret c’est déjà ça… Et c’est même méga cool.

Yesenia ne semblait pas donner une importance particulière à ses propres dessins. C'était dommage, et Aliosus se demandait bien pourquoi. Après tout, de ce qu'il en avait vu, c'était tout de même une activité qui lui tenait à coeur, quelque chose qu'elle faisait régulièrement et avec application. Peut-être qu'elle se mettait des barrières, en s'interdisant de considérer ses croquis, ses dessins, ses aquarelles, comme des choses ayant un intérêt. Il n'insista pas.

Sa réponse un brin provocante lui plu, de là où il était, il l'a toisa de toute sa hauteur tandis qu'elle devait lever les yeux vers lui. Avec ses cheveux descendant un peu trop bas, il ne discernait pas bien son regard, mais le large sourire qu'elle arborait, lui, était bien visible.
«La discipline... Pas d'entraînement sans discipline, enfin, pas d'amélioration en tout cas. Il pensait spontanément à la magie ou à l'escrime, mais ça pouvait tout aussi bien s'appliquer au dessin. Et fais moi plaisir, si tu tue quelqu'un, évite de la faire quand je suis dans le coin, fait toi prendre par un de mes collègues d'accord ?» Un an plus tôt, il aurait été bien incapable d'ironie face à un terme aussi sérieux que tuer. Il maitrisait de mieux en mieux les saillies sarcastiques et la compréhension de l'humour de chacun. Il changeait.

«Un gobelin ? Qui t'as raconté un truc pareil ? En fait... Il ne s'attendait pas à des questions sur ce sujet. A vrai dire il n'avait pas encore mis les pieds dans cette salle de bains réservée aux préfets. Par appréhension, peur de l'inconnu. Il ne connaissait pas bien les autres préfets, à part Lili, et encore. La mixité de cette pièce était une grande source d'angoisse également. En fait je n'ai pas le droit de te dire quoi que ce soit, c'est la première règle des préfets : on ne parle pas de la salle de bain des préfets.»

- Tu n’as pas tort, dit-elle en réfléchissant sur ses propres talents.

L’adolescente se remémorait ses lacunes dans les matières qui nécessitaient d’utiliser une baguette. Etait-ce parce qu’elle manquait de discipline qu’elle peinait à créer quelques étincelles de magie ? La petite grommelait sur elle-même tout en répétant en boucle les paroles d’Aliosus, lorsqu’il la sortit rapidement de ses pensées en enchainant sur son petit côté meurtrier.

- Promis. Et si jamais tu es quand même dans le coin, tu n’auras qu’à… fermer les yeux ? Répondit-elle de son sourire le plus angélique.

Puis elle se pencha pour en savoir d’avantage sur la salle de bain des préfets. Si il y avait bien une pièce qui l’intéressait plus qu’une autre, c’était celle-ci. Il y avait toute sorte de rumeurs à son sujet, qu’Yesenia ne pouvait s’empêcher de faire circuler. Ce qu’ils pouvaient être naifs, les autres, et puis, on le disait souvent, mais Poudlard avait des oreilles. Les tableaux, les élèves, tout circulait. Yesenia avait appris à se méfier de certaines rumeurs qui se baladaient de classe en classe, même si certaines s’avéraient être vraies.

- Seconde règle des préfets ? On ne parle pas de la salle de bain des préfets. C’est bon, j’ai compris, dit-elle en affichant une moue boudeuse. C’est pas grave.


Elle rassembla son bazar étalé dans l’herbe et se releva maladroitement, tout en essuyant ses mains pleines de terre sur sa jupe, et époussetant les quelques brindilles d’herbe restées collées sur ses cuisses.

- Je trouverai bien un moyen de confirmer, ou d’infirmer cette rumeur. Dit-elle dans un sourire malicieux, en regardant son interlocuteur droit dans les yeux. Bon, il est temps pour moi de rentrer au château. Je commence à avoir faim. A plus tard, cher préfet. Bonne chance avec tes entrainements !

La matinée n’avait pas été forcément productive en matière de dessin, mais elle était contente d’avoir pu papoter avec Aliosus. Elle se demandait ce qu’il pensait d’elle, à ce moment. Etait-elle toujours cette vilaine sauteuse de troubles qu’il avait rencontrée presque une année auparavant ? Dans tous les cas, lui, il avait l’air bien moins rabat-joie qu’elle ne le pensait.

Fin du rp. Merciiiiii ! On en lance un nouveau ? et désolée pour le changement de couleur en cours de route