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09 sept. 2021, 01:04
Trop faibles ?  + 
Je ne pouvais pas. Je ne sais pas quand je le pourrai. Parler du Dominion comme d'une liste de courses, parler du Dominion comme si j'avais moi-même provoqué tout ce qui m'était arrivé, comme Mister Dole le disait, comme si c'était moi le responsable des coups contre le mur et des ronces dans la peau.

Ou si, je voulais bien l'imaginer.
Si on disait que je m'étais fait projeter au mur par ma faute, on disait que ces sorts je les avais mérités, puisque c'était moi qui avais décidé d'y aller. Parce qu'au fond, c'était à cause de moi que tout m'était arrivé. J'étais un ado responsable, pas une victime. Un irrattrapable, en somme, si je m'étais vraiment mis dans une situation suicidaire en toute liberté et en connaissance de cause.

J'arrivais à me projeter dans le discours de Mister Dole, mais il ne passerait pas mes lèvres encore une fois.

NON.

Mettre mon nom dans l'urne, c'était peut-être aussi un choix pour éviter à d'autres d'y aller, pas forcément pour y aller soi par envie et vocation (la vocation de mourir en est-elle vraiment une ? à 15 ans, on veut vivre). Parce qu'on croyait qu'on pourrait améliorer quelque chose ou éviter quelque chose, même si on ne savait pas quoi, même si ce quelque chose n'était dans nos pensées pas pour soi. Ce n'était pas un choix qui n'impliquait que soi, c'était un choix qui permettait de prendre la place d'un autre.

NON. Je n'étais plus capable de tenir ce discours du responsable.

J'avais menti à mes proches pendant des mois, moi qui avant la Gazette du sorcier cherchais la vérité, avais dit avec ce grand sourire que je l'avais décidé, d'y aller. Parce que je ne voulais pas éclater. J'avais des proches à soutenir, moi, des proches qui devaient tenir quoiqu'il m'arrivait. Des proches qu'on ne pouvait pas exposer au discours creux ou destructeur des adultes. Il y avait eu ceux qui considéraient avec incompréhension et dégoût le Dominié. Théo, mon propre camarade de dortoir, pour qui j'avais entortillé mon écharpe sur mon tatouage et une apparence de sérénité sur mes difficultés même sur mon lit. Scary, qui ne voulait plus avoir à voir avec les difficultés auxquelles j'étais lié. Rafaëla, que j'allais récupérer pleurante dans une insomnie la veille du Dominion, Leo que j'avais si peur de refaire souffrir après l'histoire de la clé (encore un de mes coups cachés dont je n'étais pas victime mais responsable, à coup sûr !) que je l'avais laissé partir. A bien y penser, je trouvais plutôt qu'on avait fait preuve de maturité dans notre stabilité alors que tout s'effrondrait autour de nous. Mais je devais me tromper de point de vue.

D'attention, oui, j'en avais manqué, il avait bien raison, mon attention à mon propre égard tellement j'avais été occupé à recoller mon entourage abattu ou morcelé ou à ne pas penser à des départs impossibles à panser. Le Dominion ne s'était pas fait en un jour. C'était des mois de regards d'incompréhension et de répulsion - de manque d'attention s'il voulait en langage policé -, des mois de regards muets qui disent en secret, des mois où l'on ne sait quand on y ira si c'est demain ou dans six mois. Des mois. Les Dominiés étaient des pleurnichards, Mister Dole disait. Jamais je ne m'étais plaint bruyamment, forçant mon énergie pour mes proches. Je me confiais peu pour ne pas les éprouver - même pas sûr qu'Infini était au courant du détail de l'interrogatoire de la Gazette du sorcier. Je ne dis pourtant rien quand le mot pleurnicher sortit. Je n'étais pas un de ces bons élèves prêts à encaisser les critiques et stimulés par celles-ci, j'étais un de ces élèves que de telles remarques cassaient même s'ils avaient pris le pli d'arquer les sourcils pour ne pas le montrer.

Oui, j'avais quinze ans et de l'espoir en moins dans les yeux, j'avais quinze ans et j'avais vécu plus que ceux de mon âge, j'avais vécu cette époque de Poudlard où l'on voit celle qu'on aime planer à cause d'une magie noire sans pouvoir rien y faire et sans savoir si elle s'en sortira. J'avais vécu un jour sans durée, un jour où l'on m'avait considéré comme un chef d'oeuvre de monstruosité, parce que je pensais d'abord à moi à chercher à retrouver les autres vivants alors que chaque instant passé était une menace sur ce projet. Un jour où j'avais abandonné la vélane, ma vélane, comme Mooria avait abandonné Sienna. Abandonner un proche, on peut y penser plus d'une semaine, on peut y penser puis y repenser et y penser encore.

Alors oui, c'est le coeur lourd, le coeur chargé, l'esprit soucieux que je parlais pour la première fois du Dominion, que j'en parlais en creux comme avec le journaliste de la Gazette, et pour cette première fois j'en parlais à un professeur que je ne connaissais pas au-delà de ses cours et qui disait après qu'on s'inventait avoir été victimes après nous avoir explicitement invités à parler de ce qu'on avait vécu, comme s'il s'était apprêté à nous écouter.

Il avait raison, il valait mieux partir dans ces conditions, et j'aurais dû partir plus tôt. Je ne connaissais pas les règles de telles convocations avant que son chantage apporte clarification. Avec la hiérarchie, je n'avais pas saisi qu'il y avait une alternative pour venir ou non. Souvent, les conflits se résolvaient comme un soufflet se dégonflait lorsqu'un des partis décampait un moment. Le fait que ce soit tout ou rien, de ne jamais y revenir, c'était son choix, après. Et n'était-ce pas ce que je voulais, tout apaiser ? J'avais fait le pas pour me plonger dans sa perspective, même si je ne la partageais pas et ne pourrais pas la partager. Je n'arrivais pas à décider comment je "gérais" ma difficulté, c'était malheureusement parfois en de certains endroits la "difficulté" qui prenait le dessus et parler pour la première fois du Dominion en était un.

Mais je comprenais que s'il avait été épargné, et tant mieux pour lui, par le traumatisme collectif, la façon défensive de parler d'une difficulté, indirectement, puisse passer pour de l'arrogance contrôlée et calculée. Et dans ce cas, une remise en cause de la hiérarchie. Et il savait viser nos points sensibles pour dire qu'il était le plus fort, il fallait lui reconnaître ce mérite, et serrant les dents pour éviter de penser tout de suite à ce que j'avais essuyé, j'avais bien compris que la hiérarchie devait primer sur l'empathie. Parce que lui, son arrogance, elle ne trouvait pas ses racines dans un traumatisme impossible à formuler. Elle était différente, calculée, faite pour blesser.

Mais il avait raison sur le fond, je ne pourrais atteindre la forme ou le contenu impec de mon témoignage comme il le demandait, faire un exercice de synthèse comme un autre sur ça. J'allais donc le mettre en colère, avec mon arrogance et ma manière de faire, parce que j'étais responsable de sa colère de voir des élèves se confier sur des traumatismes autrement qu'ils le faisaient sur un thème verni autour d'un thé quand on leur demandait ce qu'ils avaient vécu, évidemment. Je n'oubliais pas que j'étais le seul responsable de mon traumatisme dans ses pensées. Et qu'un traumatisme se maîtrisait aussi dans ses pensées, oui oui, j'essayais sincèrement de penser comme un épargné qui a ignoré le traumatisme collectif, de mon mieux.

C'était donc une bonne solution, puisque je n'avais pas ce qu'il attendait -parler de blessures sur un autre ton que celui des blessures- et que cela calmait le jeu. Je fis profil bas, autant que moi je le pouvais, évidemment pas à la perfection qu'il attendait, les sourcils froncés : "Je vous prie de m'excuser, je ne suis effectivement pas capable de parler du Dominion comme vous le voudriez, platement, directement, comme une liste de courses, comme si ces mois ne m'avaient pas éprouvé, comme si j'avais l'habitude de m'ouvrir à ce sujet. C'était la première fois que j'en parlais à un non-Dominié. Je ne peux visiblement pas vous apporter ce que vous attendez sur l'utilité du cours de DCFM. Je ne suis pas le premier de classe qui saura trouver les mots et le ton bien comme il faut. Ou plus exactement, je ne suis pas le profil indemne que vous recherchez pour votre enquête étant Dominié, comme vous le savez, et vous devez être très déçu, j'en suis désolé. J'espère que vous trouverez les réponses que vous cherchez. Au revoir Mister, au revoir Lilly, au revoir Irene."

Oui, je n'avais pas de mots pour les envies que j'avais eu de tuer cet elfe (étais-je un meurtrier plein de pulsions ?), le crime d'abandonner la vélane (est-ce qu'en essayant de faire bien, je faisais toujours mal aux autres ?), la monstruosité qu'on m'avait reproché et que petit à petit je disséquais pour l'admettre. Je pourrai ainsi l'identifier, comprendre peut-être ses racines, pour la corriger. J'étais sincèrement désolé de n'être pas la personne qu'il recherchait à avoir déjà son petit discours préparé, de n'être pas celle qui pouvait dire directement, d'un coup, du premier coup, à une personne dont je ne connaissais pas les attentes réciter la trame qu'il avait prévue -je suis responsable de mes actes, mais monsieur le professeur, je peux vous faire le résumé objectif et froid de cet évènement d'il y a une semaine, grand I petit 3...

Je partis d'un pas leste, rattrapant ma sacoche dans mon mouvement, refermant doucement la porte derrière moi ou derrière Lilly si c'était son choix. Le plus silencieusement possible - à partir de maintenant, il n'interviendrait plus, il l'avait dit, alors je ferai ma part aussi en ne m'attardant ni avant ni après le cours, comme je l'avais toujours fait.

J'allais passer l'épreuve la tête haute. Et vivre du haut de l'immaturité qu'il me prêtait. Je ne pouvais pas avoir la force d'un adulte pour encaisser le Dominion. Et mes 15 ans peut-être jouaient. Mais je les assumais. Et du haut de mon âge immature comparé à l'insensibilité aux difficultés qu'il associait au sien, j'allais continuer mon bonhomme de chemin. Je ne savais pas si l'intérieur de la salle allait vraiment s'apaiser, mais j'avais fait ce qui était en mon pouvoir, au moins.

Je ne pensais peut-être qu'à moi, mais j'allais essayer de réparer ce qui pouvait encore être réparé ensuite, la considération qu'avaient d'elles-mêmes les deux autres Dominiées. Et je me promis de les croiser, je craignais pour Lilly en particulier, lui dire qu'elle était victime et qu'elle avait le droit de se sentir mal, et qu'on allait se prêter mutuellement attention pour en sortir ensemble, dans notre logique d'immaturité comme il disait, d'extérioriser. Mais pas devant lui, ou que des choses académiques qui auraient le bon ton demandé. Quant à Mister Dole, j'étais protégé par sa promesse de ne plus me considérer désormais. Je n'étais plus cet élève spécial qu'on convoque en fin de cours, parce qu'on a l'impression qu'il présente un intérêt. Je redevenais cet immature qui avait pensé à bien en mettant son nom dans l'urne avec son petit cerveau étriqué mais cet immature pourtant responsable de tout ce qui lui était arrivé, le paradoxe du fond de la classe de DCFM.



Ca promet avec Mister Dole DDM de Gryffondor à la rentrée. Aïe, j'ai mal par avance :sweatingbullets:.
Bonne soirée à tous les trois et merci pour cet échange, c'est donc visiblement la fin pour moi !

Jacob, Jafini, MMG, Allez les Griffes ! (5ème année RP)

(présence fantôme)

12 oct. 2021, 10:50
Trop faibles ?  + 
Ses propres propos résonnaient et l’écho qu'ils provoquaient la mettait de plus en plus mal à l'aise. Le regret s’immisçait doucement en elle. C'était un sujet trop sensible. Les émotions prenaient le dessus et le contrôle qu'elle en avait était … minime. Mais ce n'était rien comparé au choc ressenti quand Jacob prit la parole. Les yeux de la Poufsouffle s’agrandissaient à mesure que le flot de mots se déversaient contre leur professeur. Elle dut se forcer à refermer la bouche que la surprise lui avait légèrement entrouverte. Cet entretien n'allait visiblement pas bien se passer du tout. Elle commença à mordiller nerveusement l'intérieur de ses joues. Le malaise se faisait bien trop présent. Et elle avait envie de pleurer. Heureusement, comme toujours, les paroles d'Irene étaient les plus utiles. Lilly avait toujours du mal à comprendre que cela ne soit pas elle qui ait remporté le tournoi. L'admiration qu'elle lui portait était immense. Mais son attitude n'était plus la même non plus depuis ce retour, elle avait presque envie de la prendre dans ses bras. Elle aussi semblait avoir besoin d'être rassurée. Mais le faire la rapprocherait de sa bague, alors ce n'était même pas envisageable du tout. Elle voudrait la lui prendre c'était certains. Elle alors que la Serdaigle déroulait la liste des élèves qu'elle avait rencontré, Lilly se remémora les rencontres qu'elle avait elle même faites de son côté. De nouveau des larmes semblaient vouloir se faire voir. Depuis le temps qu'elle espérait avoir cette opportunité de rencontrer des élèves d'autres écoles, il avait fallut que cela soit dans ces conditions. C'était si triste. Ses pensées repartaient là-bas. Elle sentait sa gorge se nouer, son cœur battre un peu plus vite. Le bruit qu'il faisait dans sa poitrine bien plus fort qu'habituellement, elle n'y faisait presque plus attention. Une sensation de lourdeur, presque de douleur à cet emplacement, ne la quittait plus.

Alors qu'elle comptait mentalement ces battements rapides pour essayer d'en réduire la cadence, l'entretien pris une toute autre tournure. La voix de l'enseignant était plus forte et frappa l'intérieur de son crâne. Pourquoi tant d'agressivité, pourquoi encore de la violence. C'était épuisant, fatiguant. Lilly aurait voulu quitter la pièce, se mettre à l'abri, serrer Jyal dans ses bras. Se comporter encore comme une enfant. Mais le son de cette voix d'adulte tétanisa l'ensemble de ses muscles. Et elle resta là assise, comme scotchée sur cette chaise avec qui elle ne faisait qu'un. Même avaler sa salive lui était difficile. Elle avait froid d'un coup. Et elle tremblait. Elle n'était pas en sécurité. Non c'était stupide de penser ça. L'adulte ne pouvait vouloir que leur bien. Mais c'était dur à percevoir en cet instant. La mâchoire plus que crispée et le regard figé vers l'avant elle écoutait, ou plutôt subissait les propos dévastateurs de l'adulte. Elle n'osait même pas se retourner vers Jacob qui avait été invité à quitter la salle, ni même vers Irène qu'elle percevait trembler du coin de l'oeil. Tout partait en cacahuète. Même penser à cette expression qui pourtant avait l'habitude de la faire rire ne lui procura aucune émotion positive. Ses doigts étaient glacés et son cœur ne cessait de tambouriner dans sa poitrine douloureuse.

Et voilà qu'Irene surencherissait. Forte et Assurée comme l'image qu'elle en avait. Lilly la remercia intérieurement. Même après le Dominion, elle ne se sentait pas assez forte pour cela. Et ce manque d'assurance l'épuisait.

« Elowen se statufier puis mourir sous ses yeux » . Les larmes n'allaient pas pouvoir rester contenues indéfiniment. La mort l'avait toujours terrifiée. Et elle y avait été confrontée, directement. Elle aurait tout donner pour oublier ce moment, pour ne pas le vivre. Son regard se dirigea lentement vers la préfète qui porté par ses propos ne s'arrêtait pas et délivrait phrase après phrase tout ce qu'elle avait sur le cœur. Elle était si forte. Et elle, était si faible et ne faisait pas le poids. Encore une fois elle ne pouvait faire que cette constatation. C'était si triste. Juste dans son jugement, dans ses mots et dans son attitude. Alors qu'elle. Elle était qu'une gamine finalement. Qui n'aurait jamais dut avoir l'égo de mettre son nom dans cette coupe. Si jamais c'était une question d'égo. Elle ne savait même pas. Même plus. L'avait-elle a un moment sut ? Stupide.

Pourquoi était-elle en train de penser à cela alors que c'était tout sauf le sujet abordé ? Immaturité. Encore une fois elle était déconnectée de la réalité et ne savait y faire face. C'était le chaos dans sa tête. Aligner une seule pensée cohérente était impossible face à un tel conflit et à une telle violence qu'elle ne pouvait plus, ou n'avait jamais put, supporter. C'était trop dur. Mais pourtant. Elle restait là, sur sa chaise. Sans réussir à bouger. Si elle avait réussit à ouvrir la bouche elle n'aurait fait que bégayer. Alors elle avalait sa salive, quand elle y pensait. Respirer lui était difficile. Elle sentait sa cage thoracique oppressée.

Le départ de Jacob n'arrangea pas les choses.

Elle en avait presque oublié de penser à sa bague. Elle regardait l'adulte sans réussir à émettre le moindre son. Elle avait juste envie de s'excuser. Mais elle avait peur que cela ne déclenche de nouveau les foudres de l'adulte. Et pourtant, elle se fit violence pour que ces quelques mots réussissent à sortir de sa bouche une fois que la porte de la salle fut refermé par le Gryffondor éconduit.

- « Je suis désolée »

Les mots paraissaient ridicule après les tirades de chacun. Après l'expression de leurs colères respective. Mais c'était un trop plein d'émotions. Elle ne savait pas si elle était ressorti de là-bas plus forte ou plus faible. Ce qui était certain c'est qu'elle ne pouvait plus faire face à la violence. Qu'elle quelle soit. Et la scène à laquelle elle venait d'assister lui semblait totalement surréaliste. Cela n'avait aucun sens. Pourquoi continuer à engendrer et perpétuer une telle violence, une telle animosité. Le regard qu'elle portait à l'enseignant était nouveau, incompréhensible. Là où elle voulait se rapprocher d'Irene, elle sentait la distance entre elle et l'adulte augmenter considérablement. Il ne comprenait pas. Il ne comprendrait pas. Elle ne parlerait du coup pas de la bague. Et elle ne sut quoi rajouter de plus. Alors ses petites excuses ne furent suivies d'aucun autre mot adapté ou non. Et une nouvelle fois elle attendait, la boule au ventre et le corps palpitant, tremblant presque au rythme des battements de son coeur qu'elle ne maitrisait définitivement plus. Sa mâchoire était toujours fermement serrée, et un goût de sang arrivait dans sa bouche. Elle n'avait pas pensé à arrêter de se mordiller.

Une immense excuse pour ce retard ...

#PouffyFamily
5ième année RP - #408080 - Fiche - PR

16 oct. 2021, 22:12
Trop faibles ?  + 
L’ultimatum posé par Mark fit l’effet d’une bombe.

Gates sortit de sa retenue habituelle pour finalement se redresser sur ses deux pieds. Sa colère était aussi intense que celle de son professeur. L’adolescente, qui avait la moitié de l’âge de Mark, tentait d’interagir sur le même ton que son aîné. Elle se libérait corps et âme de son mal-être qui semblait s’être accumulé depuis son retour à Poudlard.

À cet instant précis, les rôles d’enseignants et d’élèves n’existaient plus. Seuls des êtres blessés communiquaient dans un sombre tourbillon de haine. Mark devait calmer la situation mais c’était au-dessus de ses forces. Il n’arrivait pas à contrôler cet échange sans filtre. Mais le devait-il seulement ? Était-on dans l’un de ces moments de tempête qui ravageait tout sur son passage en libérant une énergie accumulée depuis trop longtemps ? Un désastre nécessaire pour amener un climat apaisé dans son sillage ?

Mark serra les dents et s'efforça néanmoins à rester assis sur sa chaise. Il attendit que Gates vide entièrement ses larmes et le poids sur son cœur avant de prendre la parole. Mais Tramontane prit les devants en quittant la salle de classe. Son attitude pleine de second degré aux reflets méprisants retourna l’estomac de l’enseignant. Il avait raison de partir. C’était mieux pour tout le monde. Le professeur adressa seulement un signe de tête puis un reniflement aux mots du Gryffondor. Mark ne le regarda pas partir, saisissant seulement le claquement de la porte qui arriva à son oreille. Zarbi fut la seule à réussir à prendre du recul sur cette houleuse situation. Ses trois seuls mots réussirent à empêcher Mark d’exploser à nouveau. Il n’en fallait pas plus. L’anglais tourna vers la Poufsouffle des yeux dont les flammes perdaient de leur force puis prit une profonde inspiration.

Phrase après phrase, il tentait de mater sa rage. Si un mot souhaitait sortir ardemment, il le canalisait. Sa réponse était saccadée mais sans heurt. Pourtant, même adoucis, les mots pouvaient être tranchants comme une fine lame qui lentement lacérait les chairs. L’homme ne voulait pas entrer dans une ironie telle la posture adoptée par Tramontane un plus tôt.

« Miss Gates, croyez-vous être les seuls à avoir affronté de telles choses ? Mark força un clignement des yeux pour chasser des images qui lui revenaient à l’esprit. Des souvenirs qui n’avaient rien à envier à ceux des Dominiés. La Serdaigle n’avait absolument aucune idée des épreuves qu’avaient traversées Mark. Mais c’était mieux ainsi. Certes, vous ne vous êtes pas plainte par des mots mais votre corps lui montrait le contraire. Alors oui, je suis aussi fautif. J’ai cru que vous étiez prêts à affronter vos démons, à assumer vos choix passés quelles qu’en furent leurs conséquences. En vérité, je suis aussi coupable que vos parents, que cette école ou que cette société de votre faiblesse en la matière. Chaque jour, nous vous protégeons, vous couvons, vous enveloppons dans une bulle qui vous abrite du monde. Du vrai monde. »

Kristen Loewy était dans le vrai depuis le début. Mark y voyait enfin clair.

« Je suis désolé de ne pas prendre de pincettes avec vous. Comme vous le dites si bien, je suis vieux. Ou expérimenté selon les points de vue. J’ai sûrement une perception erronée des nouvelles générations. »

Mark aurait pu s’arrêter ici mais il lui sembla nécessaire de se livrer davantage. Son masque de professeur était déjà fissuré depuis plusieurs minutes et peut-être que si ces deux adolescentes comprenaient un peu mieux ses intentions, elles seraient aptes à l’aider. Montrer sa vulnérabilité était souvent nécessaire pour avancer.

« Vous m’avez fait comprendre que mon attitude vous paraissait égoïste mais combien d’adultes ici ont pris le temps de chercher à comprendre ce qu’il vous est arrivé ? Ils se comptent sur les doigts d’une main, j’en suis sûr. C’est justement parce que les épreuves que vous avez traversées étaient éprouvantes que j’ai besoin de vous. Si cela avait été une partie de plaisir, je ne vous aurais jamais demandé de rester. »

Mark s’arrêta un instant. Il baissa les yeux sur ses mains immobiles désormais posées sur le haut de ses cuisses. Au fil des mots, sa colère s’était dissipée. L’homme voulait faire table rase des éclats de voix passés et laissa donc Gates rester là où elle se trouvait. Les yeux de l’homme passaient successivement de l’une à l’autre des jeunes filles.

« En m’aidant à trouver comment éviter que cela ne se reproduise à nouveau, c’est tous vos camarades que vous protégez. Une vraie protection, personnelle et unique. Pas un édifice fébrile monté de toutes pièces par des personnes qui, dans le fond, cherchent à vous contrôler. Mark s'humidifia les lèvres avant de reprendre. Dans le Dominion, vous avez été témoin de ce dont le monde des sorciers est capable. Aujourd’hui, et quoi que vous en disiez, vous êtes des symboles vivants de cette réalité. À la fois fardeau et chance, vous avez l’occasion d’être une passerelle entre vos camarades et ce monde véritable. Aussi dur que cela soit, je pense que vous devez assumer ce rôle pour éviter que d’autres n’aient à subir des épreuves similaires. Mark se pencha un peu en avant. Aujourd’hui, je vous tends la main pour qu’ensemble nous réussissions à faire changer les choses. Qu’enfin vous ne soyez plus les pantins d’un jeu dont vous ne connaissez pas les règles. »

Détective privé à Pré-au-Lard
DDM de Gryffondor du 1/9/46 au 13/10/46
Ancien professeur de DCFM