Bad, les yeux clos avait posé son front contre le sien et Deryn n'avait pu se retenir de froncer les sourcils en observant le visage du Serdaigle se plisser sous la concentration. Pourtant, malgré le fait que de toute évidence, il mettait tout son front à l'ouvrage, il ne se passa rien. Rien du tout d'après ses dires à part peut-être une trace rouge sur le front des deux apprentis sorciers.

"Ben oui, pourquoi pas. Peut-être que... Peut-être qu'il ne faut pas fermer les yeux."

Pas franchement sûre de sa théorie, Deryn réfléchissait tout en parlant, ce qui donnait un discours quelque peu haché.

"Peut-être qu'il faut laisser une sorte de... porte ouverte. Peut-être que c'est en observant les yeux de l'autre qu'on arrive à... lire ses pensées ? Parce que... c'est plus facile déjà en temps normal de savoir ce que pense l'autre en observant son regard non ?"

Sa théorie lui semblait plutôt juste et comme toute théorie se devait d'être vérifiée, la Poufsouffle inspira profondément avant de planter ses pupilles noisettes dans celles du Serdaigle tout en approchant de nouveau leur front. Lire dans les yeux de l'autre ne devait pas être si compliqué que ça. Enfin pour le moment, Deryn ne voyait rien de particulier dans les grand yeux verts qui approchaient doucement des siens. La Poufsouffle, concentrée comme jamais plissa les yeux avant de se forcer à se détendre mais à part quelques reflets du décor alentour, elle ne voyait rien dans les yeux posté à quelques centimètres des siens. Rien de rien.

L'irlandaise se fit soudain la réflexion que son camarade d'expérience avant les yeux d'un vert différent de ceux de Chems et cette pensée la troubla. Ne souhaitant pas virer au rouge rapeltout et surtout à devoir l'expliquer, elle attrapa soudain le menton de Bad de sa main droite.

"Je te tiens, tu me tiens par la barbichette, le premier de nous deux qui rira aura un coup d'baguette !"

Cette comptine d'enfance dont elle avait découvert la version sorcière il y a peu, avait surgit mystérieusement à cet instant précis et marquait, de toute évidence, la fin de son temps de concentration maximale.

Bad fermait généralement les yeux quand il tentait un exercice qui nécessitait une importante concentration. Était-ce aujourd’hui une erreur ? Le Serdaigle haussa les épaules en écoutant la théorie de Deryn. Une histoire de porte spirituelle. Perplexe, Bad fronça le nez en répondant.

« Peut-être qu’il ne faut pas fermer les yeux, oui, mais je pensais que ça aiderait à mieux voir ce à quoi tu pensais. Mais en fait, je ne sais même pas ce que je dois voir. Des mots ? Des images ? Des sons ? Des odeurs ? »

Plus Bad réfléchissait, plus cette histoire lui semblait compliquée. Les deux adolescents s’étaient sûrement lancés dans une aventure qui dépassait leurs compétences. Le garçon s’apprêtait à abandonner quand sa camarade se mit à tester sa théorie. Les yeux de la Poufsouffle tentait de percer à jour les réflexions de Bad. Ce dernier, afin de l’aider, choisit de se focaliser sur une pensée unique et particulière : sa cérémonie de répartition, il y avait plus de quatre ans de cela. Allez, Deryn ! La Poufsouffle saisit le menton du garçon qui écarquilla les yeux. Avait-elle réussi ?

Désillusion et rire furent les deux seules émotions qui accompagnèrent Bad. Ayant perdu ce jeu inattendu en moins d’une demi-seconde, le Serdaigle se recula rapidement, retirant virulemment son menton des mains de la quatrième année au passage et manquant de chuter en arrière. Baguette levée devant lui, il sourit à Deryn avec, toujours, une pointe de rire dans la voix.

« Hey, garde ta baguette rangée toi ! Je crois que j’arrive à lire dans ta tête là ! Tu veux me faire payer ma défaite ! »

La réaction du Serdaigle la rassura. Il n'avait à priori pas perçu la gêne soudaine et passagère de l'adolescente et avait lamentablement perdu à son petit défi surprise. Deryn se mit à rire à son tour, levant les mains en l'air en signe de capitulation.

"Mince je suis démasquée. Comme quoi, tu y arrives très bien. Conclusion, il faut se tenir par le menton pour que ça fonctionne."

La Poufsouffle rit de plus belle devant cette conclusion stupide, imaginant tous les sorciers se tenir par le menton pour savoir ce que l'autre était en train de penser. Très pratique pendant les duels. Elle retrouva peu à peu son sérieux cependant.

"Bon, de toute évidence, on n'a pas le don naturel. Et comme tu dis qu'utiliser le sort c'est trop dangereux pour le moment, je crois qu'il va falloir se contenter de la théorie. Vous allez peut-être étudier ça en cinquième année. Tu m'expliquerais ce qu'on vous apprend ? Je serais curieuse de savoir comment ça marche vraiment. C'est fou tout ce que la magie permet de faire."

Deryn descendit de son perchoir et scruta le petit jardin, à la recherche de son botruc. Il était dur à trouver dans la végétation.

"Tim ?"

Elle posa sa main droite sur la fenêtre pour permettre à Tim de la rejoindre sans mal et se tourna de nouveau vers Bad après avoir glisser son livre sous son bras gauche.

"Tu allais à la bibliothèque ?"

Le petit botruc apparut tandis que la Poufsouffle papotait et grimpa sur son humaine de compagnie, utilisant le bras mis à disposition comme une échelle.

« Le menton, oui, c’est ça le secret !, répondit Bad d’un ton faussement sérieux. Je suis sûr que la nouvelle professeure de défense contre les forces du Mal, Miss Valerion, serait d’accord avec ça ! »

Le Serdaigle avait finalement rangé sa baguette et, tout en écoutant les conclusions de Deryn sur leur non-don, s'était mis à resserrer sa ceinture qui avait parfois tendance à ne pas bien maintenir son pantalon. La curiosité de la Poufsouffle surgit à nouveau. Bad avait déjà remarqué cela chez la quatrième année et en conclut que cela semblait être une qualité exacerbée chez elle. Une vraie Serdaigle … Souriant franchement, il releva le nez vers Deryn.

« Oui, j’espère qu’on en parlera en classe cette année ! Je te ferai un cours mais seulement si tu es sage ! Bad lui adressa un clin d'œil avant d’ajouter. La magie, c’est super chouette. La première fois que je suis arrivé à Poudlard, j’avais vraiment l’impression d’être dans un rêve ! Maintenant, je m’y habitue un peu. Quoi que ..., rectifia le garçon en plissant les lèvres. Encore aujourd’hui, je suis souvent émerveillé par ce que la Magie est capable de faire. »

Leur séance de pénétration d’esprit avait pris fin et le Serdaigle se décida à rentrer au château. Pourtant, même si elle n’avait pas le regard pointé dans sa direction, Deryn l’interpella. Surprenant.

« Tim ?, répéta Bad en écho à la jeune fille. Non, moi, c’est Bad, je sais que c’est bi… Le garçon réalisa son incompréhension en voyant surgir la petite créature d'écorces et brindilles. Ah, Tim, c’est ton Botruc ! »

Bad secoua la tête en soufflant par le nez mais son esprit fut rapidement appâté par la question surprenante de Deryn. Pourquoi la bibliothèque ?

« Heu, non, mais je peux t’accompagner, je n’ai pas grand chose à faire ! Enfin, si ça ne te dérange pas. J’en profiterai pour regarder s’ils ont d’autres livres sur la legilimancie et l’occlumancie. »

Prenant la route de la salle aux milliers d’ouvrages, Bad passa le chemin à questionner Deryn sur la manière dont elle s’occupait de Tim. Pourtant peu passionné par les cours de soins aux créatures magiques, l’idée de pouvoir le dresser pour qu’il apprenne à lui curer le nez s’était étrangement faufilée dans son esprit. Pratique les longs doigts ! Mais le fait qu’ils soient pointus l’inquiétait aussi …

C’est la fin pour moi Deryn ! Merci beaucoup !