La jeune fille sourit, amusée par la question de son camarade. Elle n'avait jamais eu l'occasion de rencontrer la dame grise, même si elle aurait vraiment apprécié. La blonde se souvenait d'un cours d'histoire de la magie qu'elle avait eu en première année, qui parlait des fondateurs et des fantômes de chaque maison du château. Canelle s'en souvenait très bien car elle s'était dit que c'était vraiment intéressant, et avait après ça porté bien plus d'attention à tout ça. Malheureusement, la troisième année n'avait jamais aperçu le fantôme de sa maison, mais n'ayant pas vraiment cherché non plus. Peut-être pourrait-elle faire ça quand elle aura du temps libre ? La Serdaigle ne savait absolument pas où chercher, et ça ne risquait pas d'être facile vu la taille du château. En plus de ça, qu'est-ce qu'elle lui dirait si elle la trouvait ? Il n'y avait pas vraiment de raisons pour laquelle elle voulait la trouver. Non, décidemment, ce n'était pas une très bonne idée. "Non, jamais, répondit-elle. J'aimerais bien, mais j'crois qu'elle aime pas trop qu'on la dérange." La blonde ne se souvenait plus où elle avait entendu ça, mais il lui semblait clair que la dame grise n'aimait pas beaucoup les élèves du château.

La blonde s'était attendue à cette question. Il paraissait évident que si son camarade n'aimait pas du tout le vol, il allait être intéressée par une filière où cette matière n'apparaissait pas. Elle n'était certainement pas la première à ne pas aimer le vol, et ne serait probablement pas la dernière. Canelle afficha donc un sourire avant de répondre. "J'suis en filière complète, expliqua la jeune troisième année. Y a tout, sauf le vol, l'étude des runes et l'étude des moldus." Ne pas avoir les deux dernières matières ne dérangeait pas du tout la troisième année. Au contraire, apprendre les runes ne l'intéressait pas vraiment, et l'étude des moldus l'ennuyait profondément. Elle n'avait rien contre eux, au contraire, mais comme elle avait grandi parmi eux, elle n'avait nullement besoin d'étudier leur vies. Vies qui étaient pour la plupart assez semblables à celle des sorciers: se lever, manger, aller en cours, faire ses devoirs, etc. La seule différence était l'absence de magie.

Visiblement, son camarade s'était un peu délié la langue, ce qui fit sourire la jeune sorcière. Vu qu'elle était là, au moins elle pouvait discuter un peu. La blonde regarda son camarade décollait du sol avec effroi, un peu stressée à l'idée que celui-ci tombe. Elle n'avait pas vraiment envie de devoir l'amener à l'infirmerie en urgence après une chute de plusieurs mètres. "Moi c'est Canelle," annonça-t-elle après que son camarade lui ait apprit qu'il s'appelait Ernest. La jeune fille ne connaissait aucun Ernest, ce qui était un prénom assez original, et trouvait que le visage de son camarade collait assez bien avec son prénom. Elle ne faisait généralement pas attention à ce genre de choses, mais ce jour-là, ce détail la marquait. Sans aucune raison valable.

Ernest se détendait peu à peu, malgré l’échéance de monter sur son balai qui ne disparaîtrait pas. Parler des choses qui le passionnaient détournait son attention de sa timidité et le poussait à surmonter son côté introverti. Alors forcément, évoquer les fantômes de Poudlard éveillait en lui plus de curiosité que de gêne. Une curiosité qui n’avait cessé de croître, alimentée par ses cours d’Histoire de la Magie et par la perspective d’en croiser un jour dans un couloir. Il avait déjà aperçu le fantôme de Gryffondor qui faisait régulièrement des apparitions dans la Grande Salle mais la Dame Grise restait très mystérieuse. Tout comme son histoire. Ernest acquiesça à la remarque de la demoiselle tout en réalisant que cela faisait déjà plusieurs minutes qu’ils parlaient et qu’il ne connaissait même pas son prénom. C’était peut-être ce qui l’avait poussé à se présenter.

“J’imagine que même un fantôme à des émotions… enfin je crois…”

À mesure qu’ils discutaient, il en apprenait un peu plus sur elle. Ernest aimait apprendre des choses, la vie des gens n’en faisait pas exception. L’adolescente avait sûrement des choses à lui apprendre sur Poudlard et sur son fonctionnement qui restait encore parfois assez obscur à ses yeux. Il suivait le flot, se laissant porter d’un cours à l’autre, d’un endroit à l’autre. Il observait. Quand il se sentirait suffisamment à l’aise, il adopterait une attitude plus téméraire. Le petit brun était un explorateur dans l’âme. Il aimait les mystères, les énigmes. Il aimait particulièrement les résoudre.

“C’est pas bien l’étude des runes et des moldus ?”

Il ne connaissait que peu la première et la seconde semblait peut-être un peu futile pour un garçon qui était né et avait grandi avec la culture moldue. Pour lui, il s’agissait juste de quelque chose de naturel.

“Est-ce qu’il y a une filière où on peut tout faire ?”

Car il n’était pas chez les Serpentard sans raison. Ernest était peut-être timide, mais son ambition sommeillait en lui, comme une armée prête à se soulever. C’était peut-être la discussion, ou le sourire bienveillant de la Serdaigle qui le décida finalement à prendre son courage en main et à enfourcher le balai. Après avoir officialisé cette rencontre par un échange de prénoms, il foula doucement le sol et l’engin s’éleva lentement dans les airs. Ernest n’était pas très à l’aise, même à quelques dizaines de centimètres du sol. Mais il gardait le contrôle et son sang froid. Il jeta un regard à Cannelle, elle qui avait réussit à endurer deux ans de cours de Vol sans trop de séquelles semblait-il.

“Et maintenant ?”

La blonde haussa les épaules, ne connaissant pas la réponse à cette question. Elle ne se l'était à vrai dire jamais posée avant ce jour-là. Maintenant qu'ils en parlaient, Canelle doutait que les fantômes ressentent quoique ce soit. Après tout, on pouvait les traverser sans qu'ils ne ressentent rien alors peut-être qu'ils ne ressentaient rien du tout. Si c'était le cas, la blonde se demandait bien pourquoi ils continuaient à vivre. Sans aucun sentiment, ça ne rimait à rien, non ? Ou peut-être qu'au contraire c'était plus facile de ne rien ressentir du tout. Il y avait certains moments où la troisième année aurait préféré ne pas avoir de cœur.

"J'sais pas, répondit la jeune fille en souriant timidement. Peut-être pas, ils ressentent rien quand on les touche. Je me suis jamais posée la question en fait." Canelle n'aimait pas contredire les gens, aussi ajoutait-elle toujours quelque chose derrière quand elle le faisait. Certaines personnes détestaient avoir tord et pensaient toujours tout savoir, aussi prenait-elle ses précautions. Le Serpentard n'avait pas l'air d'être comme ça, mais on ne savait jamais. La Serdaigle n'avait aucune envie de commencer à se disputer avec lui maintenant, alors que la discussion commençait tout juste à avancer. Et puis, valait mieux prévenir que guérir, sa mère le lui répétait toujours avant qu'elle ne tombe malade.

La blonde rougit. Ce n'était pas ce qu'elle avait voulu dire, même si elle ne trouvait pas vraiment d'utilité à ces deux matières. Ayant grandi parmi les moldus, elle le connaissait déjà plutôt bien et n'avait eu aucune envie de perdre des heures à écouter des choses qu'elle savait déjà. Et puis, l'étude des runes ne l'intéressait pas vraiment. En réalité, ces deux matières étaient plutôt anodines à ses yeux, elle avait choisi cette filière car elle ne comprenait pas de vol et que ça ne la dérangeait pas d'arrêter ces deux matières. Elle ne l'avait pas prise parce qu'elle voulait arrêter ces deux matières. Non, c'était juste que c'était ce qui lui convenait le plus.

"Si, si, répondit-elle. Enfin, je crois. C'est surtout que je voulais arrêter le vol, et que ça me dérangeait pas trop de pas avoir ces matières. J'ai grandi avec les moldus, du coup ça m'aurait un peu ennuyé de les étudier je pense. Après les runes, j'sais pas, j'en ai jamais fait." Réfléchissant, la jeune fille tenta de remonter quelques mois auparavant. Elle ne se souvenait plus trop de toutes les filières, mais elle les avait bien étudié au moment de choisir. Si elle réfléchissait bien, Canelle devrait retrouver facilement. Quelques secondes plus tard, la jeune fille se retint de lâcher un cri de joie, contente d'avoir trouvé. Il y avait bien la filière totale, où il y avait deux heures de chaque cours mais qu'une heure de vol. Ce serait parfait pour le garçon !

"Y a la totale, annonça-t-elle en souriant. Je crois qu'il y a deux heures de tout, et une heure de vol." La jeune fille frissonna en voyant le garçon enfourcher son balai et s'élever à quelques centimètres du sol. Elle espérait vraiment qu'il n'allait rien lui arriver car la blonde serait incapable de voler pour aller l'aider après avoir passé des mois sans toucher un seul balai. "Respire bien, conseilla-t-elle. Et si tu te sens vraiment pas bien, te force pas, c'est pas grave. Evite de regarder en bas aussi, ça peut te faire perdre l'équilibre je crois" La troisième année essayait de donner tous ses conseils à son cadet, même si ceux-ci n'étaient pas très nombreux. Elle n'était probablement pas la mieux placée pour donner des conseils en vol.

La question des fantômes et de leurs sentiments attisait la curiosité d’Ernest. Il se promit mentalement de mener son enquête. Plus tard. Quand il serait de retour au château. Il faudrait néanmoins qu’il le note dans son carnet, pour ne pas oublier. Au cas où il rencontrerait un fantôme qui se montrerait coopératif et qu’il pourrait lui poser toutes les questions qu’il avait en tête. Enfin sur le papier. Mais de vive voix. Enfin… Il s’agissait décidément d’un sujet qui mériterait toute son attention. Quand il aurait terminé ses devoirs et qu’il estimerait s’être assez entraîné en lancer de sorts. Ça faisait déjà une liste assez longue. Et pour le moment, il restait bloqué sur cet objectif de vol. C’est qu’il était borné.

“Ils ont l’air tout à fait conscient en tout cas.. de ce que j’ai pu lire… Parce que j’en ai pas croisé beaucoup jusqu’à présent.”

Il pensa au Baron Sanglant, le fantôme des Serpentards. Celui-là ne se montrait pas beaucoup. Et Ernest n’était pas encore assez téméraire pour partir à sa recherche. Peut-être aussi qu’il pensait que c’était malpoli de chasser les gens comme ça. Enfin les fantômes. Mais ils avaient aussi été des personnes alors c’était un peu pareil, non ?

Les joues de la jeune fille s’empourprèrent légèrement alors qu’ils poursuivaient la discussion sur les différentes filières. Et comme par mimétisme, celles d’Ernest rosirent également. Très légèrement. Une moue s’afficha néanmoins sur son visage quand Canelle lui présenta le descriptif de la filière totale.

“Deux heures de sortilèges, c’est vraiment pas beaucoup…”

Il s’agissait d’une de ses matières préférées avec la Défense contre les forces du Mal. Il pourrait passer des journées entières dans ces deux salles de classe si on le laissait faire. Il passait d’ailleurs le plus clair de son temps à pratiquer les sortilèges enseignés par Miss Priddy et Miss Valerion. Le charisme des deux enseignantes n’y était probablement pas pour rien. L’adolescent hocha la tête quand la petite blonde lui avoua avoir grandi auprès des moldus. D’un coup, il se sentait nettement plus à l’aise. Peut-être un peu trop curieux alors.

“Et tes parents, ils sont… ce sont des moldus ?”

Voilà un sujet qui défrayait également les couloirs de Poudlard. Un sujet qui devrait être anodin mais qui ne l’était finalement pas pour bon nombre d’élèves. Et particulièrement chez les Serpentards qui accueillait une population de Sangs Purs et de né-sociers particulièrement importante. La conversation avec la Serdaigle semblait lui avoir donné un peu plus confiance en lui. Assez pour qu’il enfourche son balai et s’élève légèrement au-dessus du sol. Un sourire timide se dessina sur ses lèvres en réponse aux encouragements de Canelle.

Mais ses mains étaient toujours aussi crispées sur le manche. Comme elle le lui avait intimé, il prit une profonde respiration avant de tenter de s’élever un peu plus haut. Juste un petit mètre en plus. Et un deuxième. Il était à présent un peu plus haut que la jeune fille, à quelques mètres d’elle. Mais quand elle lui indiqua de ne pas regarder en bas, le réflexe fut plus fort et c’est exactement ce qu’il fit. Et la panique s’empara de lui. Trop crispé sur son manche, collant quasiment l’intégralité de son corps contre ce-dernier, l’adolescent ne put empêcher la descente en piqué.

Une nouvelle fois, Ernest se rétama en beauté. Heureusement, il n’était pas monté très haut. Ce qui ne l’empêcha pas de faire quelques roulés-boulés après avoir percuté le sol. Il se redressa sur ses mains et les fesses collées dans le gazon, le garçon poussa un profond soupir. Une nouvelle tentative, un nouvel échec.

La blonde n'en avait aucune idée. Elle n'avait jamais discuté avec des fantômes, les regardant seulement de loin depuis qu'elle était arrivée au château, trois ans auparavant. Canelle savait que certains de ses camarades avaient déjà discuté avec certains fantômes, et si elle avait été moins timide, l'anglaise l'aurait probablement fait. Mais comment allait vers des fantômes, alors que parler avec eux semblait encore plus effrayant que de parler avec des humains ? Chose que la troisième année trouvait déjà bien trop stressante. Elle continuerait probablement ses recherches, curieuse, mais pas en allant aborder les fantômes qui hantaient le château. Les livres de la bibliothèque suffiraient largement à répondre à sa question.

"C'est vrai, remarqua-t-elle. Pareil, j'ai jamais parlé avec un fantôme. J'en ai déjà croisés pas mal, mais je les ai jamais abordés." La jeune fille était plutôt étonnée que son camarade n'ait pas croisé beaucoup de fantômes au château, ceux-là n'étant pas ce qui manquait à Poudlard. Mais après tout, son camarade n'était qu'en première année et la moitié de l'année venait juste de passer: ce n'était donc pas si étonnant que ça. Et c'était assez compréhensible que le garçon n'ait pas forcément fait attention à eux, le château regorgeant déjà de beaucoup de surprises sans avoir à y ajouter les fantômes. L'anglaise ne se souvenait même pas si elle avait conscience de l'existence des fantômes avant de les étudier en cours.

La jeune sorcière sourit, amusée par la réaction de son camarade. Il était vrai que quand on aimait vraiment une matière, deux heures n'étaient pas forcément suffisants. La blonde ne pouvait que comprendre son camarade, ses deux heures de potions, histoire de la magie et défense contre les forces du mal ne lui suffisant absolument pas. Mais au fil des mois, on s'habituait rapidement à son emploi du temps et on ne réalisait même pas le peu d'heures de cours qu'on avait dans ses matières préférées. Les deux heures de métamorphose par contre, Canelle ne les sentait que trop bien passer.

"C'est sûr que c'est pas beaucoup, mais on s'habitue vite, fit-elle remarquer. C'est pratique aussi, parce que si à un moment t'aimes plus une matière, tu l'a pas plus que les autres." La blonde avait conscience que ses goûts avaient beaucoup changé depuis sa première année, et elle imaginait que ça allait être la même chose pour son camarade. "Sinon y a la filière sport et soin et pratique et ouverture si tu veux beaucoup de sortilèges. Y a 5h je crois, mais par contre y a plus de matières que t'auras pas du coup" expliqua la blonde. Si son camarade voulait avoir toutes les matières, la meilleure filière restait la totale, mais il pouvait toujours considérer les autres options.

La jeune fille secoua la tête, étonnée par la curiosité du garçon. Faisait-il partie de ces élèves qui détestaient les moldus ? Ca ne semblait pas le cas, aussi la Serdaigle en déduit qu'il devait lui-même avoir des parents moldus. Il pouvait être rassuré, ce n'était pas Canelle qui allait le juger à ce sujet. Celle-ci adorait les moldus, et avait passé le plus clair de son enfance avec eux. Ses parents avaient beau être tous les deux être des sorciers, ils avaient insisté pour qu'elle aille dans un primaire moldu. Et puis, sa meilleure amie, Zoey, était une née-moldue. L'anglaise n'avait donc rien contre ceux-là.

"Non, mais mes parents m'ont fait allée dans un primaire moldu, tenta-t-elle d'expliquer. Ils voulaient que je vois comme c'était, que je vois de gens de mon âge avant d'aller à Poudlard. Et toi ? Tes parents sont moldus ?" La jeune fille adressa un sourire rassurant à son camarade, voulant que celui-ci se sente assez à l'aise pour le lui dire si c'était le cas.

Le garçon enfourcha ensuite son balai, ce qui donna des frissons à la Serdaigle. Elle espérait sincèrement que celui-ci n'allait pas se blesser ou perdre le contrôle. Elle était bien incapable d'aller le sauver à dix mètres du sol, dans les airs.

La jeune fille adressa ensuite ses conseils au garçon, qui fit tout le contraire de ce qu'elle lui avait dit. Alors qu'il s'élevait à quelques mètres du sol, ses yeux se braquèrent sur le sol et il commença à foncer vers le sol. L'anglaise sentit son coeur faire un bond dans sa poitrine tandis que le Serpentard s'écrasait contre le sol. Elle approcha d'un pas rapide, presque courant, espérant qu'il ne s'était pas fait mal. "Ca va ? fit-elle, la voix légèrement éraillée à cause de l'inquiétude. Tu t'es pas fait mal ?" Canelle se rassura légèrement en le voyant se redresser et pousser un soupir. Il paraissait plus déçu qu'autre chose.

Si les fantômes n’étaient pas quelque chose de rare à Poudlard, il semblait qu’Ernest n’était pas le seul à ne pas encore avoir osé franchir la ligne qui séparait les morts des vivants. Il y avait bien Sir Nick-Quasi-sans-Tête qui paraissait plus abordable, mais c’était le fantôme de la maison Gryffondor et l’adolescent commençait à nourrir une aversion pour les rouge et or. Pourtant, ce n’était pas les occasions qui manquaient, il avait l’air plutôt affable pour un fantôme. Mais Ernest était buté et il avait également d’autres centres d’intérêts qui devenaient des priorités. La pratique des sortilèges qu’il apprenait en cours en était une.

“Je ferais des recherches là-dessus… enfin quand j’aurais le temps…”

Ernest était vraiment curieux d’entendre le point de vue de Canelle. Il lui en faudrait certainement quelques uns pour arriver à se faire sa propre idée. Peut-être déjà commencer par se renseigner sur les différentes filières et les programmes exactes de chaque matière. Il avait le temps bien sûr, mais il ne voulait pas se tromper. Il avait horreur de ça. Et s’il l’acceptait parfois lors de ses expériences, il n’envisageait pas de faire le mauvais choix de ce qui définirait son parcours pour les sept prochaines années et pour toute la vie finalement. Lui qui n’avait aucune idée de ce qu’il voulait faire plus tard, c’était une pression importante sur ses épaules. C’est pour ça qu’il voulait être prêt, avoir étudié toutes les options qui s’offraient à lui.

“Ça t’es déjà arrivé ? De plus aimer une matière ?”

Il pensa au cours de sortilèges. Non, il était évident que jamais il n’arrêterait d’aimer les cours de Miss Priddy. Mais qui sait si la Professeur resterait là jusqu’à la fin de sa scolarité. Il avait bien changé de prof de botanique en plein courant de l’année et allait commencer les cours avec le Professeur Charleston. Mais il aimait les sortilèges, autant que la professeur.

“Y en a certaines dont je me passerais bien…”

Il pensait principalement à la classe de vol. Et puis l’Histoire de la magie n’était pas autant sa tasse de thé que ce qu’il aurait pensé. Il aimait lire des choses et se passionnait pour la thématique générale mais il n’avait pas les réflexions imposées par la matière. Il n’y avait rien de tangible et ça le perturbait énormément.

Ernest se risqua à mettre les pieds sur un terrain sensible, celui des origines. C’est comme ça qu’il apprit que Canelle était issue d’une famille de sorciers mais que ses parents l’avaient élevé très près du monde moldu. Ce qui était plutôt étonnant quand on y pensait. La plupart des sorciers faisaient bien attention à ne pas se mélanger. Pas parce qu’ils avaient tous une dent contre les gens sans pouvoir mais parce qu’il y avait des lois et des règles qui rendaient la cohabitation parfois difficile. Celle du Secret magique par exemple. L’adolescent avait longtemps pensé qu’il serait beaucoup plus simple si tout le monde savait. Jusqu’à ce qu'aient lieu les affrontements de 2045.

“J’étais à l’école aussi avant… une de mes mères est moldue…”

Ça avait glissé de sa bouche tout seul. En général, il ne parlait pas de ses mamans si facilement. Mais il se sentait relativement bien dans cet échange avec la Serdaigle. Peut-être un peu trop, ce qui le faisait oublier son naturel prudent. Et l’avait même poussé à enfourcher son balai et à tenter une nouvelle expérience de vol. Qui s’était soldé par un échec douloureux et probablement quelques ecchymoses. Mais c’était son égo qui avait pris le plus gros coup.

“Nan… ça va… j’ai rien… enfin rien de bien grave…”

Canelle avait rappliqué à toute allure, ce qui déstabilisa légèrement le garçon, étonné qu’elle s’inquiète ainsi pour un inconnu qu’elle venait à peine de rencontrer. Ernest poussa un nouveau soupir et se laissa aller vers l’arrière, se couchant sur le gazon frais. Il observa les nuages qui passaient au-dessus d’eux en se disant que les chances qu’il monte un jour là-haut étaient quasiment nulles.

La blonde hocha la tête, bien consciente qu'elle aussi le ferait. Elle avait toujours adoré les éléments magiques au château, et était vraiment curieuse d'en apprendre plus à leur sujet. Elle apprenait de nouvelles choses tous les jours, et ne s'étonnait plus d'apercevoir de nouvelles créatures magiques chaque semaine. A Poudlard, l'anglaise s'attendait à tout. Si elle voyait une momie ou un léopard volant apparaître, elle n'était même pas sûre d'en être étonnée. Ca semblait si normal, ici, au château.

"Moi aussi" fit-elle simplement, bien consciente que son camarade n'en avait probablement rien à faire. Mais la blonde ne s'était pas sentie de ne pas lui répondre, le Serpentard ayant l'air plutôt calme et gentil depuis le début de leur discussion. Certes ce n'était pas l'impression qu'elle avait eu de lui au début, mais la jeune troisième année avait appris à se méfier des apparences. Celles-ci étaient bien trop souvent trompeuses. Des joues rougeâtres ne voulaient pas toujours dire gêne, comme un sourire ne voulait pas toujours dire bonheur.

"Pas vraiment, mais mes goûts ont évolué, expliqua-t-elle. Quand j'étais en première année, j'adorais l'histoire de la magie, alors que maintenant, je préfère les potions ou la défense contre les forces du mal. J'ai pas vraiment arrêté d'aimer la matière, juste mes préférences ont un peu changé." Un changement titanesque était probablement impossible, on ne pouvait sûrement pas adorer puis détester une matière, mais certaines pouvaient monter dans nos préférences comme d'autres pouvaient descendre. En tout cas, c'était l'impression que Canelle avait.

La blonde ria doucement, bien d'accord avec son camarade. Elle aussi, elle se passerait bien de quelques matières. Comme la métamorphose par exemple. Ou l'astronomie. Quoique cette dernière passait encore.

L'anglaise garda un visage impassible, bien qu'étonnée. Elle n'avait aucun problème envers les moldus, bien au contraire mais était étonnée que le garçon ait dit l'une de ses mères. Canelle ne connaissait pas bien les couples homosexuels, n'en ayant jamais connu dans sa vie mais n'avait rien contre eux. Son père lui avait rabaché le cerveau durant toute son enfance en lui disant que ce n'était pas naturel, mais la troisième année n'était pas d'accord avec lui. A ses yeux, on ne pouvait pas choisir vers qui les sentiments allaient se tourner, que ce soit un homme ou une femme.

"T'aimais bien ? demanda-t-elle curieusement, préférant de ne pas poser de questions sur ses mères. T'arrivais bien à t'intégrer dans ton école ?" Ce n'était pas le cas de Canelle qui, malgré ses quelques amis, avait passé une grande partie de son enfance seule. Elle était différente, et le secret de la sorcellerie lui avait pesé sur les épaules chaque fois qu'elle parlait avec un moldu. Quel soulagement ça avait été de recevoir sa lettre pour Poudlard ! Plus besoin de supporter la différence, et plus besoin de supporter le fromage de la cantine de son école primaire.

Quand le garçon tomba de son balai, la blonde marcha précipitamment vers lui. Elle ne voulait pas qu'il lui arrive quelque chose, et sentit la tension enflait dans sa poitrine. Elle espérait sincèrement que celui-ci allait bien, un accident arrivant bien trop vite en vol. Son soulagement fut palpable quand celui-ci annonça ne rien avoir et qu'il s'étendit sur la pelouse. Visiblement, il y avait eu plus de peur que de mal.

"Tu veux aller à l'infirmerie ? demanda-t-elle tout de même. Faudrait pas que t'aies quelque chose..." Valait mieux prévenir que guérir, comme on disait.

Ernest était nettement plus à l’aise quand il parlait de sujet qu’il maîtrisait. Il ne bafouillait pas autant et avait moins de mal à trouver ses mots. Il avait moins besoin de réfléchir aussi, les échanges étaient plus naturels. Il avait toujours du mal à franchir le cap des banalités, celui où on se jauge. Mais quand c’était fait, il pouvait se montrer plutôt loquace et même avenant. Il adressa un sourire timide à Canelle quand elle adhéra à sa remarque de faire des recherches. Elle était plus âgée que lui, il prenait ça comme une sorte de validation. Un signe qu’il ne disait pas n’importe quoi. Et qu’il n’était pas complètement à côté de la plaque.

La discussion bifurqua sur les cours et leurs intérêts pour les différentes matières. Pour Ernest tant qu’il s’agissait d’utiliser sa baguette, il était plutôt content. En potions, il était plutôt appliqué et la plupart du temps c’était suffisant. Mais qui sait quand les difficultés se présenteraient vraiment. C’est vrai que ce n’était pas évident d’avoir une opinion très claire sur toutes les matières. Il exécrait les cours de vol mais ça ne l’empêchait pas d’éprouver une certaine sympathie pour le professeur Mason. Il le trouvait même plutôt cool.

Il écouta attentivement Canelle, se demandant un instant à quoi ressemblerait sa vie d’ici qu’il soit en troisième année. Il avait cependant du mal à se projeter. Il aurait certainement appris de nouveaux sortilèges. S’il avait déjà zieuté sur le programme de deuxième année, il avait eu assez à faire avec ses expériences pour avoir le temps d’aller plus en avant. Et puis il y avait beaucoup de matières et la troisième année signifiait également choix de filières et cours facultatif. Pour un garçon comme Ernest qui avait du mal à faire des choix, c’était déjà beaucoup trop de perspectives.

“Je trouve que c’est dur de devoir choisir des cours alors qu’on peut changer d’avis en cours de route finalement…”

En entendant son rire léger, une nouvelle bribe de sourire se dessina au coin de ses lèvres. Elle était gentille, Canelle. Elle ne le regardait pas de haut comme les filles qu’il croisait à Serpentard, malgré le fait qu’il soit plus jeune qu’elle.

Un léger blanc s’installa dans la conversation et un instant, Ernest se demanda s’il avait encore dit une anerie ou si s’était parce qu’il avait abordé le sujet des moldus. Et par la même dévoiler son statut de sang-mêlé. S’il avait tenté de faire comme si ça n’avait pas d’importance quand il avait commencé sa scolarité, il s’était rendu compte assez rapidement que c’était faux. Il y avait des clivages, quoi qu’on en dise.

“Bin c’était l’école quoi… j’crois pas qu’j’me rendais compte au début… Je sais plus trop… ‘fin… J’étais déjà pas comme les autres à la base… j’veux dire… les pluparts des autres enfants, ils avaient un papa et une maman… mais ça m’a jamais gêné… j’étais juste différent et puis après ça a été pareil avec la magie…”

Ernest n’avait pas réellement de mauvais souvenir de sa petite enfance ou de ses années à l’école moldue. Il fallait dire que ses mères l’avaient entouré d’amour et qu’elles avaient mis un point d’honneur à toujours bien expliquer les choses au petit garçon, à répondre à ses nombreuses questions. Il y avait un côté très intimiste à cette situation. C’était eux trois, dans leur cocon.

“Mais toi du coup ? J’veux dire… moi je connaissais tous les trucs des moldus, c’était normal… mais t’as dû tout apprendre ?”

Ce n’est qu’arrivé à Poudlard qu’il avait réalisé à quel point les sorciers de “lignée” étaient mal renseigné sur le monde des moldus.

La fin de cet entretien se continua sur un essai de vol qui, sans surprise, tourna à la catastrophe. La demoiselle avait l’air bien plus secoué qu’Ernest par sa chute. Pour lui, ce n’était pas la première fois, et ça ne serait probablement pas la dernière. Mais il ne voulait pas lâcher. Il ne voulait pas passer l’année sur le banc de touche. Il ne demandait pas non plus la lune, il n’avait aucune intention de devenir un grand joueur de Quidditch ou un coureur de course de balai, mais il voulait avoir moins peur. Arriver à dépasser ce stade plutôt humiliant du sur place. Il se redressa quand Canelle s’approcha de lui. Il n’avait pas l’habitude de ce genre de promiscuité, ni de l’intérêt non feint qu’elle lui portait. Il se frotta la nuque, légèrement gêné.

“Non, non… j’t’assure… J’aurais quelques bleus tout au plus…”

La blonde hocha la tête, d'accord avec son camarade. Elle trouvait ça un peu jeune, de choisir des filières dès la troisième année. Les goûts changeaient énormément au fil du temps et chaque élève évoluait au fil des années. La plupart des élèves choisissaient leur filière en fonction de ce qu'il comptait faire de leur vie, mais ça aussi, ça pouvait changer. Treize ans était un âge bien trop avancé pour faire choisir des élèves, surtout pour leur faire faire un choix qui allait compter pour leur avenir. Canelle ne comprenait pas bien l'utilité de leur faire choisir si tôt. Pourquoi pas en cinquième année ? Quinze ans, c'était déjà mieux.

"Surtout que treize ans c'est jeune j'trouve, acquiesca-t-elle. Ils ont sûrement leurs raisons, mais j'pense que ce serait mieux vers la cinquième année, avant les BUSES." Ainsi, les filières auraient déjà été choisies au moment des examens, et ceux-là seraient exactement comme à l'heure actuelle. *Ca sert à rien de penser à ça* Canelle préférait ne pas penser à ça, ce n'était pas elle qui allait changer le système de toute façon.

La jeune troisième année fut ravie de voir un sourire se dessinait sur le visage de son camarade, le début de leur conversation n'étant plus qu'un lointain souvenir. A présent, la conversation était bien entamée et Canelle était finalement contente d'avoir trouvé son cadet sur le terrain. Au moins, le chemin n'aura pas été vain.

La jeune fille écouta avec attention la réponse de sa camarade, curieuse d'entendre le point de vue d'un autre sorcier. Si elle n'avait pas très bien vécu son enfance parmi les moldus, ce n'était probablement pas le cas de tout le monde.

La différence ne dérangeait pas son camarade, apparemment. Admirative, Canelle l'écoutait lui expliquer qu'il était déjà différent à cause du statut de ses mères. *C'est vrai que c'est pas commun* La blonde se demandait si le garçon avait reçu beaucoup de moqueries à propos de ça chez les moldus. Généralement, la différence n'était pas très bien acceptée, et la sorcière avait toujours eu l'impression que l'homosexualité était un sujet délicat chez les moldus. Curieuse, la jeune fille ne posa cependant pas de questions, ne voulant pas mettre son camarade mal à l'aise.

« Hum… pas vraiment, hésita la jeune fille. En fait, mes deux parents sont sorciers mais ils voulaient absolument que je vois comment vivent les moldus. Du coup j’ai vécu toute mon enfance parmi eux, et même si chez moi, il y avait de la magie et tout, j’ai jamais vraiment eu à apprendre puisque je les ai connus depuis que je suis toute petite. Y a des trucs que je comprenais pas, mais ma mère m’expliquait toujours pour que je m’intègre bien parmi eux » Si la blonde aurait préféré grandir parmi les sorciers quand elle était petite, elle comprenait maintenant pourquoi ses parents avaient voulu qu’elle connaisse mieux les moldus. Ainsi, elle les voyait tel qu’ils étaient réellement et ne faisait pas de vraie différence entre les sorciers et les moldus. Canelle était persuadée que c’était une idée de sa mère, son père étant trop persuadé de la supériorité des sorciers pour penser quelque chose comme ça.

La blonde regarda le garçon commençait à voler et s’affola en le voyant tomber. Elle s’approcha rapidement, et fut rassurée de voir que celui-ci se sentait bien. Canelle s’éloigna de quelques pas, laissant un peu d’espace à son camarade pour que celui-ci puisse se relever tranquillement.

« Ah, ça va alors, répondait-elle, rassurée. Tu veux essayer de recommencer ? » Si la blonde avait été à sa place, jamais elle n’aurait retenté le coup. Mais clairement, le Serpentard était bien plus courageux qu’elle, aussi la Serdaigle ne serait pas étonnée que celui-ci retente sa chance.

Canelle n’avait pas l’air plus emballée que lui à la perspective des choix d’orientation. Et pourtant, elle devait bénéficier de bien plus d’informations et de plus d’expérience que lui. Visiblement, il n’était pas le seul à avoir des difficultés pour se projeter dans l’avenir. C’était un thème qui revenait de temps en temps dans les rares discussions qu’ils avaient eu. Si ça le rassurait de voir qu’il n’était pas si différent des autres, la perspective de savoir que tout le monde était un peu perdu face à cette question n’était, elle, pas nécessairement réconfortante.

Quand on lui posait des questions sur son expérience à l’école moldu, Ernest s’appliquait à focaliser son attention sur une certaine période. Celle où les choses étaient encore normales. Celle où il faisait semblant d’être un gamin comme les autres sans trop de difficulté. Mais après la rupture du Secret Magique et la révélation au monde moldu de l’existence des sorciers, les choses avaient commencé à prendre une toute autre tournure. Ça n’avait duré que quelques mois jusqu’à ce qu’on arrive à convaincre les non sorciers qu’il s’agissait d’un canular. N’empêche que durant ces mois-là, Ernest avait commencé à voir le mal partout. C’était si simple de dire une ânerie par inadvertance et avec le climat de peur qui régnait à Londres, la délation était devenue un sport national.

“C’est vachement cool de la part de tes parents… enfin, j’trouve…”

C’est vrai que ce n’était pas commun. Les sorciers et les non-sorciers vivaient dans deux mondes bien différents et bien séparés. Ernest était plutôt étonné d’une telle ouverture d’esprit et quelque peu admiratif. Le ton de la blonde semblait pourtant mitigé.

“T’étais… ‘fin, j’veux dire… t’as pas aimé ça ? L’école ?”

Ernest avait toujours aimé apprendre des choses. Et finalement, qu’elles soient liées au monde des sorciers ou non, elle nourrissait sa curiosité avec autant de vigueur. Il aimait avoir des réponses à ses questions, résoudre les mystères. Et comprendre. Il avait besoin de tout comprendre. Que les choses se justifient. Que les causes répondent aux conséquences.

La discussion se conclua sur la piètre prestation de vol d’Ernest. Après une chute qui n’avait causé que des dommages bénins, il rassura la demoiselle. Après tout, il n’était pas à un ou deux bleus près. Il s’était frotté à un nouvel échec. Ce n’était pas le premier et ce ne serait certainement pas le dernier non plus. Mais un échec par jour, c’était probablement suffisant. Ernest avait de la détermination mais il était loin d’être maso. C’était sans compter sur la question de la jeune fille. Il leva les yeux vers elle l’air penaud. C’est qu’il n’avait pas vraiment l’intention de réitérer l’expérience. Pas aujourd’hui en tout cas. Mais l’adolescent n’était pas Serpentard pour rien et le regard de la serdaigle sur lui avait pour effet de chatouiller sa fierté. Qui aurait cru qu’il en avait. Il se racla la gorge et passa sa main sur sa nuque nerveusement. Il n’avait pas super envie de remonter sur le morceau de bois. Mais il n’avait pas vraiment envie de s’avouer vaincu. Pas devant la demoiselle.

“Euh… ouai… hum… c’est… ‘fin… paraît qu’il faut jamais rester sur un échec, pas vrai ?”

Il ramassa donc une nouvelle fois son balai et l’enfourcha en poussant un long soupir.