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06 sept. 2023, 11:03
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
CHAPITRE NEUVIÈME
Reducio

Il était seul. Il avait toujours été seul. Jamais Narcisse n'avait eu confiance en présence de quiconque. Tout le monde est dangereux, lui le premier, et personne n'était digne de voir derrière ses murailles. Il était de toute manière tellement mieux que les autres, et... Non. C'est faux. C'est entièrement faux. Narcisse fronça les sourcils, et il se rendit compte que ses paupières étaient closes. Jamais Narcisse ne s'était senti seul. Il avait toujours été heureux de rencontrer les autres, de les découvrir, et il leur faisait confiance. Il aimait les gens. Il n'avait aucun ennemi.

- Sortez de ma tête.

Il sentait quelque chose gratter aux portes de son inconscient. Une présence sale, noire, toxique. Un parasite qui cherchait à se nourrir de sa force vitale. Ces pensées, elles n'étaient pas de lui. Elles ne lui appartenaient pas. Il les sentait s'insinuer dans les siennes, s'y entremêler et les effacer, pour finalement les remplacer. Il voulut ouvrir les yeux. Mais ses paupières avaient beau essayer de se mouvoir, tout restait noir. Il se sentait basculer, chuter sans jamais s'arrêter. Depuis combien de temps tombait-il dans l'infini vide de son esprit pris d'assaut ? Un à un, ses sens lui avaient été retirés, arrachés sans pitié. Il croyait vaguement se souvenir de Kristen qui lui faisait face, sa baguette braquée sur son visage. Il se souvenait vaguement avoir encaissé une attaque, et puis après, plus rien. Le néant, le silence.

Mes ennemis doivent périr. Je n'ai pas d'ennemi. Le monde serait plus beau sans certaines personnes. Personne ne doit mourir. Les gens sont mauvais. Les gens sont bons.

Il voulut hurler toute son impuissance, s'arracher de cet étau miasmatique qui lui étouffait les poumons, lui enserrait la gorge et embrumait son esprit. Kristen. Désormais, il la sentait. Dans un plan d'existence où ni le haut, ni le bas, ni la gauche ni la droite n'avait cours, il sentit un vent glacé lui caresser le dos et la nuque. Un liquide poisseux, aussi noir que l'espace, lui avait entouré les jambes jusqu'aux hanches, ses mains étaient enfermées dedans jusqu'aux poignets. Elle était en train d'abattre ses défenses une à une, l'exposant à nu, révélant ses moindres secrets. Il la sentait violer son intimité, pénétrer ses souvenirs et s'en gorger. Lorsqu'il voulut ouvrir les yeux une nouvelle fois, il sentit la main de Kristen se poser sur son visage, et des doigts lui caresser la joue et le cou. Une voix murmura au creux de son oreille.

- Shh...

Il frissonna, sentant sa résistance faiblir. Des images s'imposèrent à lui. Ses souvenirs, pillés sans vergogne par son assaillante, qui semblait jubiler désormais. Il sentait son corps collé contre le sien, et un tremblement d'origine inconnue s'empara de lui.

- Oh ? Mais qu'est-ce donc que tout cela ?

Un autre souvenir s'imposa. Il se vit serrer sa mère dans ses bras. Désormais, elle était morte. Les larmes roulèrent sur ses joues, s'évaporant immédiatement, absorbées par l'obscurité entourant Kristen. Il se vit embrasser une femme qu'il aimait, son visage avait disparu. Quelque chose n'allait pas. Ces souvenirs n'étaient pas les siens.

- Non, effectivement, mais quelle importance ? Bientôt, ils seront miens.

Son cœur manqua un battement. Elle corrompait ses souvenirs pour se les approprier. Elle gommait méthodiquement tout ce qui faisait de Narcisse ce qu'il était. Alors qu'il se sentait partir, qu'il se sentait disparaître, une nouvelle flamme s'alluma en lui. Une dernière volonté, inaltérable et immuable, tirant ses forces au plus profond de son propriétaire. Au fond de sa poitrine, inondant soudainement ses veines d'adrénaline, sa magie explosa autour de lui, dans un hurlement lui déchirant les cordes vocales, illuminant les alentours. Il voyait à nouveau, l'obscurité avait été écartée. Il serra les dents, cherchant Kristen du regard, la rage au ventre, sa veste claquant l'air alors qu'il tombait. L'épuisement anesthésiait chacun de ses membres. Le sol n'était pas loin, il n'avait qu'à attendre de le toucher pour reprendre ses appuis et riposter !

Lorsque la pointe de son pied effleura le sol, un nuage de noirceur se matérialisa devant lui. Aussi vive et silencieuse qu'un coup de vent, Kristen y apparut. Il écarquilla les yeux. Ce fut la seule chose qu'il arriva à faire : écarquiller les yeux. Il ne put qu'observer Kristen enfoncer son bras dans sa poitrine. D'un geste violent, elle avait chargé ses doigts de magie, et elle lui avait transpercé le corps. Narcisse attendit une douleur qui ne vint jamais. Il sentit ses forces l'abandonner, ses membres s'engourdir, sa vision se troubler. Le sang ruisselait de sa bouche et de sa plaie béante, tâchant d'un rouge rubis la manche de la femme qui venait de le tuer. Les battements de son cœur faiblissaient. Malgré lui, dans un ultime réflexe, animé par une volonté combattive inouïe, il leva les mains pour agripper le bras de Kristen. Il ne put y appliquer aucune force, et lorsqu'elle redressa la tête pour le regarder, il était déjà à genoux. Quand avaient-ils cédé ? Un sourire de triomphe malsain déformait les lèvres de l'ancienne directrice, ses yeux brillaient de folie.

- Laisse-toi aller. C'est presque fini.

Sa voix enveloppa Narcisse. Il lutta encore, toussant misérablement et crachant des gerbes de sang, s'étouffant dans son liquide vital. Il tentait de serrer les dents, de serrer les doigts, d'enfoncer ses ongles dans la peau de son assaillante, n'importe quoi qui lui permettrait de lutter encore un moment de plus ! Ses yeux clignotèrent, blancs un instant, puis redevenant noirs la seconde d'après. Kristen, le bras toujours enfoncé dans sa poitrine, s'approcha de lui, déposant sa main libre sur sa joue, collant presque son visage au sien.

- Shhh... Là. Tout va bien. Ferme les yeux. Je prends le relais.

Il voulut parler, il ouvrit la bouche, seul du sang en sortit, ses paupières devinrent lourdes. Des souvenirs affluèrent à nouveau. La première fois qu'il avait tenu sa baguette, la dernière fois qu'il l'avait touché. Le premier souvenir qu'il avait de son père : il était en train de lire, il avait posé ses lunettes trop grandes sur le nez de Narcisse, il en avait vomi sur ses genoux, tant les choses lui apparurent déformées. Le dernier souvenir qu'il avait de son père : Oscar disparaissant dans le souffle de l'explosion sur le quai. Le premier souvenir qu'il avait de sa mère : elle le portait sur ses épaules, il avait l'impression de pouvoir admirer le monde entier de là-haut. Le dernier souvenir de sa mère : Honor disparaissant dans l'obscurité de la forêt, sans un regard en arrière.

Son cœur s'arrêta. Il n'entendait plus rien, il ne voyait plus rien, il ne sentait plus rien. C'était agréable. Après tout, pourquoi ne pas simplement se laisser aller ? Après tout, il était fatigué. Très fatigué. Il avait mal, il avait froid, il était triste et esseulé. Et après tout, elle avait peut-être raison, pourquoi se sentait-il obligé de lutter ? Kristen avait promis qu'elle s'occuperait de Georges, c'était ce qui comptait. Un rire frénétique, ivre de victoire retentit, il se sentait partir, il n'entendit jamais ce rire. Il s'enfonça un peu plus profondément dans cette obscurité bienfaisante, de laquelle il ne se voyait jamais sortir, il se sentit bien, un court instant, et enfin, il put expirer pour la dernière fois.

*
*---*

Aelle bondit en direction du lit de camp dans lequel était allongé Narcisse et le corps de Kristen. Furibonde, le cœur battant dans sa poitrine, elle empoigna l'adolescent pour le secouer par les épaules.

- Brando !!

Il était pris de convulsions, incroyablement violentes au début, elles semblaient se calmer petit à petit. Si ce n'était que ça, elle ne serait pas inquiété, mais un filet de sang dégoulinait de ses lèvres, et il était pâle comme un mort ! Elle colla sa joue à sa bouche, avant de se redresser, les yeux injectés de sang. Elle n'entendait pas sa respiration.

- Merde !

Elle demeura un instant immobile, tiraillée par son hésitation, frappée par la terreur et l'angoisse. Il ne devait pas mourir ! Depuis deux jours qu'elle le surveillait, il n'avait jamais réagi comme ça. Elle n'avait pas dormi un seul instant, elle en avait oublié de boire et de manger, sa tête tournait, elle avait la gorge sèche, les yeux boursouflés de fatigue et les articulations douloureuses. Elle le secoua à nouveau, avant de le lâcher pour bondir jusqu'à la table derrière elle.

- Fait chier, fait chier...

Sa voix était paniquée, sa respiration était courte, elle s'empara de la petite fiole qu'elle avait déposée sur la table. Elle la fixa une longue seconde, les dents serrées, le cœur galopant, les oreilles sifflantes. Depuis toutes ces années qu'elle possédait cette goutte, cette dernière goutte d'Élixir de Longue-Vie, jamais elle ne s'était imaginé qu'elle aurait à l'utiliser sur quelqu'un d'autre qu'elle ! Mais elle ne s'était pas non plus imaginée que Kristen pouvait mourir aussi tôt, et ça, il était hors de question que ça arrive ! Flottant presque jusqu'au lit, elle redressa le corps de Narcisse, déboucha la fiole d'un geste du pouce, et l'approcha de ses lèvres. Enfin, ce liquide précieux, unique, allait pouvoir servir. Enfin, ses propriétés miraculeuses allaient pouvoir...

Elle hésita.

Elle tremblait, ses yeux étaient embués de larmes. Elle enrageait, elle maudissait Narcisse et Kristen. Qu'ils aillent se faire foutre, elle n'avait besoin de personne ! Pourquoi tout ne pouvait pas se passer comme elle le voulait ?! Pourquoi rien n'allait jamais comme elle l'espérait ? Pourquoi tout devait toujours lui filer entre les doigts ? Mais avant même qu'elle n'ait terminé sa réflexion, elle avait déjà versé la goutte directement au fond de la gorge de Narcisse. Elle vit flou, elle sentit ses jambes se dérober sous elle. Elle s'écroula au sol, tremblant de tous ses membres, voulant hurler de rage et de désespoir. Ses doigts brisèrent la fiole en l'enserrant, elle ne s'en soucia pas, ignorant la douleur pénétrante qui anesthésia sa main.

- Kristen... t'as intérêt à revenir...

*
*---*

Kristen cessa de rire. Elle se figea, écarquilla les yeux, elle semblait presque terrifiée.

- Non...

Narcisse avait levé la main gauche. Il serrait le bras de Kristen, l'empêchant de se dégager. Elle tirait, elle tirait, elle avait beau pousser de sa main libre le torse de l'adolescent, tout en tirant l'autre de toutes ses forces, il ne bougeait pas d'un cheveu. Elle avait l'impression d'avoir mis la main à l'intérieur même d'un rocher.

- Non !

Les yeux de Narcisse se plantèrent dans les siens, et elle se mit à trembler. Elle sentit le contrôle qu'elle avait réussi à exercer sur lui s'effriter. Elle sentit l'emprise mentale qu'elle avait sur lui disparaître. Le visage de l'adolescent était calme, mais dur, gravé dans le granite. Il expira, puis d'un coup, en gonflant la poitrine, il chassa l'obscurité qui l'emprisonnait, la repoussant plus loin qu'il ne l'avait jamais fait auparavant. Il irradiait d'une puissance comme Kristen n'en avait jamais vu, comme elle n'avait jamais osé en rêver.

Il leva un genou pour se redresser, avant de se lever totalement. Il continuait de maintenir le bras de Kristen enfoncé à l'intérieur de lui, mais il ne saignait plus, ni de la bouche, ni de la plaie. Sa magie l'entourait, faisant onduler l'air comme s'il brûlait. Un tic retroussa sa lèvre supérieure, sa voix tonna, elle frappa Kristen qui ploya comme s'il venait de lui porter un coup de poing au plexus.

- Je vais reprendre ça.

De son autre main, il empoigna brusquement le crâne de Kristen, manquant de le broyer entre ses doigts. Elle hurla d'un cri silencieux. Ses souvenirs affluèrent. Elle se vit rentrer à Poudlard, elle ressentit la rage et la frustration de sa faiblesse, sa soif de puissance et sa quête de savoir, peu importe le prix. Elle tenta de se débattre, elle luttait de toutes ses forces, mais l'adolescent exerçait sur elle une force qu'elle pensait impossible d'un être humain. Il arrachait ses souvenirs, pénétrait à son tour son esprit, corrompant ses souvenirs, récupérant les siens et balayant tout sur son passage.

Sa colère irradiait au rythme des pulsions de sa magie, il s'imposait dans l'esprit de Kristen sans la moindre difficulté, l'écrasant de sa présence. Dans un sourire qui n'était pas tout à fait le sien, il reprit la moquerie de l'ancienne directrice.

- Oh ? Mais qu'est-ce donc que tout cela ?

Il agrippa Kristen par la nuque, défonçant ses dernières barrières pour se déverser dans son esprit.

- NON !

Narcisse écarquilla les yeux. Il vit Kristen et Aelle. Il les vit travailler ensemble. Amies en apparence, élève et mentor au quotidien. Mais plus il creusait dans les souvenirs de Kristen, plus la rage l'envahissait et l'aveuglait. Il vit Aelle par les yeux de Kristen. Elle ne la voyait que comme... un outil. Un simple outil. Une réserve de chair, un sujet de test. Il se vit, occupant le corps de cette femme, faire boire à Aelle des breuvages dont elle savait la dangerosité. Il la vit lui laver le cerveau, la manipuler, jour après jour, la convaincre de son infériorité et de sa faiblesse, la briser petit à petit pour la changer en marionnette et en cobaye. L'horreur se mêla à la rage. Elle le suppliait d'arrêter, mais il n'en avait cure.

Il vit une dernière chose. Une vision qui finit de l'emplir d'un courroux sans limite.

- Qu'avez-vous fait ?..

Il vit Kristen faire boire à Aelle trois potions. Ces trois potions, il le savait sans savoir comment, combinées ensemble, étaient supposées être mortelles. Elle les avait modifiées juste ce qu'il fallait pour rendre le processus plus lent. Pourquoi ? Il fouilla encore. Il comprit. Ces potions, elles auraient pu guérir Kristen. Avec le juste dosage, elles ralentissaient le vieillissement de ses cellules, limitaient la dégénérescence de ses neurones et de ses cellules, tout en amplifiant ses pouvoirs.

- Vous l'avez utilisé comme cobaye... Vous avez trahi sa confiance !!

Il savait qu'Aelle allait mourir. C'était pour ça qu'elle était aussi malade et affaiblie, c'était pour ça qu'elle toussait, qu'elle avait autant changé. Ses yeux virèrent au blanc, son corps absorba le bras de Kristen dans un bruit de déchirement sous la peau et les os qui cédaient, mais il l'empêcha de basculer en arrière en l'agrippant par la nuque et le bras. Son visage était face au sien, les traits animés par une rage incontrôlable. Elle soutenait son regard, le visage couvert de sueur, la respiration courte, mais un sourire provocateur sur les lèvres. Il la secoua brusquement comme une poupée de chiffon.

- Comment avez-vous pu oser ?! Vous l'avez tué !

- Tout à un prix, mon petit.

Elle sourit à nouveau. Il vit rouge. Il ne supporta pas de la voir sourire après ce qu'elle avait fait. Elle ne regrettait rien, il l'avait vu, dans sa tête, dans ses souvenirs, il avait lu ses émotions, il les avait ressenties. Et pas une once de regret ne teintait le spectre de ses pensées.

Il ne prononça aucune formule. Il ne lança même aucun sort en particulier. Il se contenta de laisser exploser sa magie par la paume de ses mains. Une vive lumière blanche l'ébloui, il abîma ses yeux dans cette lueur, et refusa de lâcher Kristen qui se consumait dans le tonnerre brûlant de sa magie. Elle hurlait. Une douleur pure, indicible, il la sentait s'effacer entre ses doigts. L'air crépitait d'électricité et vibrait sous l'affluence constante de la magie de Narcisse. Plus elle s'effaçait, plus il l'absorbait. Il sentait sa conscient passer en lui, ses souvenirs se déverser, son savoir compléter le sien. Et elle en savait des choses, elle en savait presque trop. Il ne sut quoi faire de tout ce savoir, aussi le bazarda-t-il dans un coin de sa tête en attendant de pouvoir s'y pencher un jour. Il avait d'autres choses à faire. Il plongea son regard dans celui de Kristen.

- Le monde se portera mieux sans toi.

Le visage de l'ancienne directrice exprima un court instant une horreur sans borne, une terreur sans limite, et durant cet infime instant, Narcisse s'en réjouit. Puis elle sourit, et se mit à éclater de rire. Il ne comprit pas, mais ne s'arrêta pas pour autant. Il ne contrôlait même plus sa magie, la laissant affluer et se déverser, formant des torrents de lumière blanche, d'électricité et de feu qui carbonisait et dispersait le corps de Kristen. Puis, il se rendit brusquement compte de quelque chose.

Il ne ressentait rien. Aucune pitié, aucune empathie. Il voulait la tuer. Brusquement, ses doigts la lâchèrent, il écarquilla les yeux, un dégoût de lui-même innommable l'envahissant.

Elle s'effondra au sol, sa main restante empoignant le moignon de son bras arraché. De la fumée s'échappait d'elle, elle peinait à respirer, son cœur faiblissait, Narcisse le sentait. Il était elle, elle était lui. Il avait trop absorbé d'elle pour pouvoir l'ignorer. Il regarda ses mains d'un air terrifié, au bord de la crise de panique. Il voyait flou, son cœur tonnait à ses oreilles, il ne savait pas quoi faire. Il allait la tuer, et il ne l'aurait pas regretté. Ce n'était pas lui. Elle toussa, il leva les yeux pour la regarder. Elle tremblait, de rage, de désespoir, mais surtout, il lut au fond de ses yeux un ressentiment sans borne, une fureur et une haine comme il n'avait jamais vu.

- Comment... comment oses-tu ?

Il fit un pas en arrière. Elle se dressa péniblement, comme animée d'une folie furieuse. Des cendres tombèrent de sa peau qui se délitait, il vit qu'une partie de sa jambe était manquante. Elle s'avança en traînant le pied.

- C'est tout ce que tu peux faire ?! Tu me juges, tu me tues, et tu refuses d'aller jusqu'au bout ? Vraiment, tu me fais pitié ! Petit con, insolent petit con, ignorant et pathétique ! Tu crois vraiment que Georges en a quelque chose à faire de tes états d'âme ? Il va te tuer ! Et il tuera tout ce qui est cher à ton cœur, simplement parce qu'il en a envie et qu'il peut le faire !

Il s'était figé. Malgré lui, sa colère était revenue. Il n'arrivait pas à la contrôler. Depuis quand était-il autant en colère ? Depuis quand, au fond de lui, brûlait cette rage sans borne qui menaçait de le consumer s'il ne donnait pas libre cours à ses émotions ? Ses yeux étaient toujours blancs, et ils irradiaient de minuscules éclairs. Ses poings étaient serrés, il baissa le regard lorsqu'elle s'arrêta devant lui. Sa perception d'elle alternait entre la pitié et l'envie de la voir réduite au silence. Il prit une longue inspiration.

- Alors ? Qu'est-ce que tu attends ?!

Elle écarta le bras, respirant avec difficulté, sa voix avait un ton suppliant.

- Fini ce que tu as commencé, pour une fois, au moins, dans ta misérable petite vie.

Elle leva la main pour agripper la chemise de Narcisse, qui se raidit brusquement. Elle le gifla, frappa sa poitrine, s'accrocha à lui pour le secouer, hurlant à la mort. Il sentit son cœur se serrer, puis se fermer. Il sentit son inconscient et son esprit basculer, il les sentit prendre un chemin qu'ils n'avaient jamais emprunté. Et puis, sans réussir à comprendre comment, ni pourquoi, il se retrouva capable de la tuer. Il le sentait. Pas parce qu'elle le suppliait de le faire, pas parce qu'elle prétendait qu'il s'agissait là de son seul espoir de pouvoir tuer Georges. Mais parce que s'il ne la tuait pas, Aelle allait continuer de souffrir. Et combien d'autres, si elle récupérait son corps ? Il sentit au fond de lui, cette rage, cette envie de faire justice, sa propre justice, d'enfin, pour une fois dans sa vie, faire quelque chose qui, il en était certain, pourrait améliorer le monde.

Puis il attrapa la main de Kristen au vol, et l'immobilisa. Il la regarda, totalement apathique, même ses yeux s'éteignirent. Elle cessa de se débattre. Il sentit qu'elle perçut le changement chez lui, et il ne sut pourquoi, mais il s'en trouva humilié. Elle sourit, l'air victorieuse. Toute sa rage s'était évanouie lorsqu'il avait empoigné la main de Kristen, elle était si faible...

- Et bien... Enfin, nous y voilà.

Il prit une grande inspiration, avant de poser la main sur le visage de Kristen. Animé par une tendresse dont il ne se serait pas cru capable d'avoir envers elle, il caressa doucement sa peau craquelée du pouce. Il refusait de brider ses sentiments. Elle voulait le transformer, elle avait échoué.

- Je suis désolé.

Elle écarquilla les yeux. Quelque chose en elle céda. Elle ne voulait pas qu'il fasse preuve de compassion, ni de gentillesse. Elle voulait qu'il la tue sans pitié, qu'il soit violent et qu'il se déchaîne, elle ne voulait pas qu'il réussisse à rester fidèle à lui-même.

- Non...

Il s'avança d'un pas, et posa son front sur le sien. Il ferma les yeux.

- Merci de me confier la suite. J'en ferais bon usage, je vous le promets.

Elle lutta encore un peu, faiblement, elle voulut le repousser. Elle pleura, ses larmes roulèrent sur ses joues, elle se mit à sangloter bruyamment. Elle brandit sa main, prête à frapper l'adolescent, puis se mit à trembler. Et, doucement, aussi lentement que son corps le lui permit, elle vint agripper le dos de Narcisse, pour serrer ses vêtements en tremblotant. Il posa ses mains sur le visage de Kristen, avant de rouvrir les yeux. Elle avait la bouche déformée par la souffrance. Elle voulut parler, il hocha la tête doucement, l'incitant à dire ce qu'elle voulait.

- Ne dis... ne dis rien à Aelle...

Il attendit, il espéra qu'elle demande de lui dire qu'elle était désolée. Il s'accrocha un bref instant à cet espoir illusoire qu'il avait mal ressenti les émotions de Kristen. Mais il soupira en se résignant. Elle ne ressentait pas une once de regret. Et sa dernière volonté n'était qu'un souhait égoïste, celui de ne pas être vu comme la personne qui avait tué son élève par arrogance, en quête de puissance. Elle s'appuya de tout son poids sur lui, il la sentit s'infuser dans son corps. Il se dressa en la lâchant, ressentant un soudain dégoût à l'idée de devoir récupérer tout ce qui faisait de Kristen la femme qu'elle était. Il ne voulait pas tout, mais il ne pouvait pas se permettre de trier. La moindre des choses à faire, après l'avoir tué, était de lui rendre hommage en ne jetant rien. Et ce, même si elle ne le méritait pas.

Elle parla directement dans son esprit.

- Ne gâche pas tout.

Il ferma les yeux, elle disparut, il la sentit un bref instant en lui, puis elle s'effaça. Et l'instant d'après, ce fut au tour du monde qui l'entourait de s'évanouir, il se sentit sombrer dans l'inconscient. Son corps l'appelait.

- On verra bien.

*
*---*

Narcisse ouvrit les yeux. Durant une brève seconde, il ne vit rien, tout était flou. Sa gorge était douloureuse, son corps entier courbaturé, il avait l'impression de suer sang et eau. Puis, en un instant, tout disparut. Il se sentit mieux, son esprit s'emboîta à son corps, il se retrouva, et il vit à nouveau. Le visage d'Aelle était juste au-dessus du sien. Sa gorge se serra, il se força à la regarder dans les yeux. Elle blêmit. Elle sut, il vit qu'elle savait, mais il perçut aussi, grâce une perspicacité toute à fait inconnue jusqu'à présent, qu'elle se refusait à l'admettre. Elle serrait ses bras, elle se mit à trembler.

- K... Kristen ?

Il la regarda encore un instant, avant de secouer doucement la tête en fermant les yeux. Le visage d'Aelle se décomposa, ses yeux s'embuèrent de larmes, elle s'effondra sur le côté du lit, les genoux sous son visage, se tenant la tête entre ses mains, s'arrachant les cheveux par mèches. Il se redressa souplement et lui attrapa les poignets. Elle se débattit, voulut le frapper, il ne l'entendit pas. Il glissa sur le sol, se campa sur ses pieds plus solidement que jamais, et la força à son tour à se redresser pour le regarder. Il sentit qu'elle cherchait encore un espoir au fond de ses yeux noirs. Il se devait de le tuer.

- Aelle. Kristen ne reviendra pas.

Après un instant de silence apathique, de déni, le cri de désespoir que poussa son amie manqua de lui briser le cœur, mais il refusa de la lâcher, aussi longtemps qu'elle cria. Il pensait à Georges, il sentait l'urgence de la situation, mais il refusait d'abandonner Aelle avant de lui avoir parlé. Elle voulut encore lutter, elle voulut à nouveau s'imposer comme la femme qu'elle avait toujours été, mais il la sentit se déliter, il sentit la faiblesse de son état à nouveau dicter sa loi à son corps. Elle s'effondra contre lui, il perçut tout le dégoût que cela inspirait à son amie. Il leva doucement la main qui avait autrefois appartenu à Kristen pour la poser sur son dos. Ils demeurèrent ainsi aussi longtemps qu'ils le purent, et aucun des deux ne chercha à rompre le contact.

L'un était incapable d'abandonner, l'autre était incapable d'agir. Durant ce court moment de partage qu'ils s'accordèrent, Narcisse mit de côté tout ce qu'il s'était juré de faire. Plus tard, pensa-t-il, cela pouvait attendre. Et de toute manière, que lui restait-il à sauver ?

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2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart

08 sept. 2023, 22:10
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
CHAPITRE DIXIÈME

Georges Tuséki avait beau être un homme de presque 60 ans, il n'avait pas pour autant renoncé aux petits plaisirs de la vie. C'est pour cela, que lorsque son elfe de maison vint faire le ménage matinal dans la chambre, il aurait pu, s'il avait été invité à regarder, remarquer la présence d'une silhouette dans le lit de son maître. Une femme. Georges ignorait tout d'elle. Son âge, quoi qu'il avait bien une idée sur cette information, mais elle ne devait pas avoir la moitié du sien, ses préoccupations, ses rêves et ses aspirations, il n'était même pas certain de se remémorer son nom. Il n'y accordait aucune importance. Une heure plus tard, il était déjà en train de terminer sa préparation dans sa salle de bain luxueuse, apportant un soin tout particulier à son apparence. Ses cheveux poivre et sel furent lissés et huilés, l'intérieur de ses poignets parfumés de frais, sa barbe de trois jours égalisée. Il fit rouler ses épaules, face à son miroir, embué de la vapeur d'eau de son bain brûlant. Les étouffantes effluves de ses sels de bain luxueux auraient rendu l'air irrespirable pour n'importe qui d'autre. Un sourire carnassier passa sur ses lèvres lorsqu'il fit jouer son impressionnante musculature. Il en tirait une fierté tout à fait disproportionnée et illégitime, car elle n'était due qu'aux nombreuses potions qui parsemaient ses étagères. Mais il s'en gaussait bien. Il se trouvait beau, et il ne se privait pas de le rappeler au monde.

Il effleura du bout des doigts les cicatrices que la moldue lui avait infligé. Il avait refusé de les faire effacer, il voulait se remémorer toute la haine et le dégoût qu'il ressentait envers les animaux de sa race. Il cracha dans l'évier, avant de sortir pour s'habiller. Bottines Richelieu, pantalon gris de costume, assorti à la veste, une chemise en soie d'un blanc immaculé aux boutons nacrés. Le gant d'un noir obsidienne aux subtiles reliures sombres qui allait si parfaitement à sa main droite glissa sur sa peau. Sa cape, recouvrant la moitié droite de son corps, accrochée à son épaule gauche par d'épais cordons tressés, luisait de mille feux. Un sortilège spécial faisait reluire les bandes dorées longeant le bord du tissu rouge sang. D'une pichenette, il chassa une poussière imaginaire de son épaule, avant de sortir sans un regard pour la silhouette assoupie sous ses couvertures, dont il espérait ne jamais revoir le visage. Encore aurait-il fallu qu'il puisse s'en souvenir. Il sourit.

Un claquement de fouet, le voilà devant son impressionnant manoir, entouré de sa large forêt, dont on aurait pu jurer entendre encore les échos de la bataille qui s'y était tenue il y a quelques jours. Un groupe d'une dizaine d'hommes l'attendait à l'entrée. Eux aussi préparés, parfaitement vêtus, de longues capes noires flottant dans le vent, il avait choisi sa garde rapprochée avec soin. Le brigadier s'inclina révérencieusement, un sourire trop parfait pour être véritable sur le visage, mais Georges s'en moquait, qu'il s'incline donc. Il hocha la tête en rajustant son gant, s'avançant à grandes enjambées.

- Président, cette journée semble vous réussir.

Un petit sourire tordit les lèvres de Georges lorsqu'il passa à côté de lui sans ralentir, se joignant au reste des hommes qui lui emboîtèrent rapidement le pas.

- Le flatteur est autant en tort que celui qui accepte les flatteries sans broncher, ne le saviez-vous pas, brigadier ?

Tous sourirent et rirent dans leur barbe. L'homme se contenta de presser le pas pour talonner Georges. Ils murmurèrent discrètement, hochant la tête à intervalles réguliers. Tuséki leva la main, tous s'arrêtèrent d'un seul geste. Quelques raclements de gorges embarrassés trahissaient l'impatience des policiers, mais toute l'attention de Georges était concentrée sur son brigadier.

- Mh, oui. Et les portoloins ?

- Ils sont tous en place, Président.

- Et le signal ?

- Aussi simple et immédiat qu'un claquement de mains.

Le brigadier tendit à Georges un deuxième gant, assorti au premier, haussant un sourcil d'un air entendu. Tuséki baissa les yeux pour le regarder, puis l'agrippa délicatement, un sourire mauvais étirant les commissures de ses lèvres. Il hocha la tête, d'un air satisfait, avant de l'enfiler dans un bruissement de tissu.

- Beau travail.

Il avança de quelques pas en direction de l'orée de la forêt, avant de se tourner brusquement en glissant ses mains dans le dos, contemplant son manoir, puis ses hommes, un petit sourire satisfait illuminant son visage. Ses narines s'évasèrent lorsqu'il reprit son souffle.

- Messieurs, vous savez ce que vous avez à faire.

Tous approuvèrent. Certains d'un hochement de tête, d'autres d'un simple battement de cils. La cape de Georges battit l'air lorsqu'il brandit sa main armée de sa baguette, ses yeux illuminés d'un regard fou. Onze claquements de fouet retentirent presque simultanément, soulevant les feuilles mortes du sol gelé.

*
*---*

Elina faisait les cent pas dans la cour de la tour de l'horloge, désormais marquée par une ligne droite de neige tassée là où elle passait. L'intérieur de ses joues était rongée, marquée par ses coups de dents nerveux. Elle avait passé nuit et jour à tourner le problème dans tous les sens, à examiner la situation sous tous les angles possibles. Et rien. Rien ne lui était venu. Aucune solution miracle, aucune échappatoire. Non pas qu'elle désire protéger cette moldue, mais l'idée d'ainsi céder aux exigences du Conseil la plongeait dans une profonde angoisse. D'abord ça, et après ? Que demanderaient-ils qu'elle ne pourrait refuser ? De toute manière, Honor Brando méritait la potence pour ce qu'elle avait fait, pas vrai ? Oui, sans le moindre doute, il était inutile de chercher à dissimuler plus longtemps une telle criminelle, cela sautait aux yeux désormais, pas vrai ? Elle maudit sa lâcheté, avant de s'arrêter au milieu de la cour, levant finalement les yeux pour contempler ce qui l'entourait.

Si tous les élèves avaient été emmenés dans les cachots et placés sous la surveillance de préfets et préfètes, chaque adulte du château était rassemblé ici, entourant la cour, parfaitement disposé, tels des pions prêts à jouer. Légèrement en retrait, se tenait Suileabhan, l'ombre de lui-même, le regard vide et le visage creusé, débordant d'une colère encore plus glaciale que la neige qui tombait doucement autour d'eux. À ses côtés, menottée des chaînes les plus solide qu'il avait pu catalyser, Honor se tenait, droite et fière, refusant de baisser les yeux pour quiconque. Malgré l'aversion évidente que certains ressentaient ici pour elle, peu osait soutenir son regard. Elle irradiait encore plus puissamment que le concierge, même les flocons semblaient l'éviter. Elle ne frissonnait pas malgré la tenue légère qu'elle portait : simple chemise grise à manches longues et pantalon assorti. Le futur attirail des détenus d'Azkaban, pensa Elina. La directrice secoua ensuite la tête, se doutant bien qu'elle ne foulerait sûrement jamais le sol de cette prison. Elle n'avait pas décroché un seul mot, c'en était presque terrifiant. Sa résilience et sa stoïcité en faisait trembler plus d'un. Puis, elle regarda Elina, et maintint le contact visuel.

Un frisson qui n'était pas dû au froid ambiant s'empara de la jeune directrice, qui dût faire appel à toute sa volonté pour ne pas détourner les yeux. Elle s'avança lentement vers elle, levant la tête pour continuer de la regarder. Était-ce... de la pitié, qu'elle lisait au fond de ces yeux noisette ? Elina écarquilla les yeux, et...

- Ils sont là.

Une gargouille de pierre, posée en hauteur sur les murs qui entouraient la cour, brisa le silence de sa voix spectrale, faisant sursauter les âmes présentes. Sauf Honor, qui sourit de satisfaction à voir ses geôliers ainsi sur les nerfs. Elina maudit sa faiblesse, avant de se détourner pour porter son regard de l'autre côté du pont couvert. Elle cligna trois fois de l'œil droit, il s'alluma d'une lueur grisâtre. L'œil de Révélation plongea son regard dans l'homme qui venait de transplaner hors des protections du château, accompagné d'une dizaine d'hommes. Ils regardèrent rapidement autour d'eux, avant de progresser, comme s'ils étaient chez eux. Ils venaient pour prendre, Elina serra les dents.

Elle frémit lorsque Georges leva les yeux vers elle et sourit. Elle le fixa, prise d'une soudaine sueur froide dans le bas de son dos. Il semblait la fixer, elle ferma les yeux, sa vision revenant à son état d'origine. Elle déglutit avec difficulté, avant de regagner sa contenance en se redressant. Impossible qu'il l'ait vu en train de l'observer de si loin, il était trop loin. Elle se répéta mentalement cette phrase jusqu'à ce qu'elle finisse par y croire un peu.

Ils attendirent, aussi longtemps que nécessaire. Elle se tenait parfaitement droite, au centre de la cour. Archibald, d'un geste de main, invita les policiers et le président à pénétrer dans l'enceinte, ils ne s'en privèrent pas. La directrice secoua doucement la tête. Même ici, cet homme se croyait chez lui, comme en témoignait son langage corporel, plein de confiance et d'assurance outrageante. Il ouvrit largement les bras, souriant de toutes ses dents, tandis que ses hommes demeurèrent quelques mètres en arrière, croisant les regards des professeurs et autres adultes, guettant une quelconque menace.

- Mademoiselle Montmort !

Le bruit de ses talonnettes crissa sur la neige, résonnant dans le silence de la cour. Il observa les alentours, l'air de chercher une sorte de soutien, de réception, il attendait les réactions de son auditoire, visiblement. Mais en l'absence totale d'émulation de la part de quiconque, il laissa tomber d'un air résigné ses bras le long de son corps, s'arrêtant à quelques pas de la directrice, baissant les yeux de son mètre quatre-vingts pour la regarder d'un air suffisant. Il s'immobilisa, arquant subtilement un sourcil. Elle se retint de lever les yeux au ciel, et hocha la tête imperceptiblement. Le sourire de l'homme s'agrandit, il regarda autour de lui comme un enfant sélectionnant son prochain bonbon dans le magasin.

- J'adore ce que vous avez fait de cet endroit. Non, sincèrement. Vous savez quoi, je trouve que rien ne manque à ce lieu !

Il s'était tourné dos à Elina alors qu'il parlait. Dans un demi-tour souple, faisant voleter sa cape, il regarda par-dessus l'épaule de la directrice, et un sourire vicieux déforma ses lèvres. Il frotta ses mains l'une contre l'autre en avançant de quelques pas.

- Non... Vraiment, il ne manque rien.

Le ton de sa voix fit réagir quelques adultes, et elle dut froncer les sourcils pour les tenir. Elle sentait Suileabhan derrière elle, elle le sentait en train de se retenir, de bouillir intérieurement. Par une pirouette mentale admirable, elle chassa cette préoccupation, avant de hocher la tête.

- Comme vous pouvez le constater, nous avons pu trouver un terrain d'entente.

Ces mots eurent un goût acide à l'arrière de sa gorge, ou bien était-ce seulement la bile de la remontée gastrique ? Elle se plaça de trois-quarts, en désignant Honor et Suileabhan de la main. Ils avancèrent vers Georges, le concierge maintenait fermement Honor par le bras. Elina lui lança un regard implorant. Par pitié, ne ruinez pas tout, c'est ce qu'il veut.

Le sourire de Georges n'était pas feint, ni même dissimulé. Personne peut-être, n'avait jamais souri de manière aussi sadique de toute l'histoire. De taille similaire, Georges et Honor se foudroyèrent du regard. Une tension telle qu'elle aurait pu faire fondre la neige avant même de tomber sur eux. Honor hésita à lui sauter à la gorge, pour la déchirer avec ses simples dents. Ce petit spectacle dura plusieurs longues secondes, avant que le Président ne daigne détourner les yeux d'un air suffisant, pour regarder Elina.

- Vous m'en voyez ravi. Toutefois, je suis persuadé, de toute manière, que vous-même, saviez que ce dénouement était inéluctable.

Le ton mielleux de l'homme fit trembler les fondements de la directrice, qui dût à nouveau faire appel à tout le contrôle de soi dont elle disposait pour ne pas dégainer sa baguette et carboniser cet enfoiré sur place. Elle pensait à tous ses élèves, aux enfants si nombreux dans ce château, ce n'était pas sa décision, ce n'était pas pour elle. Elle refusait d'y penser, elle refusait de considérer, elle jeta aux orties ses doutes et ses principes. Georges l'observa, semblant presque déçu, puis claqua des doigts. Deux hommes de son groupe s'avancèrent à l'unisson vers Honor, avant de se positionner sur ses côtés. Elina fit reculer le concierge d'un regard, ce dernier n'arrivait pas à détacher ses yeux de Georges.

C'était dangereux, pensa-t-elle, il fallait l'éloigner de là. Une bête tapie en lui ne demandait qu'à bondir. Puis, son regard fut attiré par autre chose. Les deux hommes et Georges venaient de dégainer leurs baguettes et pointaient Honor.

Elina fit un pas en arrière en dégainant la sienne, professeurs et équipe éducative dégainèrent à la suite les leurs, tenant en joue la suite du Conseil. Chacun se fixait dans le blanc des yeux, mais Georges avait doucement levé la main, et clama d'une voix faussement innocente.

- Voyons, mademoiselle, que faites-vous ?

Elle ne se démonta pas et le braqua sans hésiter. Honor se tenait toujours immobile, incapable elle aussi de détacher son regard de Georges. Qu'il s'approche encore d'un pas, d'un seul petit pas...

- Je vous retourne la question, elle est neutralisée, vous n'avez pas à dégainer vos baguettes dans cette enceinte.

La réponse de Georges fit écarquiller les yeux de la directrice, et rire les hommes se tenant aux côtés d'Honor.

- Oh... mais je crains qu'il y ait méprise. Nous ne doutons pas de l'efficacité de vos sorts, nous nous apprêtions tous simplement à l'exécuter.

Murmures et consternations, certains profs firent un pas en avant, Suileabhan se dressa de toute sa taille, Elina blêmit. D'un air horrifié, elle regarda Georges détourner son regard pour rediriger son attention sur la prisonnière.

- Tuséki ! Personne ici n'a le droit de décider du sort de cette moldue ! Elle doit être jugée !

- En tant que Président du Conseil, je déclare l'accusée coupable, et la condamne donc à la peine de mort. Nous ne voulons prendre aucun risque, mademoiselle, vous ne voudriez pas compromettre les futures négociations, n'est-ce pas ?

Il leva doucement sa baguette, jubilant et savourant sa victoire. Elina le regardait, la scène se déroulait au ralenti sous ses yeux. Mille pensées la traversèrent. Il ne pouvait pas faire ça. Après tout, ce n'était qu'une moldue criminelle, non ? Mais, elle ne pouvait rien faire, si elle s'interposait, elle mettrait en danger toute l'école. Mais si elle ne faisait rien, personne d'autre ne le ferait. Quand est-ce qu'un innocent subirait le même sort ? Elle cligna des yeux, sa décision prise avant même qu'elle ait fini d'inspirer. Elle claqua des doigts, les bracelets métalliques autour des poignets d'Honor se mirent à luire. L'instant d'après, un claquement de fouet retentit, elle avait disparu.

Immédiatement, les hommes de Georges se mirent en position de combat, hurlant à grands cris, braquant sans hésiter ceux qui leur faisaient face. Le concierge braqua les deux hommes, pris de court. Georges, quant à lui, demeurait immobile. Elina le braqua encore une fois.

- Elle. Sera. Jugée.

Un vent mystérieux se leva alors, faisant battre la cape de Georges, qui se mit à rire doucement. Un rire profond, grave, venant du fond de sa poitrine. Il se tourna vers Elina, un sourire triomphant sur les lèvres. Le ton montait avec les deux hommes et le concierge derrière lui, mais les sons ne parvenaient plus que difficilement aux oreilles d'Elina. Georges leva très lentement les mains.

- Cette insubordination, mademoiselle Montmort, sera la dernière.

Elle eut à peine le temps d'ouvrir la bouche pour répondre, qu'il claqua soudainement des mains.

Un bouclier, partant de la jonction de ses paumes, l'entoura en un éclair. Des sorts fusèrent brusquement, de derrière lui, le concierge venait de faire voltiger les deux hommes le séparant de Georges. Puis, des claquements de fouet retentirent. Elina écarquilla les yeux, esquivant par réflexe un sort venu de l'endroit où se tenait l'homme donc le bouclier commençait à se dissiper. Un policier, puis deux, puis trois, puis quatre, et enfin, plusieurs dizaines, se matérialisèrent l'un après l'autre.

Elina comprit. Elle vit le gant de Georges, flottant désormais dans le vent, duquel ses hommes apparaissaient les uns après les autres. Un portoloin. Elle n'eut pas le temps de se faire une autre réflexion, des dizaines de sorts explosèrent brutalement aux alentours. Seul le rire de Georges réussissait à dominer le vacarme du champ de bataille, des pierres qui s'effondraient, des incendies qui démarraient, et des hommes qui aboyaient des ordres. Elle aussi tenta de crier des ordres, mais toute son attention était désormais simplement focalisée sur l'impossible tâche de rester en vie. Elle ne vit même pas les premières victimes de son camp, tomber derrière elle, tandis que la cour se remplissait petit à petit de policiers vêtus de noir.

Au milieu de ce feu brusquement vomi des enfers, un petit élément échappa à l'attention de tous. Une beuglante se matérialisa soudainement à la patte d'un hibou, et ce dernier, comme frappé d'un coup de fouet, déplia brusquement ses ailes, avant de s'envoler. L'instant d'après, un claquement de fouet que nul n'entendit le fit disparaître, et Elina, tout en luttant corps et âme, pria tous les dieux dans lesquels elle n'avait jamais cru de bien vouloir accéder à sa requête.

Ce hibou devait arriver à destination. Kristen avait une dette envers cette école, et il était plus que temps de l'honorer.

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2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart

10 sept. 2023, 00:06
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
CHAPITRE ONZIÈME
Reducio
Narcisse observait, assit sur un tabouret, Aelle examiner sa nouvelle cicatrice. Celle qui joignait l'ancien bras gauche de Kristen à son épaule. Elle n'avait pas perdu un instant avant d'exiger qu'il s'asseye sur un tabouret pour retirer sa chemise. Puis elle s'était mise au travail, et avait commencé à l'observer sous toutes les coutures, récolter des échantillons et consigner des dizaines de lignes de notes dans un grand livre poussiéreux. C'était une drôle de sensation, que celle de la regarder en train de s'affairer pour oublier sa douleur. Une acuité que Narcisse n'avait jamais eue lui permit de comprendre qu'elle tentait de se réfugier dans le travail, pour ne pas penser à autre chose. Il inspira doucement, il ne la comprenait que trop bien.

C'était typique d'Aelle, elle a toujours été la plus faible de nous deux, une spécialiste de la fuite en avant, incapable de faire face à ses problèmes.

Il grogna de douleur lorsque la migraine éclata sous son crâne, il ferma les yeux en grimaçant, sa main libre venant se poser sur ses cheveux. Aelle lui lâcha le bras pour le regarder, les sourcils arqués, avant de croiser les mains sur sa poitrine en se redressant.

« Un problème ?
C'est rien... Encore une pensée parasite. »

Elle se figea un court instant, avant de hausser les épaules pour se détourner et récupérer son grimoire qu'elle ouvrit sur la table, en saisissant une plume de corbeau de l'autre main. Encore une fois, sans savoir comment, Narcisse avait perçu son trouble, il avait senti sa curiosité. Plus que sa curiosité, il avait senti sa soif de savoir, elle voulait savoir, elle devait savoir. Et qui était-il pour la priver des dernières pensées de Kristen ? En temps normal, il lui aurait tout déballé, sans détour, sans fioritures. La stricte vérité pure. Mais depuis qu'il s'était réveillé, une petite voix lui criait de toutes ses forces de ne pas faire ça. Elle le suppliait de ne rien lui dire, d'épargner Aelle de ce savoir qu'elle estimait inutile. Narcisse ignorait encore si cette petite voix appartenait à Kristen, ou à sa conscience désormais dotée d'une subtilité nouvelle.

Il inspira profondément en se redressant, sa main frottant sa cicatrice qui le démangeait. Encore une à ajouter à sa collection. Il eut un sourire sans joie. Lui non plus n'aimait pas trop penser à ce qui s'était passé. Plus il s'y attardait, plus il déterrait des souvenirs qui ne lui appartenaient pas. Il pensait à des choses qu'il n'avait jamais, ne serait-ce qu'envisagé jusqu'à présent. Il voyait les choses différemment. Son corps lui répondait bizarrement, en particulier son nouveau bras, mais plus il essayait, plus il semblait, petit à petit, lui obéir. Tout comme il domptait progressivement son nouveau membre, il finirait par s'adapter à son nouvel esprit. Et peut-être que plus tard, il aurait l'occasion d'explorer tout ce qu'il savait désormais, sans même en avoir conscience. Mais pour le moment, il avait d'autres choses à faire. Son visage se durcit, la voix d'Aelle le tira de ses contemplations.

« Je n'ai jamais vu une cicatrice pareille. On dirait qu'elle date de plusieurs mois. Et le bras de Kri... ton nouveau bras, il s'est adapté à ton corps d'une manière surprenante. Il n'est pas aussi musclé que l'autre, mais le déséquilibre n'est pas si flagrant, comme si ton corps avait accéléré la production de tissu par mimétisme avec l'autre... »

Malgré la situation, Narcisse sourit. Il n'avait jamais vu Aelle si passionnée, autant plongée dans une tâche intellectuelle. Ses cheveux ramenés en chignon maladroit, laissant quelques mèches s'échapper, ses lunettes posées sur son nez, ce dernier plongé sur des lignes d'encre. Il l'avait toujours trouvé jolie, mais en cet instant, simplement la regarder lui donna le sourire.

Les gens se foutent de ton apparence, ce qui compte, c'est ce qu'il y a dans ta tête.

Il serra à nouveau les dents, retenant un gémissement de douleur. Il expira lentement pour essayer de stabiliser le tonnerre qui grondait sous ses cheveux. Aelle tressaillit et se retourna, son livre toujours entre ses doigts. Elle l'observa plusieurs secondes, hésitante, le regard fuyant, avant de reposer le livre. Narcisse sentit son regard et leva les yeux. Ce qu'il y vit lui donna envie de s'enfuir. Elle déglutit avec difficulté, ses yeux s'embuèrent de larmes. Il sentit qu'elle voulait parler, il le sut, il le vit. Mais il perçut aussi son hésitation, son tiraillement. Il cligna des yeux, et baissa le regard, il allait lui offrir une porte de sortie, ses lèvres s'ouvrirent pour parler, sa langue s'agita. Puis la voix d'Aelle le coupa.

« Elle t'a dit quelque chose ? »

Il ferma les yeux en expirant. Il redoutait cette question. Il la redoutait, car il n'était pas certain de pouvoir la regarder dans les yeux et lui mentir. Mais d'un autre côté, il sentait, au fond de lui, qu'il lui devait la vérité. Malgré la dernière volonté de Kristen, aux yeux de l'adolescent, elle avait perdu toute légitimité à demander quoi que ce soit. Mais... était-ce réellement utile ? Qu'est-ce que ça apporterait à Aelle, si Narcisse lui annonçait qu'elle était condamnée ? Pire encore, elle était condamnée, à très courte échéance, par la femme qu'elle admirait le plus. Comment pouvait-il lui faire ça ?

Tandis qu'il hésitait, elle s'était approchée de lui. Ses poings étaient serrés, sa voix tremblante.

« Brando... S'il y a bien une chose que je respecte chez toi, c'est que tu n'as jamais menti. »

Elle l'empoigna brusquement par le col, il détourna le regard, sans résister, laissant pendre ses bras le long de son corps, soulevé du plancher par une force insoupçonnée chez elle.

« Putain de merde, Brando ! Parle-moi ! »

Un ruissellement de petites pierres aiguisées tailladait le cœur de Narcisse. Il se sentit trembler, sa gorge se serra, son visage se crispa lorsqu'il ferma les yeux, essayant de toutes ses forces de ne pas la regarder. Tant de voix lui hurlaient de ne rien dire, et il aurait pu si aisément les écouter. Mais celle qui prédominait, celle qui lui parlait le mieux, celle qu'il avait toujours écouté, c'était la sienne. Dis-lui la vérité, elle mérite de savoir. Il ouvrit les yeux, une soudaine colère prenant d'assaut sa poitrine, et il se dégagea de la prise d'Aelle. Il s'approcha d'un miroir accroché à une armoire, et pris quelques secondes pour regarder son bras et sa cicatrice. Puis, sans un mot, il leva la main, et sa chemise atterrit entre ses doigts. Il sentait dans ses veines battre sa magie, plus puissante, plus brûlante que jamais. Une partie de cette magie n'était pas la sienne, il le sentait également. Mais tandis qu'il boutonnait lentement son vêtement, guettant au fond de son regard dans le reflet quelque chose qu'il ne trouverait jamais, il espéra ne jamais avoir à s'en servir.

La magie de Kristen était puissante et magnifique, mais également terrifiante et funeste. S'il le pouvait, il ne s'en servirait pas. Lorsqu'elle revint vers lui, il se détourna, avant de se racler la gorge.

« Aelle, écoute... »

Un claquement de fouet, tous deux tressaillirent. Aelle dégaina sa baguette, la rage au ventre, Narcisse se mit en position de combat, son regard observant les alentours. Mais au lieu d'un humain, il fut incroyablement surpris de voir un hibou apparaître face à eux. Il battait des ailes éperdument, et sans réfléchir, comme mû par une puissante volonté étrangère, il fonça sur Narcisse, serres grandes ouvertes. Il eut juste le temps de lever le bras pour qu'il puisse s'y accrocher. Il avait visé le bras de Kristen, avant d'y enfoncer ses griffes, qui arrachèrent à Narcisse une petite grimace de douleur. Puis, l'oiseau se figea, laissant en évidence une enveloppe rouge vif, ne demandant qu'à être ouverte. L'adolescent jeta un regard perplexe à Aelle, qui lui répondit par un haussement d'épaules.

Après une seconde d'hésitation, Narcisse leva doucement le bras pour récupérer le papier. Il entendit Aelle se laisser tomber dans le lit. Elle était épuisée, et ce simple petit coup de pression semblait avoir fait beaucoup de mal à ses nerfs. Il n'avait pas le temps de s'en soucier, malgré toute l'inquiétude qu'il ressentait envers elle. Une soudaine angoisse fit battre son cœur à ses oreilles, il ne se soucia même pas de l'oiseau qui s'envola avant de disparaître comme il était venu.

Il fixa l'enveloppe, qui semblait trembler entre ses doigts, désireuse de s'ouvrir. Un sentiment d'urgence indicible brûla sa nuque. Puis, d'un geste souple du pouce, il décacheta l'enveloppe. La beuglante s'anima brusquement, avant de déclamer son funeste message d'une voix sinistre :

« Cette insubordination, mademoiselle Montmort, sera la dernière. »

Le sang de Narcisse ne fit qu'un tour : Georges. Cette voix, il la reconnaîtrait entre mille. La seconde d'après, des cris retentirent, des explosions, des sorts fendant l'air. Tout cela ne dura qu'une poignée de secondes, puis, la lettre se déchira en mille morceaux.

Les deux jeunes adultes fixaient les bouts de papier gisant au sol. Narcisse frissonnait de fureur, son index frottait nerveusement et de façon répétée l'intérieur de son pouce. Ses yeux étaient écarquillés, sa respiration courte. Sa vision s'était étrécie, le bruit de son souffle bourdonnait à ses oreilles, tandis que son cœur tonnait dans sa poitrine. Un déchaînement de rage agita sa lèvre supérieure, il serra son poing qui avait commencé à trembler. Il se redressa, de toute sa taille, faisant rouler ses épaules, avant de faire pivoter sa tête jusqu'à ce qu'il entende ses cervicales craquer. Sans même jeter un regard en arrière, il prit la direction de la porte, faisant voler d'un geste de la main sa veste jusqu'à lui.

Il allait le tuer. Il savait ce qu'il allait faire. Il savait où était Georges, et désormais, c'était lui qui allait trembler. J'arrive, Georges, j'arrive pour toi.

La voix d'Aelle retentit derrière lui, elle s'était mise à le suivre précipitamment. Il l'ignora, il n'avait pas le temps pour elle, aussitôt qu'il aurait enfilé la deuxième manche de sa veste, il transplanerait.

« Repello Transere ! »

Il s'arrêta, au milieu du salon. Ses tempes fulminèrent, ses narines s'évasèrent. Achevant d'enfiler son vêtement, il tourna lentement la tête vers Aelle, qui venait de dégainer sa baguette. Et qui venait désormais de le priver de la possibilité de transplaner. Non. Oh, non. Il était hors de question de jouer à ça maintenant. Les émotions se déchirèrent en lui. Une envie de violence folle, une soif de sang, une pitié sans commune mesure, l'impatience et la frustration. Il avança d'un pas vers elle, son pouce appuyant sur son index pour le faire craquer.

« Aelle. Je n'ai pas le temps de jouer.
J'en ai rien à foutre de Georges et de tes histoires ! Tout ce que je veux, c'est que tu me dises les derniers mots de Kristen, je sais qu'elle te les a dits ! Je le sais, ça se voit comme ton sale pif au milieu de ta figure, Brando ! »

Elle tremblait. D'épuisement, certes, mais de rage aussi. De désespoir, un peu. Et à n'importe quel autre moment, Narcisse savait qu'il aurait cédé à sa demande. Il savait qu'il se serait assis avec elle, qu'il aurait calmement discuté, et qu'il aurait ensuite veillé à ce que son amie ne vive pas la nouvelle trop mal, lui promettant de rester avec elle jusqu'au bout, et qu'il était là pour elle. Mais là, en cet instant, la seule chose qu'il avait envie de faire, c'était de la mettre hors combat pour pouvoir foutre le camp d'ici. Au final, elle et Kristen n'étaient pas différentes. La marque de l'ancienne directrice était bien trop visible chez elle, c'était évident désormais. Mais vous savez quoi ? Il n'en avait rien à faire. Il se contenta de secouer la tête, avant de faire appel à ses réserves de décence pour simplement tourner les talons, et se diriger vers la sortie. Il ne prit même pas la peine de lui répondre.

Lorsqu'il posa la main sur la poignée, les seules questions qui occupaient son esprit étaient : comment allait-il tuer Georges ? Et combien de temps devrait-il marcher jusqu'à pouvoir de nouveau transplaner ? L'envie de mettre K.O Aelle était toujours là, mais il s'y refusait, il ne voulait pas...

Un picotement à la base de sa nuque l'alerta.

Il poussa sur ses jambes et bondit sur le côté. Le sortilège qui lui était destiné frappa la porte et l'encadrure de plein fouet, les explosant sans distinction. Le bois et la pierre volèrent, l'air frais pénétra en trombe à l'intérieur de la maison, balayant le visage de Narcisse, dirigé vers Aelle. Son bras était déjà levé, et de la pointe de sa baguette luisait déjà la lueur d'un nouveau sort. Il ne réfléchit même pas. Il poussa de nouveau sur ses jambes, et se matérialisa à l'extérieur. Il esquiva ensuite le sort simplement en penchant la tête sur le côté. Et c'est là qu'il réalisa.

Il voyait les choses au ralenti. Enfin, pas exactement. Mais ses réflexes étaient aiguisés. Son instinct combattif, déjà puissant, était désormais exacerbé. Il voyait tout, il anticipait tout. Tout paraissait facile, désormais. Aussi, lorsqu'elle apparut hors de la maison, le visage tiré par la rage, il se contenta de claquer des doigts. Comme ça, pour essayer.

La baguette d'Aelle vola en éclats.

Elle fut projetée sur le côté, la main criblée d'échardes, brûlée par la détonation et la décharge magique. Elle serra les dents pour ne pas hurler, et lança à Narcisse un regard chargé de haine. Il l'observa calmement, avant de poser la main sur sa poitrine. Son cœur ne s'était même pas accéléré.

« Ah... c'est donc ça. »

Ce n'était pas elle, son ennemie. Il n'avait pas envie de l'affronter, il n'en avait cure. Et puis, au fond, il l'aimait beaucoup, Aelle. Il secoua la tête, avant de s'avancer lentement vers elle. Elle voulut se redresser, il l'arrêta en posant sa main sur son épaule. Dans un geste vif, elle balança son poing en direction du visage de l'adolescent. Une attaque enragée, déterminée et désespérée. Il la bloqua de la paume sans même broncher, sans même crisper un sourcil. Il ferma ensuite les doigts autour de son poing, pour l'empêcher de se débattre, avant de s'accroupir à côté d'elle pour la regarder. Ses yeux n'avaient même pas viré au blanc. Elle tenta de s'extirper.

« Va te faire foutre ! T'as tout gâché !!! Toujours à foutre ton nez partout et à...
Tu vas mourir, Aelle. »

Les mots avaient franchi ses lèvres malgré lui. C'était étrange. Il était incapable de ressentir la moindre compassion. Il voulait être triste pour elle, il aurait voulu lui dire autrement. Mais Georges obsédait ses pensées. Sa voix tournait en boucle dans sa tête. Et il n'avait qu'une seule envie, expédier le problème Aelle pour pouvoir enfin aller retrouver l'homme qui avait détruit sa vie. Elle le regarda, terrifiée, les yeux écarquillés. Il secoua doucement la tête en lui lâchant la main, l'air presque embarrassé.

« Non, ce n'est pas moi qui vais te tuer. »

Il émit un claquement de langue. Il ferma les yeux un court instant, avant d'agiter les doigts de la main droite pour soigner celle d'Aelle, qui poussa un soupir contenu de soulagement. Narcisse chercha au fond de lui-même un peu de cette compassion dont il débordait tant auparavant. Son cœur se réchauffa un peu, il s'efforça de chasser ses pensées un instant. Il ne voulait pas devenir ce que Kristen avait voulu faire de lui. Il reprit enfin d'une voix douce.

« Je suis vraiment, sincèrement désolé. Mais tu t'es trompée sur Kristen. Toute ta vie. Elle ne voyait en toi qu'un cobaye, un sujet d'expérience. Si elle refusait de prendre ton corps, c'est parce que... Parce que... »

Les mots lui manquèrent. L'effondrement qu'il vit passer sur le visage d'Aelle emplit enfin son cœur d'une profonde tristesse. Il hésita, longtemps, plusieurs secondes, elle le supplia du regard de continuer, presque incrédule, refusant de croire ce qu'elle entendait. Il se devait de tuer cet espoir, il lui devait au moins ça.

« Elle... elle t'a empoisonné. Pas vraiment volontairement. Enfin, si. Elle... toutes les expériences qu'elle a fait sur toi... Elles... Y'en a une qui a... Merde. Un jour, elle t'a fait boire trois potions. Combinées ensemble, elles font dégénérer tes cellules et tes organes, et elles vont te tuer. »

L'horreur passa sur les traits d'Aelle. Narcisse eut soudainement envie de s'arracher la langue avant de se flageller de mille coups de fouet. Mais il ne pouvait pas s'arrêter.

« Bientôt. Je suis désolé.
Tu te fous de moi, hein ? Sérieusement, tu crois vraiment que je vais...
Bon, écoute, j'en ai rien à foutre que tu l'acceptes ou pas, que tu y croies ou pas. Mais je sais tout ce que savait Kristen, tout. Et j'ai vu ce qu'elle t'a fait. »

La colère qu'il ressentait n'était pas dirigée vers Aelle. Il se mordit l'intérieur de la joue, avant de poser doucement une main sur l'épaule de son amie. Elle la repoussa violemment, elle voulut se redresser. Elle perdit l'équilibre, il la laissa s'effondrer sur son arrière-train. Au fond d'elle, Aelle savait que ce qu'il disait était la stricte vérité. Il s'en voulut terriblement, atrocement, elle leva les yeux vers lui, un sourire nerveux déformant ses lèvres, les joues sillonnées de larme.

« Combien de temps ?
Peut-être un mois.
Putain... putain, putain, PUTAIN ! MERDE ! AAAaahh... »

Les poings de la jeune femme frappèrent le sol sans se soucier de s'abîmer ou non. Avec l'énergie du désespoir, animés par une rage débordante. Elle se laissa s'effondrer, la tête et les poings contre l'herbe, son corps animé par une respiration convulsive. C'en fut trop pour Narcisse, qui l'empoigna par les épaules avant de la forcer à le regarder. Elle secouait la tête désespérément.

« Dégage ! Dégage ! Pu... va te...
AELLE ! Écoute-moi. »

Sa voix fit vibrer l'air. D'une simple secousse, il la força à se calmer. Il n'avait jamais utilisé la magie pour modifier sa voix, et voilà qu'il venait de le faire sans même y penser. Une seconde, il se dégoûta, puis l'instant d'après, il ferma son cœur, et entreprit de faire ce qu'il pouvait pour elle. Il n'avait plus beaucoup de temps, mais il refusait de l'abandonner sans au moins inscrire au fer rouge dans son esprit les mots qu'il voulait lui dire.

« Je suis désolé. Jamais je ne me suis douté que tu étais aussi malheureuse. Tu es une chouette fille, Aelle. Je le sais. Et c'est injuste ce qui t'arrive, c'est vraiment dégueulasse. Mais écoute-moi. C'est trop tard, maintenant, d'accord ? Tu dois m'écouter. C'est. Trop. Tard. »

Ses paroles eurent le même effet que lorsqu'on coupait les fils d'une marionnette, et il sentit brusquement tout le poids d'Aelle reposer entre ses doigts. Il la soutint sans mal, avant de l'amener dans ses bras, pour l'entourer d'une étreinte aussi douce que possible. Autant tenir un cadavre, il en eut des frissons. En un éclair, il réfléchit aux mots qu'il pouvait lui dire. Il chassa une nouvelle fois Georges de sa tête, il ne pourrait plus le faire bien longtemps.

« Ce n'est pas ta faute. »

Il l'aida à s'asseoir sur le col, contre un grand chêne qui bordait le jardin de la maison. Accroupi face à elle, il tenta vainement de capter une attention au fond de ses yeux, désormais vidés de toute émotion. Il se prit le visage entre les mains, avant de faire passer ses doigts dans ses cheveux. Il ouvrit la bouche, il voulut parler, mais rien ne sortit. Il pensa à mille choses, aucune ne lui parut suffisante. Il leva la main pour la poser sur la joue d'Aelle. Elle ne réagit même pas. Il ferma les yeux, le visage déformé par la souffrance, il serra les dents jusqu'à les faire crisser. Il voulut hurler de rage, il avait les larmes aux yeux.

Puis, tout disparu, en un instant. Sa main se détacha du visage de son amie, et il se redressa. Il la regarda tristement.

« Je ne peux pas rester avec toi, mais je reviendrai, c'est pr... J'essaierai, ça, je le promets. »

Son visage s'était assombri lorsqu'il avait voulu promettre de revenir. Plus que jamais, avec sa nouvelle perception aigue du monde, il prenait conscience de la puissance de Georges. Incommensurable. Il n'était pas certain de revenir, il n'était même pas sûr de le vouloir. Mais tout ce qu'il pouvait offrir à son amie, c'était une main tendue, libre à elle de l'accepter. Il se détourna, et lorsqu'il fit quelques pas, des larmes roulèrent sur ses joues. Il ne les essuya pas.

Une voix retentit derrière lui, il se figea.

« Dis... »

C'était bien la voix d'Aelle, mais il ne l'avait jamais entendu ainsi. Il tourna le visage pour la regarder. Elle contemplait le vide, comme si elle était aveugle. Elle n'avait même plus la force de pleurer.

« Qu'est-ce que je dois faire ? »

Il ferma les yeux, et sentit ses genoux faiblir sous son poids. D'autres larmes roulèrent, et les sanglots menacèrent de le submerger. Dès le premier jour, où il avait rencontré Aelle, il avait perçu sa profonde tristesse, sans pouvoir l'expliquer pour autant. D'autres souvenirs se débloquèrent, il les laissa pénétrer sa conscience et devenir pleinement siens. Il mesura à quel point il s'était fourvoyé. À quand remontait la dernière fois où elle avait pu prendre une décision de son propre chef ? Sans être guidée par son aveuglement et ses peurs ? Il l'ignorait. Et la voilà désormais seule, et l'entendre ainsi demander son chemin, ce fut comme si l'on appuyait un pic à glace sur la fragilité d'un diamant. Un rien aurait pu le briser en mille morceaux. Il prit sa respiration, et parla sans la regarder.

« Ça, ce n'est pas à moi de décider. »

Le vent se leva, pliant les hautes herbes de la falaise, faisant geindre les arbres, et soulevant la veste de Narcisse. Il plongea ses yeux dans ceux d'Aelle, et enfin, elle réussit à le regarder.

« Qu'est-ce que tu as envie de faire ? »

Étaient-ce les bourrasques ou bien les émotions qui causèrent ainsi leurs larmes ? Narcisse ne s'en soucia pas, il rangea son amitié avec Aelle au fond de son cœur, refusant de l'entacher, avant de se détourner. Il fit un autre pas, avant de s'arrêter.

« Oh... J'y pense. »

Un souvenir venait de gratter à son subconscient. Il claqua des doigts, et un fin objet en bois de sureau, long de 38 centimètres, exactement, vint se poser dans sa main gauche. Techniquement parlant, cette baguette lui appartenait désormais, et il le savait. Il la fit tourner doucement entre ses doigts, savourant la sensation de puissance qui coula dans ses veines. Puis il se tourna complètement vers Aelle, avant de faire léviter la baguette de Sureau jusqu'à elle, la laissant en suspension face à son visage. Elle posa ses yeux dessus, incrédule, les larmes coulant à nouveau. Elle secoua la tête, il se détourna.

« Ce n'est que justice qu'elle te revienne. »

Il rajusta une mèche de cheveux derrière son oreille, et hocha la tête dans la direction de son amie, clignant des paupières pour en chasser les larmes. Ses pieds crissèrent sur le sol lorsqu'il fit demi-tour. De sa manche, il essuya ses yeux, avant de se mettre en marche, désirant se mettre hors de vue avant de transplaner. Il ne savait pas pourquoi, mais c'est ce qu'il voulait. Malgré lui, il accéléra le pas, ses yeux devinrent blancs, le vent autour de lui s'accentua, l'air s'électrisa et ondula, et, lorsqu'il eut enfin dépassé la petite colline, un claquement de fouet retentit.

Le vent continua de souffler un temps sur les falaises, avant de s'apaiser, comme pour compatir au chagrin destructeur qui rongeait la dernière âme vivante aux alentours, qui se laissa enfin aller, après des années, aux sanglots dont elle avait grand besoin. Dans le silence de la côte, un appel fut murmuré, un appel impossible, mais qui retentit malgré tout.

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Avatar par Merinda Swart

11 sept. 2023, 10:09
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
CHAPITRE DOUZIÈME

Prise au piège, elle était prise au piège. Enragée de son impuissance, Honor se heurtait, encore et encore, contre la porte de sa cellule, perdue au fin fond des souterrains. Elle se maudit, encore et encore, serrant les dents, à les en faire crisser et éclater. Ses mains empoignèrent ses chaînes, et, s'aidant de l'inertie de leur poids, elle se projeta à nouveau contre la porte. Ses dents mordirent ses lèvres pour contenir un hurlement de douleur lorsque qu'un craquement retentit. Ses doigts agrippèrent son flanc, et elle recula de quelques pas, chancelante. La moindre respiration lui arrachait un éclair de souffrance, mais du bout de l'index, elle tâta doucement ses côtes, grimaçant à plusieurs reprises. Au moins une était brisée.

« Merde... »

Elle secoua la tête, faisant rouler ses épaules, avant de se remettre en position. Son esprit bouillonnait, sa rage éclatait. Son cœur s'emballait, sa tension crevait le plafond. Elle ne voyait qu'une chose : Georges. Elle ne voyait que son sourire dégueulasse, elle n'entendit que sa voix triomphante. Elle revit son fils, elle revit Oscar, ses cheveux se dressèrent sur sa tête, et malgré elle, des larmes embuèrent ses yeux. Ses paupières clignèrent de nombreuses fois pour les chasser. Elle devait sortir d'ici, il était hors de question qu'elle se laisse moisir en attendant sans rien faire ! Elle avait attendu l'occasion pour se retrouver suffisamment proche de Georges afin de lui arracher la jugulaire avec les dents, et cette occasion lui avait été enlevée ! Le bruit de son corps cognant la porte résonna à nouveau dans la pièce obscure, se répétant à l'infini, rebondissant contre les murs de pierre nus, jusqu'à tourner en boucle au fond de ses tympans. Elle chancela, sa tête finit appuyée contre la porte. La sueur ruisselait sur son visage, gouttant jusqu'au sol. Elle prit une grande inspiration, puis banda les muscles de ses épaules en se redressant.

Un bruit. À l'extérieur.

Des bruits de pas, des éclats de voix, des formules que l'on criait à tout-va. Honor colla son oreille à la porte, tentant vainement d'en entendre davantage. Un violent coup explosa contre l'épaisse porte en fer massif, la faisant trembler. Honor bondit en arrière, se mettant en position de combat. Ses pieds nus dérapèrent sur le sol lorsqu'elle se mit de trois-quarts, ses chaînes cliquetèrent lorsqu'elle leva les mains à hauteur de poitrine. Un nouveau choc contre la porte, qui grinça. Elle analysa la situation, son visage était calme, malgré la fureur explosant à l'intérieur de sa poitrine. Si elle mourait maintenant, elle perdrait à jamais toute chance de tuer Georges. En un éclair, elle se retrouva sur le côté de la porte, collée au mur, aussi discrète et silencieuse qu'une ombre, laissant les sorts percuter la porte encore et encore.

Elle compta huit violents coups, tous plus acharnés les uns que les autres. Puis, au neuvième, la porte vola contre le mur de l'autre côté, le bruit métallique l'assourdissant un bref instant. Elle ne bougea pas. Elle lutta contre son instinct qui lui criait de bondir sur-le-champ, de ne pas laisser une chance à l'ennemi de prendre l'avantage. Deux voix retentirent, sa nuque picota.

« Putain, y'a rien là, t'as vraiment du pus de mandragore à la place du cerveau ! Je t'avais dit que c'était pas la salle commune !
— Non mais sérieux, la ferme, je te jure que c'était par là !
Ouais, ouais, c'est ça... Bon, allez, on bouge, ramène-toi. »

Honor n'était pas certaine de reconnaître ces voix, et pour être totalement honnête, elle s'en contrefichait. Elle ouvrit grand les oreilles, s'accroupissant, ralentissant les battements de son cœur, jusqu'à ce qu'elle entende les premiers bruits de pas indiquant qu'ils s'éloignaient. Plus qu'à s'enfuir.

Elle se figea. Ses yeux s'injectèrent de sang, son cœur explosa dans sa poitrine, et elle vit rouge. Sa lèvre supérieure se retroussa, une respiration similaire à un grondement fit vibrer sa gorge.

L'instant d'après, elle était déjà debout, et elle avait ramené ses chaînes dans sa main droite. Aussi vive qu'un serpent, elle bondit dans le couloir. Les deux hommes eurent à peine le temps de se retourner qu'elle fondait déjà sur eux.

« Merde, c'est la moldue !
LES GARS, PAR IC... »

Le cri d'alerte du deuxième homme fut brutalement interrompu par le lourd coup porté à sa gorge par les deux poings serrés d'Honor. Elle sentir sa trachée s'écraser, ses tendons se distordre et sa respiration se couper. Elle vit ses yeux s'écarquiller, emplis de surprise et d'incompréhension. Un tic agita les commissures des lèvres de la militaire, qui poussa sur ses jambes pour finir de projeter le corps du policier comme un sac de patates. Il vola sur deux mètres en arrière, avant de s'étaler au sol, immobile. L'autre avait déjà dégainé sa baguette, et la pointait sur Honor. Il souriait, il y a encore quelques secondes, sûr de sa victoire. Désormais, une terreur sourde pouvait se lire sur son visage, et elle en profita.

Ses yeux s'étrécirent lorsque le sortilège partit, l'aveuglant presque tant elle fixait la pointe de sa baguette. Mais le plus calmement du monde, expirant simplement par le nez, elle pivota sur elle-même, basculant sur le côté. Ses doigts enserrèrent ses chaînes pour les rassembler dans la paume de ses mains. Le sortilège passa juste à côté de son visage, mais le temps qu'il ne comprenne cela, elle s'était déjà retournée. Vive comme une mante religieuse, elle propulsa ses avant-bras devant elle, les chaînes bondirent et s'enroulèrent autour du bras de son adversaire. Et elle tira. De toutes ses forces.

Le claquement typique de l'épaule qui se déboîtait, suivi de peu par le hurlement de douleur qui ne manquait jamais d'arriver, il lâcha sa baguette, irrésistiblement et brutalement attiré vers elle. Enfin, elle sourit. Elle sentit ses muscles picoter, elle revivait ! Son corps lui appartenait ! Elle contracta les muscles de son cou, et elle bondit vers l'homme, dont elle empoigna les vêtements pour le maintenir à sa hauteur. Sa tête bascula en arrière, puis, l'instant d'après, son front s'écrasa sur le visage de l'homme. Le bruit du nez qui éclate, le crissement des dents qui se déchaussent, le craquement de la mâchoire qui cède, Honor se soucia peu du sang qui recouvrit soudainement sa face. Sans même attendre de savoir s'il respirait encore, elle continua son mouvement en enroulant ses chaînes autour de la gorge du policier. Le bruit de sa nuque qui se brisa sans effort ne fit ni chaud ni froid à Honor. Et lorsque le corps s'écrasa au sol, elle cracha du sang qui ne lui appartenait pas. Elle s'essuya les lèvres de son avant-bras, mais pas celui qui tapissait son front et ses yeux.

De ses doigts, elle prit un instant pour tracer quelques lignes avec le sang. L'aspect psychologique est tout aussi important lorsqu'on affronte ses ennemis, et elle voulait qu'ils tremblent de peur.

Quelques minutes plus tard, d'autres soldats arrivèrent sur les lieux, et encore aujourd'hui, s'ils ont survécu, ils se demandèrent qui avaient pu tuer deux de leurs collègues aussi brutalement.

*
*---*

La petite Olivia courait à toute vitesse dans les sinueux couloirs des souterrains. Éperdue, à bout de souffle, la petite Serpentard avait les larmes aux yeux. Jamais elle n'oublierait ce qu'elle venait de voir. Elle qui pensait vivre sa première année à Poudlard sans souci, elle regretta en cet instant de ne pas avoir écouté ses parents, et d'être restée avec eux. Papa, maman, d'autres larmes coulèrent lorsqu'elle pensa que peut-être, plus jamais, elle ne les reverrait. Elle n'arrêta pas de courir. "Cours ! Ne t'arrête surtout pas !" lui avait crié son aînée, avant de s'interposer entre elle et deux hommes vêtus de noirs. Les lumières des sorts l'avaient aveuglé, mais elle avait couru, comme on lui avait demandé. Sa gorge était sèche et lui faisait mal, mais elle ne devait pas s'arrêter. Le sol trembla soudainement sous ses pieds, elle perdit l'équilibre, et s'étala de tout son long, laissant échapper un petit cri de douleur.

« Aïe ! »

Elle voulut immédiatement se relever, mais un sanglot la secoua violemment, la jetant à genoux. Les larmes l'aveuglaient, la morve l'étouffait, sa gorge était serrée, et elle peinait à respirer. Elle convulsait de sanglots, et dans un réflexe protecteur, elle avait rampé jusqu'au mur à côté d'elle, auquel elle s'était adossée. Ses cris d'abattement peinaient à se frayer un chemin au milieu des croassements de ses sanglots. Ses doigts agrippaient violemment ses vêtements, mais lorsqu'une nouvelle explosion retentit au loin, ses mains remontèrent pour se plaquer sur ses oreilles, son cœur bondissant dans sa poitrine.

« Eh ! Y'a une gamine par là ! »

Un affolement soudain s'empara d'elle, sa tête se tourna dans la direction de la voix. Une femme, vêtue de noir, les cheveux blonds noués en chignon impeccable, la regardait d'un drôle d'air. L'instant d'après, deux autres hommes apparurent à ses côtés. Elle secoua la tête, cherchant à reculer, incapable de se lever. La femme s'approcha doucement, un sourire mielleux aux lèvres. Elle tendit la main vers elle.

« Allons petite, tu n'as pas à t'inquiéter. Nous sommes là pour t'aider. »

Olivia secoua de nouveau la tête, ses pieds glissèrent sur le sol, ses ongles raclèrent la pierre pour essayer de l'éloigner d'encore quelques centimètres.

« Non... non ! Vous êtes méchants, vous êtes méchants !
— Méchants ? Nous ? Mais voyons, ma petite, qui donc a bien pu raconter des mensonges pareils ?
— C'est... c'est Merinda ! C'est Merinda ! Elle... elle m'a dit... et elle ment pas ! Vous êtes méchants ! »

Elle recula encore de quelques centimètres, avant d'être stoppée par un nouveau mur. Un rire mesquin retentit au-dessus d'elle, elle leva les yeux. Un cri de frayer lui déchira la gorge. Un quatrième homme en noir se tenait derrière elle. Les trois autres s'étaient entre-temps rapprochés, et l'un d'eux semblait particulièrement impatient, nerveux même. Il dégaina sa baguette.

« Par Merlin, on perd du temps, elle a une gueule de sang-pourri, vous trouvez pas les gars ?
— Sh. »

La femme abaissa d'un geste sec la main de son comparse, avant de s'accroupir face à la petite. Elle lui lança un regard effrayamment doux, et un sourire tout aussi faux. Même Olivia le perçut, mais elle n'avait nulle part où aller. Elle se recroquevilla sur elle-même. Elle repensa à sa baguette qu'elle avait perdue quelques couloirs plus loin. La blonde pencha la tête sur le côté, avant d'elle-même dégainer sa baguette.

« Dis-moi, ma chérie, que font tes parents dans la vie ? »

Olivia sanglota de nouveau, secouant doucement la tête, le visage déformé par la tristesse et la peur.

« Papa... maman... »

La femme claqua des doigts devant son visage. Son sourire avait disparu.

« Hey, tu me réponds quand je te pose une question. Tes parents, ils font quoi ? »

Olivia secoua de nouveau la tête, s'agrippant la tête entre ses mains, se mettant à sangloter de plus belle. Son interlocutrice soupira en claquant de la langue. L'homme derrière elle aboya.

« Tu vois ?! Elle veut rien dire, ça veut tout dire ! Allez, une de plus ou de moins, personne verra... »

Un cliquetis de chaîne. Les quatre adultes se figèrent avant de s'immobiliser. Un pas de course, résonnant aux alentours. Tel un courant d'air, une silhouette se matérialisa dans le coin du couloir, et fonça, à la vitesse d'un mamba noir, sur les policiers. Le premier, qui se tenait dos à Honor, n'eut même pas le temps de comprendre ce qui lui arriva. Un coup de coude fracassa sa nuque, le tuant sur-le-champ. Lorsqu'il s'effondra, elle avait déjà redirigé son attaque sur le plus proche, entourant son poignet de ses chaînes, avant de le briser d'un coup sec. Son hurlement fut coupé par un poing qui s'abattit sur son menton, refermant brutalement sa mâchoire et brisant ses dents. Les premiers sorts volèrent enfin, mais ce fut le corps de leur camarade qui les encaissa.

Honor projeta ensuite le cadavre sur la policière et son comparse, et profitant de l'instant d'hésitation, elle s'accroupit pour les balayer d'un coup de pied circulaire. Le premier ne put même pas finir sa chute, le genou d'Honor l'attendit pour s'écraser sur sa gorge, qui fut broyée aussi certainement qu'un œuf sur lequel on marche. L'homme derrière Olivia recula d'un pas et catalysa un sort à la volée. Il toucha le pavé sur lequel se tenait Honor il y a encore un instant. Elle avait déjà changé de cible. Se mouvant tel un torrent, ses mouvements s'enchaînaient parfaitement. Son pouls était contrôlé, comme sa respiration, elle voyait clairement. Elle agrippa le poignet de la policière qu'elle commençait à lever, avant de le briser, aussi aisément qu'une brindille. Puis elle l'agrippa à la gorge, et leva la main en brandissant son index et son majeur, prête à les enfoncer dans ses orbites.

« STOP ! »

La voix était paniquée, mais elle portait. Honor se figea, maintenant toujours sa proie au sol. Lorsqu'elle leva le visage vers l'homme, il blêmit. Il maintenant la petite sorcière en otage, agrippant sa tenue par la main, la braquant de sa baguette de l'autre. Elle sanglotait, elle convulsait de terreur, essayant de se dégager par tous les moyens, il l'immobilisa en lui agrippant brusquement les cheveux. Honor ne bougea pas, elle ne réagit pas. Elle se contenta de fixer l'homme, plongeant son regard dans le sien. Elle sentait sa propre terreur, son incrédulité face à la situation, et s'en délectait.

Il enfonça sa baguette dans la joue d'Olivia, sa respiration était paniquée.

« Lâche-la, et recule d'un pas !
— Crétin ! Tue-la ! Tue-la maintenant ! TUE-L... »

Les doigts s'abaissèrent brusquement. Ils éclatèrent les globes oculaires de la femme, et s'enfoncèrent jusqu'au cerveau, la tuant net. L'homme blêmit, la petite détourna le regard, de nouveaux sanglots lui prenant la gorge. Honor n'avait pas détaché son regard de lui, et plus elle le regardait, plus il tremblait. Elle était véritablement effrayante, ainsi. Son visage et ses vêtements recouverts de sang, ses joues parsemées de motifs ensanglantés, son regard dur et les cadavres de ses camarades, il n'en menait pas large. Il avait manqué sa chance, et désormais, c'était lui qui se retrouvait à sa merci, désormais. Elle se leva calmement, sans prendre la peine d'essuyer ses doigts, le sang goutta sur le pavé, résonnant dans les sombres couloirs. Il se mit à hurler.

« RECULE ! RECULE ! SI TU FAIS UN PAS, SI TU FAIS JUSTE UN PAS JE... »

Il tressaillit. Elle fit un pas. Sans un mot. Elle calculait le temps que cela lui prendrait pour bondir sur l'homme. L'idée de sauver la petite lui traversa l'esprit, un bref instant. Puis elle fut dissipée par l'adrénaline de la haine, dissoute par l'acidité du poison de la férocité. Elle allait simplement le tuer, sans se soucier des collatéralités. Son regard était fou, son visage distordu par la férocité. L'homme sentait qu'il ne se tenait plus face à une humaine, mais face à un animal qui, malgré ses entraves aux poignets, était déchaîné. Toutefois, elle n'eut pas le temps de faire un autre pas, une lumière éclaira soudainement le couloir, et l'homme s'envola, s'écrasant contre le mur à côté de lui. Des pas résonnèrent, plusieurs pas différents, et des silhouettes apparurent de l'autre côté.

« Olivia ?! Olivia !!
— Me... Merindaaa ! »

Honor se détendit malgré elle en reconnaissant la voix de Merinda. Mais immédiatement après, elle leva les yeux pour fixer le groupe qui l'accompagnait. Les adolescents se figèrent tous. Certains blanchirent, d'autres se détournèrent, certains retinrent même un cri de frayeur. Honor se dressa de toute sa taille, ses chaînes tintèrent les unes contre les autres, le sang goutta de ses vêtements, de son visage et de ses mains. Elle en vit un vomir. Certains trouvèrent enfin le courage de lever leur baguette vers elle. Un instant, elle envisagea, eux aussi, de tous les tuer. Puis elle cligna des yeux, et pris une grande inspiration, avant de regarder Merinda, qui avait enlacé la petite et lui chuchotait des mots réconfortant.

« Restez pas là. »

Elle lança un dernier regard de défi à ceux qui osaient braquer leurs baguettes sur elle, puis se détourna. Elle fit quelques pas, s'apprêtant à reprendre sa course, lorsqu'une voix l'arrêta.

« Vous... vous voulez pas venir avec nous ? »

Honor se figea, et écarquilla les yeux. Elle se tourna vers Merinda, qui lui rendit un regard profond. L'adolescente s'était levée, et tenait la petite dans ses bras, tentant vainement de calmer ses sanglots. Malgré elle, Honor arqua un sourcil, avant de pouffer de rire.

« J'ai à faire.
— Vous voulez tuer Georges, pas vrai ? »

La militaire ouvrit des grands yeux, avant de complètement se tourner vers Merinda, qui l'affrontait désormais d'un regard courageux. Toutes deux se jaugèrent plusieurs longues secondes. L'esprit d'Honor fut aiguillonné par l'appel de sa vengeance, le poison qui se diluait dans ses veines, qui l'aveuglait et la nourrissait en même temps. Elle serra les dents, ses narines s'évasèrent.

« Qu'est-ce que ça peut te foutre ? »

Elle se détourna et reprit sa marche, grognant de douleur lorsque la douleur prit de nouveau ses côtes d'assaut, l'adrénaline désormais dissipée.

« Vous pourrez pas le faire dans votre état ! »

Honor s'arrêta de nouveau, et le regard qu'elle posa cette fois sur l'adolescente fit reculer tout le groupe. Il irradiait de folie meurtrière. Ses yeux étaient injectés de sang, se confondant avec celui presque séché sur son visage. Merinda reprit avec bravoure, mais elle tremblait.

« Ne me regardez pas comme ça ! Non mais, vous vous êtes vue ? Vous avez même pas d'arme ! Les policiers que vous avez abattus, ils sont vraiment faibles à Georges. Vous ne le sentez peut-être pas, parce que vous n'êtes pas une sorcière, mais...
Je l'ai déjà affronté, gamine. C'est juste un homme. »

Elle fit face à l'adolescente, penchant sa tête sur le côté.

« C'est quoi ton problème ? Tu veux m'en empêcher ? Je te le déconseille. »

Son cœur battit un peu plus fort et diffusa son émanation meurtrière. Le groupe fit un nouveau pas en arrière, la moitié de ceux qui avaient levé leur baguette l'abaissèrent en tremblant. La main posée sur les cheveux de la petite qui s'était désormais calmée, Merinda s'avança d'un pas.

« Vous ne voulez pas récupérer votre équipement ? Je sais où il est. »

Honor écarquilla les yeux. Elle regarda derrière elle, puis elle regarda Merinda, méfiante, impatiente. Elle s'avança ensuite vers elle sans hésiter, le cliquetis de ses chaînes rythmant ses pas. Elle s'arrêta face à elle, ignorant les chuchotements des autres adolescents et leurs baguettes. Olivia se tourna vers elle, mais n'avait pas l'air effrayée. Merinda était grande, mais face à Honor, chacun et chacune aurait eu l'air petit. Une respiration. Était-ce un piège ? Une manœuvre ? La militaire plongea son regard dans celui de l'adolescente, guettant le moindre signe de malice et de vilenie. Elle n'en trouva pas.

« Je n'ai pas de temps à perdre.
— Je peux vous y conduire, et je briserai vos chaînes, mais à une seule condition. »

Honor serra les dents. Elle n'avait pas la moindre envie de négocier avec une gamine. Son visage était dur, son cœur battait à tout rompre, l'adrénaline afflua de nouveau dans ses veines, et elle n'avait qu'une envie : faire demi-tour pour se précipiter vers l'extérieur. Toutefois, la raison toqua à la porte, et elle prit une grande inspiration, avant de faire craquer ses cervicales. Malgré son esbroufe de tout à l'heure, Honor savait qu'elle ne ressortirait pas vivante d'un affrontement avec Georges en l'état. Elle n'était même pas certaine de pouvoir s'approcher de lui.

« Parle. »

Merinda retint un sourire, puis se tourna vers l'un de ses camarades pour lui tendre Olivia. Cette dernière s'agrippa de toutes ses forces, mais son regard ne quittait pas Honor.

« Retournez à la salle commune, dépêchez-vous.
— Merine...
— Barrez-vous ! »

Après un instant d'hésitation, le groupe finit enfin par s'éloigner. Plusieurs secondes s'écoulèrent avant que Merinda ne se tourne de nouveau vers Honor, avant de dégainer sa baguette. Son regard était droit et ferme.

« Vous me laissez venir avec vous, pour tuer Georges, je veux dire. »

Honor écarquilla les yeux, et se redressa davantage. Malgré son incrédulité, le souhait de l'adolescente ne laissait aucun doute quant à sa sincérité. Le temps pressait, elle n'avait pas le temps pour ces conneries. Elle claqua de la langue et tourna la tête.

« D'accord.
— Promettez-le-moi. »

Là, Honor hésita. Cette petite n'était pas bête, et elle la connaissait bien. Après tout, elle savait qu'elle n'était pas du genre à faire une promesse qu'elle ne tiendrait pas. Ce bref moment d'hésitation but balayé par l'image de Georges qui apparut dans son esprit. Elle rejeta tous ses principes, l'heure n'était plus à ça.

« Promis. »

L'instant d'après, ses chaînes se retrouvèrent sur le sol des couloirs, et elle se mit à suivre l'adolescente qui s'était mise à courir aussi vite qu'elle le pouvait, en direction du bureau de la directrice.

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Avatar par Merinda Swart

13 sept. 2023, 10:56
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
CHAPITRE TREIZIÈME
Reducio
L'air semblait s'être embrasé dans la cour de la tour de l'horloge, au milieu de laquelle mille et une silhouette s'agitaient éperdument. La différence de nombre entre les camps s'était substantiellement amoindrie en l'espace de quelques minutes, qui avaient vu l'arrivée de tous les élèves suffisamment âgés et courageux pour se dresser face aux envahisseurs. Elina voulut leur crier de battre en retraite, ils n'étaient pas à leur place ici. Ses paroles furent noyées par une boule de feu qui l'entoura soudainement. L'espace d'un instant, elle disparut dans la fournaise. Georges se redressa alors, faisant tournoyer sa baguette, avant de rediriger son attention sur d'autres, certain de sa victoire. Victoire prématurée, car la voix d'Elina retentit brusquement, tremblante de puissance, le forçant à se retourner pour regarder vers elle.

« Partis Temporus ! »

Dans un souffle, le feu entourant la directrice fut brusquement dissipé, qui disparut en s'éteignant. D'un geste vif, elle retira sa veste carbonisée, qui brûlait encore, avant de poser un pied ferme sur le pavé de la cour. Le claquement de son talon fit écho à celui de sa baguette lorsqu'elle la brandit.

« Lashlabask, Flagellum Ignis !
Oh ? »

Georges campa sur ses positions, déviant par réflexe un sort qui lui était destiné, sans même broncher. Un sourire mauvais déformait ses lèvres, tandis qu'il observait le spectacle qu'Elina Montmort offrait au monde. De sa baguette, un long fouet doré jaillit brusquement, marquant la pierre d'une ligne noire et fumante. Claquant l'air gelé autour d'elle, d'un moulinet de poignet, elle balaya la dizaine de policiers qui l'avait encerclé, leurs vêtements consumés par ce contact brûlant. Leurs regards se croisèrent. Il écarta les bras, provocateur, tout en éclatant d'un rire gras et méprisant. Elle fit glisser son pied sur le sol, puis bondit en avant, il brandit sa baguette dans sa direction.

« Acuo !

D'un mouvement de poignet, le fouet dévia le sort, le claquement résonnant dans les oreilles de Georges, Elina s'approcha un peu plus. Il pivota sur lui-même.

Confringo ! »

L'explosion frappa directement et violemment l'espace où se tenait la directrice, il y a un centième de seconde. Elle utilisait son fouet comme un troisième membre, et s'en était servi pour se propulser sur le côté afin d'esquiver. Son Œil de Révélation l'avertit : elle se baissa, laissa passer un sort qui lui était destiné au-dessus d'elle, avant de brandir son bras pour brusquement l'abaisser. Le policier qui l'avait visé se retrouva emprisonné, ligoté par son fouet brûlant. Le hurlement de douleur qu'il poussa lorsque sa peau, mise à nu, s'incinéra, fut soudainement interrompu par l'impulsion que lui donna Elina. Elle le projeta, comme s'il ne pesait rien, directement sur Georges. Sans s'embarrasser de formalité, exécutant un fluide geste de baguette vertical face à lui. L'homme fut découpé en deux, aussi nettement qu'avec une lame de rasoir.

Les parties du corps ensanglantées et fumantes tombèrent lamentablement au sol. Tuséki fit claquer sa cape, balançant sa baguette pour la repositionner face à lui. Elina n'était plus qu'à un pas. Il sourit.

« Petite futée. »

Elle avait utilisé son soldat comme une distraction, certes brève, mais bien réelle, pour se rapprocher de lui. Désormais, elle était à portée. Il catalysa un nouveau sort, animé simplement par sa volonté de tuer, et la pointe de sa baguette explosa, projetant un rayon de lumière rougeâtre sur Elina. Cette dernière ne broncha pas, et, laissant son Œil la guider, mettant en évidence le point faible de l'attaque, elle agita son bras. Son fouet ploya et l'entoura d'un filin doré, qui dévia dans une explosion le sort de Georges. Les pierres sous elle se craquelèrent, elle serra les dents en sentant toute la pression exercée sur son corps. Puis, l'instant d'après, elle était au contact.

Dans un cri similaire à un Kiaï, elle balança son bras, le fouet claqua en frappant violemment la poitrine de Georges qui fut propulsé en arrière sous le choc. Mais il était hors de question qu'elle s'arrête en si bon chemin, l'image de ses collègues abattus un à un était encore gravée au fer rouge dans sa rétine.

Un deuxième claquement, il n'eut même pas le temps de toucher le sol qu'il fut à nouveau projeté. Il heurta une colonne dans une pluie de poussière et de débris qui s'écroulèrent sur lui. Son fouet claqua à nouveau lorsqu'elle le ramena à elle, puis elle chercha du regard ses alliés. Non loin de là, Sarah Priddy, la professeure de sortilèges, était en train de désarmer, puis de ligoter un groupe d'hommes, elle lui cria quelque chose.

« SARAH ! Évacue les élèves de là ! Il faut... »

Une explosion rugissante éclata brusquement, un canon de lumière rougeâtre, provenant des débris sous lesquels était enterré Georges, fondit sur Sarah. Un déchaînement de magie pure, qui se précipitait à la vitesse de la lumière sur la professeure. Elina n'eut que le temps de lever la main dans sa direction, les yeux écarquillés, la voix brisée par l'émotion, qu'elle fut engloutie en l'espace d'une seconde. Les environs furent éclairés par une lumière aveuglante, et Elina, n'eut malgré elle d'autre choix que de détourner le regard. Ses oreilles sifflèrent, son tympan était éclaté, elle sentit le sang couler. Ses genoux avaient cédé. Déconcentrée par cette déflagration, elle avait laissé son fouet se dissiper, et sa baguette gisait désormais entre ses doigts sans forces. Puis, elle put de nouveau voir, et son cœur manqua un battement.

Une tranchée conique creusée à même la pierre ouvrait la cour en deux. Un endroit du couloir couvert qui entourait cette cour avait été tout simplement balayé, et quelques tuiles tombaient encore, sous l'absence de leurs fondations. Il n'avait pas désintégré que Sarah, mais également une poignée de ses hommes dans la même attaque. Elina sentit une remontée gastrique la prendre au corps, la pliant en deux, étouffant le bruit des alentours. Les cris, les hurlements, les flammes et les explosions. Elle en eut le tournis, ses repères disparurent. Elle ne se voyait pas gagner. Elle imaginait déjà le château détruit, ses élèves massacrés, tout ce pourquoi elle avait lutté se faire balayer. Georges brisa ce silence, tandis qu'il s'extirpait des décombres en s'époussetant. Seuls ses vêtements étaient marqués par les coups de fouet d'Elina, et le seul dégât qu'elle pu observer fut une petite coupure au niveau de sa joue, qu'il efface d'une glissade de l'index. Il prit une grande inspiration, avant de poser un regard mauvais sur elle.

« Très impressionnant, vous au moins, faites honneur à votre sang. »

La colère qui se déchaîna dans la poitrine de la directrice ne fut rien en comparaison de la vitesse à laquelle Georges bondit sur elle. Sans totalement transplaner, il sembla, un court instant, s'écarter des lois de la physique pour fendre l'air en poussant sur ses jambes. Lorsqu'il ne fut qu'à un pas d'Elina, un sourire satisfait se peignit sur son visage.

« Si un sang-pourri peut le faire... »

Elina se redressa, reprenant sa contenance, ses paupières clignèrent, son Œil s'alluma. Il vit la menace, aussi clairement que le jour, et déjà, sa baguette se levait pour contrer celle de Georges. Il ne vit pas sa main gauche, qui, bondissant hors de sous sa cape, vint brutalement frapper la directrice à la tête. Elle crut voir deux doigts tendus, le majeur et l'index, puis, plus rien. Ou si, quelque chose. Une douleur affreuse, transcendante, comme une décharge électrique d'une violence sauvage, lui déchirer la tête. Quelque chose avait pénétré son crâne, farfouillant contre ses os et la soulevant de terre d'une force incommensurable. Sa gorge fut déchirée sous le hurlement qu'elle poussa, incapable de réagir d'une autre manière que de lever ses mains pour agripper l'avant-bras de Georges.

Son sang baignait la moitié droite de son visage, il était chaud. Elle avait mal, elle avait mal, ses ongles voulurent s'enfoncer dans la chair de son assaillant, mais ne rencontrèrent qu'un tissu solide et des muscles d'acier. Elle ne voyait toujours rien, une voix fit trembler l'air autour d'elle, exacerbant sa douleur insupportable qui lui perforait le crâne.

« C'est un bien bel œil que vous avez là. »

Elle sentit un pouce presser sa paupière inférieure, et une terreur abyssale la saisit. Son autre œil s'ouvrit pour se plonger dans le regard cruel de son adversaire. Puis, elle le sentit tirer d'un coup sec. Un bruit abominable lui arracha un nouveau hurlement, son estomac se retourna, elle vomit tripes et boyaux en s'effondrant au sol, ses mains agissant d'elles-mêmes pour venir se plaquer sur son orbite désormais vide et ensanglantée. Ce n'était plus qu'une boule de douleur, lancinante et pulsant au rythme de son cœur affolé, sa gorge était asséchée et craquelée par sa respiration convulsive. Elle fut mise sur le dos par la bottine de Georges qui poussa sur son épaule, avant d'écraser presque tendrement son estomac. Elle le vit alors tenir son œil entre ses doigts, l'observant d'un air presque amoureux. Il laissa échapper un soupir de délectation.

« Vous pourrez venir le récupérer au Bureau des objets trouvés.

Sur ces mots, son poing se referma sèchement, imbibant son gant d'un liquide poisseux, dans un bruit de fruit trop mûr qu'on écrase. Elina sentit une horreur indescriptible l'envahir, et un sentiment d'impuissance lui couper la respiration. Ou bien était-ce le pied posé sur elle qui l'empêchait de gonfler sa poitrine ? Il sourit d'un air mauvais.

Oups... »

Elle tourna la tête dans un effort désespéré pour essayer d'attraper sa baguette qui lui avait échappé des doigts. Sa gorge se serra brusquement lorsqu'elle vit ce qui l'entourait.

Tous les adultes qui n'avaient pas été tués étaient désormais ligotés et maîtrisés par les hommes du Conseil. Certains étaient blessés, d'autres aux portes de la mort. Les corps de ses élèves, dispersés aux quatre coins de la cour, contrastaient en baignant dans leur sang avec le blanc de la neige qui n'avait pas encore fondu. Beaucoup avaient été capturés, mais bien trop peu au goût d'Elina, qui sentit une vague de tristesse et de culpabilité la terrasser comme un raz-de-marée qui l'aurait laissé à demi-morte sur la plage. Le bruissement du tissu du gant de Georges, sur lequel passa la pointe de sa baguette pour le nettoyer, attira son attention.

Il abaissa sa main qui tenait sa baguette, avant de poser son coude sur son genou, pressant un peu plus puissamment son pied sur le corps d'Elina, qui grimaça de douleur, en s'étouffant dans son sang. Il secoua doucement la tête.

« Tsk, tsk, tsk... Quel gâchis. »

Il leva la tête pour regarder les alentours, son sourire satisfait s'élargissant à chaque seconde.

« Voyez le résultat de votre bêtise. Tout aurait pu être évité si vous aviez simplement... coopéré, mademoiselle. »

Dans un hurlement guttural, Elina frappa de toutes ses forces le tibia de Georges, un craquement retentit, elle ploya sous la douleur de ses phalanges brisées. Il la regarda durant plusieurs secondes, d'une immobilité absolue, ses hommes suspendus à ses lèvres, attendant manifestement la suite.

« J'ai toujours pensé qu'il y avait des Sang-Pur plus purs que d'autres...

Son pied se leva un instant, avant de presser plus lourdement sur la cage thoracique d'Elina. Dans un sinistre craquement, qui fit détourner la plupart des regards de ses élèves, elle cracha soudainement une gerbe de sang. Il se pencha vers la directrice, sa voix grave et mielleuse rythmant ses doigts se levant au rythme de ses exigences.

Bien, si nous reprenions où nous en étions. Nous ignorerons votre sédition et cette histoire avec la moldue. Mes hommes doivent certainement s'en occuper en ce moment même. En échange, vous garantirez une passation de pouvoir de la direction de Poudlard au Conseil, ainsi qu'un contrôle absolu sur le programme et sa gestion. Je suis prêt à... »

Il s'arrêta lorsqu'Elina agrippa sa cheville de sa main intacte, plongeant son œil dans les siens, le visage rougit par la fureur, sa lèvre supérieure découvrant ses dents. Elle l'enserra avec une force insoupçonnée. Sa voix croassa, enrouée, brisée par les hurlements de tout à l'heure. Le ciel commença à s'obscurcir, des nuages noirs s'amoncelèrent autour de Poudlard et aux alentours. Le tonnerre gronda, et le vent se mit à souffler, sifflant dans les arbres et balayant les débris. Georges leva le regard d'un air suspicieux, avant de regarder ses hommes. Un mauvais pressentiment s'était emparé du groupe, mais ni les professeurs survivants, ni les élèves ne semblaient rassurés, que se passait-il donc ? Il se baissa pour empoigner Elina par la gorge et la lever aussi haut qu'il le put.

« Cessez vos petits tours de passe-passe ! Ou je raserai cette école dégénérée pour la faire renaître de ses cendres ! »

La foudre tomba brusquement, devant le pont couvert qui reliait la cour à l'extérieur. Certains sursautèrent. Les doigts de Georges broyèrent lentement la gorge de la directrice, ses yeux étaient injectés de sang, une folie frénétique illuminant ses iris gris. Il rouvrit la bouche, levant sa main qui tenait sa baguette, s'apprêtant à exécuter sa menace, lorsque la voix sépulcrale de la gargouille résonna de nouveau.

« Elle est là. »

Tous et toutes se figèrent, un frisson inexpliqué parcourant l'assemblée. Georges regarda autour de lui, puis sentit Elina s'agiter. Elle souriait. Elle souriait d'un air qui n'était pas censé pouvoir se lire chez une personne dans son état. Son œil restant scintillait d'un air triomphal. Ce fut tout, elle se contenta de sourire, et de le fixer, mais cela suffit à déclencher chez lui un mauvais tremblement de son bras. Il l'envoya valdinguer au sol, deux de ses hommes la récupérèrent. Il agita négligemment sa main en direction du pont.

« Allez voir.
Oui, Président ! »

Il leva ensuite les yeux au ciel, sa main tenant sa baguette le long de son corps, son autre main cachée derrière son dos. Son index frottait nerveusement son pouce. Son cœur battait étonnamment vite. Les nuages ne faisaient que s'accumuler et s'agiter au-dessus d'eux, de plus en plus noirs, le tonnerre grondant encore une fois. Le vent soufflait désormais puissamment sur la cour. Il se tourna vers le reste de ses hommes.

« Retournez ce château, qu'on déloge chacun de ses occupants. Et... »

Il fut interrompu par un nouvel éclair qui frappa cette fois-ci directement le pont, là où les hommes qu'il avait envoyés étaient censés se trouver. Des cris retentirent. Il se mit en position de combat, à l'image de ceux qui n'étaient pas encore partis à l'intérieur du château. Un pas lent et clair résonna alors. Un bruit de bottes qui claquait contre la pierre, avançant aussi lentement que les battements du cœur de Georges étaient rapides. Une silhouette se dégagea alors de l'épaisse fumée laissée par l'éclair qui avait touché le pont. Elle avançait inlassablement, sans faiblir, dissimulée par une masse de cheveux noirs flottant au vent. Quelques hommes avancèrent alors, il leva brusquement la main, ils s'immobilisèrent. Une drôle d'impression le traversa.

À l'instant où la silhouette passa sous le porche qui séparait la cour du pont, la voix de la gargouille retentit à nouveau.

« Bon retour, Miss Loewy. »

Des murmures et des chuchotements parcoururent l'assemblée, et Georges se tourna vers Elina, qui souriait toujours d'un air aussi désagréable aux yeux de l'homme. Il serra les dents, avant de claquer des doigts. Ses hommes se regroupèrent autour de lui, en position de combat. Le brigadier poussa alors une exclamation de surprise, et Georges se retourna. Il écarquilla brusquement les yeux, son cœur manquant un battement sous l'éclair qui s'abattit derrière Narcisse, faisant trembler le sol. Le vent se tut d'un coup, mais les nuages demeurèrent.
Reducio
Elina écarquilla à son tour les yeux, la confusion plus qu'évidente déstabilisant chacun et chacune présent. Pourquoi ? Comment ? Cela ne faisait aucun sens. Georges éclata alors d'un rire sonore, attirant tous les regards. Il rit ainsi durant plusieurs secondes, sans que quiconque ne fasse d'autre mouvement que lui. Lorsqu'il reprit sa contenance, il déclara d'une voix railleuse.

« Tremblez mesdames et messieurs, car voici devant la grande Kristen Loewy ! Ouh, comme j'ai peur, j'en frémis ! Haha ! Non mais, regardez-moi ce morveux qui vient se jeter dans la gueule du loup, tu prends ton pied à revenir au milieu du danger, hein ?
Je crois qu'il y a méprise. »

La voix de Narcisse brisa le silence, et il plongea ses yeux blancs dans ceux de Georges. L'adolescent dégaina ensuite sa main gauche de sa poche, Tuséki n'en crut pas ce qu'il voyait : depuis quand ce sale sang-pourri avait-il ses deux bras ?!

« Je ne suis pas celui en danger, actuellement. Après tout, vous n'êtes qu'une petite quarantaine. »

Une goutte de sueur roula sur la tempe de Georges. Du bout de l'index, il l'essuya. Étais-je en train de transpirer ? Moi ? Non, impossible. Ce devait être la pluie. Ce faible imbécile n'avait aucune chance de me faire verser la moindre goutte de sueur. Il s'apprêta à aboyer ses ordres, lorsque Narcisse leva le bras gauche. Et avant que quiconque n'ait pu agir, il claqua des doigts.

L'instant d'après, des coups de fouet assourdirent les environs, et lorsque les policiers revinrent à eux, ils constatèrent que plus aucun de leur prisonnier n'était entre leurs mains. Ils avaient tout simplement disparu. Georges se retourna vers lui, avant de sourire en découvrant toutes ses dents. Son index tapota sur sa baguette, l'un de ses lieutenants se tourna vers lui.

« Président, vous voulez qu'on le maîtrise ? »

Georges demeura un instant immobile, avant de secouer la tête et de s'avancer.

« En aucun cas. Il ne manquerait plus que l'on dise que j'ai eu besoin d'assistance pour écraser un insecte... »

Lorsqu'il avança vers Narcisse, écartant au passage ses hommes qui se rangèrent sur les côtés de la cour, Georges eut l'impression d'entrer dans un autre espace-temps. Une pression incommensurable écrasa brusquement ses épaules, les bordures de sa vision s'assombrirent, ses oreilles bourdonnèrent. Durant un court instant, il n'avait plus l'impression de faire face à un sale marmot, mais à une montagne irradiant de puissance et d'électricité. Puis, l'instant d'après, tout redevint normal, et il s'arrêta à trois pas de l'adolescent, qui n'avait pas bougé d'un cheveu. Tous deux se fixèrent ainsi, durant plusieurs longues secondes, sans qu'aucun n'ose bouger le premier, la tension était palpable, et on aurait presque pu entendre les cœurs qui battaient puissamment, prêts à jaillir hors de leur poitrine.

*
*---*

Aelle demeurait sous l'arbre où Narcisse l'avait laissé, totalement incapable du moindre mouvement. Même respirer lui apparaissait comme un trop grand effort. Après tout, cela en valait-il vraiment la peine ? Elle regarda la baguette de sa mentor, désormais sienne. Elle se fit la réflexion qu'elle aurait simplement pu la braquer sur sa tempe, et... pouf. Aussi simplement que ça. Sa main se leva tout doucement, et lorsqu'elle sentit la pointe de la baguette se poser sur sa peau, un picotement s'en dégagea. Jamais elle n'avait envisagé qu'un jour, elle puisse ne serait-ce que penser au suicide. Elle était trop bien pour ça, bien trop puissante, bien trop maligne, bien trop... Elle ferma les yeux, s'apprêtant à catalyser le sort.

« J'ai toujours pensé que tu ne pourrais pas vivre longtemps sans moi, mais je pensais également que tu réussirais à me rappeler avant d'en arriver là. »

Elle sursauta, bondissant sur ses pieds, braquant son regard dans la direction de la voix.

Posé sur une pierre, sa petite queue touffue entourant ses pattes, campé bien droit dessus, se tenait un petit renard, qui la fixait d'un regard doré, contrastant avec son pelage bleu nuit. Le cœur d'Aelle manqua un battement, et l'instant d'après, elle se retrouva à genoux, les yeux débordant de larmes, sa voix se brisant sous l'émotion, et écartant les bras pour étreindre Zikomo comme elle l'avait tant fait dans sa vie. Il blottit sa truffe dans le creux de son cou et de sa clavicule, et la laissa pleurer tout son soûl, l'épargnant de ses commentaires malicieux comme il en avait l'habitude.

Aucun des deux n'aurait su dire combien de temps s'était écoulé entre le début des pleurs d'Aelle et le moment où elle réussit à se redresser en lâchant son compagnon, s'agenouillant à même le sol, s'essuyant les yeux de ses avant-bras. Elle reniflait sans se dissimuler, il agita la queue, avant de pencher sa tête sur le côté. Un dernier sanglot la secoua.

« Où t'étais passé ?
Laisse-moi réfléchir... En train d'attendre que tu daignes me laisser revenir dans ta vie après que tu m'en aies chassé à la seconde où tu as retrouvé ta précieuse Kristen ? Où étais-je en train de digérer les mots que tu m'avais balancés à la figure ce jour-là ? »

Elle baissa le regard, honteuse et humiliée, se sentant plus bête que jamais. Le regret la rongeait depuis qu'elle avait ostracisé son compagnon, aveuglée par sa quête de savoir et de puissance, et son obsession pour une femme... Elle secoua doucement la tête, n'osant répondre. Il lui épargna cette souffrance.

« Reconnais que c'est une situation où le "je te l'avais dit" est très tentant.
T'avais raison...
Je sais. Ce n'est pas grave. »

Malgré la joie immense qu'elle ressentait en renvoyant son ami, Aelle avait désormais du mal à savoir où se mettre, elle se racla la gorge. Après plusieurs secondes de silence, il reprit la parole, se léchant les coussinets d'un air léger.

« Alors ? Que comptes-tu faire à présent ? »

Elle écarquilla les yeux en redressant la tête, avant qu'à nouveau, les larmes n'envahissent ses paupières.

« Tu... Je, je sais pas. En fait... Je sais pas par où commencer.
Tu peux t'épargner cette peine, j'ai tout entendu. »

Elle entrouvrit la bouche, regardant aux alentours. Elle l'observa un court instant, avant de reprendre sa respiration.

« Comment est-ce que...
Je ne suis jamais vraiment parti. J'avais simplement à changer de tanière de temps à autre lorsque l'une de vos expériences détruisait celle où j'habitais. Mais je n'étais jamais bien loin. »

Il la fixait d'un regard posé, et étonnamment, le calme dont il faisait preuve apaisait Aelle. Puis elle repensa à ce qui l'attendait, ses mains se mirent à trembler. Le soulagement qu'elle ressentit à l'idée qu'il soit passé au-delà de ce qu'elle voulait en apparence à l'époque, qu'il ait été là pour elle, même s'il ne le montrait pas fut incommensurable. Toutefois, cela la faisait se sentir encore plus honteuse à son égard.

« Tu ne m'as toujours pas répondu. Qu'est-ce que tu vas faire ? »

Elle fixa le sol, les brins d'herbe agités par le vent apparurent comme hypnotisant. Elle ne sut quoi répondre, et secoua la tête, impuissante.

« Donc, tu vas simplement laisser ton ami se perdre ? »

Là, elle se figea. Elle écarquilla les yeux, avant de les poser sur Zikomo, qui se tenait désormais sur ses quatre pattes, et se gratta l'arrière de l'oreille. Elle fronça les sourcils.

« De quoi tu...
— Brando.
— C'est pas mon ami... c'est un con.
— L'un n'empêche pas l'autre.
— Il a tout gâché.
— Il aurait pu faire preuve de plus de délicatesse et de subtilité, certes, mais il t'a libéré de l'emprise de cette femme.
— Il a ruiné ma vie !
— Nous savons, toi et moi, que c'est faux. »

Sans même s'en être rendue compte, Aelle s'était levée, elle tenait droite sur ses jambes, enserrant sa baguette entre ses doigts. La colère alimentait son cœur et affluait dans ses veines, faisant battre ses tempes. En tremblant, elle posa une main sur sa bouche. Zikomo vint s'asseoir face à elle.

« Tu sais ce que tu dois faire.
Non...
Je pense que si.
J'en ai rien à foutre de lui.
— Oh, moi, je pense que si. »

Il se hissa habilement sur l'épaule de sa compagne, et lui donna un doux coup de tête sur la joue. Elle s'appuya dessus, fixant la colline derrière laquelle avait disparu Narcisse. Elle soupira doucement.

« Et si je ne veux pas ?
Je ne vais pas partir, si c'est ça qui t'inquiète. Mais je pense que ce serait une erreur. »

Elle trembla légèrement, elle n'osa pas faire le moindre mouvement, de peur d'avoir à affronter de nouveau la réalité. Si elle demeurait parfaitement immobile, peut-être que la vérité se résorberai toute seule, et qu'elle n'aurait pas à...

« On peut rester un peu là ?.. S'il te plaît ? Je... je suis pas encore sûre. »

Il ne répondit pas, et se contenta simplement de s'asseoir sur son épaule, pour contempler les hautes herbes pliées par le vent, sur les collines.

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2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart

14 sept. 2023, 18:31
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
CHAPITRE QUATORZIÈME

Il n'arrivait pas à comprendre comment il pouvait demeurer aussi calme alors qu'il faisait face à Georges, et que ce dernier ne se tenait qu'à quelques mètres de lui. Chaque fibre de son âme, de son corps, chacune de ses respirations, chacun de ses battements de cœur le poussaient à bondir sur lui pour mettre fin à tout ça. La magie le parcourait, tel un torrent d'une puissance inimaginable. Il en avait des frissons, le bout de ses doigts fourmillait. Cet instant d'hésitation, cette envie de résister à sa haine, à sa soif de vengeance, ce moment de flottement lui coûta l'initiative. Aussi vif que l'éclair, Georges leva brusquement sa baguette, sa cape battant l'air autour de lui. Son visage était déformé par l'exaltation et la folie. Son sourire démesuré ne trompait en rien sur le plaisir manifeste qu'il prenait en cet instant. Narcisse eut tout juste le temps de faire glisser son pied droit en arrière pour se mettre de profil.

« Feudeymon ! »

Les yeux de l'adolescent perçurent avec une clarté inédite le déversement de magie que son adversaire déchaîna soudain. Le monde devant lui explosa dans une lumière orangée palpitante, l'air s'embrasant au-dessus de Georges, baguette tendue vers le ciel, alors qu'il catalysait son feu maudit. Le bras gauche de Narcisse picota, et durant une courte seconde, la douleur atroce au souvenir de ce sort le paralysa. Dans un rugissement de flammes et de chaleur qui faisait onduler l'atmosphère, forçant les spectateurs à dissimuler leurs yeux, Georges abaissa soudainement sa main, éclatant d'un rire triomphant. La cour s'emplit d'un brouillard de vapeur d'eau sous l'évaporation de la neige, tandis qu'un gigantesque serpent enflammé bondissait sur Narcisse.

Son bras agit de lui-même, se dressant face à lui, paume ouverte, il en profita pour glisser le poing droit dans sa poche d'un air négligent.

« Gelo. »

Il fut lui-même surpris du calme de sa voix. Aussi simplement que s'il prenait une respiration, il catalysa sa magie, et l'instant d'après, le Feudeymon qui fondait sur lui se figea à quelques centimètres de son visage. Le temps d'une respiration, et l'onde de choc suivit, faisant voler et claquer sa veste, ébouriffant ses cheveux d'un vent brûlant. Il ne cligna même pas des yeux. Au fond de lui, sans même réussir à s'expliquer comment, il sut qu'il n'aurait pas eu besoin de lancer ce sort. Ce fut à son tour de sourire, tandis qu'autour de lui, les flammes dévorantes s'affairaient à s'éteindre d'elles-mêmes sous le mouvement rapide de son bras. Dans le même temps, il dégaina la main de sa poche, et joignant ses deux paumes, les laissa claquer l'une contre l'autre, absorbant entre elles le Feudeymon.

Puis sa main gauche jaillit en direction de Georges, qui, les yeux écarquillés, para à la dernière seconde le sort que Narcisse venait de lui renvoyer. Les pupilles de l'adolescent s'électrisèrent une petite seconde, puis il reprit une posture neutre, face à son adversaire, avant de glisser calmement les mains dans ses poches.

Un court instant, Georges le regarda sans bouger. Dans un claquement de tissu, il balança sa cape derrière lui, dégageant ses deux bras, avant de sourire hargneusement. Il gratifia Narcisse d'un applaudissement sarcastique, lent, alors que l'obscurité s'abattit de nouveau sur la cour, le soleil toujours dissimulé derrière les épais nuages d'orage. L'adolescent pencha la tête sur le côté, jusqu'à ce que le craquement de ses vertèbres ponctue les claquements de mains de Georges. Ce dernier ouvrit ses bras, mimant une révérence mielleuse.

« Bravo. Bra-vo ! Très impressionnant, je dois l'avouer. »

Lorsqu'il se redressa, il posa sa main sur sa poitrine, l'autre se tenait le long de sa hanche, empoignant sa baguette du bout des doigts. Son œil brilla d'une lueur caustique.

« Si seulement ton intervention héroïque avait eu lieu quelques minutes plus tôt... »

La poitrine de Narcisse gonfla sous une colère aussi soudaine que glaciale. Le vent redoubla de violence, ses dents crissèrent les unes contre les autres, tandis que Georges éclata d'un rire sonore et frénétique. Quelque chose attira le regard de Narcisse, qui fronça les sourcils en tournant la tête.

Il écarquilla les yeux, son cœur manquant un battement.

Comment avait-il pu ne pas les remarquer plus tôt ? Les cadavres. Tant de cadavres. Davantage qu'il ne voulut bien en compter. Le rire de Georges passa au second plan, plus rien n'avait d'importance. Il eut l'impression de perdre pied et de basculer dans un abîme sans fond. Sa respiration s'accéléra doucement, ses poings se serrèrent. Le tonnerre gronda. Au milieu de son rire, la voix de Tuséki hameçonna l'attention de Narcisse, bien malgré lui. La folie sous-tendait cette voix, une folie presque hystérique, faisant parfois grimper les tons pourtant graves de Georges dans les aigus.

« Oh ? Alors, il va pleurer le sang-pourri minable ?! Qu'est-ce qu'il va faire, le petit bébé à sa maman !?
Pourquoi ?
Hein ? »

La voix de Narcisse était à peine plus qu'un souffle, mais parfaitement audible. Ses yeux écarquillés révélaient l'entièreté de ses iris blancs, sa cornée se parsemant lentement de rouge sous le coup de ses capillaires qui éclataient, incapable de supporter la soudaine accélération de son cœur. Lorsqu'il redressa la tête, sa lèvre supérieure laissa apparaître ses dents, son visage était déformé par une fureur noire.

« Pourquoi... Pourquoi, juste, pourquoi tu ne fous pas la paix aux autres ? »

Tel un cobra frappant sa proie, le bras de Narcisse se leva, et il claqua des doigts. Il visait la baguette de Georges. Une explosion de la taille d'un poing illumina la main de ce dernier. Mais lorsque la fumée se dissipa, il sourit d'une euphorie non contenue en brandissant sa baguette, intacte. Le pied de Narcisse glissa vers l'arrière, pour se positionner de trois-quarts, tandis qu'il commençait à s'accroupir lentement, comme un ressort prêt à bondir. Ses mains étaient remontées au niveau de sa poitrine, ses coudes en arrière, ses doigts crispés, distordant l'air se trouvant entre eux. Autour de lui, la poussière et les débris se mirent à léviter en tremblant. La tête de Georges se pencha sur le côté, un sourire vénéneux étirant les commissures de ses lèvres. L'air claqua sous son mouvement de baguette, une explosion entoura brutalement sa cible, qui croisa par réflexe les bras devant son visage.

« Pour moi, la vraie question est : pourquoi êtes-vous tous si faibles ? »

Les bras de Narcisse balayèrent l'air devant lui, dissipant le souffle de l'explosion, comme si elle avait glissé sur lui sans le toucher. Son visage reflétait une surprise absolue, mais les veines qui pulsaient au niveau de sa gorge ne trompaient pas quant à la haine brûlante qui incendiait ses veines. Georges fit un pas en avant.

« Et pourquoi de tels faibles s'accrochent-ils avec autant d'acharnement à la vie ? »

Les poings de Narcisse s'étaient lentement abaissés au niveau de ses hanches, il fixait Georges d'un regard sans émotion. Il ne sut pourquoi, mais il était incapable de bouger. Les tremblements qui s'étaient emparés de lui le priveraient de toute précision. Il respirait puissamment, catalysant sa magie lentement, il ne voulait pas se battre dans cet état, il essayait de ne pas écouter les mots de Tuséki qui, petit à petit, l'aveuglaient de fureur. Ce dernier fit un nouveau pas, posant sa main sur sa hanche, souriant toujours autant, faisant tournoyer sa baguette d'un air confiant.

« Comment une créature qui s'effondre aussi facilement peut-elle clamer avec autant d'arrogance vouloir être laissée en paix ? »

Leurs regards se croisèrent, les nuages au-dessus d'eux s'illuminèrent en se chargeant d'électricité, dans un grondement sinistre qui fit reculer les hommes du Conseil.

« Leur souffrance n'est que naturelle, tu ne trouves pas ? Les faibles sont destinés à être détruits. »

L'instant suivant sa dernière phrase, Narcisse avait bondit vers l'avant. Poussant sur ses jambes, il disparut pour se matérialiser face à Georges. Son poing brandit, la foudre tomba à l'instant même où il heurta de ses phalanges la mâchoire de Tuséki. Sa main droite retint son adversaire par le col, campé sur ses pieds, laissant ainsi la foudre s'abattre sur lui. Georges cria de douleur, mais son hurlement fut couvert par le grondement du tonnerre assourdissant, le sol trembla et se fractura sous la puissance des cieux.

Prenant une lente respiration, Narcisse agrippa de son autre main le poignet de Georges, immobilisant sa baguette, avant de plonger son regard dans le sien. Ses yeux lançaient littéralement des éclairs, et des pupilles blanches fixèrent les grises de Tuséki, qui, pour la première fois, sembla pris d'une émotion qui le fit trembler.

« Alors, voyons si tu es capable de me détruire... Moi et ma souffrance !

Attirant avec une force inouïe le torse de Georges sur la gauche, Narcisse projeta sa jambe en l'air, lui décochant un brutal coup de pied. Le coup résonna dans le silence encore grondant de la cour, et l'envoya voler sur plusieurs mètres. L'adolescent n'attendit pas, et se campa sur ses pieds en pliant les genoux, il braqua sa paume de main sur Tuséki.

Meteorribilis Recanto ! »

Descendant du ciel tel un serpent de lumière, zébrant le voile noir des nuages, l'éclair frappa Georges de plein fouet, l'écrasant contre le sol de la cour dans un grondement assourdissant. Tout un pan des toits alentours s'effondrèrent. Une nouvelle fois, Narcisse abaissa sa main, avant de claquer des doigts, un nouvel éclair s'abattit. Puis un autre, et un autre, sans s'arrêter, il levait et abaissait les bras, catalysant la puissance de sa magie pour frapper encore et encore Georges de ses éclairs vengeurs, creusant petit à petit un immense cratère dans la pierre de la cour de la tour de l'horloge.

Totalement aveuglé et obnubilé par son adversaire, un sort passa outre les réflexes de Narcisse, qui vit davantage qu'il ne sentit un sortilège le heurter de plein fouet. Il se figea, laissant le tonnerre gronder, avant de tourner le regard dans la direction du lanceur. Il fronça les sourcils, une drôle de sensation s'emparant de lui... Il n'avait pas été touché. Ou plus exactement, le sort avait été détourné sans même qu'il ait eu besoin de lever le petit doigt. Un sourire déforma ses lèvres, observant le cortège de policiers entourer le cratère pour protéger leur président. Certains aboyaient des ordres, il ne les entendait même pas.

Tout ce qu'il voulait, c'était tester les limites de sa nouvelle puissance. Abaissant son centre de gravité en pliant les genoux, il ramena son poing gauche au niveau de la poitrine, et étendit l'autre devant lui. Il ouvrit la main, paume dirigée vers lui, puis fit un lent mouvement de va-et-vient avec ses doigts collés. Sans se dissimuler, il invitait les hommes de Georges à l'attaquer.

Ces derniers ne se firent pas prier, et tandis que quelques-uns restaient autour du cratère fumant, l'immense majorité chargea brusquement, décochant leurs sortilèges à l'unisson, se synchronisant pour bombarder Narcisse sans interruption. Il écarquilla les yeux, campant sur ses positions, en posture de combat. Son instinct lui susurrait qu'il ne courait aucun risque, et il décida de l'écouter.

Ce fut un drôle de spectacle à observer, que de voir ainsi cent, deux cents sorts assaillir un adolescent, mais aucun qui ne le touchaient. Tous, sans exception, furent déviés par une force dont Narcisse commençait tout juste à prendre conscience. Un sourire euphorique se dessina sur ses lèvres. Un espace entre son corps et l'extérieur, de la largeur d'une main environ, était totalement impossible à traverser. Lorsqu'il analysa la chose, il put voir un sort ralentir en s'approchant de lui, avant d'être imperceptiblement dévié, pour finalement accélérer de nouveau en s'éloignant. Son cœur s'emballa, il poussa sur ses pieds, et fonça dans la masse.

Esquivant et tournoyant sur lui-même, il alternait entre projections, coups de poings, magie et fauchage pour se tailler un passage jusqu'au cratère. Empoignant un policier par le col, avant de l'encastrer contre le sol, il bondit au-dessus d'un groupe, s'aidant d'une poussée magique pour prendre de l'altitude.

« GEOOOOOORGES ! »

Son cri fit trembler l'air autour de lui, presque aussi puissamment que si la foudre venait de s'abattre. L'instant d'après, comme invoqué, Tuséki bondit à son tour du cratère duquel il venait de s'extraire. Ses habits déchiquetés, un sourire furieux ornant son visage, il disparut en transplanant, avant de se matérialiser juste derrière Narcisse, qui venait de retomber au sol. Il fonça sur lui, abaissant sa baguette dans sa direction, une immense boule de feu fonçant sur l'adolescent. Ce dernier leva les mains, et comme prévu, elle se heurta à son bouclier. Il jubila en souriant, face à la confusion de Georges. Il fit un pas en avant, laissant glisser ses mains sur le feu, comme dérobant le sort à son adversaire pour se l'approprier, avant de le concentrer entre ses mains. Il les ramena au niveau de ses hanches, concentrant le feu entre ses doigts, pour de soudainement le laisser déferler sur Tuséki.

Dans un mugissement, déversant un torrent de flammes, amplifié par la magie de Narcisse, son adversaire disparut un court instant à l'intérieur. Lorsque l'air s'éteignit, il chargea de nouveau, comme si de rien n'était. Narcisse fit de même, agrippant son poignet tenant sa baguette, sentant la main de Georges lui attraper l'autre. Tous deux se fixèrent, tremblant sous l'effort, chacun cherchant à imposer sa force sur l'autre. Le sol craquela sous leurs pieds, leurs visages étaient déformés par l'effort.

« Georges ! Tu vas payer pour tout ce que tu as fait !
Bla-bla-bla ! »

Narcisse fut pris par surprise, un énorme débris de roche le frappa de plein fouet, et il ne dut sa survie qu'à son étrange bouclier qui en absorba l'impact. Il fut toutefois projeté à plusieurs mètres, ses pieds dérapant sur le pavé, le sang, et la neige. Sa respiration était courte, créant des petits nuages de vapeur d'eau sortant de sa bouche. Sa main était posée sur le sol, il était prêt à bondir de nouveau, lorsque Georges reprit la parole, tandis que ses hommes s'amassaient autour de lui.

« Butés. »

Ce simple mot fit frissonner Narcisse, sans qu'il ne comprenne pourquoi. Il écarquilla les yeux, serrant les dents, une soudaine furie faisant bondir son cœur.

« Vous êtes tous si butés, ça m'exaspère ! À chaque fois que vous, les faibles, ouvrez la bouche, c'est pour répéter la même rengaine de vengeance, de vos parents, vos frères, vos sœurs ! »

Les tempes de l'adolescent battirent, il se dressa lentement, son visage disparaissant sous un masque de colère noire. La rengaine de Georges tomba comme un couperet, laissant Narcisse face à lui-même, incapable de faire autre chose que le fixer, les yeux écarquillés.

« Tu as survécu, ça devrait te suffire. »

Un silence, le vent tomba, même les nuages semblèrent s'immobiliser.

« Ta famille a été massacrée ? Où est le problème ? Tu devrais considérer la chance que tu as eue, et retourner à ta petite vie de planqué !

Narcisse fit un pas vers l'avant, les bras ballants.

Qu'est-ce que tu dis ?
Bouché, hein ? Se faire tuer par moi revient à rencontrer une calamité. C'est aussi simple que ça. »

Georges leva sa baguette, faisant léviter d'autres fragments de pierre, qu'il fit tournoyer lentement au-dessus de lui. Narcisse fit un autre pas.

« Pluie, vent, éruption volcanique, séisme... Personne ne cherche à se venger d'un désastre naturel, peu importe le nombre de vies qu'il prend. »

Dans un silence presque absolu, il abaissa son bras, les pierres fondirent sur l'adolescent, qui ne fit aucun effort pour les esquiver. Il en brisa une de son poing, laissant l'autre s'écraser sur son bouclier. Il continuait d'avancer, s'approchant lentement de Georges. Pourquoi ne s'arrêtait-il pas de parler ? Ne pouvait-il pas se taire, ne serait-ce qu'une minute ?

« On ne ramène pas les morts à la vie, alors arrête d'en faire toute une histoire, et retourne te planquer dans ton trou sans discuter. C'est ainsi que font la plupart, pourquoi n'y arrives-tu pas ? »

Ce fut Georges qui bondit le premier, faisant virevolter sa baguette face à lui, et Narcisse fut attiré dans sa direction, comme traîné par des chaînes invisibles. Il ne lutta pas, et il sentit des doigts soudainement enserrer sa gorge. Tuséki le plaça face à lui, et plongea son regard dans le sien.

« Je ne vois qu'une explication : Les sang-pourris, comme toi, sont déviants. »

Il leva sa baguette, ses doigts pénétrant lentement le bouclier de Narcisse.

« Et j'en ai assez de partager mon existence avec des déviants... »

Le poignet de Georges se retrouva brusquement emprisonné par les doigts de Narcisse. Tuséki blêmit, croisant soudainement le regard de l'adolescent, qui irradiait de rage, d'une haine glaciale, ses iris d'un blanc immaculé, aussi calmes qu'une mer plate. Un craquement retentit, Georges resserra sa prise, luttant contre la poigne de Narcisse qui brisait lentement ses os, il voulut abaisser sa baguette, ses doigts furent empoignés par la main libre de Narcisse. Il ne tremblait pas. Ses cheveux se dressèrent sur sa tête, les nuages s'amoncelèrent au-dessus d'eux, le tonnerre gronda, l'air s'électrisa. Sa voix vibrait puissamment, animée par une pure aversion.

« Georges... Tu es un être qu'on ne devrait pas laisser exister. »

Une explosion retentit. Tous pensèrent entendre la foudre qui s'abattait de nouveau, mais ce n'était pas le cas. Une gerbe de sang gicla du poignet de Georges, qui ploya soudainement sous la douleur, tandis que Narcisse se sentait choir, ses pieds reprirent contact avec le sol. Les policiers entourèrent Georges et repoussèrent l'adolescent, aucun ne comprenait ce qui venait de se passer. Ce ne fut que lorsqu'un autre grand bruit retentit et que Georges para quelque chose de sa baguette que les regards se détournèrent.

Narcisse sentit son cœur s'arrêter. Toutes ses émotions se déchaînèrent d'une même voix en lui. Il se mit à trembler, ses yeux s'emplirent de larmes, sa gorge se serra. Incrédulité, joie indicible, colère, tout se mélangeait. Il dut lutter pour ne pas laisser ses genoux céder sous son poids, et enfin, après plusieurs respirations convulsives, il put se tourner complètement vers les grandes portes du château.

Les cheveux flottant au vent, campée sur ses pieds, genoux fléchis, un œil clos pour mieux viser, elle fixait Georges d'un air furibond.

« Si tu peux saigner, je peux te tuer. »

Derrière la fumée sortant du canon de son arme, le visage d'Honor se matérialisa, ses traits étaient distordus par la rage et l'animosité, une haine viscérale l'aveuglait.

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2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart

18 sept. 2023, 23:43
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
CHAPITRE QUINZIÈME
Musique recommandée

Si d'un seul coup, tout s'écroulait autour de vous, comment réagiriez-vous ? Certains se figent, d'autres fuient, certains se battent. Personne n'aura une réaction similaire, car tout le monde est différent, et est forgé par ses nombreuses expériences. Certains grands combattants aguerris ne surmontent jamais leurs peurs et n'arrivent jamais à commander leurs instincts. Parfois, les personnes que l'on croit les plus faibles peuvent se révéler les plus braves, et les plus réactives, faisant parfois preuve d'une réaction inattendue et salvatrice. Beaucoup passent leur vie entière sans réaliser qu'ils sont forts.

Narcisse, lui, ne prit même pas la peine de se poser ces questions. Lorsqu'il aperçut sa mère, son esprit lui hurla que c'était impossible, qu'elle était morte, puisque l'article dans le journal l'avait dit. Sa nuque picota. Le monde autour de lui tournoya brusquement, un souffle de la conscience de Kristen lui revint en mémoire. Il tituba, sa profonde stupidité le frappant soudainement. Quel idiot, quel idiot, non mais quel idiot ! Son pied d'appui frappa fermement le sol, son corps agissant de lui-même. Un sort lui fonçait dessus. Trop tard. Georges avait profité de sa déconcentration pour lui décocher une puissante décharge de magie. L'air ondula devant lui, raclant le sol et le creusant comme une boule de métal chauffée au rouge dans de la glace. Le sol tremblait, mais Narcisse ne put rien faire d'autre que de plonger son regard dans cette explosion de magie pure. D'une couleur rouge sang, pourpre, et grenat.

Il serra les dents, prêt à l'impact, contractant tous ses muscles, espérant que son bouclier corporel suffirait à absorber le sort.

Une soudaine explosion de lumière grisâtre l'aveugla, il plissa les yeux, les bras face à son visage pour le protéger. Le grondement de la magie menaçait de disloquer le sol, soulevant des trombes de poussière et de débris, assourdissant, puissant. L'intensité de ces vibrations coupait la respiration de Narcisse. Lorsqu'il revint à lui, il écarquilla les yeux, sous le choc de la vision qui s'offrait à lui.

« Dégage de là !! »

Honor venait d'agripper sa veste pour le propulser au sol, comme s'il ne pesait rien. L'alliance à sa main droite fumait et vibrait lorsque son bouclier se résorba et qu'elle braqua son pistolet sur Georges et ses hommes avant d'ouvrir le feu. Narcisse était totalement hors de lui. Elle se tenait entre lui et les hommes du Conseil ! Il vit, impuissant, un sortilège fondre sur elle.

« Ah non ! »

Son instinct reprit enfin le dessus, et son apathie s'évapora brutalement, il récupéra le contrôle de son corps. Ses mains appuyèrent sur le sol graveleux, et il faucha les jambes de sa mère pour la faire basculer en arrière. Le sortilège vola au-dessus d'eux dans un bruit de tonnerre, fendant l'air et le distordant. Il se redressa en la repoussant derrière lui, brandissant la paume de sa main. Georges se mit à aboyer des ordres en abaissant soudainement le bras dans leur direction, le regard fou et le visage déformé par la souffrance et la fureur.

« Abattez-les ! »

Les yeux de Narcisse s'électrisèrent, sa cape claqua sous le vent qu'il souleva en catalysant sa magie.

« Protego Totalum ! »

Sans un bruit, le dôme de protection se dressa dans un souffle autour de Narcisse et d'Honor. Durant un court instant, qui sembla flotter éternellement, le silence fut absolu. Il tourna lentement la tête vers sa mère, sentant ses yeux s'humidifier sous l'émotion, sa gorge se serra. Il voulait la regarder, il voulait la voir.

Une pluie de sortilèges balaya ses souhaits, et s'écrasa contre son bouclier dans un vacarme assourdissant. Il finit un genou à terre, sentant ses bras écrasés par la force des attaques qu'il subissait en continu. Ses dents se serrèrent, il poussa de toutes ses forces sur ses jambes, un hurlement de rage sortant malgré lui de sa gorge pour lui donner du cœur au ventre. Sa concentration était absolue, sa détermination sans faille, il tiendrait aussi longtemps qu'il le faudrait ! La plante de ses pieds racla le sol, il était lentement repoussé par le mitraillage des soldats de Georges. Il ne pensait qu'à sa mère, il ne pensait qu'à elle, il devait la protéger, il devait la...

Sa vision périphérique perçut un mouvement. Vive comme l'éclair, Honor s'était déportée à sa droite, elle semblait planer tant sa vitesse était inimaginable. Presque à l'horizontale, elle était en train de contourner le groupe de sorciers, qui redirigèrent brusquement leurs attaques sur elle.

« NON ! »

Le bouclier de Narcisse éclata comme une bulle de savon, et trois sortilèges le frappèrent de plein fouet. Il vola en arrière, propulsé dans les airs, tournoyant sur lui-même. L'éclat de rire de Georges fit accélérer son cœur. Il poussa sur ses pieds, malgré l'absence de sol, et il sentit, sans comprendre comment, une résistance.

« Accio ! »

Son corps agissait de lui-même, tout ce qu'il imaginait devenait possible. Il concentra l'air sous ses pieds, forçant les molécules d'air et d'eau et à se rassembler.

« Glacius ! »

Sous ses pieds, une plaque de glace se matérialisa soudainement. Il demeura un instant immobile, accroupi, la tête tournée de trois-quarts vers le sol, avant de brusquement se détendre, comme un ressort. La glace explosa sous son impulsion dans un fracas de verre brisé. Il fonçait vers Georges. D'une main, il catalysa un bouclier pour protéger Honor, qui fut forcée de s'arrêter. Sans perdre un instant, elle s'accroupit pour recharger en un éclair. Le temps de cette brève seconde, Narcisse avait de nouveau capté l'attention des attaques, mais les parait toutes de son autre main. Il cligna des yeux.

Il s'était assez défendu. Son poing se ferma et se contracta. Les sorts fusèrent tout autour de lui, déviés par son bouclier corporel. Il sentit toutefois l'un d'entre eux brûler sa joue. Aucune importance. Il concentra toute sa force dans son poing, le serrant aussi puissamment qu'il le pouvait, laissant ses articulations craquer sous la tension de ses muscles. Une flamme bleutée s'échappa soudainement de ses doigts. Un hurlement sonore, similaire à un avion en piqué, retentit, un battement de cils avant l'impact.

Le sol s'enfonça et se craquela là où son poing atterrit. Les hommes qu'il n'avait pas catapultés perdirent l'équilibre sous les tremblements du sol. Genou contre terre, poing en sang, Narcisse ne réfléchit pas en se redressant. Mentalement, il scanda la formule pour guérir ses os et ses articulations, qui se remirent en place dans un craquement sinistre. Georges bondit vers lui, sa cape volant sous l'impulsion de son saut. Sa baguette vibrait et luisait. Narcisse se campa sur ses appuis, serrant les deux poings, laissant la magie l'envahir plus complètement que jamais. Aucun sort ne fut catalysé. Un simple affrontement d'explosions magiques pures. Une onde de choc balaya les alentours, creusant même un tour dans la couche nuageuse au-dessus d'eux, laissant le soleil percer un bref instant.

Poing contre paume, tremblants sous la confrontation de leurs forces, Georges détourna soudainement le regard, un sourire mauvais déformant ses lèvres.

« Exécutez la moldue. »

Le cœur de Narcisse manqua un battement, il fut projeté en arrière par Tuséki, qui semblait soudainement avoir doublé de volume. Ses muscles gonflaient véritablement à vue d'œil ! Et le temps que l'adolescent reprenne pied, Georges était déjà sur lui, le frappant de plein fouet de son avant-bras chargé de magie. Le choc fut brutal, Narcisse bascula en arrière, s'écrasant violemment sur la pierre, il sentit ses côtes se fissurer.

Il serra les dents, ignora la douleur, et bascula le bas de son corps pour exécuter une souple pirouette qui le ramena sur ses pieds. Georges s'était encastré dans une colonne, qu'il avait abattu comme si elle n'existait pas. Au moment où Narcisse allait se remettre en position, les coups de feu attirèrent son attention. Il posa un regard paniqué sur sa mère, qui venait de jeter son arme au sol, vidée de toute munition. Sans se laisser décontenancer, elle dégaina son couteau, et fonça dans le tas dans un hurlement de rage. Son alliance semblait chauffée à blanc, tant elle fumait sous le nombre de boucliers qu'elle catalysait puis dissipait en un battement de cœur. Elle se battait avec une violence et une souplesse qu'il n'aurait jamais, mais il savait également qu'elle ne tiendrait pas longtemps !

Il voulut la rejoindre immédiatement, et se détourna de son adversaire. Ce dernier bondit brusquement des décombres, le visage déformé par l'hystérie, ses yeux menaçant de sortir de ses orbites. D'une poigne de fer, il agrippa le crâne de Narcisse pour le soulever de terre. Il courba le bras en pivotant sur lui-même.

« Ne t'occupe pas de cette vermine, concentre-toi sur moi !! »

Le corps de l'adolescent fut projeté avec une violence inouïe. Il fendit la cour dans un sifflement irréaliste, avant de s'écraser contre un mur. Son bouclier le protégea de l'impact, mais pas de l'onde de choc. Il sentit ses côtes fissurées se fracturer définitivement. Un filet de sang coula de la commissure de ses lèvres lorsqu'il jaillit du trou formé par son impact. Il fondait sur Georges, élaborant un plan pour essayer de le contourner, ignorant son corps criant de douleur. Il cligna des yeux, puis claqua des paumes.

« Translatio Humano ! »

Ce sort, il ne le connaissait pas. Narcisse ne le connaissait pas, mais Kristen, si. Et il puisa dans sa conscience assimilée pour récupérer tout ce qu'elle savait sur ce sort qu'elle avait elle-même créé. Il ignorerait si cela fonctionnerait, mais dans un claquement de fouet aigu, il se retrouva soudainement face à Honor, là où se trouvait, il y a un instant, un policier. Ce dernier réapparu face à Georges, visiblement confus, paniqué, désorienté. Il vomit tripes et boyaux. Ce fut au tour d'Honor d'être surprise. Elle interrompit son attaque.

Narcisse ne lui laissa pas le temps de réagir, et, l'empoignant par le col, il la projeta vers l'arrière, là où il y avait le moins d'hommes du Conseil. Il leva souplement deux doigts vers le ciel, ses yeux s'électrisèrent.

« Meteorribilis Recanto ! »

Les nuages noirs vomirent de nouveau une gerbe d'éclairs qui s'écrasèrent violemment autour de Narcisse, carbonisant et éjectant les policiers. Oubliant totalement les dégâts infligés à son propre corps, l'adolescent basculait petit à petit en mode berserk. Sa vision s'amincissait, se troublait, sa respiration s'accélérait et sa température corporelle grimpait en flèche. S'il s'était interdit, depuis le début du combat, de tuer quiconque, il n'était désormais plus certain de pouvoir tenir cette promesse. Lorsqu'il expira, un nuage de vapeur d'eau se condensa devant sa bouche. Ses yeux blancs examinèrent rapidement les alentours. Ils traquaient Georges.

Un coup de tonnerre explosa à la gauche de Narcisse. Par réflexe, il leva la main, ouverte. Le poing de Georges cogna de toutes ses forces contre sa paume, détonnant telle une déflagration, creusant le sol sur lequel Narcisse tenait. Mais il ne broncha pas. Ses jambes avaient parfaitement absorbé l'impact, et son corps était détendu. Lorsqu'il tourna le regard pour le plonger dans celui de Georges, son visage était déformé par un sourire triomphant. Un tic agita sa lèvre supérieure et découvrit ses dents. Son corps pivota, et, tel un arc duquel on venait de lâcher la corde, il enfonça son poing gauche dans le plexus solaire de Georges.

Une onde de choc envoya valser Tuséki sur plusieurs mètres, et Narcisse n'attendit même pas qu'il touche le sol pour bondir vers lui. Il entendit des pas sur sa droite, et tourna la tête.

« Maman !
Plus tard. Ne te relâche pas. »

Elle courait avec lui, totalement concentrée sur Georges, lame dégainée. Narcisse accéléra le pas en s'interposant entre le sort de riposte de Tuséki et sa mère. Il le bloqua d'un coup d'épaule, avant de pivoter pour se remettre à courir d'un même souffle aux côtés de sa mère. Son cœur s'était réchauffé sans qu'il ne puisse expliquer pourquoi. Simplement pouvoir lui parler de nouveau, la regarder. Peut-être pouvoir de nouveau la tenir dans ses bras ? Mais Georges se redressa en toussant, avant d'éclater de rire en abaissant sa baguette.

« Haha, regardez comme ils sont mi... »

Honor avait lancé son couteau qui se ficha en plein dans la cuisse de Georges. Il interrompit sa provocation pour se plier en deux sous la douleur, laissant exploser dans un hurlement. Ce hurlement fut à son tour coupé par le violent impact du tranchant de la main de Narcisse, qui vint s'écraser contre la jointure entre son épaule et son cou.

« Argh ! »

Honor enchaîna sur l'attaque de son fils, et décocha un coup de genou en plein sur la tempe de Tuséki. Profitant de l'élan de sa course, elle l'envoya valdinguer et il roula sur le sol. Sans même se parler, Honor et son fils se comprenaient, et ils se mouvaient tel un même corps, simplement mû par la volonté de vaincre leur adversaire. Georges tenta de riposter, Narcisse immobilisa sa main d'un claquement de doigts. Et le temps qu'il s'en dégage, Honor était déjà sur lui, exécutant une clé de bras particulièrement violente. Même le tonnerre résonna moins fort que le rugissement de Georges lorsque l'articulation de son épaule céda brutalement. Harcelé de tous les côtés, un filet de bave coula de ses lèvres alors qu'il pivota vers Honor, la forçant à lâcher son bras.

« Maudite... Orgh ! »

Narcisse n'avait pas arrêté son mouvement. Combinant magie et force physique, son poing était auréolé d'une lumière blanche, et lorsqu'il frappa Georges en plein flanc, il poussa sur ses appuis pour fracasser les côtes, qui cédèrent dans un craquement d'os révulsant. Dans un même mouvement, de l'autre main, il repoussa sa mère d'une décharge magique, avant de l'enfermer dans une bulle de protection. Ils étaient si proches du but, il refusait de la perdre ! Elle protesta en frappant de toutes ses forces, mais il n'était concentré que sur Georges. Ce dernier cracha du sang, et l'adolescent ne put retenir un sourire. Il se pencha sur l'homme, et lui murmura à l'oreille.

« Bah, alors ? On ne dit plus rien ? »

Georges rugit de nouveau, de rage cette fois, avant de propulser son poing en plein sur le visage de Narcisse. Honor hurla en le voyant plier sous l'impact. Mais il ne chuta pas. Georges blêmit en sentant la tête de l'adolescent résister à son coup. Il était incapable de pousser plus loin, peu importe la force qu'il y mettait ! Narcisse agrippa soudainement son poing, et commença à se tourner vers lui. Il secoua la tête, enserrant tel un étau la main de Georges.

« Tsk, tsk, tsk... C'est mou tout ça. »

D'un geste souple, il relâcha la main de Tuséki. Ce dernier brandit sa baguette vers lui, avant de réaliser qu'il ne l'avait plus. Narcisse l'agita sous son nez, il était désormais totalement possédé par l'euphorie du combat, il ne pouvait plus s'arrêter.

« Ah-ah-aaah... »

Il glissa les mains et la baguette dans ses poches, et lui sourit d'un air arrogant, le visage déformé par la fièvre de l'adrénaline. Il pencha ensuite la tête sur le côté, l'incitant à venir.

« Sale sang-pourri !
Amène-toi ! »

Georges bondit sur lui, et décocha tous les coups de poing qu'il put. Lents et grossiers, pensa Narcisse. Il les voyait tous venir, et prenait un malin plaisir à les esquiver à la dernière minute, les laissant le frôler de plus en plus près.

« Allez... »

Tuséki enragea en balayant soudainement l'air devant lui, cherchant à tout prix à toucher ce sale moustique ! Narcisse se retrouva derrière lui, glissant sur le sol souplement, avant de rapidement tirer les mains de ses poches pour agripper l'épaule de Georges.

« Non, ce n'est pas comme ça qu'on fait... Il faut y mettre plus d'énergie. »

Soudainement, il tira sur l'épaule de Tuséki, et le propulsa au-dessus de lui. Lorsque son visage arriva au niveau du sien, Narcisse balaya l'air devant lui, et cogna le visage de Georges, faisant éclater sa pommette et fracturant sa mâchoire.

« Et frapper fort ! »

Dans une gerbe de sang, Georges vola au milieu de la cour, avant de s'écraser lourdement sur le sol, raclant le pavé et s'effondrant pitoyablement. Affalé sur le sol, bras écarté, le tonnerre gronda au loin. Narcisse était à bout de souffle, en nage, son visage était couvert de sang, mais son regard était encore vif. Son corps le faisait souffrir, mais il continuait de laisser l'adrénaline qui affluait dans ses veines l'anesthésier. Il s'avança d'un pas lourd vers Georges, avant de s'arrêter à une dizaine de mètres de lui. Ce dernier se redressa péniblement. Narcisse serra le poing, avant de le brandir face à lui. Une fine aura électrique grésillait autour de ses doigts. Il était temps d'en finir.

« Le monde se portera mieux sans toi. »

Un éclair s'abattit sur le poing de l'adolescent, qui grogna de douleur, mais ne broncha pas. Lorsque Georges abaissa le bras qui couvrait ses yeux, il blanchit de terreur.

Le poing de Narcisse était blanc, entouré d'électricité, des fragments de sa peau se détachaient. Il s'accroupit en ramenant son poing en arrière, concentrant chaque fibre de sa magie dans son poing. Tout ce qu'il avait, tout ce qu'il ressentait, il le déversait dans son poing, dans sa main, il le concentrait, et plus il se concentrait, plus l'aura électrique se densifiait et grésillait. Chaque infime mouvement du poignet qu'il faisait causait un grondement de tonnerre. Il ouvrit grand ses yeux, aussi blancs que la foudre qui entourait son poing, avant de bondir sur Georges en hurlant de rage.

Ce dernier se redressa, et claqua des doigts pour faire venir sa baguette à lui. L'instant d'après, il était accroupi, baguette brandie, une lueur verte scintillante jaillissant de la pointe de son catalyseur.

« Ne me fais pas rire ! Approche ! »

Narcisse et Georges poussèrent tous deux un rugissement puissant, qui fit vibrer jusqu'aux murs de la cour. L'adolescent ne voyait plus rien d'autre que la poitrine de Tuséki. Il allait enfoncer son bras dans son cœur, peu importe ce qu'il arrivait. Il vit Tiffanie, il vit Ella, il vit Dianne, et il vit son père, Oscar. Tous les souvenirs qu'il avait des victimes de Georges, additionnés avec ceux de Kristen se mélangeaient dans sa tête, l'aveuglant encore davantage dans sa folie vengeresse. Il se foutait de mourir, mais il allait emporter Georges avec lui dans la tombe. Il ne pouvait pas laisser sa mère vivre dans ce monde avec un tel homme. C'était à lui de la protéger.

Une baguette s'abaissa, illuminant la cour de sa lumière verte. Un poing fendit l'air, transperçant un mur de chair que Narcisse ne vit même pas. Du sang gicla. Une gigantesque explosion de lumière emplit brusquement la cour de la tour de l'horloge, et fit trembler jusqu'aux fondations de Poudlard.

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20 sept. 2023, 09:00
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
CHAPITRE SEIZIÈME
TW : Description graphique de blessures

Dans un silence de mort, un vent sinistre se leva pour doucement balayer les débris et les poussières de la cour. Sifflant entre les crevasses et s'insinuant dans les trous des vêtements, il serpenta sol, avant de disparaître en légers tourbillons. Les nuages ne s'étaient pas dissipés, mais le tonnerre ne grondait plus. Quelques rayons de soleil commençaient même à percer la couche nuageuse au-dessus de l'école de sorcellerie. Seul un sifflement aigu, tel un ultrason, parvenait aux oreilles de Narcisse.

Il se tenait péniblement debout, accroupi, le souffle court, couvert de sang et perclus de douleurs, il avait du mal à croire qu'il était vivant. Il n'avait pas attaqué en pensant en réchapper. Son cœur tonnait puissamment dans sa poitrine, à l'image d'un galopement d'Abraxan déchainé, pompant de toutes ses forces le sang qui restait dans son organisme. L'adolescent inspira une goulée d'air qui lui racla la gorge. Ses yeux étaient fermés sous l'aveuglante lumière causée par son assaut. Peut-être était-il mort, tout compte fait. Il grogna de douleur en tentant de se redresser, il ne sentait plus ses membres. Non, il était bel et bien vivant. Lentement, très lentement, il reprit conscience de lui-même, de son corps, de ses pensées. Il en reprit laborieusement le contrôle.

Qu'avait-il fait ?

Narcisse n'avait jamais tué quelqu'un de cette manière. Il n'avait jamais voulu tuer Kristen, et il n'avait pas voulu non plus tuer Georges. Malgré toute la haine qu'il lui portait, l'adolescent sentit une bile amère envahir l'arrière de la gorge. Il avait agi sous le coup de la colère, il n'avait pas réfléchi. Il s'était oublié. Des fourmillements picotèrent ses jambes, puis ses bras. Son estomac se retourna brusquement.

Son bras gauche était toujours enfoncé dans le poitrail de Georges.

La plaie béante et fumante, carbonisée par la foudre, enserrait le poignet de Narcisse, battant autour de sa peau, comme un organisme à part entière. Ses yeux ne purent voir que cela, durant plusieurs longues secondes. Le sang qui coulait autour de son bras, ses vêtements imbibés du liquide rouge, l'insupportable sensation des os et des organes, des muscles et des tissus déchirés, qui avaient cédé sous son poing qui saillait de l'autre côté. La main droite de Narcisse vint doucement se poser sur son épaule, il ne savait pas quoi faire. Il avait fait ce qu'il avait à faire, pas vrai ? Après tout...

Des cheveux noirs.

Les yeux de Narcisse s'écarquillèrent lorsque son cœur manqua un battement et qu'il se sentit basculer dans un vide infini. Sa bouche s'entrouvrit, sa respiration se fit convulsive et pénible. Les cheveux noirs de sa mère flottaient dans le vent glacé.

Narcisse se redressa et vit enfin ce qu'il avait fait : ce n'était pas Georges qu'il avait transpercé de son attaque, mais sa mère.

« G... ah... AAaaAAAAAAH !!! »

Un cri guttural s'échappa du fond de sa gorge, déchirant ses cordes vocales. Le bouclier qu'Honor avait catalysé pour le protéger du sortilège de Georges se dissipa lorsqu'elle laissa tomber son bras le long de ses hanches en crachant une cascade de sang. Narcisse secoua la tête en attrapant sa mère par l'épaule, tentant de rester le plus immobile possible. Il sentit la panique le gagner, il avait du mal à respirer, sa gorge était serrée, ses yeux avaient du mal à voir et il n'entendait plus rien. Tout ce qu'il voyait, c'était la blessure qui entourait son bras.

Son esprit tenta de le convaincre que c'était impossible. Après tout, il avait veillé à l'enfermer dans une bulle de protection avant d'attaquer Georges ! Elle n'avait pas pu en sortir, c'était totalement impossible !

Il inspira brutalement.

Toute sa magie. Il avait concentré toute sa magie dans son poing. Chaque particule, chaque atome, chaque goutte de ses pouvoirs, il s'en était servi pour préparer son attaque. Le bouclier n'avait pas pu être maintenu. Ses yeux s'emplirent de larmes, alors qu'une nouvelle plainte déchirante sortit de sa gorge alors qu'il tentait vainement de refuser ce qui se passait.

« Non, non, n... non... non NON ! Non... »

Il revit ce que ses yeux avaient vu, sans qu'il ne s'en soit rendu compte. Georges l'aurait tué avant qu'il ne le touche si Honor ne s'était pas interposé en catalysant un bouclier entre elle et son fils. Le sortilège de Tuséki avait ricoché avec une violence inouïe, causant ainsi cette lumière aveuglante, le catapultant à plusieurs mètres de là, dans les décombres environnants. Narcisse n'avait même pas senti son bras pénétrer le corps de sa mère. Il n'avait même pas senti l'instant où il la tua. La panique gagna encore du terrain, le paralysant, l'empêchant de réfléchir, anesthésiant son esprit, le noyant sous un raz-de-marée de culpabilité et d'horreur. Son déni se battait farouchement, sauvagement, pour tenter de protéger la santé mentale de son porteur. Alors, tout ça, tout ce qu'il avait fait... Au final, pour ça ? Il secoua la tête en laissant les sanglots le secouer.

Une main se posa sur sa joue, il prit une inspiration compulsive en redressant la tête. Il croisa le regard de sa mère, aussi vibrant qu'autrefois, et elle lui souriait. Elle s'était péniblement tournée pour essayer de le regarder. Il secoua la tête.

« Arrête ! Arrête ! Bouge pas, bouge pas ! Bouge pas !
Narcisse. »

Le cœur de l'adolescent se fractura lorsqu'il entendit la voix de sa mère. Faible et sifflante, peinant à sortir de sa gorge, il en fut paralysé. Elle se détourna, avant d'avancer d'un pas. Il hurla de terreur en essayant de la retenir.

« ARRÊTE ! TU VAS MOURIR !
Ce n'est pas terminé. »

Narcisse se figea. Son regard suivit le point qu'Honor désigna. Le tas de décombres sous lequel Georges était enterré. Mais pourquoi ? On s'en foutait de ça ! Seule elle comptait, le reste, il n'en avait rien à faire ! Elle s'avança d'un autre pas, il sentit le raclement abominable des os contre son bras lorsqu'elle tenta de s'extirper. Il essaya encore une fois de la retenir, sa voix la suppliait.

« S'il te plaît, s'il te plaît ! Arrête ! Arrête ! Tu peux pas bouger ! Tu peux pas...
Ne t'inquiète pas. »

Elle empoigna la main de son fils qui dépassait de sa poitrine, il essaya de l'agripper de toutes ses forces. Il voulait la retenir, la forcer à se reposer, juste quelques instants.

Elle fit un autre pas, dégageant d’un mouvement sec le bras de sa poitrine.

Une explosion de sang gicla de la blessure d'Honor et de son dos alors qu’un craquement dégobillant retentit, le sang dégoulina le long de son corps pour finalement inonder le sol. Elle toussa, cracha, manqua de trébucher, ployant sous son propre poids. Elle fit un pas, le regard droit devant elle, avant de soudainement s'écrouler comme une pierre.

Narcisse avait bondi pour la rattraper. Ses genoux s'écorchèrent sur le pavé, il ne s'en rendit même pas compte. Il trembla. Sa main gauche, qui venait d'attraper le bras de sa mère, il ne put s'empêcher de la regarder, prit d'une envie de vomir particulièrement violente. Elle était couverte de sang. Fumant et rouge, d'un rubis profond. Il frotta ses doigts les uns contre les autres, se sentant de nouveau basculer dans le vide. Il n'entendait plus rien, il agrippa le corps de sa mère contre lui, son esprit lui hurlant d'agir immédiatement.

Pas encore.

« MAMAN ! »

Son cœur tonna à ses oreilles. Il ne pouvait pas encore laisser quelqu'un qu'il tenait dans ses bras mourir. Faisant appel à toutes ses forces, forçant les portes de la conscience assimilée de Kristen, il essayait désespérément de trouver une solution. Peu importe ce qu'il en coûtait, il ne devait pas la laisser mourir ! Elle chuchotait faiblement quelque chose, il ne l'entendit pas. Il était bien trop occupé à la redresser pour plaquer ses mains sur ses plaies, de part et d'autre de son corps pour tenter d'endiguer le flot continu du sang qui s'échappait. Elles s'enfoncèrent presque dans la plaie béante de sa poitrine. Il serra les dents, manquant de s'étouffer dans ses larmes.

« Guéris ! Merde ! MERDE ! Allez, allez ! Vulnera Sanentur, Episkey, Vulnera Sanentur !! Revigor ! Brackium Emendo ! »

Il répéta en boucle, encore et encore, les formules qu'il connaissait. Il essayait tout ce qu'il put, il s'acharna en insufflant absolument toute sa magie dans l'organisme de sa mère. Une couche de sueur recouvrit son visage et l’inonda sous l'effort intense qu'il sollicitait auprès de son corps. Le flot de sang s'arrêta, le craquement d'os qui se ressoudaient, les tissus fumèrent en se refermant. Il sentit l'espoir renaître en lui, il pouvait la sauver ! Il n'allait pas la laisser tomber, il n'allait jamais s'arrêter ! Il n'allait jamais...

« Quelle infection. »

Narcisse n'eut même pas le temps de prendre conscience de ce qui arrivait. Georges l'empoigna férocement à la gorge, le soulevant de terre sans effort. L'adolescent poussa un hurlement compulsif lorsqu'il se vit s'éloigner du corps de sa mère qui s'écroula au sol. Il devait la rejoindre, il devait la rejoindre !

Une violente gifle le sonna et lui éclata le tympan. Son oreille siffla, il sentit un chaud filet de sang couler de son pavillon. Son corps se retrouva sans forces. Son esprit combattif s'était éteint, épuisé, détruit, réduit en cendres par la peine et la culpabilité. Dans un réflexe, ses mains empoignèrent celle que Georges avait autour de son cou. Ce dernier était couvert de sang, il avait un œil fermé, ses blessures couturaient presque toute la surface de sa peau, et ses vêtements déchirés laissaient entrevoir de graves brûlures. Il pencha la tête sur le côté, levant doucement sa baguette pour l'approcher de l'œil de Narcisse. Elle fut arrêtée à quelques centimètres, et il avait beau pousser, elle ne bougea plus d'un iota. Il sourit en grognant.

« Intéressant. »

Il examinait le bouclier de Narcisse, tandis que ce dernier continuait de lutter. Il voulait simplement rejoindre sa mère. Un filet de bave vola lorsqu'il supplia. Il ne ressentit aucune honte en implorant cet homme, plus rien n'avait d'importance, sa fierté, ses principes, il pouvait bien se les foutre ailleurs.

« Georges ! S'il te plaît ! C'est bon, t'as gagné ! C'est bon ! Laisse-moi la sauver, s'il te plaît !
Oh, la ferme. »

Une nouvelle gifle, encore plus puissante que la précédente. Cette fois-ci, il sentit la main de Georges toucher sa joue. Ce dernier haussa les sourcils.

« Mh, alors, si on y met suffisamment de puissance... »

L'instinct de Narcisse sonna l'alerte : Georges est en train de comprendre comment ton bouclier fonctionne ! Réagis ! Mais Narcisse s'en foutait, il voulait juste sauver sa mère, et il se débattait comme un chat que l'on aurait empoigné par le col, juste avant de le piquer. Sa joue l'élançait, il s'en moquait tout autant. Il était incapable de reprendre son calme. Georges baissa le regard.

« Mph. »

L'adulte leva son pied, avant de l'écraser sur la poitrine d'Honor. C'est à peine si elle broncha. Un filet de sang coula à nouveau de ses lèvres, sa tête brinquebala contre le sol. Elle leva péniblement une main tremblante pour agripper la cheville de Tuséki. Ce dernier lui décocha un coup de la pointe de sa chaussure, avant de broyer ses doigts sur le sol. Elle ne réagit pas davantage, son visage d’une pâleur mortelle était dépourvu de toute émotion. Ses yeux étaient devenus vitreux.

« ARRÊTE ! »

Narcisse foudroya Georges du regard, sa voix tonna comme un coup de tonnerre. En un instant, toute sa folie combattive fut ranimée, toute sa haine attisée, ressuscitée. Il se souvint, son corps se souvint. Sa main se leva brusquement, le tonnerre gronda alors qu'il se remit enfin à malaxer sa magie. Tuséki se contenta de sourire.

« Ah, j'aime mieux ça. »

Puis, accentuant la force avec laquelle il écrasait la gorge de l'adolescent, il transperça soudainement son bouclier. Ou plus exactement, le corps de Narcisse cessa soudainement de le catalyser. Il venait d'atteindre ses limites, et sa magie se dissipa, le laissant aussi vulnérable qu'un nouveau-né. Sa main revint par réflexe salvateur agripper celle de Georges, refusant de détourner le regard, essayant de décocher des coups de pieds à Tuséki. Il n'arrivait plus à respirer, il sentit l'air lui manquer, et son cerveau s'éteignait doucement.

L'adulte reposa négligemment le pied sur la poitrine d'Honor. Narcisse explosa de rage. Animé par une nouvelle décharge d’adrénaline, il enfonça les ongles de sa main gauche dans la peau de Georges, qui relâcha une seconde, par réflexe, sa prise. L'adolescent profita de cet instant pour reprendre une goulée d'air, juste avant que l'étreinte mortelle ne reprenne. La haine brillait au fond de son regard, et en cet instant, il savait que s'il le pouvait, il tuerait Georges. Ce dernier sembla le percevoir, et il approcha son visage de sa victime, un sourire narquois aux lèvres.

« Penses-tu vraiment que me tuer est la bonne chose à faire ? Tu crois vraiment que ça va changer le monde ? »

Narcisse sentit son corps atteindre ses limites.

Un verrou sauta au fond de son esprit. Quelque chose se libéra. Il n'avait pas tout donné. Emplissant son organisme de toute la haine qu'il ressentait, une haine froide, poisseuse et acide, comme un poison. Il s'en foutait de vivre ou de mourir. S'il abandonnait totalement son corps à la magie, s'il la laissait exploser... Il pouvait tout faire, et il n’allait pas s’en priver, peu importe le prix. En un éclair, sa décision fut prise. Ses mains changèrent leur prise, et agrippèrent le poignet de Georges. Hors de question qu’il puisse reculer. La terre se mit à trembler, les yeux de Narcisse devinrent blancs et ses cheveux se dressèrent sur sa tête. La foudre tomba aux alentours, le tonnerre déchira le ciel.

La peau de Narcisse se déchira par endroit, laissant apparaître des veines blanchâtres lumineuses qui couraient sous sa peau à toute vitesse. Son cœur battait à mille à l'heure, la magie prenait peu à peu son corps comme un réceptacle, pour catalyser toute sa puissance.

Georges perdit quelques secondes à reprendre son équilibre, puis leva sa baguette, prêt à en finir. Narcisse sourit. Trop tard.

« Je ne sais pas si te tuer changera le monde.

Il affermit sa prise, débordant d’une puissance trop grande pour la contenir encore bien longtemps. Il sentait la magie rugir en lui, et tout ce qu’il avait à faire, c’était la laisser exploser.

Mais ce que je sais, c'est que je ne peux pas en être sûr avant d'avoir essayé. »

Au moment où Georges abattit sa baguette et où Narcisse voulut se laisser mourir en l’emportant avec lui, un claquement de fouet déchira l'espace entre eux. La foudre fut comme attirée et détona à l'endroit même où ils se tenaient. L’adolescent sentit sa magie s’échapper de lui comme un ballon qu’on aurait percé, sans exploser ni le tuer. Son attaque fut court-circuitée. Le bras de Tuséki fut carbonisé, il ploya sous la douleur en hurlant. Narcisse se sentit tomber, puis se retrouva projeté en arrière, tombant dans la poussière.

Il vit également sa mère atterrir à côté de lui. Il ne réfléchit pas et la prit dans ses bras pour la serrer contre lui, avant de lever le visage. Sa respiration se coupa un court instant.

Dans la tornade de poussière et d'éclairs, de flammes et de lumière grise crépitante, se tenait une silhouette, dont les cheveux châtains virevoltaient. Brandissant la baguette de Sureau, Aelle se tenait droite, face à Georges, déchaînant toute la puissance de sa magie sans chercher à se contenir. L'air autour d'elle ondulait et tremblait, le bruit était assourdissant, un grondement de volcan prêt à entrer en éruption. Une petite silhouette se détacha d'elle et bondit vers Narcisse et sa mère. Zikomo posa ses pattes antérieures sur la jambe de l'adolescent.

« Amène ta mère à l'abri, vite. »

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21 sept. 2023, 12:16
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
CHAPITRE DIX-SEPTIÈME

Narcisse se releva souplement en portant le corps de sa mère dans ses bras. Une main sous les genoux et l'autre soutenant son torse. Il frissonna de terreur lorsqu'elle n'eut aucune réaction. Ses bras et ses jambes flottèrent dans le vent, sa tête bascula en arrière, entraînée par son propre poids. La gorge de l'adolescent se serra brusquement, sa panique s'accentua, il secoua la tête, avant de regarder compulsivement autour de lui. Que devait-il faire ?! Transplaner ? L'emmener loin d'ici ? Impossible, elle ne survivrait pas à un tel voyage. Il pivota sur lui-même, faisant quelques pas hésitants, cherchant désespérément un moyen de la mettre en sécurité. Zikomo lui criait des consignes, elles n'atteignirent jamais ses oreilles. Tout ce qu'il entendait, c'étaient les battements de son cœur, tonnant sous son crâne, tiquant comme l'horloge de la vie qui allait bientôt toucher à sa fin.

Soudainement, une décharge électrique traversa sa colonne vertébrale. Une fine vapeur d'eau s'échappa des lèvres d'Honor. Elle était encore vivante ! Ses genoux ployèrent, il la déposa au sol, avant de lever la main pour faire léviter un énorme débris de roche, qu'il fit venir à lui pour le placer à côté d'eux. Le choc fit trembler le sol. Une fine muraille entre le duel qui battait son plein non loin de là. Il s'en fichait, la voix de Georges lui parvenait à peine. Toutes ses pensées n'étaient tournées que vers sa mère. Elles tournaient en boucle dans sa tête, encore et encore. Il se repassait la scène, encore et encore, il entendait ses derniers mots, il ressentait l'intérieur de son corps, l'intérieur de la blessure béante, de laquelle coulait encore du sang. Il colla sa joue contre ses lèvres. Un souffle. Un très faible souffle. Il perdit une seconde en se redressant, pour passer ses mains dans ses cheveux, gémissant de panique, s'efforçant de rassembler ses esprits. Il prit une grande inspiration, et plaça de nouveau ses mains sur la poitrine d'Honor. Il secoua rapidement la tête, tout tournait autour de lui.

« Non, non, non ! Allez, allez, s'il te plaît, s'il te plaît ! Maman, s'il te plaît, meurs pas ! »

Il insuffla tout ce qu'il pouvait en elle. Toute sa magie, toute son âme, la moindre parcelle de lui, il la donna à sa mère. Il plongea dans une frénésie incontrôlable, durant laquelle il ne perçut rien d'autre que les battements de son cœur. Le monde s'effaça autour de lui. Combien de temps cela dura-t-il, il n'en sut rien. Mais lorsqu'enfin, il pensa à reprendre son souffle, il écarquilla les yeux, les lèvres tremblantes sous les sanglots qui menaçaient.

Sa magie n'avait plus d'effet sur elle.

Mais pourquoi ?! Qu'est-ce qui avait changé par rapport à tout à l'heure !? Ses mains, recouvertes de sang, se mirent à trembler elles aussi, tandis qu'il les retirait doucement du corps de sa mère. Deux gouttes d'eau salée tombèrent dans ses paumes, il serra les poings en fermant les yeux, avant de se prendre le visage entre les mains. Sa tête bascula en arrière, il hurla à pleins poumons.

Les éclairs frappèrent tout autour de lui, faisant trembler le sol, forçant Aelle et Georges à en esquiver plusieurs. Narcisse s'en fichait, il ne contrôlait plus rien, il ne pensait plus, il ne réfléchissait plus. Plus aucune de ses actions n'étaient maîtrisées. Sa voix se brisa. Tirée de son désespoir, une bulle blanche se forma autour de lui et de sa mère, les entourant complètement. Un sanctuaire de protection, dans lequel nul son ne pénétrait. Enfin, le silence.

Un silence seulement ponctué par les sanglots compulsifs de Narcisse qui secouait le corps de sa mère, la suppliant de sa voix cassée.

« Non ! Non ! Tu peux pas ! Attends-moi, attends-moi ! »

Dans un geste réflexe, il la prit dans ses bras et la serra aussi fort qu'il put, comme si en la serrant de toutes ses forces, il pourrait l'empêcher de partir. Ses larmes coulaient sans retenue dans ses cheveux, il sanglotait puissamment, convulsant presque sous les vagues d'émotions qui l'assaillaient à coups de bélier. Boum. Boum. Ou bien étaient-ce les explosions des sortilèges de l'extérieur ? Encore une fois, il s'en foutait. Si seulement il avait plus de temps.

Il se figea.

Du temps. Il lui fallait du temps. Il reprit sa respiration, allongea le corps de sa mère sur le sol, délicatement, avant de la regarder. Au fond de lui, loin, très loin, enfoui profondément aux tréfonds de son être, une petite partie de lui avait déjà accepté la vérité. Ses blessures étaient bien trop graves pour espérer être soignées. Il le savait mieux que quiconque. Après tout, n'était-ce pas de sa main qu'il avait transpercé ses organes, brisé ses os et déchiré ses muscles en éclatant sa peau ? Il rejeta cette vérité, il la rejeta de toutes ses forces, l'ensevelissant sous le poids de ses remords et de sa culpabilité.

Aussi délicatement qu'il le put, il prit le visage de sa mère entre ses mains. D'une douceur infinie, il essuya une traînée de sang sur sa joue du pouce. Sa bouche se déforma sous la souffrance. Ses traits étaient tirés, ses joues trempées de larmes, creusant des sillons dans la couche de sang qui recouvrait sa peau.

« Attends-moi... »

Il approcha le visage d'Honor du sien, et posa son front contre le sien. Il ferma les yeux.

Elle ouvrit les siens. Les paupières tremblotantes, elle ne put sourire qu'au travers de ses pupilles. Il devina sans sentir, la main de sa mère qui se posa contre sa nuque. Il rouvrit les yeux, les larmes roulèrent sur le visage d'Honor, pour finir sur le sol froid de la cour. Il sanglota de nouveau, reniflant sans se soucier de la bienséance, tentant vainement de dégager ses voies respiratoires. Il plongea son regard dans celui de sa mère. Son cœur s'arrêta.

Elle n'était pas morte, mais il n'avait jamais vu sa mère avec un regard aussi éteint. Elle respirait péniblement, chacune de ses inspirations la faisait atrocement souffrir, son souffle rauque faiblissait de plus en plus. Il lui prit la main, son front toujours contre le sien, déglutissant avec difficulté. Il se força à lui sourire, serrant ses doigts aussi fort qu'il le pouvait, en tremblant, espérant qu'elle lui rende ce geste. Elle ne le fit pas. Il ferma alors les yeux en expirant doucement.

« Arresto Momentum. »

Il se visualisa l'intérieur du corps qu'il tenait entre ses mains. Il se visualisa l’intérieur du corps de sa mère, le sang qui circulait dans ses veines, et il l'arrêta. Il visualisa ses poumons qui s'emplissaient d'air, il les arrêta. Il visualisa son cœur qui battait faiblement, il le stoppa. Tout, il arrêtait tout. Il appuyait sur pause, il temporisait, il fuyait de toutes ses forces, essayant de ralentir la mort qui envahissait sans pitié les tissus du corps d’Honor. Jamais sa magie n'avait été si chirurgicale, si précise. Sans un faux pas, sans une hésitation, il laissa sa magie couler dans le corps de sa mère. Il l'enveloppa d'un linceul invisible, et aussi longtemps qu'il la laisserait à l'intérieur, elle ne mourrait pas. Elle n'était plus tout à fait vivante, mais elle n'était certainement pas morte.

Il n'avait aucune idée du temps qui s'était écoulé, mais lorsqu'il la déposa au sol, doucement, il se sentit affreusement fatigué. Il ne ressentait aucune autre envie que celle de s'allonger à côté d'elle pour s'endormir aussi longtemps qu'elle dormirait. Les larmes avaient cessé de couler, sa tête bascula en arrière, ses genoux lui faisaient mal.

Il avait encore une tâche à accomplir.

Son bouclier se dissipa lorsqu'il se leva. Le vent et la pluie battaient violemment à l'extérieur, le sol tremblait sous les assauts des deux combattants, à quelques mètres de là. Narcisse pencha sa tête sur le côté, faisant craquer ses vertèbres. Il expira doucement, en fermant les yeux, serrant les poings, avant de rouvrir les paupières.

Il poussa sur ses jambes, et l'instant d'après, il attrapa le bras de Georges qui allait s'abattre sur Aelle. Il tremblait, mais Tuséki également. Ses yeux n'avaient pas viré au blanc, il était trop vide pour réussir à faire cela. Non, ce fut simplement avec sa force physique qu'il stoppa le geste de l'homme qui se tenait face à lui. Obéissant à ses réflexes, il se laissa pivoter pour donner de l'élan à son coude, qu'il enfonça dans le poitrail de Georges, le forçant à reculer d'un pas, lui coupant la respiration.

Il se tourna vers Aelle, qui écarquilla les yeux en lui rendant son regard. Il devait avoir une sale tête. Il fit glisser ses pieds au sol pour se ranger à ses côtés, avant de se mettre en position de combat.

« Désolé pour l'attente.
Je m'en sortais très bien toute seule. »

Il s'en foutait que ce soit vrai ou faux, il ne pouvait tout simplement pas la laisser combattre seule. Georges se redressa, avant de catalyser sa magie au bout de sa baguette, le visage déformé par la folie et la rage, un sourire machiavélique et fou tirant les commissures de ses lèvres.

« Bande de saloperies, misérables vermisseaux insignifiants, c'est la DERNIÈRE FOIS que vous vous dressez sur mon chemin ! »

De la pointe de sa baguette, une boule de feu commença lentement à se former. Du feu bleu, avec une touche d'orange. Narcisse reconnut immédiatement Feudeymon. Aelle fit un pas en avant, il leva le bras pour l'arrêter.

« Attends.
Quoi ?
Faut qu'on coopère, à deux, on peut le battre. »

Elle soupira d'un air exaspéré, dégageant son bras d'une claque de la main. Une fine coupure ornait le haut de son front, laissant couler le sang sur la moitié de son visage.

« T'es bouché ou quoi ? J'ai pas besoin de toi, j'ai dit !
Aelle, tes sorts ne lui font rien, pas vrai ? »

Elle se figea, avant de détourner le regard en claquant de la langue. Une quinte de toux la secoua brusquement, un filet de sang coula de sa bouche. L'air face à eux s'embrasa, Georges levait son bras au-dessus de lui, domptant son immense serpent de feu. Narcisse se tourna vers lui, et croisa les bras, avant de fendre l'air face à lui.

« Gelo. »

Le feu de Georges s'immobilisa, Narcisse le pointa de son index et de son majeur.

« Immobilus. »

Tuséki se retrouva également immobilisé, l'adolescent savait que cela ne durerait pas longtemps, mais il pourrait terminer de parler à Aelle, qu'elle le veuille ou non. Son cœur ne battait plus que du sang et de la magie, plus aucune émotion ne semblait l'animer. Il agissait mécaniquement, et ne se mouvait que par réflexe, simplement animé par la dernière volonté de mettre fin à tout ça avant de mourir, d'une manière ou d'une autre. Aelle se redressa doucement en tremblant, serrant sa baguette entre ses doigts, s'essuyant la bouche de l'autre. Elle admit à contrecœur.

« Tu t'es amélioré.
Je sais comment le tuer. »

Elle le regarda avec de gros yeux, incrédule, avant de froncer les sourcils en détournant le regard lorsque Georges bougea un doigt. Ils n'avaient plus que quelques dizaines de secondes. Narcisse continuait de le regarder.

« Il est immunisé aux sorts, mais si on catalyse suffisamment de magie, suffisamment près, même lui n'y résistera pas. Tout ce que tu dois faire, c'est arriver à son contact. Ensuite, tu le projettes le plus loin possible, tu mets tout ce que tu as dans une seule attaque.
Mais...
Fais-moi confiance, une fois éloigné, je pourrais lui sauter dessus, et ensuite... »

Il leva son poing serré au niveau de sa poitrine. L'air ondulait autour de lui. Il avait déjà commencé à accumuler de la magie sans son organisme. Il n'avait pas réussi à se faire exploser la première fois ? Et bien, il n'avait qu'à recommencer. Aelle fronça les sourcils en se redressant, et elle posa un regard mystérieux sur Narcisse. Il la regarda.

« Quand je me ferais exploser, tu devras te protéger. »

Il tourna la tête, pour regarder en direction de l'énorme morceau de pierre qui faisait office de bouclier pour le corps de sa mère. Zikomo s'était perché dessus et les regardait de loin, l'air d'attendre quelque chose. Narcisse soupira, son visage devint sombre.

« Tu pourrais essayer de protéger ma mère ? S'il te plaît ? Et aussi, essaye de la soigner, t'as toujours été meilleure que moi pour les sorts de soin.
Bon, bon ! Ça va, putain... T'es chié quand même. »

Elle se frotta l'arrière de la tête, avant de ramener sa baguette au niveau de sa poitrine. Elle lui jeta un regard mi-énervé, mi-amusé.

« Tu sais qu'on ne peut pas juste donner la baguette de Sureau, hein ? Elle marche bien moins qu'avant, je le sens bien.
Oh, t'inquiètes pas... Une fois que ce sera fini, elle sera toute à toi. »

Il n'était pas certain de comment cela fonctionnait, mais s'il mourait, la baguette reviendrait à Aelle, non ? Probablement. Il ne s'en soucia plus. Il s'accroupit brusquement, le sol craqua sous lui, cédant sous la pression monstrueuse de sa magie ne demandant qu'à être libérée.

« Fais-moi confiance, et surtout, n'arrête pas ton attaque. »

Georges se dégagea enfin du sortilège de l'adolescent. Il rugit aussi puissamment que le feu qu'il projeta sur lui et sur Aelle, embrasant la cour de nouveau, l'immense colonne de flammes fondant sur eux. Narcisse poussa sur ses jambes, brandissant les paumes de sa main face à lui.

« Protego. »

S'entourant d'un bouclier, il traversa les flammes comme s'il s'agissait d'un mur de papier. Bras croisés devant son visage, il bondit, recroquevillé sur lui-même, se préparant à exécuter la deuxième partie de son sort. Il tourna le regard. Aelle venait de prendre contrôle du feu maudit avec une facilité déconcertante. Il aurait souri, s'il l'avait pu, elle s'en sortait prodigieusement bien. Lorsque ses pieds touchèrent le sol, il n'était plus qu'à deux mètres de Georges. L'adolescent serra les dents et pria pour qu'Aelle ne se laisse pas déstabiliser parce qu'il allait faire. Les paumes de ses mains claquèrent.

« Translatio Humano. »

Dans un claquement de fouet aigu, Narcisse et elle échangèrent de position, il chargea ses jambes de magie, prêt à bondir de nouveau sur Georges.

« Vas-y ! »

Aelle brandit sa baguette, d'un geste vif et précis, nullement déconcentré par son brusque échange avec son camarade. Si Narcisse avait été en possession de toutes ses capacités, il aurait peut-être pu anticiper ce qui allait se produire.

« Waddiwasi ! »

Pris de court, Georges avait à peine eu le temps de lever sa baguette qu'il fut projeté, tel une balle de pistolet, au travers de la cour. Il perfora le mur du son en traversant le pont. Narcisse bondit alors, poussant sur ses jambes, se retrouvant plusieurs mètres devant Aelle. Entouré par une mini-tornade de poussière, brusquement générée par sa concentration magique, il s'était matérialisé derrière Georges. Le tonnerre grondait au-dessus de lui, les nuages s'amoncelaient et formaient une masse informe, prête à éclater à tout instant. L'adolescent tendit les bras, se laissant envahir par sa magie, à la seconde où il toucherait Tuséki, il allait en finir.

Il était prêt. Il n'avait pas pu confier ses dernières volontés à quiconque, mais... Bah, quelle importance ? Au moins, il mourrait avec la certitude que...

« Translatio Humano. »

Georges disparut. Narcisse fit face à l'énorme pierre qu'il avait posé devant lui et sa mère tout à l'heure. Un frisson glacé s'empara de lui, et il fit brusquement demi-tour.

« NON !
C'est Kristen qui a inventé ce sort, tu pensais sérieusement que je ne le connaissais pas ? »

Aelle avait pris sa place.

Elle tenait Tuséki par les épaules, d'une clé de bras qu'Honor lui avait appris par le passé. Georges frappa le sol du pied en tentant de se dégager, il hurla de douleur lorsque la jeune femme affermit sa prise. Narcisse savait que tant qu'elle tiendrait, il resterait immobilisé. Sans même chercher à comprendre ce qui s'était passé, il ouvrit la bouche pour essayer de reprendre position !

« TRAN... »

Son cœur battit dans tout son corps. Il vomit tripes et boyaux, son corps s'effondra sur lui-même, subissant de plein fouet le contrecoup de l'accumulation excessive de magie en lui. Tout tournait autour de lui, il tremblait comme une feuille, il avait froid, il avait chaud, il se retrouva à quatre pattes. Genoux et paumes écorchés, il leva la tête pour regarder Aelle. L'air ondulait puissamment autour d'elle, le sol tremblait, le vent s'accentuait, soufflant telle une tornade et balayant tout ce qui n'était pas solidement attaché. Elle avait brisé le poignet de Georges, et sa baguette s'était envolée dans le vent. Il gesticulait désespérément, grognant de rage et tentant de se dégager, mais la jeune femme fit preuve d'une force insoupçonnée.

Son visage se déforma sous l'émotion.

« Tu fais chier, Brando ! Et toi aussi, Zikomo ! »

Malgré la violence de ses mots, les larmes contredisaient le ton de sa voix. Elle renifla, une terreur soudaine passant sur son visage.

« J'ai pas encore envie de mourir moi... J'ai encore rien fait ! Vous auriez pas pu juste me laisser... me laisser tranquille !? »

Malgré lui, les larmes se mirent également à rouler sur les joues de Narcisse. Il poussa sur ses jambes pour se redresser.

« Aelle...
Bouge pas !
LÂCHE-MOI ! »

Elle ignora copieusement la réaction de Georges, et plongea son regard dans celui de Narcisse, qui se retrouva pétrifié sur place. Elle ne se bridait plus. Toute sa puissance magique explosait brutalement. Tout ce qu'elle avait maintenu sous scellé, toute sa vie, elle le laissait enfin sortir au grand jour. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle en avait, de la réserve. Zikomo s'arrêta au niveau de Narcisse.

« Aelle !
Zik' ! Tu vas pas t'y mettre aussi ! »

Georges lui donna un brusque coup d'épaule, au niveau du menton, le cœur de l'adolescent manqua un battement lorsqu'il vit Aelle trébucher. Puis elle le serra de nouveau, encore plus fort qu'avant. Le bruit de l'épaule de Tuséki qui se déboîte réussit à percer le grondement du tonnerre. Narcisse ouvrit la bouche pour parler, sa gorge le brûla, elle était sèche comme du parchemin. Il toussa, tombant de nouveau à genoux. Pas encore, pas encore, pas maintenant ! Allez, bouge, bouge ! La voix d'Aelle résonna directement dans sa tête. Zikomo tourna son regard vers lui, il l'entendait aussi.

« Bon, et ben... J'aurais jamais pensé que tu serais là pour entendre ça Brando. Tu fais chier, sérieux, vraiment. Depuis qu'on se connaît, tu m'auras tellement fait chier, tu m'auras jamais laissé tranquille, pas une seule seconde. »

Elle sourit doucement, les larmes s'évaporèrent avant même de couler. Autour d'elle et de Georges, une zone de flammes bleutées commença à les entourer, l'air tremblotait et grésillait. Il luttait de toutes ses forces, mettant tout ce qu'il avait, catalysant toute la faible magie dont il était capable sans baguette. Ses réserves à lui étaient épuisées par l'intense combat qu'il venait de livrer, mais Aelle était encore en pleine possession de ses moyens, il ne put faire de mouvement décisif.

« Mais tu sais ce qui me faisait vraiment chier ? Le fait que t'avais raison. Parce que bordel, bordel de merde, tu avais raison. Et c'est ça qui me faisait peur. Je peux pas te laisser mourir là. T'as une longue vie à vivre, toi au moins. »

Son regard bascula sur Zikomo.

« Et toi Zik', je sais pas comment t'as fait pour me supporter... J'ai dû être la pire compagne que t'as jamais eue... Et puis toi aussi, tu m'ennuies à toujours avoir raison !
RAAAH ! LÂCHEZ-MOI ! LÂCH... »

Narcisse et Zikomo se dressèrent d'un même bond et d'un même corps, parlant d'une même voix qui fit trembler les os de Georges.

« LA FERME !
LA FERME ! »

Il se tut, soudainement vidé de toute force. Plus aucun mot ne se fit entendre, Durant plusieurs longues secondes, aucun n'osa parler, c'était au-delà de toute larme. Aelle laissa sa tête basculer en arrière. Narcisse s'avança d'un pas, serrant le poing.

« Aelle ! T'es pas obligée d'faire ça !!
La ferme ! Sérieux, laisse-moi juste faire un truc utile, un seul ! Dans ma putain de vie, pour une fois, j'ai juste envie de choisir !! Je vais mourir de toute façon, est-ce que je peux, au moins, CHOISIR ?!
AELLE ! »

Le renard bleu voulut bondir en avant, Narcisse l'en empêcha au dernier instant, s'accroupissant pour l'attraper. Les yeux d'Aelle se fermèrent, elle serra les poings. Les oreilles de Zikomo s'évasèrent.

« Je ne t'oublierai jamais. »

Narcisse crut voir une larme brillante s'envoler dans le vent.

« Merde... »

Au même instant, tout l'air l'entourant fut brutalement aspiré, dans un son de cauchemar, tel un raz-de-marée fracassant un mur. Durant une seconde, le calme fut absolu. Puis, l'instant d'après, une vive lumière jaillit de l'endroit où se tenait la jeune femme, un halo doré fendit l'air les entoura, les encerclant avant d'exploser dans une onde de choc parfaitement circulaire. Le son arriva à retardement, puis balaya tout sur son passage. Narcisse aurait été transpercé s'il n'avait pas eu le réflexe de croiser les bras pour se protéger. Son bouclier ne l'empêcha pas d'être malgré tout projeté en arrière.

Le pont s'effondra sous la violence de l'explosion, l'onde de choc s'élança jusqu'aux nuages, qui s'écartèrent soudainement, dans un cercle parfait, laissant filtrer la lumière du soleil. Le sol trembla, les dalles se déchaussèrent, les arbres au loin craquèrent et s'effondrèrent. Des crevasses fendirent le sol et l'eau du lac noir bouillonna, avant d'être balayée en grandes vagues.

Telle une lance divine, un cône lumineux gigantesque naquit à l'endroit où se tenait Aelle, avant de fondre vers les cieux, dans un rugissement déchirant qui força Narcisse à se boucher les oreilles. Il n'entendait déjà plus rien, mais les vibrations lui firent mal à la poitrine. Le souffle balaya les débris, certains écorchèrent l'adolescent au visage, mais il ne put détacher son regard. Un nuage de poussière fondit brusquement sur lui, et dans un réflexe protecteur, il bondit derrière le rocher pour protéger Honor de son corps.

Le silence fut de mort, le calme fut absolu.

Puis, faiblement, très faiblement, Narcisse entendit de nouveau son cœur qui battait dans sa poitrine. Il rouvrit les yeux.

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2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart

22 sept. 2023, 10:28
 Fanfiction  Honor Brando - Le poison de la vengeance  Tome 3 - Terminé 
CHAPITRE DIX-HUITÈME
Reducio

Lorsque Narcisse rouvrit les yeux, la première chose qu'il vit fut un flocon de neige. Flottant dans le vent silencieux, il se posa délicatement sur les cheveux du corps de sa mère. Douleur, froid, fatigue, peur, abattement, regret. Tous ces sentiments le percutèrent comme un train lancé à pleine vapeur, menaçant de ne laisser de lui que des débris. Son corps était perclus de souffrances, chacun de ses membres lui faisaient mal. Sa gorge était desséchée, il avait perdu beaucoup de sang, et la moindre respiration faisait craquer ses côtes brisées. Un nouveau flocon se posa sur le visage d'Honor, l'eau qu'il forma au moment de fondre laissa une trace humide sur le masque ensanglanté de sa joue. L'adolescent déglutit avec difficulté, glissant délicatement sa main sous la nuque de sa mère.

Il était incapable de savoir ce qu'il ressentait. Rien ne venait, rien ne ressortait. Il se contentait d'être là, de prendre de nouvelles inspirations, à répétition. Puis, aussi violemment qu'un coup de bélier, sa gorge se serra brusquement, ses yeux s'humidifièrent. Peut-être un flocon tombé sur le coin de son œil. Il battit des paupières pour le chasser, en vain. Il redressa le corps de sa mère, afin de délicatement l'adosser à la pierre qui les avait protégés. Elle semblait si calme, presque apaisée. S'il se concentrait suffisamment fort, il aurait pu s'abandonner à croire qu'elle dormait. Un sanglot le secoua. Ses mains agrippèrent ses bras, il se recroquevilla sur lui-même, accroupit face à sa mère, qu'il avait abandonnée entre la mort et la vie. Comment avait-il pu faire cela ? Une expiration rauque, obstruée par sa gorge serrée, il se força à la regarder.

Il ne pouvait pas lui faire ça. Il ne pouvait pas fuir, pas ainsi. Il secoua sa tête de manière convulsive, comme un enfant qui refusait d'accepter la vérité.

« C'est pas possible, c'est pas possible... Pourquoi... »

Les flocons de neige, désormais, ne fondaient plus lorsqu'il touchait le corps d'Honor. Il leva les yeux, attiré par un mouvement au-dessus de lui. Zikomo était perché sur le rocher, assit, fixant l'endroit où Aelle se tenait, il y a encore quelques instants. Tout semblait si calme à présent, c'était presque irréel. L'adolescent aurait fait n'importe quoi pour forcer son attention à se détourner du corps d'Honor, et dans une voix brisée, entrecoupée de déchirants sanglots, il regarda le petit renard.

Sa tête bascula soudainement vers le bas, sa main se posa sur la partie inférieure de son visage pour étouffer ses sanglots et sa respiration rauque. Il peinait à parler, ne serait-ce qu'un mot.

« Po... pour... pourquoi ? J... j'ai... j'ai jamais... j'ai jamais voulu ça... Pourquoi... Je voulais pas... »

Ses mains tremblèrent lorsqu'il recouvrit son visage de ses paumes. Plus jamais il ne pourrait tenir sa mère dans ses bras. Non. Il ne devait pas y penser. Il pouvait simplement... ignorer le problème, non ? Après tout, tant qu'il maintenait le sort, elle ne partirait pas totalement. Il pourrait la garder auprès de lui, et...

« Et après, quoi ? »

Narcisse redressa brusquement le visage, les yeux écarquillés. Zikomo avait tourné la tête pour le regarder, ses oreilles battirent en chassant quelques flocons. Ses pupilles dorés s'étrécirent, il cligna doucement.

« Ce n'est pas ton genre de fuir la réalité. »

Coup de poignard révélateur en plein cœur, le monde autour de l'adolescent commença à tournoyer. Sa main revint se plaquer contre ses lèvres, étouffant un nouveau sanglot. Il tremblait de froid et de fatigue, totalement abattu. Un fin manteau blanc commençait doucement à recouvrir le sol de la cour. Honor avait toujours adoré la neige.

« Je... je suis désolé, pour Aelle...
Il n'y a rien à pardonner. »

Narcisse fronça les sourcils, et il redressa à nouveau la tête, incapable de comprendre.

« Tu ne l'as pas tué, tu sais. C’est elle qui a choisi. Pour la première fois dans sa vie, elle a pu accomplir quelque chose qu’elle voulait vraiment faire. »

Et pour la dernière fois, également. Aucun des deux n'eut besoin de prononcer ces mots, mais ils les entendirent tout de même. Les larmes continuaient de couler, mais les sanglots s'étaient tus. Une brise glaciale fit claquer la veste de Narcisse, et souleva les cheveux d'Honor. Il s'approcha d'elle, et posa sa main sur sa joue. Elle était glacée. Il ferma les yeux en secouant la tête, retenant un nouveau sanglot.

« Ne vois pas sa mort comme quelque chose d'attristant. Elle... Tu sais, vraiment, tu étais important, à ses yeux. D'une certaine manière, tu lui as offert un appui, tout le temps où vous vous êtes connu. Et elle a simplement estimé qu'elle devait...
S'il te plaît, ne dis plus rien. »

La voix de l'adolescent se brisa dans un sifflement aigu, et il prit sa mère par les épaules avant de tomber à genoux, pour l'attirer dans ses bras. Zikomo ne l'écouta pas.

« Elle ne voulait pas que tu te perdes. Je sais qu'au fond, elle est partie en étant heureuse de t'avoir empêché de mourir, et de pervertir tout ce qui faisait le Narcisse qu'elle connaissait. Elle ne l’aurait pas supporté.
Tais-toi, tais-toi, tais-toi... »

Les mots se perdaient au milieu des sanglots, résonnant dans la cour vide et froide. Les cadavres commencèrent à être recouverts. Le renard bleu se tourna vers Narcisse.

« Et pour Honor... C'est ainsi que les choses devaient se dérouler. C'est ta mère. Les parents meurent pour leurs enfants. C'est ainsi que fonctionne le monde. Elle a protégé ce qu'elle avait de plus cher à ses yeux, comme tu l'aurais fait. »

Les doigts de l'adolescent agrippèrent plus fortement les vêtements d'Honor, alors qu'il la serra contre lui de nouveau. Il hurlait, sa voix se brisait, à peine plus audible qu'un souffle, les larmes ruisselaient sur ses joues. Il voulait faire taire Zikomo, mais il était incapable de lâcher sa mère, ne serait-ce qu'un instant. Ce dernier se détourna, avant de bondir du rocher en prenant la direction du pont effondré, trottant légèrement, laissant à peine quelques traces dans la neige fraîche.

« Tu sais que ce n'est pas ce qu'elle voudrait. »

Narcisse rouvrit les yeux, prenant une grande inspiration.

Les sanglots cessèrent, les larmes gelèrent sur ses joues. Ses doigts caressèrent les cheveux de sa mère, avant de la ramener contre le rocher. S'essuyant le visage de la manche, il vint ensuite poser sa main sur sa poitrine.

Il leva le sort. Il était prêt à la laisser partir.

« Pardon... »

Plusieurs secondes s'écoulèrent, il sentait la magie abandonner le corps de sa mère, avant de s'évaporer dans l'air froid. Plusieurs secondes, il la regarda, espérant quelque chose d'autre que la simple réalité macabre. Mais rien. Rien. Il ferma les yeux, sentant une nouvelle vague de sanglots arriver, lorsque soudainement, les doigts d'Honor s'agitèrent. Il se figea, son visage se déforma. Un soubresaut, un réflexe, il écarquilla les yeux, déposant sa main sur la poitrine de sa mère. C'était impossible. Il n'entendit aucun battement de cœur. Et pourtant, il l'observa, dans une consternation mortelle, lentement lever sa main pour la déposer sur la joue de son fils. Ses dernières barrières cédèrent, les larmes roulèrent sur ses doigts lorsqu'il agrippa les doigts de sa mère.

Un nouveau hurlement de détresse, il se laissa tomber dans ses bras, la serrant aussi fort qu'il pouvait contre elle. Il se confondait en excuses, mélangeait ses mots, étouffait en tentant de parler, reniflait et sanglotait. Elle déposa calmement sa main sur ses cheveux, une autre sur sa nuque.

« Tout va bien. »

Il se força à prendre une grande inspiration au milieu de ses sanglots, avant de doucement s'écarter pour la regarder dans les yeux. Les tremblements redoublèrent, l'empêchant de reprendre son calme. Elle était tellement pâle, tellement vide, et lasse. Son visage était si neutre. Elle laissa glisser ses mains sur ses joues. Il observa avec horreur l'hémorragie de sa plaie béante reprendre, coulant lentement, faisant fondre la neige sur son passage. Il secoua la tête.

« Arrête, arrête, attends... Attends...
Je ne peux pas attendre. S'il te plaît, ne me prive pas de ce moment. »

Les yeux de Narcisse se fermèrent lorsque son visage se déforma de nouveau. Il inspira par les narines, puis essaye de repousser aussi puissamment qu'il le put la vague de peine qui l'empêchait de penser. Ce fut inefficace, mais il put tout de même la regarder de nouveau. Il agrippa avec douceur ses mains froides d'Honor. Il fut horrifié, elles étaient glacées. Il expira lentement, avant de hocher la tête, plongeant son regard dans celui de sa mère. Durant plusieurs secondes, aucun mot ne fut prononcé, elle se contenta de le regarder.

Il ne comprenait pas ce qu'il voyait.

« Pourquoi t'es pas fâchée ? Je... j'ai... je t'ai... Gouh... »

Sa gorge se serra, il inspira de nouveau, avant de souffler doucement. Il empoigna de toutes ses forces les doigts de sa mère.

« C'est moi qui t'ai fait ça... Alors, pourquoi t'es pas... pourquoi tu m'en veux pas ? Pourquoi t'es pas en colère ? Tu devrais être furieuse, tu devrais... tu devrais... Tu m'as toujours dit... tu m'as... tu disais toujours que la colère... qu'elle permettait de... qu'on...
Ce n'est pas la dernière chose que je veux ressentir. »

Un frisson traversa avec une lenteur douloureuse le corps de Narcisse. Il écarquilla les yeux, laissant couler librement ses larmes. Les yeux d'Honor aussi étaient emplis de perles salées. Elle n'avait plus la force de cligner des paupières pour les laisser couler. L'adolescent secoua la tête en la prenant par les épaules.

« Maman ! Tu... s'il te plaît... je suis désolé, je suis désolé, je suis désolé ! Je... s'il te plaît, me laisse pas... me laisse pas tout seul... J'ai besoin de toi, j'ai vraiment besoin de toi !
C'est ce que font les parents, mon chéri. Les parents meurent pour leurs enfants.
Mais j'ai besoin de toi maman, je veux pas que tu meures pour moi, je veux...

Il se figea. Son cœur manqua un battement. Ces mots... ces mots... Les larmes roulèrent encore et encore, inondant son visage et trempant ses vêtements. Ces mots, ce n'était pas la première fois qu'il les prononçait... mais la dernière fois... Il n'avait rien pu faire. Il n'avait rien pu faire pour la sauver. Sa main se plaqua sur son visage, il éclata en sanglots, ployant en avant, s'appuyant contre elle sans le vouloir. Elle l'accueillit dans ses bras, d'une force en apparence impossible pour quelqu'un de son état. Elle le berça doucement, et il la sentit sourire contre ses cheveux.

« Tu avais besoin de moi. »

Ses respirations convulsives stoppèrent brutalement. Il se figea. Durant un temps qui lui parut infini, il ne put rien faire d'autre que l'écouter, et la laisser lui caresser les cheveux en chuchotant à son oreille. Ses bras ballants gelaient dans la neige dans laquelle ils gisaient, elle les prit pour les déposer doucement sur son ventre. Il sentit le sang tiède. Il avait commencé à geler.

« Tu sais... tout ce que j'ai dit, dans la forêt... Je n'en pensais pas un mot. »

Un rire nerveux secoua l'adolescent, et il serra brusquement sa mère dans ses bras. Il voulut lui dire qu'il savait, qu'il n'y avait rien à pardonner, que tout allait bien, qu'il ne lui en voulait pas, qu'il l'aimait de toute son âme. Mais il ne put laisser échapper de sa gorge qu'un murmure inaudible, étouffé au milieu de ses pleurs.

« Tu n'es pas faible, mon chéri. Tu es fort, incroyablement fort. Davantage que je ne l'ai jamais été. Oh... Bloody hell, comme je regrette ce que j'ai dit. »

Il secoua la tête, puisant dans toutes ses réserves pour enfin réussir à parler. Lorsqu'il réussit, ce fut d'une voix abîmée, brisée par le chagrin.

« Trop tard pour les excuses, je t'ai déjà pardonné... »

Un rire sans force s'échappa de la gorge d'Honor. Elle toussa, cracha du sang, il s'écarta avant de déposer ses mains sur ses joues, essayant vainement de retenir ses larmes et ses plaintes. Il fut forcé de s'approcher du visage de sa mère, pour l'entendre, sa voix s'atténuait de seconde en seconde.

« Je n'ai jamais compris comment vous pouviez dire ça, toi et ton père... Bon sang, qu'est-ce que vous m'irritiez. »

Les dents de Narcisse claquèrent, il s'efforçait de respirer doucement, pour ne pas couvrir les paroles de sa mère.

« Il me manque... il me manque tellement…
Il me manque aussi maman... »

Elle le repoussa doucement, avant de prendre son visage entre ses mains froides. Il les sentit glisser sur ses joues, il les prit délicatement pour les maintenir là où elle voulait qu'elles soient. Il secoua la tête, essayant de ne pas détacher son regard du sien.

« Je sais pas ce que je vais faire sans toi... »

Elle sourit, et hocha imperceptiblement la tête.

« Je sais que tu feras au mieux, je te fais confiance. Je suis fière de toi, tu ne peux pas imaginer. J'ai toujours été fière de toi. Je suis tellement désolée de t'avoir fait vivre tout ça... Je regrette tellement. »

La bouche de Narcisse s'était ouverte sous ses pleurs. Honor agrippa plus fermement ses joues, il en profita pour venir poser ses mains sur les siennes, avant de toucher son front avec le sien, avec toute la délicatesse dont il put faire preuve.

« Arrête de t'excuser... Dis-moi autre chose, s'il te plaît. »

Une longue coulée de sang s'échappa de la bouche d'Honor, il la regarda avec horreur.

« Je t'aime mon chéri.
Je t'aime aussi maman. »

Lorsqu'il replongea son regard dans celui de sa mère, il frémit en constatant la pâleur de sa peau. Il caressa ses joues de ses pouces, frottant le bout de son nez contre le sien. Elle continuait de sourire, d'un air paisible.

« Tu as les mêmes yeux que ton père. Tu lui ressembles tellement... »

Il sanglota brusquement, avant de venir se mordre la lèvre inférieure jusqu'au sang pour contenir les suivants. Le silence se fit, le regard d'Honor sembla s'éteindre. Puis, après plusieurs secondes, il s'éclaira, et son sourire s'agrandit en s'illuminant.

« Oscar... Comme tu m'as manqué... »

Une vive douleur explosa dans la poitrine de Narcisse. Il se figea un instant, avant de fermer les yeux. Lorsqu'il les rouvrit, il souriait aussi, une larme roula sur sa joue. Il vit dans le regard de sa mère qu'elle ne le voyait plus. Il ne dit rien. Il ne voulait plus rien dire, il se contenta de la regarder. Les paupières d'Honor battirent faiblement.

« Si tu savais comme je suis désolée, j'aurais dû être là... Ce n'était qu'une petite grippe... J'espère que tu ne m'en veux pas. »

Il hésita, il détourna le regard un bref instant. Il se racla la gorge, avant de prendre une grande inspiration et de replonger ses yeux dans ceux de sa mère. Il modula doucement les tons de sa voix, essayant de reproduire celle de son père. Le fait qu'il se soit brisé la voix aidait grandement. Les pleurs redoublèrent.

« Ce n'est pas grave. Comment pourrais-je t'en vouloir ? C'est moi qui t'avais demandé de rester te reposer.
C'est vrai ? Oh... Si tu savais comme ça me rend heureuse... J'avais si peur que tu m'en veuilles. »

Narcisse sanglotait silencieusement, étouffant son envie de hurler toute sa douleur. Il observait avec une tristesse infinie et une souffrance indicible la vie s'éteindre doucement au fond des yeux de sa mère.

« J'aurais tellement aimé voir Narcisse grandir encore un peu... il a grandi si vite… et je l’ai vu si peu… j’aurais pu mieux m’occuper de lui… Il tient tellement de toi, tu sais ? »

Narcisse déposa un doux baiser sur le front de sa mère, avant de revenir coller le sien contre elle, pour prendre son visage entre ses mains. Sa voix tremblait.

« Tu as été incroyable. Je sais que Narcisse n'aurait pas pu rêver meilleure maman.
C'est vrai ?.. Ah... ça me rassure... Tu sais... »

Il l'entendit pousser son dernier souffle, il la prit dans ses bras en s'écroulant contre elle. Longtemps, il berça son corps contre le sien, laissant libre cours à ses sanglots, hurlant de tous ses poumons, pleurant à chaudes larmes. Ses doigts caressaient les cheveux de sa mère, aucun mot intelligible ne put franchir ses lèvres.

Il ignorait combien de temps il pleura ainsi, le monde autour de lui s'effaça pour le laisser en paix, lui et sa peine.

*
*---*

Lorsqu'il revint à lui, il était totalement gelé. Il tremblait de froid. Il avait soif, il avait mal, il ne sentait plus ses doigts. Le corps de sa mère était recouvert de neige, il n'osa pas la retirer. Quelques voix parvinrent enfin à ses oreilles, il leva la tête pour observer les alentours de ses yeux boursouflés.

Il était entouré de ses camarades et de ses professeurs. Tous et toutes se tenaient silencieusement, certains se protégeant de la neige de leur baguette, d'autres non. Certains pleuraient, d'autres non. L'adolescent se redressa très lentement, le visage froid et neutre. Il semblait taillé dans la pierre. Il reconnut beaucoup de visages. Énormément. Presque tous, en vérité. Tous ces gens, il les aimait, et il savait qu'en retour, eux aussi l'aimaient. Si de nature, savoir cela le rassurait, en cet instant, il ne ressentit qu'une sourde douleur et une profonde lassitude.

Il reconnut une petite boule rose posée sur son épaule, frissonnant de froid, mais refusant de bouger. Klee était là. Il posa sur elle un regard apaisé, il était étrangement heureux qu'elle soit ici. D'un battement de cils, il chassa la neige qui la recouvrait, et elle redressa la tête pour se blottir dans son épaule.

Elina s'approcha lentement, son visage était bandé au niveau de l'œil, l'un de ses bras était entouré d'une attelle. Serrant toujours sa mère dans ses bras, il lui lança un regard vide qui la fit blêmir. Elle l'observa un instant, avant de se racler la gorge.

« Il y a beaucoup de questions auxquelles tu vas devoir répondre... Mais pour l'instant, tu n'as plus de souci à te faire, il n'y a pas eu d'autres victimes que celles qui sont tombées ici. »

Il la regardait d'un œil morne. Cette nouvelle aurait dû le réjouir au-delà de toute limite, mais son cœur n'arrivait pas à s'en contenter. Ce n'était pas assez. Il baissa les yeux pour regarder sa mère.

« Narcisse... Écoute-moi bien, à partir de dorénavant, tu dois rester en dehors de tout ça. Tu ne dois plus rien faire, et on va s'occuper du reste, d'accord ? »

C'était tentant. Il le sentait au fond de lui, cette envie de tout déléguer, de s'enrouler au fond de son lit pour se laisser pleurer, encore et encore, et laisser faire. Il ferma les yeux, et ses doigts serrèrent les épaules de sa mère. Souplement, il la fit basculer afin de la prendre dans ses bras, et il se releva. Une main sous les genoux, l'autre sous le torse, il avait ramené ses bras sur sa poitrine, pour qu'ils ne pendent pas dans le vide. Sa tête reposait sur son épaule, pour qu'elle ne brinqueballe pas hors de sa portée. Il pencha son front sur le sien, avant de relever la tête en regardant Elina.

Elle recula d'un pas, il ignorait pourquoi, et il s'en foutait. Il s'exprima d'une voix sans vie.

« C'est vous qui allez m'écouter. »

Il regarda autour de lui. Certains de ses camarades le soutenaient du regard, beaucoup en réalité, il en ressentit un pincement au cœur. Il voulait que plus personne ne meure pour lui. Plus personne ne souffrirait pour lui, plus jamais. Il se dressa de toute sa taille.

« Vous, vous allez vous occuper de Poudlard, et de tous ses occupants. Vous ne ferez rien d'autre. Et moi, je m'occupe du reste.
Narcisse...
Je n'ai pas terminé. »

Sa voix gronda malgré lui, causant un souffle de vent plus puissant que les autres, résonnant dans la cour. Ses cheveux se dressèrent sur sa tête.

« À partir d'aujourd'hui, cette école et tous ses occupants sont sous ma protection. Ils le seront aussi longtemps que je vivrai. Vous vous chargerez de diffuser ce message. Et moi, je m'occuperai du Conseil. »

Son regard la fixa encore un instant, jusqu'à ce qu'elle soupire, et finisse par hocher la tête. Il hocha la sienne en retour, avant de commencer à prendre la direction du pont, partiellement reconstruit. Combien de temps était-il resté à pleurer sur le sol ? Les nuages blancs obstruant le ciel ne lui donnaient aucune indication du temps qui s'était écoulé. Il marchait lentement.

« J'ai juste une petite chose à faire, avant. »

Il baissa son regard pour regarder le visage souriant d'Honor. Il détourna les yeux, ignorant les larmes qui s'étaient remises à couler. Elle passait d'abord. Les gens s'écartèrent sur son passage, certains lui touchèrent l'épaule, d'autres lui adressèrent un regard de soutien. Il voulait les oublier, il voulait s'en éloigner. Il devait s'en éloigner. Moins il serait aimé, moins les gens seraient prêts à se sacrifier pour lui.

Plus jamais.

Lorsqu'il eut enfin dépassé la masse, quelques voix retentirent derrière lui. Il crut en reconnaître certaines, il préféra ne pas se remémorer les noms. Il y en avait tant... Pourquoi les gens l'aimaient-ils tant ? Il serra les dents. Il aimait les autres, il les aimait de tout son cœur, et c'est bien pour cela qu'il devait s'en éloigner le plus possible. Son pied crissa dans la neige alors qu'il fit un autre pas, atteignant la porte du pont couvert.

Zikomo apparut alors de derrière un tas de décombres, trottant dans sa direction, avant de bondir pour se poser sur son épaule. Narcisse réussit à lui adresser un regard, mais ne s'arrêta pas. Klee s'était déjà endormi, il fit bien attention de ne pas la laisser tomber.

Le petit renard tenait entre ses dents la baguette de Sureau, et un collier avec une petite pierre blanche, noircie de carbone. L'adolescent détourna le regard, sans poser de questions. Il avait eu droit à son moment de deuil, il laissa au renard le sien. Aucun mot n'aurait pu suffire. Ses pas résonnaient dans la neige tassée, craquant la couche gelée qui le séparait du pont de pierre. Il avançait sans faiblir, et chaque pas qu'il faisait l'emplissait d'une résolution nouvelle.

Lorsqu'il arriva enfin au bout du pont, il se tourna vers Poudlard. Au loin, il aperçut la foule des élèves et des professeurs. Il ne pensa pas à son diplôme qu'il n'avait pas encore pu passer, aux cours qu'il n'avait pas pu terminer. Il ne pensa pas non plus à l'école qu'il ne pourrait plus intégrer, à son avenir désormais bouleversé. Il ne pensa pas non plus à sa vie, qu'il avait mené comme le plus heureux des hommes, insouciant et paisible. Non, il ne pensa pas à tout cela. Tout du moins, il évita de s'y attarder.

Pour le moment, il y avait un endroit où il devait se rendre, une clairière au sommet d'une colline, au centre de laquelle trônait un grand chêne mort. Le reste pouvait attendre.

Il se détourna, un claquement de fouet brisa le silence, il disparut. La neige flottait délicatement dans l’air, tombant à gros flocons. Le vent s’était tu. Un rayon de soleil perça enfin au travers de la couche nuageuse, éclairant le château et ses alentours au travers de la poudreuse recouvrant doucement le paysage.

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2A RP - 13 ans - 1m40
Avatar par Merinda Swart