Le maintien précaire que lui avait offert Alyssa ne permit pas à Éli d'éviter la chute prévisible, entrainant sa camarade à tomber avec elle sur la pierre dure et froide. Au sol, essayant de se rasseoir contre le mur pendant qu'Aly se dégageait elle aussi de leur enchevêtrement fracassant, Éli accusa le coup des paroles que lui lança, énervée, Alyssa. Elle n'avait plus le choix ? En effet, sans le savoir la Gryffondor n'avait pas tort, Éli n'avait plus le choix, même si elle avait tenté de repousser un maximum l'échéance, aujourd'hui la Poufsouffle se retrouvait au pied du mur, il fallait qu'elle lui parle maintenant de sa récente conversation avec Miss Lloyd, et de tout le reste.

- Non, s'te plaît attends.... La rapidité avec laquelle elle venait de lui répondre, et la supplication qu'elle mit dans sa voix présageait déjà du sérieux de la discussion qui allait suivre. J'ai pas b'soin d'aller à l'infirmerie... parc'que j'sais déjà c'que j'ai, et ça sert à rien.

Au vu leurs rapports de plus en plus conflictuels, avouer à Alyssa sa faiblesse la plus incontrôlable, le point culminant de sa vulnérabilité, n'était franchement pas ce qu'elle avait prévue, mais se faire emmener de force à l'infirmerie par sa pire ennemie, et potentiellement croiser en plus le regard réprobateur de Mister O'Belt l'était encore moins.

Résignée, cherchant à regarder tout sauf en direction de sa camarade, Éli espérait juste qu'en souvenir de leur ancienne amitié, Alyssa ne tenterait pas de faire mauvais usage des informations qu'Éli allait lui confier.

C'était d'un air furibond qu'Alyssa contemplait maintenant Éli, après s'être rapidement dépêtrée de leur chute en chœur en ayant reculé jusqu'au mur dans son dos. La Poufsouffle se retrouvait maintenant face à elle et la blondinette se redressa pour la jauger de toute sa hauteur -soit 1m45 maximum. Rien que le regard noisette de son ancienne amie l'insupportait au plus haut point et il lui tardait de finalement l'amener jusqu'à l'infirmerie : juste la déposer devant la porte et frapper comme pour un croup perdu, parfait.

Alyssa était sur ce coup de très mauvaise foi, car il y avait bien une infime fraction de son cœur qui ressentait une légère inquiétude à propos de son ex-amie ; mais cette dernière était bien cachée. Alors qu'elle était sur le point de se rapprocher à nouveau d'Éli, un vague air de dégoût planant sur son visage, celle-ci répondit bien trop rapidement. La blondinette s'immobilisa, le regard maintenant méfiant. Ses sourcils se froncèrent alors aux mots que prononça la Poufsouffle sur un ton qui frôlait la confidence.

Mais cela n'était pas suffisant pour ramollir sa vigilance ou endormir sa méfiance, Alyssa était bien déterminée à ne pas tomber dans un nouveau piège de la brune et s'efforça ainsi de ne pas trop réfléchir à la signification que pouvaient avoir les paroles de son ennemie. Ainsi, dans un pur geste de défense, la jeune fille croisa les bras contre sa poitrine, continuant de jauger Éli de son regard d'un bleu glacial. Elle répondit sèchement :

- T'as deux minutes pour m'expliquer sinon je vais directement chercher Monsieur O'Belt ou n'importe quel autre adulte.

Deux minutes étaient déjà un sacrifice immense de l'humble avis d'Alyssa. Elle regardait de ses yeux clairs emplis de mécontentement Éli, n'ayant qu'une seule envie : s'éloigner au plus vite. Mais, Alyssa n'éprouvait donc pas une seule once de curiosité quand à l'état de son ancienne amie ?

Éli finit par reposer son regard sur Alyssa, qui entre temps avait adopté une posture qui semblait contenir toute la force de sa méfiance et de sa colère envers elle. Deux minutes, elle ne lui laissait que deux minutes pour la convaincre de lâcher l'affaire, et cette échéance accompagnée du nom de l'infirmier prononcé à haute voix, serra encore un peu plus la gorge d'Éli.

Même si toutes les personnes assez proches d'elle étaient au courant maintenant, raconter une nouvelle fois ce qu'elle avait de plus affaiblissant à ses yeux, n'était jamais anodin pour la jeune fille. Ça lui coûtait d'autant plus, qu'Alyssa était en position de force, debout devant elle au sol, et lui renvoyait déjà des signaux négatifs, comme si rien de ce qu'elle dirait n'allait de toute façon, changer ce que la Griffonne comptait faire juste après ces deux minutes. Comme si sa décision était déjà prise avant même qu'elle ne prononce un mot d'explication, qu'elle lui laissait juste quelques minutes de répit avant de prendre la route de l'infirmerie, peu importe les révélations qu'elle lui ferait.

Malgré tout, Éli n'avait pas vraiment le choix que d'essayer de la faire renoncer à son projet, mais en deux minutes, elle n'avait franchement pas le temps de rentrer dans les détails, il fallait faire vite et concis.
- Une Erisciusitelle, c'est ça qu'j'ai. Et j'ai mes règles aussi si tu veux tout savoir, et comme par hasard, j'viens d'apprendre y'a pas longtemps, qu'ça rajoute des symptômes à ma maladie parfois. Et le sport de tout à l'heure ça a amplifié un peu tout. Voilà, t'es contente ? Pas besoin d'culpabilisé d'me laisser ici. Je sais m'débrouiller, c'est pas la première fois.

Bien qu'Alyssa avait accordé deux minutes de sursis à Éli et que cette dernière semblait dans les plus bas de sa forme, la blondinette ne se gênait pas pour la fusiller autant que possible de son regard clair aussi tranchant que de l'acier. Qu'est-ce que cela pouvait lui faire du bien pour contrer cet étrange pouvoir que la Poufsouffle semblait posséder pour faire monter drastiquement la tension en son cœur. De toutes manières, Alyssa ne s'attendait pas à recevoir une réponse d'Éli.

Son ex-amie qui n'avait pas hésité à battre en retraite du duel que la Gryffondor avait presque supplié quelques semaines plus tôt puis qui avait éludé sa provocation lors de l'atelier secourisme, non elle allait sans aucun doute fuir une nouvelle fois. Eh bien... Heureusement que le regard d'Alyssa était aussi glacial que la banquise car il aurait sans aucun doute vacillé dans le cas contraire, sous la surprise de la brutale révélation d'Éli.

Enfin... Une révélation... Cette dernière ne signifiait pas grand chose en fait pour Alyssa.

- C'est quoi ?, la question avait franchit d'un coup les lèvres de la Gryffondor. Elle se reprit rapidement avant de continuer : J'veux dire pas les règles hein. Mais une Eritisiselle ?

A vrai dire... Pour les règles non plus le tour d'Alyssa n'était pas encore venu : même si elle connaissait vite fait le principe elle ne l'avait pas vécu pour autant. Mais son écorchage involontaire de l'étrange mot qu'avait sortit Éli montrait bien que ce nom ne lui évoquait strictement rien. On pouvait toutefois remercier la curiosité de la Gryffondor qui avait prit le dessus sur sa mauvaise foi qui n'aurait pas hésité à lui faire penser que son ex-amie se payait simplement de sa tête.

Éli s'attendait tellement à ce que la griffonne ne relève même pas ses paroles, que lorsqu'elle l'entendit prononcer sa question, signe d'un soupçon d'intérêt pour ce qu'elle venait de lui dire, la Poufsouffle arrêta enfin de l'éviter, et plongea son regard dans celui de sa camarade pour répondre.

- c'est...Erisciusitelle en fait, mais normal que tu connaisses pas, c'est pas méga courant non plus. C'est une maladie qu'j'ai depuis 5-6 ans, enfin j'le savais pas que j'l'avait. Les médecins moldus pensaient qu'à huit ans j'avais fait une méningite, mais non, en vrai c'était un virus magique que Mister O'Belt à trouvé en faisant des examens l'année dernière quand j'ai commencé à avoir pas mal de migraines qui revenaient.

Lorsqu'elle même avait entendu tout ça la première fois chez le pediatromage, Éli n'avait pas très bien visualisé l'impact qu'aurait cette maladie dans sa vie, et meme si maintenant, c'etait devenu quelques chose qui faisait parti d'elle, et qui ne l'handicapé pas tant que ça, elle ne voulait pas qu'Alyssa se fasse des films en entendant une explication abstraite. Elle n'avait que deux minutes, il fallait faire simple.

C'est comme un truc qui dort dans mon cerveau, et en gros ça fou l'bordel dans mes hormones parfois. Quand j'suis genre fort stressée, ou qu'j'ai des trop grosses émotions, ben il s'réveille, j'prends des potions pour plus avoir mal quand ça arrivent, et Miss vermillon m'aide beaucoup à gérer mon stress pour éviter les crises. Enfin voila c'est juste...chiant, mais c'est surtout des grosses migraines, et j'ai déjà eu des malaises aussi, mais quand j'étais vraiment vraiment pas bien, l'truc c'est qu'là, avec les règles ben ça rajoute des nouveau symptômes. C'est pas grave, juste... le sport, la retenue, et... toi et red' pour voir ça, c'etait...trop. Mais, je sais c'que j'ai, et je gère, donc c'est bon tu peux m'laisser.

Alyssa gardait les sourcils froncés, mais cette fois ce n'était pas en signe d'énervement envers Éli... Sans aucun doute pour la seule et unique fois de l'année depuis qu'elle avait entendu son nom sortir parmi les coupables de l'incident des barques. La jeune fille écouta avec attention les paroles de la Poufsouffle, plongée dans une concentration si rare qu'il était étrange de la voir marquée sur son visage maintenant si sérieux.

Même ce contact visuel avec les yeux d'Éli, elle ne chercha pas à le rompre, bien trop occupée à essayer de comprendre ce qu'expliquait son ex-amie pour la fusiller du regard. Une méningite ? Alyssa ne connaissait même pas ce mot moldu, mais elle trouvait cela d'autant plus étrange qu'un virus finalement magique ait été détecté aussi tard chez la Poufsouffle. Pourtant, pas une seconde elle ne songea à mettre ses paroles en doute.

Lorsqu'Éli évoqua ses symptômes, Alyssa commença à tiquer. On sentait son dérangement vis à vis des paroles de la brune, et pourtant la Gryffondor elle-même ne saurait vraiment expliquer pourquoi. Les sourcils de plus en plus froncés, la mine plus songeuse que jamais, la blondinette finit par vraiment tiquer en s'entendant dans la même phrase que Redose. Il venait faire quoi ici, lui, encore ? Peu importe.

Alyssa prit une inspiration, éventuellement disposée à faire des efforts (pour une fois) et demanda alors :

- Donc faut te laisser ici ? Tu dois attendre puis tu pourras retourner au dortoir ? Faut pas que quelqu'un t'accompagne ?

En tous cas la Poufsouffle semblait gérer et l'empathie d'Alyssa atteignait bien rapidement ses limites face à elle. Et puis la maladie de son ex-amie ne l'avait pas empêchée de la frapper dans leur duel supposé être magique, sans oublier ses sales coups avec Peeves ou encore les feux d'artifice à la traversée en barques. Par Merlin, l'esprit d'Alyssa dérivait déjà.

- Et c'est à cause de ta maladie tout ce que t'as pu me faire ?, rajouta soudainement la blondinette d'un ton tranchant alors que son semblant de calme était en train de se retirer de son corps dans un fourmillement de colère.

Une fois la fin de son explication donnée, Éli attendit la réaction de la blonde dans une espèce d'état second, crispée et en apnée, attendant que sa camarade prenne position de son côté, ou qu'elle lui fasse comprendre qu'elle se fichait de tout ça, que ça ne changé rien.

Lorsqu'elle la vit enfin prendre une grande respiration, annonçant une potentielle réponse, la Poufsouffle, tout en maintenant le contact visuel qu'elles avaient toujours, baissa légèrement son intensité et ses épaules, comme si elle s'attendait sans aucun doute, à accueillir la colère. À la place, elle fut surprise de constater que la griffonne lui donner le choix de son sort, acquiesçant immédiatement en détournant enfin le regard, Éli se sentit soulagée de pouvoir gérer ça dans son coin.

Pourtant, elle n'entendait toujours pas la démarche de son ex amie s'éloigner, pourquoi restait elle ? La jeune fille eut très vite sa réponse, lorsqu'une autre question vint cette fois percuter ses tympans déjà bourdonnant, d'une attaque à peine dissimulée. Mais c'était une bonne question, à laquelle Éli n'avait pas vraiment de réponse claire à lui donner.

Bien sûr que depuis son diagnostic, tout avait changé, et sa perception des choses étaient devenue différente. Inconsciemment, elle avait voulu revendiquer sa force, et son pouvoir sur les autres, puisqu'au fond elle se sentait tellement affaiblie d'être parfois dominé par ce virus qu'elle ne contrôler pas, et dont elle ne pourrait jamais se débarrasser. Oui, peut-être qu'inconsciemment, elle avait agi en dépassant le plus de limite possible, juste pour se prouver qu'elle pouvait encore contrôler quelque chose, pour donner l'image de quelqu'un de fort qui ne se pliait pas sous les coups, sous les retenues, et qui n'en avait rien à faire de se heurter. Mais affirmer à Alyssa que sa maladie était responsable de tout, non, c'était un mensonge.

Évitant toujours son regard, elle serra les mâchoires, baissa la tète et d'un geste de droite à gauche, lui répondit un non silencieux.

Parfait. Éli avait acquiescé. Alyssa pouvait donc la laisser seule dans ce couloir et retourner vaquer à ses occupations ; la Poufsouffle avait juste besoin d'un peu de temps pour se remettre de sa... crise ? De son état ? Peu importe. Le seul élément significatif pour la blondinette était que son ex-amie pouvait se débrouiller seule, maladie ou non, et qu'il n'y avait ainsi nul besoin de l'accompagner à l'infirmerie. A vrai dire, cela arrangeait plutôt bien Alyssa qui n'avait pas la moindre envie du monde de rester encore plus longtemps en compagnie de cette fille aux épaules basses assise face à elle. Son esprit avait refusé de la laisser souffrante ici mais ce n'était pas pour autant qu'elle était prête à lui accorder toutes les grâces du monde.

Cependant, alors que tout ce que criait son corps, c'était la nécessité de mettre à nouveau le plus de distance entre son ennemie et elle, l'esprit de la jeune fille lui avait subitement fait remonter tous les actes d'Éli qui l'avait tant fait souffrir. Et, sur ce, Alyssa n'avait pu s'empêcher de poser la question. Le cœur bien plus battant qu'elle ne l'avouerait jamais, la blondinette fixait maintenant intensément la Poufsouffle au regard fuyant, sentant peu à peu la colère l'envahir insidieusement. Elle attendait, elle attendait quelle excuse Éli allait bien encore pouvoir inventer. Allait-elle nier ? Ou au contraire prendre sa maladie comme excuse ? Ou carrément lui révéler que cette maladie était la véritable raison de ses persécutions plus ou moins involontaires ?

En réalité Alyssa ne le savait elle-même, ce qu'elle espérait. Juste... Elle voulait savoir. Son regard clair, étrangement calme en dépit du tumulte d'émotions s'élevant en elle, restait posé sur les cheveux bruns de sa camarade. Cela lui parut être des heures avant qu'Éli n'esquisse une réaction... Tourner la tête une fois à droite, une fois à gauche. L'air dans les poumons d'Alyssa se chassa d'un coup alors que ses poings se serrèrent. Pas une réponse, pas une explication, juste une négation signée par un signe de tête. Les doigts de la blondinette tremblaient tellement elle essayait de se contenir -en grande partie à cause de l'état de la Poufsouffle qu'une seule et unique petite parcelle de son cœur jugeait encore préoccupant. La jeune fille inspira, expira.

OK... Elle parvenait à garder la main sur ses émotions. Il n'y aurait cette fois ni opposition, ni bagarre, ni duel. Alyssa s'en irait enfin la tête réellement haute, ce ne sera plus que du spectacle. Mais avant cela, il fallait au moins qu'elle dise quelque chose. Ses yeux bleus, aussi peu expressifs qu'une pierre froide, braqués sur son ex-amie qui la fuyait littéralement du regard, elle lâcha finalement :

- T'aurais au moins pu me le dire en face.

Et sur ce, la blonde tourna les talons dans le but de regagner la Salle Commune de Gryffondor. Sans doute en son fort intérieur, elle regrettait franchement que la maladie d'Éli ne puisse excuser tous ces actes qui l'avaient tant blessée, mais ça jamais Alyssa se l'avouerait.