Quand le garçon passe le bras autour de ses épaules, elle fut gênée, un instant, mais, peu à peu, elle se calma. Il avait quelque chose de rassurant dans sa façon de parler, et c’était évident qu’il était gentil, comme beaucoup d’élèves ici en fait. Elle était vraiment bête de s’affoler alors que personne ne serait méchant avec elle ici ! Si elle parvenait à poser ses questions, même si c’était pas simple, on ne la jugerait pas, contrairement à ce qu’il s’était passé l’été dernier.

Après un instant, elle reprit la parole, peu assurée, mais c’était déjà ça.

Mmmm… je… Lily… j’m’appelle Lily… Merci...

Elle prit alors sur elle pour ne pas renoncer. Elle était venue pour quelque chose, elle devait le faire, c’était logique, non ? En fait, elle était ridicule à trop réfléchir comme ça. Allez, elle prit une inspiration et se lança.

Euh… du coup euh… j’sais pas trop comment dire… euh… bah… En fait, j’étais persuadée qu’j’aimais les garçons…. même qu’un jour je… j’étais amoureuse et… et… et y’a pas longtemps, je… chuis tombée amoureuse euh… d’une fille. Et… du coup… quand j’ai vu l’affiche de l’atelier… j’ai fait des r’cherches et… j’crois qu’ça m’concerne mais… j’y connais rien…

Enfin, elle respira, et baissa encore les yeux. On l’avait connue plus courageuse.

Mon intervention semble avoir soulevé plus de nouvelles questions qu'elle n'a apporté de réponses. Étonnamment, je réalise que Nico Ferrell m'agace un peu moins qu'une poignée de minutes auparavant. Le soleil m'a-t-il tapé trop fort sur la tête ? Je me posais les mêmes questions que lui à son âge, même si statistiquement il y a peu de chances pour que mes réponses soient également les siennes.

« Oui, on peut être une fille et un garçon en même temps. On peut aussi être ni l'un ni l'autre, ou un mélange des deux. » Techniquement, ce n'est pas tout, mais si les yeux de ce garçon s'écarquillent davantage j'ai bien peur qu'elles finissent par sortir de leurs orbites. « Ta question, personne ne peut y répondre pour toi. Mais si jusqu'ici ça ne t'a jamais vraiment dérangé d'être un garçon, alors il y a de fortes chances pour que tu en sois effectivement un, Nico Ferrell. »

@Nico Ferrell

Les conversations fusaient de part et d'autre, les éclats de voix ricochaient contre les tempes de Sunday et il se recroquevilla dans une coquille de silence, comme un escargot le ferait après que ses yeux aient touché quelque chose d'imprévu.
Son attention fut capturée par la conversation entre Nico et Lest, ou Ada, dont l'identité lui parut bien énigmatique — pas à cause de ce qu'elle expliquait sur son genre, mais parce que Sunday ne l'avait même pas remarqué dans la serre, comme si elle n'avait été qu'une ombre tout ce temps et qu'elle avait surgi hors du mur quand personne ne s'y attendait. Puis ses oreilles furent cette fois attirées par la petite voix de la dénommée Lily qui semblait avoir une expérience différente des ignorants ici. Rassuré de savoir qu'il n'est pas seul, bien qu'il n'ait jamais ressenti de réels sentiments amoureux pour qui que ce soit, le garçon sentit son corps se détendre légèrement. Finalement, il reprit l'écoute distraite de la conversation de son ami et de Lest, plus par défaut que par réel intérêt.

Quand le Serpentard qui était à mes côtés répondit à ma question, ce fut comme si ma perception du monde venait de voler en éclat. Tout ce que j'avais toujours pensé acquit, normal, n'était en vérité qu'une mascarade qui cachait bien plus que ce qu'on m'avait dit.

J'acquiesçai au garçon avant d'aller me mettre un peu seul dans mon coin pour digérer tout ça. On peut aimer les garçons ? Mais... C'est pas normal ! Enfin, je veux dire, mes parents m'ont toujours dit que, plus tard, je trouverai une femme, pareil pour Bran. Et Deryn, elle, ça sera un homme. Était-ce donc possible d'aimer quelqu'un d'autre ?

J'ai l'impression de ne plus me connaître. Non, de toute façon, c'est pas parce qu'il se passe des trucs bizarres quand je suis en présence d'Alex que je l'aime. Oui, c'est juste car c'est un très bon ami, rien de plus.

L'attention immédiatement acquise par des dessins de drapeaux arcs-en-ciel, Elian semblait élire son préféré - non pas en matière de définitions ou proximité émotionnelle mais en fonction des couleurs qui lui plaisaient le plus. A quel moment était-il apparu dans la serre ? Il y passait tellement de temps que, parfois, on pouvait légitimement se demander s'il n'avait pas fini par s'implanter dans cet écosystème comme une véritable plante... Heureusement, Elian semblait encore pouvoir se mouvoir puisqu'il relevait par moment les bras, comparant le dégradé orangé de son revers de cape papillon à celui du pays Lesbien - même si le violet du drapeau gâchait un peu cette tentative de rapprochement. A battre ainsi des ailes devant l'affiche, le garçon ressemblait à une créature venant de reconnaitre ses pairs et qui adoptait un comportement prénuptial.

Si sa cape de grand monarque n'était pas réellement aux couleurs d'un des drapeaux, Elian pensait bien davantage au bracelet qu'il allait pouvoir confectionner. Son désintéressement provenait sûrement du fait qu'il estimait avoir déjà intégré qu'un sorcier pouvait aimer un autre sorcier. Il fallait dire que lui-même avait parfois un comportement aussi hétérosexuel qu'un pingouin mâle chapardant l'œuf d'une femelle pour le couver avec un autre pingouin mâle. Elian baissa les bras, cherchant déjà d'un air impatient les matériaux qui serviraient à créer des bijoux.

« Sentez-vous libres de continuer vos discussions à loisir » interrompit doucement Sigmund, « je vous informe juste que je mets à votre disposition tout le nécessaire pour créer des pins et divers petits bijoux. N'hésitez pas à vous servir et à bricoler ce que vous voulez, pour vous ou vos amis. » Les deux petits bacs de fournitures s'élevèrent dans les airs et vinrent se déposer sur la table, au milieu des étudiant.e.s. L'un des deux contenait tout un tas de perles, de breloques et fils divers, accompagnés d'accroches en métal, de ciseaux et d'aiguilles magiques prêtes à enfiler les perles à votre place. L'autre était rempli de papiers colorés, de fournitures diverses, de matériel à dessin et d'une étrange machine claquant son métal frénétiquement sur ses parois comme une goule furieuse. Sigmund flatta légèrement un côté, ce qui eut l'effet instantané de calmer la bête. « pour la machine à badges, mettez le nécessaire au centre, puis tapotez le dessus trois fois avec votre baguette magique. Attention aux doigts. » Il fit également venir les boissons et les petits gâteaux, intacts depuis le début de l'atelier, et invita les enfants à se servir. « Pour toute question, Owen et moi restons dans les parages, n'hésitez pas ! »

L'attention de Sunday s'était dissipée comme des graines de pollen lorsqu'on traverse un champ de pissenlits : discuter ne l'intéressait plus du tout. Le Serpentard prit l'invitation du professeur Charleston comme une délivrance. Davantage pour se sauver des discussions que par réel intérêt artistique, il prit la liberté de s'installer au coin de la table, éloigné des autres. Il se pencha pour attraper quelques perles, les auscultant du regard tout en essayant de comprendre comment il était censé procéder pour créer un bracelet. Son collier de pâtes à l'école maternelle était le seul bijou qu'il avait un jour crée, et celui-ci avait fait rire ses parents tant le choix des pâtes et leur arrangement était peu conventionnel.
Dans la même logique, il attrapa un fil, le coupa bien trop grand — son poignet était trois fois trop petits pour permettre au bracelet de bien tenir — et enfila des perles de manière hasardeuses petit à petit, sans même faire un noeud pour ne pas qu'elles tombent de l'autre côté. À chaque fois qu'une perle retombait sur la table, refusant sa destinée de perle à bracelet, Sunday râlait sans comprendre qu'il était responsable de la situation. Si on tendait l'oreille, on pouvait l'entendre respirer bruyamment et murmurer des mots inintelligibles, fondant sa concentration sur ce monologue.

Edwin sourit doucement à la fille qu'il câline toujours d'un bras avant de baisser sa main dans son dos pour lui frotter. Rassurant, il lui chuchote : C'est pas un secret, mais moi aussi j'aime les filles et les garçons. Alors tu peux me parler, si tu veux, je pourrais t'aider pour des questions. J'ai déjà parlé avec Owen de tout ça. Il se tait le temps d'écouter l'annonce du professeur Charleston et lui fait un grand sourire : quelle superbe idée ! Edwin adore bricoler, et il n'a encore jamais eu l'occasion de faire des pins. Allez viens ! dit-il à la Gryffondor On va papoter en dessinant, ce sera plus sympa. Et puis fit-il en remarquant la détresse apparente du petit Vandermeer Si on va pas aider Sunday, il va suffoquer de frustration.

Edwin tira la fille après lui, mais en lui laissant la possibilité de ne pas le suivre si elle le voulait. Il s'approcha de la table et se laissa tomber sans aucune grâce sur la chaise à côté de Sunday. Fais un nœud, ça va garder les perles dessus. Tu veux que j't'aide ? En attendant la réponse, il en profite pour récupérer le matériel nécessaire à la réalisation d'un pins coloré, comme celui d'Owen, et un aux couleurs de la cape du professeur.

Quelques élèves se dirigeaient timidement vers la confection de pins et de bijoux. L'atelier avait été animé et les conversations semblaient désormais toucher à leur fin -tout comme ce temps d'échange qui fermerait ses portes un petit quart d'heure plus tard. L'expérience avait été intéressante et il n'avait pas échappé à Sigmund que les plus jeunes semblaient fort peu renseignés sur des problématiques pourtant importantes, que l'on soit concernés ou non. Il faudrait, se disait-il, réitérer ces temps d'échange en dehors du mois des fiertés. Peut-être y aurait-il de quoi mettre en place une permanence mensuelle ? L'idée était à creuser ! D'ailleurs, il allait aussi falloir en toucher un mot à Mia. Et à la direction, très accessoirement.

En attendant, Sigmund comptait bien mettre ce temps calme à profit pour confectionner lui aussi un petit quelque chose. « Moi, je vais faire un bracelet ! » indiqua le professeur à voix haute, surtout pour lui-même. Il commença par fixer les attaches, ses gros doigts se révélant étonnamment plutôt habiles, puis il glissa de nombreuses perles et breloques dans des teintes plutôt discrètes. Celui-ci serait pour Elina Montmort, parce que c'était quand même bien gentil de l'avoir embauché quelques mois plus tôt, et il ne l'avait jamais remerciée autrement que par quelques fleurs et biscuits.

Information : L'atelier se termine le 30 juin, 23h59. Il vous reste donc quelques jours pour conclure vos échanges si vous le souhaitez.

La bulle de solitude de Sunday fut percée par un Edwin chaleureux. Si les deux Serpentard n'avaient jamais vraiment échangé, Sunday savait que son aîné n'était pas contre les nés-moldus. Ce fait seul était suffisant pour le première année, les interactions en salle commune de Serpentard lui ayant laissé un goût amer.
S'il n'aimait pas beaucoup les conseils, la frustration eut raison de sa fierté et il ne se fit pas prier pour faire un nœud comme l'avait suggéré Edwin.
— Oh, okay je crois que j'y arrive, merci, murmura-t-il, la voix voilée, écrasée par toute la concentration qu'il mettait dans le nouage du fil. Puis, comme si une pensée avait bousculé ses intentions, Sunday glissa son regard sur le visage d'Edwin, avant de regarder Sigmund, puis Lily. Cette observation remplit un petit quelque chose en lui et réchauffa son cœur sans qu'il n'en comprenne l'implication — savoir qu'il n'était pas tout seul avait un goût de chocolat chaud à la cannelle en plein mois de décembre.

Son « bracelet » était peu rempli : il s'agissait de quelques perles qui reprenaient les couleurs du drapeau de la pansexualité. Comme un aveu, il repoussa légèrement le bracelet — qui était en fait, simplement, un fil orné de perles — au milieu de la table, annonçant dans un silence ce pour quoi il était venu.