Kristen enregistre tous ces noms dans son esprit. Certains lui disent vaguement quelque chose, notamment Marty Lamberts, qui était un redoutable concurrent en Défense contre les Forces du Mal – ils se battaient toujours, très dignement et sans se l’avouer, pour avoir les meilleures notes dans cette matière - mais Kristen l’avait toujours considéré, par principe de fierté, comme un sérieux boulet, et elle se trouvait de toute façon bien meilleure que lui.

Du bout de ses doigts gantés, Kristen tente d’ouvrir la porte. Évidemment, cela ne fonctionne pas, la poignée reste même complètement immobile. Kristen réfléchit pendant quelques minutes. L'idée d'abandonner ne lui vient pas à l'esprit, elle s'est un peu malgré elle engouffrée dans cette aventure, cette longue énigme nocturne. Détruire la porte serait une solution, mais trop peu subtile pour que Kristen puisse l'envisager sérieusement. S'il elle avait été à la place de la bande d'Aidan, elle aurait pensé à armer cette porte contre les personnes un peu trop entreprenantes qui auraient voulu la forcer. Elle faisait l'honneur à cette bande d'oiseaux de les imaginer à peu près aussi intelligents qu'elle pour ce qui était de protéger leurs petits secrets.

Soudain, elle regarde sa montre et s’assied sur un fauteuil. Elle reste ainsi pendant une heure entière, à fixer la porte, et de temps en temps, elle vérifie l’heure sur sa montre. Lorsqu’une heure est passée, Kristen se relève et déchire une page d’un livre, qu’elle met dans sa poche, après en avoir déchiré le haut et le bas à la verticale par deux endroits. Ensuite, elle se dirige vers la porte verrouillée et pointe sa baguette en sa direction. Elle la fait sauter avec un maléfice explosif. Elle s’introduit par le trou dans la porte et regarde autour d'elle. Puis, elle sort un petit objet de sous son vêtement. C’est le Retourneur de Temps. Elle fait un tour, afin de retourner une heure en arrière, c'est-à-dire avant qu’elle ne détruise la porte, lorsqu’elle venait juste de prendre place sur un fauteuil, de l’autre côté de cette porte.

La pièce a repris son aspect originel sous l’effet du retourneur de temps. Des coupures de presse recouvrent tous les murs de cette pièce vidée de toute fioriture. Très vite, l’intérêt de cette pièce secrète saute aux yeux de Kristen : elle repère sur plusieurs coupures les noms qu’elle a vus plus tôt dans la soirée. Elle comprend assez vite que plusieurs « accidents » impliquant la famille des douze de la bande de Serdaigle qu’elle a découvert ont eu lieu par le passé. Des phénomènes fâcheux – et c’est un euphémisme. Aussitôt, elle pense « haine », « vengeance », et en viendrait presque à comprendre les motivations d’Aidan et de ceux qui l’accompagnent. Elle regarde sa montre. Elle commence par observer de plus près les coupures de presse et cherche les noms qu’ils contiennent, pour confirmer son hypothèse. Elle remarque des articles en langue étrangère. Elle comprend ceux en français et en allemand – en plus de ceux en anglais, évidemment – mais ne saisit pas le sens des autres. Finalement, elle cherche sur les coupures le nom de « Bowers ».

Kristen observe toujours ce pan du mur, à la recherche de certains mots-clés : "Bowers", "Clerke-Bowers", "Reese", "Opal", "vol", "documents", "ministère", "peine maximale"... Elle suppose que la sentence a bien eu lieu. Presque par réflexe, elle cherche aussi si ces noms ne peuvent pas être liés à certains mots comme "décès", "mort". Elle cherche aussi à savoir si la presse, dans une quelconque colonne de n'importe quel journal, évoque le sort des enfants de ce couple, ou s'il est tout simplement passé sous silence - comme s'ils n'existaient pas.

Le premier article ne révèle pas grand-chose à Kristen, qui se doutait déjà tristement de ce qu'il disait. Pour le second en revanche, elle est plus étonnée. Quel âge avait le professeur McGonagall à ce moment-là ? Elle n'était sans doute plus toute jeune, mais il semblait à Kristen que la légende disait qu'elle avait de toute façon toujours été vieille... Ou au moins depuis la perte de son mari. En tout cas, Kristen n'a jamais été au courant de cette histoire. La mention des nargoles signe l'article du Chicaneur. C'est un journal connu pour être un peu fantaisiste parfois, extrapolant les anecdotes, mais c'est aussi un journal qui a le mérite d'être libre.

Kristen s'éloigne de ce pan de mur. Elle a presque l'impression d'être une voyeuse dans un condensé de vies plus ou moins privées des douze du "club de lecture". Néanmoins, elle juge utile d'obtenir un maximum d'informations tant qu'elle est ici. Sa curiosité (assez malvenue) la pousse à rechercher d'abord des articles concernant la famille des personnes de sa génération, à savoir Marty Lamberts et les sœurs Josephs.

De ce qu'elle vient de lire, Kristen ne croit pas un mot. C'est tout simplement invraisemblable : Marty et les sœurs Josephs n'auraient pas été dans le même groupe secret, à chercher ensemble à lever des mystères sur leurs parents, si ce que disent les articles que Kristen vient de lire est vrai. Elle pense alors à un contrôle de la presse et se félicite presque de s'être toujours autant méfiée des journalistes que des politiciens.

Kristen commence à comprendre certaines choses. Il n'y avait pas qu'un lien d'enquêteurs entre les douze enfants du "club de lecture", la sphère parentale semblait elle aussi former un drôle de "tout" que l'on aurait voulu faire passer pour hétérogène, mais qui ne l'était pas.

Kristen veut confirmer ses soupçons en repérant au moins un détail sur chaque nom qu'il lui reste à trouver dans cette masse d'articles : Schepper, Tempel, Wheeler, Sweetlove, Fleming. S'il lui reste du temps, elle cherchera à en savoir un peu plus sur les noms qu'elle a remarqués en premier : Coldman et Kincaid.