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10 janv. 2017, 10:34
Rumeur d'Orient
Comme s'il avait lu dans ses pensées, Arseni balaya d'un trait les interrogations de Kristen. Elle ouvrit de grands yeux torturés et dut se serrer le ventre lorsqu'il évoqua son fils. Il devait être au courant par un quelconque fichier de recensement : il était Ministre, après tout, le chef de toute la communauté sorcière.

Imaginer Owen courir le moindre danger était insupportable à Kristen. Le monde entier aurait pu s'écrouler, lui devait rester. Il était ce qu'elle avait de plus précieux, même si elle ne l'avait plus vraiment. En dépit de tout ce qui les séparait, elle continuer de l'aimer avec tout l'amour qu'une mère peut porter à son enfant. Ses parents aussi lui étaient chers. Elle ne s'était jamais posé la question, mais alors que la perpective de les mettre en danger était si nettement exposée, elle se rendait compte qu'elle ne tolérerait pas leur perte non plus. Elle n'avait jamais été très démonstrative, mais elle savait qu'elle aimait son père. Il l'avait toujours soutenu. Et Cordelia... Cordelia était sa mère. Elle ne pouvait pas lui souhaiter du mal.

Elle imagina chacun de ses proches dans la même position qu'elle avait vu la sœur d'Arseni et ses yeux, qui étaient restés grand ouverts de terreur, se rétrécirent. À cette seule vision de son imagination, elle crut qu'elle pourrait s'évanouir.

Elle se sentait minable, faible, pitoyable. Elle détestait cela. Elle détestait ce sentiment d'impuissance. Elle n'était pas impuissante. Elle était Kristen Loewy et elle était forte, elle n'avait peur de rien. Peur de rien, vraiment ? C'était ce qu'elle s'imaginait.

L'image de son épouvantard s'imposa à elle. Elle vivait sa plus grande peur : elle était seule et elle ne pouvait rien faire. Elle n'était pas rampante comme son épouvantard l'était - du moins, elle ne rampait pas physiquement. Mais son cœur était à terre et se roulait sur le sol comme un tout petit Souafle qui aurait perdu sa magie.

Kristen serra les accoudoirs de toutes ses forces. Après le choc et les lamentations vint la colère. Elle était en colère contre elle-même, contre son incapacité à agir.

Elle sentit que sa main droite la brûlait terriblement. Elle ne disait toujours rien. Elle serrait les dents de plus en plus fort. Elle crut qu'elle aurait pu s'exploser la mâchoire. Finalement, lorsque la douleur à sa main droite devint insupportable, elle ôta son gant pour la faire respirer. Elle était très irritée et pleines de cloques grisâtres. On aurait dit de la peau de crapaud.

Kristen tiqua de dégoût. Cette vision fit encore plus monter la colère en elle. Mais elle ne bougea pas de son siège. Si elle s'était levée, elle aurait voulu détruire la moitié de la pièce. Juste pour se défouler un peu. Mais cela ne se faisait pas. Alors elle resta assise. Tout simplement.

Elle ne savait même pas quoi répondre. « Ah, bon, désolée alors, débrouillez-vous tout seul, au final. » Bien sûr que non. Son incapacité à agir ne serait même pas compensée par la parole.

« Je... »

C'était un début, mais beaucoup de phrases commençaient par "je...". Quel suspense ! Je... suis allée faire des courses, ce matin ! Je... me demande bien quel temps il fera, demain ! Je... suis trop stupide pour parvenir à finir ma phrase !

« ...ne peux pas. »

Très original. Kristen gardait les yeux baissés. Elle craignait de voir Arseni, car elle savait qu'elle ne pourrait pas aller de son côté ; pas cette fois.

« Pas mon fils. »

Sa main droite trembla sur l'accoudoir auquel elle se cramponnait.

« Je refuse de le mettre en danger. Je refuse de tous les mettre en danger. »

Kristen se sentait nulle comme jamais. Elle préférait ignorer la façon dont elle était entrée dans ce bureau, clamant haut et fort qu'elle serait là, qu'elle aiderait son ami envers et contre tout et qu'elle ne lui laissait pas le choix. Elle en avait honte. Si elle avait pu retourner le temps - elle le pouvait, en vérité -, elle serait revenue à ce moment-là et se serait dit à elle-même de fermer son clapet.

Elle n'arrivait même pas à s'excuser. Des excuses auraient semblé dérisoires et déplacées.

Il fallait qu'Arseni vienne à bout de ses ennemis sans elle. Elle releva finalement les yeux vers lui. Ils étaient tristes, ses sourcils tordus de douleur, ses joues creusées. Elle avait pris dix ans dans les dents. Après un silence, elle ajouta :

« Vous vous en sortirez, n'est-ce pas ? »

Sa voix était différente, un peu étouffée. Elle était comparable à la voix d'une enfant qui dirait à celui qui part à la guerre : « Tu reviendras, hein, promis ? »

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
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14 janv. 2017, 11:08
Rumeur d'Orient
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ARSENI STOYANOV


6

LE MORT


Secte magique au pouvoir en Bulgarie, les Noirfangueurs se revendiquent héritiers de Gellert Grindelwald, l’un des plus grands mages noirs du 20ème siècle. La rumeur les prétend en possession de la première baguette du mage noir — celle qui précéda la Baguette de Sureau, dont il fut le maître pendant près d’une décennie. A l’origine de la tristement célèbre Nuit des Feux Eteints, nuit au cours de laquelle une quarantaine de familles moldus furent froidement assassinées dans le nord de l’Europe, les Noirfangueurs soulevèrent contre eux des ennemis aussi voraces qu’inattendus : quatre sorciers de sang-mêlés qui terminaient à ce moment-là leurs études à Durmstrang. L’Histoire devait les retenir sous le nom des Quatre Lunes.

*

Après le déferlement de souvenirs, l’angoisse, puis la peur, venait enfin le soulagement. Le renoncement de Kristen m’enlevait un poids de la poitrine. J’en soupirais discrètement en me détournant d’elle, mes yeux vagabondant par la vitre pour suivre, en contrebas, les pas des rares employés de mon cabinet qui se trouvaient encore ici pour boucler des dossiers urgents ou les nuées de notes de service qui se baladaient dans un ballet ininterrompu d’allers et de retours. La vue de cette ruche en perpétuel mouvement atténuait quelque peu les marques de colère que je venais d’entrevoir chez Kristen et à plus d’un titre l’horreur de sa main mutilée. Je savais combien elle devait avoir le coeur lourd de m’abandonner à mon sort, mais c’était un mal pour un bien. Son propre bien.

Les Noirfangueurs devaient rester focaliser sur moi. Il ne pouvait en être autrement. Il était inutile de diriger leur colère dans une autre direction, de peur qu’elle n’effleure d’un peu trop près les tours de Poudlard ou les profondeurs du ministère. La raison à cela était simple, égoïste en un sens, mais simple : il m’était impossible de vaincre un ennemi de cet acabit si je devais, à tout moment, surveiller mes arrières et notamment les amis que je laissais volontairement derrière moi. Les Noirfangueurs devaient me croire seul et isolé. Kristen était intelligente. Un jour, elle ferait sans doute le rapprochement entre la distance prise vis-à-vis des affaires de Poudlard et ce mal qui me poursuivait. L’indépendance de Poudlard n’était qu’une protection de plus pour ses résidents, mais avant tout une protection pour Kristen et son fils.

La question qu’elle me posa au bout du compte me fit fermer les yeux en expirant lentement par le nez. Un mensonge valait bien son pesant d’or afin d’éviter l’éveil d’une peur intarissable. C’est ainsi que j’abordais la chose, conscient du réel danger de non-retour auquel je faisais désormais face.

« J’ai la faculté de survivre aux épreuves les plus difficiles, répondis-je. Celle-ci ne changera rien à mes habitudes. »

Un espoir subsistait. Un espoir de fou mais un espoir tout de même. Pour m’en servir, il me faudrait quitter la Grande-Bretagne pendant quelques jours et me rendre dans cette vieille Russie qui m’avait vu grandir. Là-bas, j’espérais retrouver quelques uns des derniers sorciers à pouvoir m’aider dans cette quête désespérée. La simple idée de parvenir à les convaincre m’arrachait un sourire las…. Un espoir, certes, mais un espoir qui ne tenait qu’à un minuscule petit fil…

« Ne vous en faites pas, tout rentrera dans l’ordre, ajoutais-je en me tournant de nouveau vers Kristen, ma voix prenant l’intonation d’une supplique, plus que d’une affirmation. »
Dernière modification par Arseni Stoyanov le 28 avr. 2017, 21:49, modifié 1 fois.
14 janv. 2017, 23:13
Rumeur d'Orient
Elle inclina la tête et fit un mince sourire, qui tranchait avec son expression inquiète. Elle sentait que les paroles d’Arseni avaient plus la vocation d’être rassurantes que vraies, mais elle ne pouvait lui en vouloir. Elle trouvait même cela touchant de sa part. Lentement, elle se leva. Elle serra son gant dans sa main, le tordit dans tous les sens. Finalement, elle mit sa main dans sa poche, car elle sentait que la cacher à nouveau sous ce gant trop serré lui ferait mal. Elle se tint droite, le menton haut, pour compenser par sa posture l’inquiétude de son visage. Elle avait un petit air de Napoléon, mais un Napoléon qui portait la défaite dans ses yeux.

La dernière épreuve difficile à laquelle Arseni avait survécu, il n’aurait peut-être pas pu y résister s’il avait été seul. Elle y pensa, ne trouva pas étonnant d’y penser, et se dit que peut-être Arseni lui-même l’avait en tête. Néanmoins, Kristen haussa un peu plus le menton, tâcha de se remettre de ses émotions et put enfin lâcher :

« Il y a intérêt. »

Sa voix était devenue plus claire, bien qu’encore marquée par une inquiétude vibrante moyennement bien dissimulée. Finalement, elle inclina la tête en pliant un peu les genoux, mais ne prononça pas un mot de salut. Elle avait peur que cela vire aux adieux. Elle se retourna dans un grand mouvement. Alors, elle entendit la voix de son ami traverser le bureau pour se planter dans son esprit :

« Kristen, si vous deviez garder un souvenir de moi, souvenez-vous que j’avais toujours le sourire. Le même sourire que lorsque j’étais enfant. Ma mère aimait raconter que je souriais tout le temps. »

Ils étaient là, les adieux, juste quand on ne voulait pas d'eux. Peut-être étaient-ils simplement prévoyants, mais ils avaient tout de même un sale goût. Kristen se mordit la lèvre et se retourna, lançant à Arseni un regard profond et légèrement sévère. Arseni n’avait pas toujours le sourire. Pourquoi voulait-il qu’on se souvienne de lui avec cette fausse idée ?

« Je me souviendrai de vous tel que je vous ai toujours connu. C’est bien vous, tel que vous êtes maintenant, qui êtes mon… ami. »

Ce dernier mot fut difficile à venir, mais avec une voix un peu étranglée – comme ce mot était vraiment resté coincé dans sa gorge -, il parvint tout de même à sortir. Elle se retourna et quitta la pièce sans ajouter un mot de plus. Elle voulait vite partir, ne pas laisser ces peut-être adieux s’éterniser. Moins ils étaient longs, moins ils étaient réels, moins ils avaient de valeur.

Dans le Ministère, elle vit quelques employés qui restaient ici assez tard. Elle marchait vite et fit en sorte de ne croiser le regard de personne. Arrivée à la sortie, elle transplana et se retrouva devant le château de Poudlard, dont elle put observer le gigantisme. Elle aurait voulu transplaner directement dans son bureau, mais l’image du château s’était imposée à son esprit au cours du processus, sans qu’elle ne sache trop pourquoi.

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
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