— Ouais...

J'ouvre les yeux, mes paupières papillonnent. En tirant sur le bras de ma partenaire, je la lève avec moi et je tire ma baguette. « Lumos », j'observe Qiong. « J'suis tes yeux ». J'entends les lourds pas s'éloignant. « Mais j'crois que j'suis plus aveugle que toi ».
J'appuie de toutes mes forces sur ma baguette, mes doigts me font mal ; je veux mettre toute ma magie  dans cette lumière.

J’enclenche mes jambes, baguette en avant, main de Qiong en arrière ; le regard virevoltant dans tous les sens. *J'vais attirer toute la forêt... Y'aura bien un foutu Mogwai dans la bande*.

Je n'ai pas peur des araignées, mais celle-là est foutrement flippante. Je lâche la main de Qiong pour poser la mienne sur son bassin, et la tourner dans la direction de la bête. Me détachant du corps de ma partenaire, je fais un pas en avant, la laissant juste derrière moi.
Je lève ma baguette plus haut tout en me rappelant de l'émotivité muette des bêtes. Je dois être elle.

Mon regard change, je n'ai plus peur. Tous ses yeux luisants ne sont plus dérangeants, mais me paraissent remplis de larmes. Son regard multiple brille tellement !
Ma langue se pose sur mes dents, je siffle la note la plus grave que j'arrive à sortir ; puis j'ouvre ma bouche en utilisant mes poumons profonds :

— Pourquoi tu pleures ?

Mes yeux s'ouvrent au maximum, les couleurs sont une bouillie. Dans la bouillasse, je prononce un faible : « Nox », tout en me rendant physiquement compte du danger. Je sens ma conscience exploser, imploser.

Sombre, sombre.

— QIONG !

Je frôle la bête trop de fois. *ABRUTIE !*. Trop proche. Je mouline du bras violemment. J'entends un bruit. Ma baguette était plantée. Je brûle. La concentration me brûle.

— DIFFINDO !!!

La mort physique, fantôme réverbérant de Charlie. Bloquée, allongée ; elle baisse la tête vers le sol — l'herbe lui rentrant dans la peau — et vomit brusquement. Le dégueulis lui éclabousse le visage et les cheveux ; ses yeux se ferment par réflexe.

D'une forte impulsion de l’entièreté de son corps, elle roule sur elle-même puis plante ses ongles dans la toile de soie pour se libérer.

Ses pupilles dans la nuit brillent de furie.

Libre, Charlie se relève brusquement ; avant de s'écrouler de tout son long. Son épaule encaisse le choc, un grognement lui échappe.
Elle se relève. Titubant affreusement, elle dirige son regard vers l'Acromentule vaincue et se lance vers elle. Charlie s'écroule encore, mais se relève rapidement ; le regard fixé sur les orbes luisants.

Elle lance sa jambe pour l'enfoncer dans la tête de la bête ; un son mêlé de craquements et de viscosité. L'équilibre de Charlie lui échappe une seconde, puis elle se redresse pour lancer à nouveau sa jambe. Craquement. Elle recommence. Viscosité. Encore une fois. Son souffle bruyant accompagnant le silence ; sa jambe brassant l'air de sa vitesse.

Elle s'arrête soudainement pour se diriger vers Qiong et se jeter à ses côtés. Les lèvres de Charlie se posent sur le front de la Chinoise pendant trois secondes, puis elle redresse son buste pour chercher frénétiquement du regard sa baguette et l'arbre enflammé.

Silencieuse, le souffle rauque.