Elle marchait d'un bon pas vers un énorme chêne au tronc noueux et torturé, et dont le feuillage très dense offrait un ombrage de qualité pendant les jours d'été. Au mois de mars, ce n'était pas tant du soleil que de la pluie que les élèves cherchaient à se protéger. Aussi la place était-elle assez prisée, mais la jeune fille fut soulagée de constater que personne ne s'y trouvait à ce moment-là.
Elle se délesta de l'épaisse couverture en tartan qu'elle avait portée jusque-là avec beaucoup de peine et déposa son sac contre une épaisse racine qui formait un joli pont au-dessus de la pelouse.
Il fallait se dépêcher, il ne devrait plus tarder et elle aimait bien que tout soit prêt. Panthéa était le produit parfait de ses parents : la ponctualité de son père et le perfectionnisme de sa mère. Certains trouvaient cela absolument barbant, mais la jeune fille considérait ces traits de caractère comme de jolies qualités.

Déployer la couverture au sol n'était pas une mince affaire. Il leur faudrait un endroit pour s'asseoir tout en conservant du tissu pour se tenir chauds - ils étaient bien couverts, mais le mois de mars réservait toujours des surprises, côté température. Les deux amis n'avaient pourtant pas hésité un seul instant quand les premiers rayons annonciateurs du printemps avant percé les fenêtres de l'école, et avaient décrété qu'il était grand temps de sortir après un long hiver passé enfermés près des cheminées. Elle sortit ensuite de son sac un livre épais intitulé "Créatures marines : les mystères de l'Océan" qu'elle déposa bien en évidence sur la couverture, et enfin, deux pommes qu'elle avait chippées sur la grande table au cours du repas du midi.

Elle regarda le soleil dans le ciel et estima l'heure qu'il était à présent.
Oui, c'était certain, il n'allait pas tarder.

Panthéa fouilla de nouveau dans son sac et en sortit un petit instrument de musique percé de multiples trous : un ocarina. Elle s'installa sur la couverture, rassembla les deux pommes contre elle pour ne pas les abîmer, ôta ses mitaines et porta l'instrument à sa bouche.

S'il ne se rappelait plus de leur lieu de rendez-vous - et bien que cela n'était encore jamais arrivé depuis qu'ils avaient fait connaissance, au mois d'octobre - au moins il pouvait l'entendre d'une bonne distance, désormais.

Il n'y avait plus qu'à attendre.

Note à moi-même : penser à toujours marquer ses rp, toujours *sight*

  Il courrait dans les couloirs, son sac négligemment jeté par dessus son épaule et ses chaussures glissant sur le sol comme s'il était mouillé. Si on le connaissait, on se rendait vite compte qu'il n'était pas dans sa nature d'être pressé, même quand il était en retard. Il restait toujours très calme, certain que courir n'aiderait en rien, à part à s’essouffler, mais là, ce n'était pas le genre de rendez-vous où il pouvait arriver en retard, principalement parce qu'il n'avait pas du tout envie d'arriver en retard. Et puis, Panthéa était toujours à l'heure, alors ça le rendrait mal de la faire attendre plus que nécessaire. Il slaloma entre deux élèves en s'excusant à la volée avant de rejoindre rapidement les marches qui menaient au parc, les descendant quatre à quatre. Son sac était remplit de choses inutiles mais dont il était certain qu'ils finiraient par avoir besoin, comme un couteau, parce que Panthéa ramenait souvent des fruits, un livre sur les vivets dorés qu'il avait demandé à ses parents et qu'il avait reçu au matin et quelques babioles style, des mouchoirs ou encore des petits paquets de chocolats qui étaient de toute façon toujours dans son sac parce qu'il lui arrivait d'avoir faim en pleine journée sans avoir la possibilité de gérer ses petits creux. 

  Une douce mélodie lui était portée par le vent, et il en sourit d'avance. Panthéa ne jouait pas très souvent, une fois tous les trois rendez-vous à peu-près, mais à chaque fois, il était heureux parce qu'il savait qu'elle lui faisait confiance pour jouer devant lui, et qu'elle jouait simplement pour lui dans ces moments là, parce qu'il n'y avait personne d'autre pour l'écouter à part lui. Il arrêta de courir à quelques mètres de leur lieu de rendez-vous et prit de grandes respirations, essayant de calmer les battements de son cœur pour faire comme s'il n'avait jamais couru, bien que ses joues rouges et son souffle qui restait agité malgré ses efforts. Il s'approcha à petit pas pressé et fit de grands gestes à son amie dès qu'il était sûr qu'elle pouvait le voir.

  -Bon... jour Panthéa, souffla-t-il en s'asseyant à ses côtés en observant la couverture du livre. On s'était arrêté au cinquième chapitre, pas vrai ? cela pouvait paraître peu, mais ils étaient vraiment longs, pour leur plus grand plaisir. 

  Comme d'habitude, ils mangeraient, puis s'allongeraient ou se mettraient contre le tronc et commenceraient à lire en papotant. Et même si cela semblait stupide, pour eux, c'était des instants magiques qu'ils n'échangeraient pour rien au monde. 

Herschel arrivait souvent à leurs rendez-vous avec le teint de quelqu'un qui venait de courir le cent mètres. Connaissant le garçon, pas sportif pour un sou, cela étonnait toujours la jeune fille, néanmoins, la vision de son ami qui lui faisait de grands gestes en s'approchant d'elle était toujours un ravissement.
Elle s'arrêta de jouer et agita elle aussi le bras dans sa direction en lui adressant un grand sourire. Sans doute qu'il ne le voyait pas depuis l'endroit où il se trouvait, mais de toute façon, le sourire n'était destiné à personne : il était simplement automatique.

"On s'était arrêté au cinquième chapitre, pas vrai ?", lui avait-il faussement demandé, après l'avoir saluée et s'être assis à côté d'elle sur la couverture. Faussement, parce que Panthéa savait très bien qu'il avait une excellente mémoire, surtout lorsqu'il s'agissait des livres.

"En effet.", répondit-elle alors, un brin amusée. Herschel était toujours excentrique à sa façon : une boucle de cheveux un peu rebelle, un nouveau T-shirt à rayures, une barette colorée ... aujourd'hui, ne remarquant rien de "trop" particulier sur lui, elle se demanda s'il n'avait pas une nouvelle paire de chaussettes multicolores, du genre de celles qu'elle avait pu apercevoir il y avait de cela quelques mois, alors que le pantalon du jeune garçon lui remontait bien au-dessus des chevilles. Elle tenta un bref regard vers ses chaussures mais ne put rien voir avant qu'il ne s'était assis.
De loin, le duo pouvait étonner, car la jeune fille s'habillait très sobrement et coiffait toujours ses cheveux de la même façon : assez classique. Mais cela ne semblait pas les déranger le moins du monde.

Installés ainsi l'un à côté de l'autre, ils avaient ouvert l'énorme livre au chapitre 5 qui portait sur les poissons des profondeurs, ceux qui ne voyaient jamais la lumière du soleil. Chacun lisait une page puis l'autre, Panthéa toujours moins vite qu'Herschel, elle le savait bien et ça ne la dérangeait plus parce qu'elle savait qu'il l'attendait toujours avant de passer à la suite.

Elle avait le doigt planté sur l'une des images du livre.

"Chauliode de Sloane", lut-elle à haute voix. "Oh, il ... il est ... je n'aimerais pas trop me retrouvée seule en face de lui !", déclara-t-elle à son voisin en riant légèrement.

  Panthéa ne changeait pas. En fait, elle était souvent habillée et coiffée de la même façon, mais cela ne le dérangeait pas parce qu'il voyait pleins de petits détails que les autres manquaient, comme le fait que sa cape était parfois mise en décalée, ou simplement que ses joues changeaient de couleur, passant du beige clair à un rouge qui ne la faisait devenir que plus jolie à ses yeux. A côté d'elle, il avait parfois l'impression d'être un énergumène, un genre d'extra-terrestre qu'on regardait avec de gros yeux comme si c'était quelque chose de vraiment étrange. Et pourtant, Panthéa n'en disait rien, elle semblait même intéressée par son style parfois, par les petits détails qu'il y ajoutait sans y mettre particulièrement d'importance, mais simplement parce qu'il en avait envie. Remarquant qu'elle jeta un oeuil à ses pieds, il se dit soudainement qu'elle devait le trouver impoli à ne pas enlever ses chaussures et à de cette façon salir sa couverture, alors il s'en délaissa et les abandonna à côté de lui, dans l'herbe. Ses petits pieds cachés dans de lourdes chaussettes dépareillées se balançaient à présent dans le vide alors qu'il s’allongeait à côté d'elle. Sur sa chaussette droite se perdait un écureuil et quelques glands, et sur sa gauche, un poussin géant. Il ne parvenait pas à se souvenir où il avait mit les autres, même s'il n'y avait jamais de bazar dans ses affaires, ses chaussettes se perdaient toujours dans sa valise, alors il finissait par les ranger par paires dépareillées, ce qui ne l'aidait pas mais qui était finalement devenu une partie de son style vestimentaire. Aujourd'hui, il avait placé trois barrettes fraises dans ses cheveux, parce qu'il avait eu une furieuse envie de les mettre en se préparant au matin. 

  Il observa le poisson, ressemblant aux monstres qu'il voyait dans ses cauchemars, avec ses gros yeux semblant aveugles et les dents proéminentes qui dépassaient de sa bouche qu'il était incapable de fermer. 

   -C'est un poisson vipère, il est vraiment vilain, brrrr. Mais si jamais on en voit un, j'lui laisserais pas te faire de mal ! Même si j'espère bien qu'on en verra jamais, regarde ses dents ! 

  Il s'empara d'une pomme et du couteau emballé dans des mouchoirs dans son sac et commença à couper une pomme en faisant de petites formes d'oreilles de lapin au bout des quartiers qu'il coupait avant de les poser entre eux, sur un autre mouchoir, alors qu'il gardait les yeux rivés sur le livre. 

Avait-il lu dans ses pensées, ou était-ce un coup du hasard qui avait encore très bien fait les choses ? Un seul fait était certain, Herschel était désormais en chaussettes, et Panthéa avait pu identifier l'excentricité du jour, à savoir ce petit écureuil et ce poussin géant qui semblaient se disputer les pieds du garçon. Elle avait souri avec une certaine tendresse. Il lui arrivait parfois d'envier le caractère de son ami, ce détachement qu'il se permettait à propos de choses qu'elle considérait comme essentielles, les habits notamment. Elle détestait se faire remarquer alors que ça lui passait complètement au-dessus. Une fois, elle avait tenté de mettre un peu de couleur dans sa tenue en adoptant un élastique rose pastelle à la place du tout noir qu'elle avait l'habitude de mettre, et son expérience en la matière s'était arrêtée là.
Cependant, et pour ne pas qu'il se sente seul, elle ôta elle aussi ses bottines et découvrit ses pieds. Elle portait un colant en laine très épais, ultime recommandation de sa grand-mère pour affronter les basses températures de l'hiver juste après le chocolat chaud matinal.

"Mmmh. On pourrait presque faire le conte du petit Chaperon Rouge avec le poisson", lui dit-elle tandis qu'il s'était saisi d'une pomme qu'il s'apprêtait à découper. " Du style "Oooh, Grand-Poisson, comme vous avez de grands yeux ! Et Ooooh, Grand-Poisson, comme vous avez de grandes dents !"

Elle louchait légèrement en imitant un petit poisson rouge imaginaire qui se serait perdu dans une grande forêt d'algues et qui se serait fait avoir par le poisson-vipère des abysses. Elle avait pris, pour l'occasion, une voix un peu pincée, plutôt ridicule, qui ne manqua pas de la faire rire une fois qu'elle eut terminé son petit numéro.

Herschel, lui, avait découpé les quartiers de la pomme en y sculptant des petits lapins. C'était si mignon qu'elle ne se sentait pas de les manger, mais elle savait qu'il faisait souvent ça avec la nourriture : de petites oeuvres d'art. La semaine précédente, il avait sculpté des chats dans des morceaux de banane. Panthéa y voyait une certaine forme de génie créatif.

  Il ria tellement suite aux paroles de son amie qu'il trouva préférable pour sa santé de laisser le couteau et la pomme à ses côtés, avant de se le planter dans l’œil à force de rire. Il aimait le rire de Panthéa, c'était presque un rire en trois temps mais il était toujours contagieux et lui était particulièrement sensible à ça. Et puis l'image d'un poisson habillé de rouge et du gros et laid poisson qu'ils avaient sous les yeux dans un lit et habillé en grand-mère avait eu raison du peu de contrôle qu'il avait. Il regarda son amie et l'imita, louchant à son tour et rentra ses joues en les aspirant, imitant du mieux qu'il pouvait un poisson avant de parler d'une voix nasillarde : 

  -Oooh Grand-Poisson, que vous avez de grandes nageoires. Il changea son timbre de voix pour qu'il soit plus grave et continua, c'est pour mieux nager mon petit poisson. il fit un mouvement de bras ressemblant plus à une imitation de poulet qu'à celle d'un poisson.  

  En pensant au poisson comme ça, il semblait terriblement moi vilain et dangereux, presque risible et il n'y avait nul doute sur le fait qu'il imaginerait maintenant une coiffe de grand-mère dès qu'il verrait à nouveau le poisson dans un livre ou dans un aquarium s'il y en rencontrait un, un jour. Ce serait dur à expliquer aux gens, le fait qu'il se mette à hurler de rire pour rien mais il ne dirait pas pour autant de quoi ce petit délire venait, parce qu'il lui semblait être le seul à voir cette facette de Panthéa et que c'était génial de parler et de rire avec elle.

  Riant toujours, il piqua un morceau de pomme et l’amena au niveau des yeux de son amie. 
  -Oooh Grande-Panthéa, que tu as de grandes dents, je suis sûr que c'est pour mieux me manger, dit-il, imitant le petit morceau de fruit et en le secouant un peu. Allez, tiens, celui-ci est pour toi !

Elle pensait échapper au fou rire cet après-midi là, mais l'imitation d'Hershel la fit exploser et son rire passa d'un seul coup toutes les étapes habituelles pour atteindre immédiatement le silence absolu - tout son corps était secoué, mais aucun son ne sortait. Elle se donnait pourtant tant de mal pour rester un minimum sérieuse, mais avec le jeune garçon, c'était peine perdue. Il faut dire que le Grand Méchant Poisson-Vipère avait désormais pris la forme, dans sa tête, d'une espèce de poulet sous-marin estropié et affublé d'une petite péruque grisonnante et bouclée, avec les bigoudis en bonus.
Elle se tordait de rire jusqu'à en avoir mal aux côtes tandis qu'Herschel ne semblait pas mieux loti, l'amusement l'ayant forcé à poser sa pomme et son couteau !

Puis il lui tendit un morceau de pomme sculpté et déclama, avec une voix très haut-perchée :
"Oooh Grande-Panthéa, que tu as de grandes dents, je suis sûr que c'est pour mieux me manger !"
Alors même qu'elle menaçait de repartir dans un fou rire incontrôlable, il plaça le morceau de pomme devant elle et répéta, de sa voix habituelle : "Allez, tiens, celui-ci est pour toi !"

"Nooon mais il est trop mignon ! Je te l'ai déjà dit, j'arrive pas à les manger quand ils sont trop mignons ! Tu les fais toujours trop mignons ! Tu le fais exprès, c'est pour manger plus de pommes que moi !? Avoue !", dit-elle en riant. Mais à peine eut-elle terminé sa phrase qu'il lui fourra le morceau dans la bouche ! Elle n'avait pas d'autre choix que de le manger - mais le sacrifice n'était pas vain, la pomme était franchement délicieuse, et elle semblait plus savoureuse encore quand son ami en faisait des petits personnages.

Ils s'étaient calmés et mangeaient les lapins de pomme restants en poursuivant la lecture de l'encyclopédie océanique. Le silence finit par s'installer : les deux enfants étaient allongés sur le ventre, côte à côte, plongés dans leur lecture, se passant les lapins sans même se regarder, juste en glissant des "mercis" et des "y a pas de quoi" discrets.

Panthéa chérissait ces moments plus qu'elle ne voulait bien l'admettre. En fait, elle n'y songeait même pas, elle le vivait, simplement. Quand il était près d'elle, elle se sentait à la fois elle-même et très spéciale, touchée qu'il veuille bien partager de son temps avec elle. Elle avait bien essayé, une fois, de parler d'Herschel à une de ses camarades de chambrée, mais il lui semblait que la magie de ces rencontres se serait brisée à ce moment-là, et elle choisit finalement de se taire.

La vie était franchement plus belle quand il était là.

-Haha, même pas, ria-t-il. Tu souris quand je fais des petits animaux, j'aime bien. Quand tu souris, je veux dire, il balbutina. C'est papa qui m'a apprit. Si je t'invite en été, on en fera tous les deux ?

Leur père avait toujours été très inventif pour les faire manger. Il faisait de petits animaux dans les aliments qu'ils n'aimaient pas et ça passait toujours mieux. Il faisait peu souvent des animaux dans les autres repas, parce qu'il n'avait pas souvent le temps mais il avait prit un week-end entier pour apprendre à Herschel toutes les petites choses qu'il savait faire. La suite, Herschel l'avait fait. Il avait commencé par créer de petits animaux dans les fruits parce que cela faisait rire les autres. Herschel avait toujours été le contraire parfait des clichés. Angélique savait réparer une voiture, lui avait apprit la couture, le dessin, la cuisine et le chant. Sa mère disait parfois qu'il était une parfaite petite femme. Il était toujours un peu mal à l'aise parce qu'il avait l'impression qu'elle ne le voyait pas comme un garçon alors qu'il en était bien un. Les petites barrettes, les cheveux longs, les couettes, ça voulait pas dire que c'était une fille. Il avait pas envie d'être une fille, un garçon ça lui allait, c'était juste que parfois les trucs “de fille” il aimait bien. Angélique c'était un peu l'inverse, bien qu'elle se maquillait et qu'elle s'habillait élégante, elle aimait faire des trucs “de garçon”. Elle jouait au foot, tapait les grands qui se moquaient de son frère même quand ils étaient plus âgés qu'elle. En fait, y'avait pas de trucs pour filles et pour garçons parce que chacun pouvait faire ce qu'il voulait.

-C'est pas compliqué, après c'est encore mieux si tu arrive à inventer des trucs mais je suis sûr que tu y arriveras.

Il se releva sur ses genoux et étira ses bras. Il piqua un élastique dans sa poche et ramena ses cheveux en une petite couette qui tombait sur sa nuque avant de replacer ses barrettes et de bien enfoncer ses lunettes sur son nez.

-J'vois rien avec mes ch'veux. Il ria et fit une petite tresse avec quelques mèches rebelles qui n'avaient pas voulu rester attachées avec les autres. Comment tu fais toi ? Ils sont longs.

William et Panthéa avaient beau avoir été élevés de l'exacte même façon, il n'en demeurait pas moins qu'ils avaient tous les deux adopté des styles considérés comme "caractéristiques" de leur genre : lui portait les cheveux courts, de grands t-shirts, des jeans et des baskets exclusivement trouvables du côté "garçon" dans les rayons des magasins de vêtements, tandis que sa petite soeur avait toujours préféré les robes aux pantalons. Ils affichaient néanmoins deux personnalités parfaitement opposées, William en assumant un côté clairement rebelle propre à l'adolescence, sa soeur un côté réservé et beaucoup plus rangé.
Ce qu'elle aimait beaucoup chez Herschel, entre autre, c'était sa faculté à se mouvoir entre les deux styles sans paraître en faire grand cas. Il choisissait ses vêtements avec la même façon qu'il semblait décider de tout le reste dans sa vie : avec amusement et détachement, sans oublier une bonne dose d'originalité. Et elle lui enviait beaucoup ses barrettes.

"Oui tu me montreras. Mais je suis très maladroite, je promets pas de miracle.", dit-elle dans un sourire lorsqu'il parla de lui apprendre la sculpture sur fruit au courant de l'été. "Tu as demandé à tes parents ?"

Elle le regarda arranger ses cheveux indisciplinés en une grosse couette et se battre pour coiffer les quelques mèches qui avaient refusé de rentrer dans le rang.

"J'vois rien avec mes ch'veux. Comment tu fais toi ? Ils sont longs."

Elle sourit en coin, se raprocha de lui et voulu l'aider dans son affaire en attrapant une autre mèche de ses cheveux pour en faire une autre petite tresse. L'opération était délicate mais elle était appliquée et très douce.

"C'est plus facile. Ils sont très longs donc si je les coince derrière l'oreille, ils ne sont plus dans ma figure. Puis je prends les deux grandes mèches de devant et je les attache derrière, ça aide aussi."

Ils étaient en effet très longs, et les grosses boucles qu'ils formaient de temps à autres retombaient lourdement dans le bas du dos de la jeune fille. Même si elle ne semblait pas leur accorder beaucoup d'importance, Panthéa aimait beaucoup ses cheveux et essayait de les laisser libres le plus possible, ne les attachant que ce qu'il fallait pour qu'ils ne l'encombrent pas dans ses activités quotidiennes.
Mais si elle avait pu choisir, elle aurait aimé avoir la couleur des cheveux de son ami. Une couleur vive, joyeuse, chaleureuse. Elle songea cependant que cette couleur correspondait bien plus au caractère d'Herschel qu'au sien.

  En fait, c'était la société qui avait un problème, pas lui. C'était la société qui se sentait de toujours tout classer parfaitement bien. C'était impossible, l'homme était fait de mille matières, on ne pouvait pas les trier. Et puis, catégoriser des trucs fille/garçon, c'était stupide. Après tout, c'était bien un garçon, et il se faisait des couettes, mettait du rose et des barrettes. Il n'avait jamais fait attention aux autres, à leur regard, alors pourquoi tout d'un coup il y faisait attention ? Il secoua la tête comme pour effacer les mauvaises idées qu'il avait dans la tête et se remit à sourire. Après-tout, Panthéa ne le jugeait pas alors tant que ses amis l'appréciaient comme il était, il se fichait du reste. Il n'avait pas à se soucier de ça, c'était inutile et en plus, il avait d'autres choses auxquelles penser.  

  -Heu... bah peut-être pas ? Je m'en souviens plus, mais je suis sûr qu'ils diront oui ! 

  Après-tout, ils n'avaient jamais dit non quand il leur avait demandé s'il pouvait inviter des copains à la maison. Bon, là ce serait pour plusieurs jours, et Panthéa était une fille, mais ça ne les dérangerait pas, il en était sûr. 

  -Tu aimerais que je fasse quelque chose avec tes cheveux ? Il se mit à rougir, comprenant que c'était peut-être un peu étrange. Heu..... il se mit à regarder le livre comme si c'était la chose la plus belle au monde.