Cela faisait du bien de se livrer ainsi à quelqu'un. Lucas avait peur d'être incompris, peur que Lili ne se moque de lui, de son sentimentalisme, peur qu'elle lui dise que ce n'était pas grave et qu'il ne fallait pas vivre dans le passé, un passé rétrospectivement sublimé. Mais en réalité, ce fut tout le contraire. Ses paroles semblaient avoir ému Lili qui s'était mise à longuement parler d'elle et de son sentiment de peine suite au déménagement de son ami moldu.

Lucas était satisfait de l'effet qu'il était parvenu à produire. Lili ne semblait pas être le type de personne à faire part de ses sentiments. Mais ici, elle parlait simplement comme si elle connaissait Lucas depuis des années. Il était heureux d'avoir pu la mettre à l'aise, de l'avoir amené à lui accorder sa confiance. Elle aussi portait sur ses épaules le poids d'une amitié détruite. Lucas était persuadé que Lili avait encore bien des secrets dont elle n'avait jamais parlé à personne mais dont chaque jour elle portait le poids. Il aurait aimé qu'elle se livre davantage mais Lucas ne voulait pas brusquer la jeune fille car il savait à quel point il était difficile de remuer les fantômes du passé. Il décida donc de continuer sur sa lancée :

-Alors tu comprends certainement ce que je ressens. Ton ami moldu. Toi non plus tu ne l'as plus jamais revu. Margot était là. Puis il y eût ces méphitiques vacances d'été au cours desquelles pas un hibou ne me parvint et où mes missives restèrent, à mon plus vif désespoir, sans aucune réponse. Puis vint la rentrée et jamais Margot ne reparu. Pendant des jours je l'ai cherché, attendant parfois pendant des heures devant le heurtoir en forme d'aigle. En vain. Jamais elle n'est revenue et jamais je n'ai su ce qu'il était advenu d'elle. Seul un petit mot d'adieu avait été laisser pour moi au chaudron baveur. 

Lucas s'était arrêté de parler. Il ne savait pas vraiment s'il avait envie de poursuivre son histoire qui, en réalité, ne devait pas intéresser Lili. Elle devait le prendre pour un garçon affreusement prétentieux considérant ses problèmes comme ce qu'il y avait de plus important au monde. Mais il ne pût s'empêcher de poursuivre son discours. 

-Je pense qu'il lui est arrivé quelque chose, à elle et à sa famille. C'est pourquoi j'aimerais devenir Auror. Pour la retrouver. Mais peut-être suis-je simplement en train de me raconter des histoires et que le destin a choisi de nous séparer. Peut-être est-ce le destin qui t'a amené ici, à cette heure improbable, et qui a provoqué cette rencontre tout aussi improbable. Je ne sais pas ce que tu en penses mais je crois avoir eu beaucoup de chance de te rencontrer car tu as l'air d'être vraiment quelqu'un sur qui l'on peut compter même si tu n'exprimes pas baucoup tes sentiments et que tu as l'air de toujours faire passer les autres avant toi. Peut-être le don de ma mère m'aurait été bien utile pour en savoir plus sur toi. 

Lucas prononça cette dernière phrase avec un léger sourire dans lequel d'innombrables sentiments étaient liés. La satisfaction de s'être livré à quelqu'un, la joie de ne plus se sentir totalement seul, d'avoir une amie sur qui compter et exercer un peu ses tendances sarcastiques, la honte de l'avoir si mal traité. Il espérait en même temps qu'elle comprenne qu'il ne comptait pas vraiment lire dans son esprit et qu'il n'était pas aussi sadique que ne l'était sa mère. 

Lili fût soulagée de savoir qu'il s'agissait juste d'une amie perdue de vue et non partie dans tous les sens du terme. Evidemment, cela ne changeait en rien ce que Lucas pouvait vivre mais tout comme Lili, il avait encore une chance de la retrouver, surtout s'ils doivent se retrouver. Lili l'espérait pour lui tout comme elle espérait revoir Thomas.

- Oui je comprends, presque un an que je ne l'ai pas revu. Elle ne t'a plus donné de nouvelles ? Bizarre, je ne pense pas qu'elle l'aurait fait de son plein gré. Tu dois vraiment tenir à elle en tout cas, vu toute la peine que tu t'es donné, encore désolée.

Lucas s'arrêta un instant. Tout comme Lili, il devait se dire que ses problèmes n'en étaient pas vraiment, en tout cas, c'est comme ça que Lili le pense. Elle n'a pas eu beaucoup de problèmes mais à chaque fois qu'elle en parlait à quelqu'un, cette personne minimisait le tout. En effet, cela peut être minime mais si ça fait mal, il ne faut pas dire que ce n'est rien. Depuis, elle parle de ce genre de choses avec son frère ou sa soeur, c'est rare qu'elle en parle à quelqu'un d'autre. Mais cette fois, c'était différent avec Lucas, ils ont vécu la même chose, plus ou moins, à l'exception que Lili avait pu dire au revoir à son ami. Elle comprenait mieux le caractère de Lucas.

Encore une fois, Lili le regarda en faisant en sorte de lui dire de continuer, qu'elle écoutait toujours. Elle ne savait pas s'il avait fini par comprendre ou s'il ne supportait pas le silence, mais il a bien fini par continuer.

- C'est possible, de nouveau, je pense qu'elle aurait tout fait pour te parler, même un simple au revoir. Auror ? Tu devrais bien t'entendre avec mon frère alors, c'est aussi ce qu'il veut faire, il travaille si dur, je ne l'ai pas trop vu cette année... Je ne pense pas que tu te racontes des histoires, je pense que tu t'inquiètes, tout simplement et c'est on ne peut plus normal. C'est là qu'on voit que tu n'es pas un méchant   dit-elle avec un clin d'oeil.
Le destin vous a peut-être séparé pour mieux vous retrouver, qui sait ? Vaut mieux rester positifs, même si je sais à quel point ça peut être compliqué.. Je pense qu'il faut éviter de trop y penser et laisser les choses faire, même si c'est clairement plus facile à dire qu'à faire.
Ah ce destin... le nombre de fois que je suis venue au parc ou au lac seule et je suis retournée au château avec quelqu'un, le nombre de rencontres que j'ai faites comme ça... Mais aujourd'hui, c'était un peu différent. Je t'ai vu par la fenêtre et je me suis dit que je pouvais voir si tu voulais de la compagnie... si j'avais su que je me serais retrouvée à porter un pull de Gryffondor, je ne sais pas ce que j'aurais fait, dit-elle en rigolant.
J'essaie d'être quelqu'un sur qui compter, je fais de mon mieux et-- tu m'as totalement cernée pour le coup. Je pense à moi uniquement quand je suis seule, ou quand quelqu'un pense à moi avant lui-même.

Pour une fois, les paroles de Lucas la faisait sentir mystérieuse. En général, c'est le contraire, le nombre de garçons mystérieux qu'elle connait..

- Je t'assure que si tu fais en sorte de devenir Legilimens juste pour en savoir plus sur moi, déjà de un, tu n'entendras plus parler de moi et de deux, ça prendra beaucoup plus de temps que de me les laisser dire de plein gré   Il faut être patient, jeune Gryffondor.

Lili aimait beaucoup l'ironie et elle comprenait que Lucas n'était pas sérieux quand il avait prononcé sa dernière phrase.

Ces deux là étaient définitivement faits pour s'entendre mais est-ce que Lili allait lui expliquer dès le départ ce qui était arrivé à sa famille début mai ou expliquer la peur bleue qu'elle avait eue dans le lac ?

Chaque chose en son temps.

Cela faisait maintenant plus de deux heures que Lucas était assis là, à côté de Lili. Malgré le froid implacable qui enveloppait Poudlard, il était resté en chemise après avoir donné son pull à Lili. Il aimait beaucoup l'idée qu'une magnifique Serpentard porte son pull rouge et or. Depuis qu'il l'avait rencontré, Lucas n'avait pas vu le temps passer. Celui-ci était comme suspendu. S'il avait eu un de ces fameux sabliers dont la vitesse d'écoulement varie en fonction de la qualité de la conversation, il serait probablement totalement arrêté.

Lucas sentait que la jeune fille l'appréciait en dépit de leur rencontre plutôt tumultueuse. Il avait vraiment envie de la connaître davantage mais malheureusement il n'allait pas pouvoir rester beaucoup plus longtemps comme il l'aurait souhaité.

Il faut être patient, jeune Gryffondor avait dit Lili. Dans cette histoire, le spectre de la patience semblait s'ériger en maître. Il dompte d'une main de fer la fougue de l'innamoramento. Et Lucas pourrait attendre une éternité entière pour avoir le privilège de se noyer dans les yeux gris de Lili.

De plus, Lucas était heureux que Lili ait compris son ironie à propos de la legilimancie car la confiance en lui que renvoie Lucas n'est que de façade et il se sert de l'ironie comme d'une arme pour se protéger.

Lili aussi semblait avoir forgé autour d'elle une solide carapace, préférant écouter les autres parler de leurs problèmes, préférant aider plutôt que de se confier sur ses propres problèmes. En effet, Lucas était certain que Lili lui cachait quelque chose concernant sa famille mais qu'elle hésitait à le lui révéler. Cette réaction était naturelle. Elle avait probablement besoin de temps pour réfléchir à tout ce qui venait de se passé et digéré le fait que sa sœur n'était pas à Poudlard une illustre inconnue. 

C'est pourquoi, pour pouvoir percer ses secrets, pour qu'ils puissent véritablement devenir amis que Lucas avait besoin de revoir Lili, plus tard. C'est alors que Lucas se leva :

-Lili. Tu es la plus belle rencontre que j'ai fait depuis bien longtemps. Je crois que nous avons encore beaucoup de choses à nous raconter. Nous sommes faits pour nous entendre. Tous les deux nous avons souffert et cette souffrance, les autres ne la comprennent souvent pas. J'aimerais rester encore des heures ici, à discuter avec toi mais je dois malheureusement rentrer. J'espère que nous nous reverrons très vite, peut-être à la bibliothèque ou Aux trois balais. Si on ne se croise pas dans les couloirs je t'enverrai un hibou pour organiser tout ça. En attendant, sache que j'attendrais le temps qu'il faut. Le jeune Gryffondor saura être patient pour percer à jour les secrets de la jeune Serpentard.

Lucas se retourna alors brusquement et se mit à marcher vers le château d'un pas résolu. Puis, soudainement, il s'arrêta et tourna son visage vers Lili. Un large sourire s'était dessiné sur ses lèvres.

-Pour le pull, tu peux le garder. J'en ai plein d'autres, même si tu venais à nouveau à te jeter dans ce lac.