Le ronchonnement de son capitaine concernant le souafle avait arraché un sourire à Jeffrey mais celui-ci ne fut que de courte durée. Alors qu'il s'était attendu à un "oui" de la part de Rey à sa question, il en fut tout autre chose. En temps normal Jeffrey appréciait la sincérité quel qu’en soit le prix mais pas cette fois. Alors qu'il était sur le point de lâcher l'équipe il aurait pensé et espéré compter davantage pour elle, représentée ici par Rey. C'était de l'ego mal placé certes mais là tout de suite le garçon ne s'en rendait pas compte et était juste blessé, vexé par les mots de son capitaine. Il savait que c'était sans doute de la provocation, encore, mais une petite voix dans sa tête ne pouvait s'empêcher de lui dire que sans doute son capitaine le voyait comme un looser.

Quelques secondes passèrent dans un silence pesant. Secondes pendant lesquelles des millions de choses traversèrent l'esprit du Poufsouffle. Il avait envie de sauter à la gorge de Rey et de lui mettre la misère, de déverser des jours entier de colère à coups de poing. Malgré ce genre de pensée Jeffrey savait que jamais il ne ferait ça : ce n'était pas lui de se comporter ainsi. Et s'il voulait être honnête avec lui-même il devait bien avouer que sa démission était une forme de lâcheté, une solution de facilité. C'était sans doute pour cela que le batteur détestait en cet instant Rey. Il le plaçait devant ses failles. Devant sa détresse...

Rey reprit la parole, ayant visiblement compris que le mal était plus profond qu'une simple lassitude pour le Quidditch. Pendant quelques secondes Jeffrey se sentit penaud. Il ne voulait pas que ça se sache. Il se sentait honteux d'avoir été pris à parti par son père. Lui qui cherchait toujours à renvoyer une image inébranlable, une force tranquille sur le terrain, était finalement loin du compte en cet instant.

« Tout ce que tu as besoin de savoir c'est que j'aime toujours autant le Quidditch. Que ça reste mon rêve de devenir pro et que si je compte arrêter tout ça c'est que la raison est forcément sérieuse. Ça concerne mon père et j'ai pas envie d'en parler alors insiste pas si tu veux pas qu'on remette ça... »

Le jeune anglais marqua une brève pause et désigna la caisse où le cognard était consigné depuis quelques minutes. Non, il ne dirait rien de plus là-dessus. Ça ne le regardait pas. Mais ce qui le regardait en revanche c'était le bon fonctionnement de l'équipe. Sur ce point Jeffrey avait un mea culpa alors il tâcha de se calmer avant de reprendre.

« Écoute... Tu sais bien que je ne suis pas du tout du genre à lâcher l'affaire et baisser les bras. J'suis juste un peu perdu alors je m'étais dis qu'une pause avec tout ça me ferait du bien. Mais j'ai peut-être été loin en voulant quitter l'équipe... Je suis désolé. »

Si le garçon n'avait pas de problèmes en général pour avouer ses torts il n'avait en revanche jamais l'habitude de s'excuser si tôt après une altercation. Jeffrey écouta la réponse de Rey en essayant de tenir son regard. Il pensait déjà à ce qui lui restait à dire, la requête qu'il allait lui soumettre.

« Mais je t'assure que ce serait pas une bonne idée de me faire jouer. J'ai la tête ailleurs. Fais plutôt jouer Alienor ou Eileen. Ça leur ferait de l'expérience. Kev aussi a joué un peu batteur, Lili arrive dans la team... Faut déjà préparer la saison prochaine car de toute façon on est plus en lice pour la coupe cette année. Qu'est ce que ça peut bien faire que je joue pas... T'es OK pour me laisser sur le banc contre Serpentard ? Ça me laisserait tout l'été pour voir ce que je veux faire. »

Le garçon attendit nerveusement la réponse de Rey. Il savait qu'il prenait un gros risque. La place de batteur lui avait été dévolue et être le successeur d'Ambre était un honneur. Et il prenait risque de remettre tout ça en cause.

Rey ne s'attendait pas à ce que son coéquipier lui raconte toute sa vie d'un seul coup, certainement pas après leur altercation tendue. Aussi ne fut-il pas surpris que le batteur reste vague à ce sujet. Par contre, il n'apprécia pas du tout sa dernière remarque. Est-ce qu'il était en train de le menacer ? Encore ? Rien que pour ça, le capitaine aurait dû accéder à sa demande et l'exclure de l'équipe. Voyant que l'anglais n'avait pas fini, il s'abstient de tout commentaire en serrant la mâchoire. Sa décision oscillait dangereusement d'un côté. Un côté qu'il était sûr que son camarade finirait par regretter. 

La garçon se justifiait et s'excusait. Cela eut le mérite d'adoucir un peu le rouquin mais il ne pouvait pas s'empêcher de penser que le poufsouffle était complètement à côté de ses pompes. Est-ce qu'il se rendait seulement compte de ce qu'il disait et faisait ? Il s'excusait de vouloir quitter l'équipe mais pas de le menacer avec un cognard ? Cherchez l'erreur.

- Ouai, tu a été trop loin, et pas seulement en voulant quitter l'équipe, répondit Rey d'un ton maussade.

A sa requête, Rey ne savait que répondre. Pour tout ce qu'il venait de se passer, Jeffrey mériterait d'être exclus mais le capitaine ne voulait pas se séparer d'un si bon élément et il pouvait comprendre que le garçon était dans une mauvaise passe. Au minimum donc, serait de le mettre sur le banc. Mais vu que c'était ce que demandait le batteur, ce n'était plus une punition. Et pour couronner le tout, il était clair que ça serait une mauvaise idée de le faire jouer et ses arguments pour l'équipe tenaient parfaitement la route.

Le rouquin sentit que le mal de crâne n'était pas loin. Il réfléchit à tout allure et finalement une solution s'imposa à lui.

- Ok. Tu seras sur le banc pour le prochain match. Mais tu perds ton post de titulaire. C'est le minimum après tes menaces. Ici, je suis ton capitaine pas un élève lambda que tu peux menacer parce que tu ne vas pas bien. Et puis... si j’entraîne quelqu'un d'autre à ton poste, ce n'est pas pour le lui reprendre après.

Estimant que la conversation était close, le rouquin récupéra le souafle et grimpa  sur son balai. Avant de s'envoler, il se tourna vers son camarade. Il était capitaine oui, mais il était aussi un poufsouffle. Il n'aimait pas se disputer avec les gens, pas plus qu'il n'appréciait les blesser. Pou être tout à fait honnête, il avait une dernière chose à dire à son camarade avant de reprendre sa thérapie par les airs, dont il avait encore plus besoin maintenant.

- T'es un très bon batteur Jeff, et l'équipe t'adore et ne serait pas pareille sans toi. Sans le vrai toi. Fous pas tout en l'air à cause d'une personne, dit-il avant de s'éloigner.

Fin du RP pour moi, merci Jeff', t'as traumatisé mon petit Rey, comme si il ne l'était pas déjà assez 

La leçon de morale était justifiée. Aussi Jeffrey serra les dents et prit sur lui en gardant le silence. Après tout Sifferlen ne pensait quand même pas que Jeffrey referait le même cirque avec le cognard ? Non non, les choses avaient un peu dégénéré certes mais il n'y avait pas eu plus de danger que dans un match normal. Et puis sa menace était faite sans être réellement sérieuse, bien que ça Rey ne puisse le savoir. L'objectif avait seulement été que le rouquin ne cherche pas à en savoir plus et cela avait parfaitement fonctionné.

Puis son capitaine lui annonça qu'il irait effectivement sur le banc. Mais il ajouta qu'il en perdrait son poste de titulaire durement acquis. Le coup était rude mais l'anglais le digéra pourtant facilement. Après tout il avait été à deux doigts de quitter totalement l'équipe alors la perte d'un poste de titulaire n'était pas la fin du monde. L'essentiel était de ne pas jouer ce match et de gagner du temps pour réfléchir. Le garçon était si soulagé que son instinct de compétiteur avait déjà repris le dessus quand il pensa "Au pire je regagnerai une place de titulaire sur le terrain. Tu verras." Il se contenta donc de répondre calmement, et en ayant enfin l'attitude exemplaire que devait attendre Rey de son joueur.

« Je comprends t'inquiète. J'étais sur le point de quitter la team donc bon... Merci de m'avoir écouté, je suis soulagé d'éviter ce match. Et bien sûr je n'y laisserai rien paraître et encouragerait les autres. Tu sais bien que d'habitude je cherche pas les problèmes. »

Le rouquin, qui semblait sur le point de reprendre son envol, dit quelques mots qui finirent de mettre du baume au cœur de Jeffrey.

« Merci Rey, c'est sympa de ta part. T'es un super capitaine aussi, quand tu provoques pas trop tes coéquipiers. » dit le garçon dans un rire. Il ne pouvait pas s'empêcher d'en faire de même en fin de compte. Le Poufsouffle et désormais ex-batteur tint à ajouter quelques mots avant que Rey ne soit trop loin. « Promis j'y penserai... Et désolé pour le cognard... Allez j'te retiens pas plus. »

Jeffrey tourna les talons. La discussion avait été houleuse mais fructueuse. Et au fond de lui il était finalement soulagé d'être encore un Frelon.