Sa saute d'humeur avait été aussi brutale que passagère. Elle se sentait vidée. Naomi avait peut-être raison. Peut-être bien qu'elle était la seule a attendre ça d'elle-même. Peut-être bien qu'elle était la seule à ne pas pouvoir tolérer ses faiblesses, à ne pas pouvoir accepter qu'elle puisse être faillible. Faillir était une chose qu'elle s'interdisait formellement. Ce n'était pas nouveau et les évènements de ces dernières années l'avaient rendue d'autant moins tolérante envers ses propres faiblesses. La comparaison à Dieu lui tira un petit sourire un peu tordu. C'était un peu incongru de voir apparaître cette notion de religion à cet instant précis. Les sorciers n'étaient pas très férus de la chose. Elle en connaissait très peu qui soient croyants. Naomi l'était-elle ou avait-elle seulement trouvé cette comparaison plus parlante ? Pour Elina la vie était comme une rivière qui creusait son lit. Il n'y avait pas d'entité particulière, par de volonté derrière les circonvolutions de son lit. Les choses étaient. Et c'est tout ce qui comptait. Elle ne tenait pas à se persuader que le monde était régie par un être à la personnalité un tant soit peu semblable à celle des humains. Cela serait une mauvaise nouvelle pour ce monde.

Encore une fois Naomi avait probablement raison. Elle s'était surmenée ces derniers temps. Son travail a Poudlard lui demandait déjà beaucoup de temps, mais les nuits drastiquement raccourcies par ses excursions à la tour Ombreuse n'arrangeaient rien. Elle avait conscience de sa fatigue. Elle savait qu'elle ne devait pas avoir bien meilleure mine qu'un loup-garou après chaque pleine lune, même si ce n'était pas sa transformation à elle qui en était la cause. Cependant, elle avait réussi à faire bonne figure jusqu'à présent. Elle réussissait plutôt bien à cacher son degré d'épuisement. Cette semaine banalisée suite aux évènements du bal lui permettrait sans aucun doute de prendre un peu de repos. Elle ne serait plus obligée de sacrifier ses nuits pour le bien du plan. C'était une bonne chose en un sens. Elle aurait besoin de toutes ses forces pour la phase finale.

« Tu as raison. Je ferais mieux de me reposer. Tu allais à l'infirmerie non ? Je ne veux pas trop te retarder... »

Se confier lui permettrait peut-être d'alléger un peu le poids qui reposait sur ses épaules, mais a qui pouvait-elle bien confier de telles choses ? Elle ne ferait que mettre en danger les personnes qui l'entouraient. Elle devait se reprendre. Elle ne laisserait pas cette faiblesse passagère la définir. Ce serait une insulte envers tout ceux qui lui avaient fait confiance. Qu'ils soient toujours de ce monde ou non.
Désolée pour l'attente!

Finalement il semble que mes mots aient été sagement choisis puisqu'elle est enfin calme. Je comprends toutes les émotions que cela peut déchaîner en elle, et je suis bien désolée qu'elle soit obligée de supporter tout cela. Seule surtout, ce n'est pas facile. Je ne peux que lui souhaiter un bon rétablissement.

A l'évocation d'une fin à notre discussion je réponds immédiatement. "Ne t'inquiète pas je... me promenais juste." Je ne veux pas la laisser toute seule après ça. Je n'ai pas envie non plus que nous nous arrêtions de parler. J'ai enfin la chance de passer du temps avec elle, quel dommage que ce soit dans ces circonstances... Mais ça ne m'empêchera pas d'arranger la vérité pour ne pas la laisser partir.

De toute manière l'infirmier n'aurait rien fait pour moi de plus que ce que je peux faire. J'étudie mon propre cas depuis un petit moment, et je sais ce qui peut potentiellement me soulager. En l’occurrence, avec toutes ces émotions, me changer les idées est peut-être plus efficace que n'importe quelle potion. Réalisant par ailleurs que j'ai toutes les herbes dans mon bureau pouvant soulager ma douleur je propose ; "Ça te dirait de venir boire une tisane ? J'ai aussi un jeu d'échecs dans mon bureau. Histoire de décompresser."

Je suis consciente que c'est à la fois un peu trop et d'autre part insuffisant dans le sens où on ne propose pas à quelqu'un qui nous plait de venir boire le thé. Aussi je suppose qu'elle peut vouloir rester seule, réfléchir à tout cela. Si elle refuse je ne m'en offusquerais pas. Mais qui ne tente rien n'a rien, et un peu de compagnie adulte me ferait plaisir. J'apprécie les élèves, mais ils comprennent pas que nous aussi, les grands, nous sommes touchés et vulnérables. Et puis, pour les échecs, c'est mon amour du jeu qui parle. Avec elle ou n'importe qui j'aurais envie d'y jouer. C'est à la fois calme et captivant. Je peux me vider la tête sans me fatiguer même si la version sorcière du jeu est parfois un peu trop agitée à mon goût.

Elina ne se sentait pas tellement mieux, mais la fatigue prenait doucement le dessus sur la détresse ou tout autre sentiment. Elle ne pouvait pas changer ce qui avait été fait et il y avait peu de chances qu'elle puisse faire quoique ce soit pour améliorer la situation. C'était bien au-delà de son pouvoir qui lui paraissait une nouvelle fois terriblement, tragiquement, limité. A croire que tous ces entrainements, n'avaient servit à rien. Hjördis s'était bien donnée du mal pour qu'elle en arrive là... La Durmstrang l'aurait probablement gratifiée d'une belle paire de gifles pour s'apitoyer ainsi sur son sort alors qu'elle était loin d'être la seule à voir son destin lui échapper totalement. Ces dernières 24 heures n'avaient été que destruction et désolation. D'abord la salle de bal, puis Sainte-Mangouste et enfin Londres, rompant ainsi le secret magique. Les choses pouvaient-elles réellement encore empirer ?

Au moins Kristen avait pu retrouver Aude Luneau et l'ex-directrice de l'hôpital sorcier était en bonne santé, quoiqu'épuisée. Elle ne pouvait cependant plus exercer pour le moment. Penser à la sorcière française amena inéluctablement les pensées d'Elina vers sa fille, Sybille et vers les résidents de la tour Ombreuse. Il y avait de grandes chances qu'aucun d'eux n'ait encore eu vent de la découverte de la communauté sorcière anglaise par les moldus. Il fallait à tout prix qu'ils se montrent plus prudents que jamais maintenant que les moldus pouvaient aussi en vouloir à leur vie. Il était difficile de prévoir comment les moldus réagiraient, mais au vu de la destruction perpétrée dans la ville de Londres par les Obscurus, ils n'accueilleraient pas les sorciers à bras ouverts. A l'instant même où ses pensées s'étaient tournées vers la tour Ombreuse, un sentiment d'urgence s'était emparé d'Elina. Elle devait les avertir, immédiatement. Et veiller avec eux à renforcer les protections de la tour. La jeune professeure se retint néanmoins de réagir aussi brusquement face à Naomi qu'elle l'avait fait quelques instants plus tôt.

Bien qu'Elina doute un peu qu'une simple promenade ait mené sa collègue jusqu'aux portes de l'infirmerie, elle ne fit aucun commentaire. Quelles étaient les chances pour que la sorcière ait voulu monter toutes ces marches alors même qu'elle avait besoin d'une canne pour soulager sa jambe qui peinait à soutenir son poids ? Est-ce que c'était une manière de l'épargner ? Elle devait vraiment faire peine à voir... Elina se sentait désormais un peu désolée de devoir décliner l'invitation de Naomi. Elle avait l'impression de tourner le dos à sa bienveillance, mais c'était une situation qui ne tolérait pas de délais. Elle n'avait déjà que trop tardé.

« Je... Je suis désolée, mais je viens de me rappeler que je dois écrire un hibou urgent. »

Doucement, la jeune sorcière libéra son bras de la poigne de sa collègue. Elle ne voulait pas qu'elle puisse prendre son geste comme un rejet de sa gentillesse. Elle fit quelques pas hésitant pour s'éloigner avant d'ajouter avec un petit sourire désolé.

« On peut peut-être remettre ça à plus tard ? Je n'ai pas joué aux échecs depuis des années. Je dois être rouillée, mais j'essaierais de rendre ça un peu intéressant. »

Le temps ne manquerait pas pour qu'elle se rattrape avec l'interruption des cours annoncée. En revanche, le temps manquait pour les résidents de la tour Ombreuse. A mesure qu'elle s'éloignait de l'infirmerie, son pas se faisait plus pressé. Quelques instants plus tard, elle dévalait littéralement les escaliers pour regagner ses appartements d'où elle pourrait partir pour la Russie.
Merci pour ce RP! 

Elina décline mon offre, prétendant avoir un hibou urgent à écrire. J'ai rarement entendu une excuse aussi peu crédible, mais tant pis. Si elle ne veut pas venir, c'est son choix, je ne vais pas la retenir. Et de toute manière je ne vais pas pouvoir me soigner seule pour l’éternité, il est réellement temps que je demande son aide à l'infirmier. Je me contentais pour lui répondre d'un “Ok” accompagné d'un haussement d'épaules nonchalant.

Elle eut la politesse tout de même de nous proposer que nous jouions aux échecs un jour. Mais en général, quand on propose sans donner de date, c'est qu'on a pas l'intention de réellement le faire un jour. Vraiment compliqué cette fille, je ferais mieux de laisser tomber. D'autant qu'elle à l'air de dérailler un peu. C'est ce qui arrive quand on fait vivre trop de choses aux gens sensibles.

Je lui réponds par un signe de tête et la laisse partir, entrant moi-même dans l'infirmerie. Cette histoire de lettre à écrire me rappelle que je devrais écrire à Alice. Après-tout, elle ne refuserait jamais une partie d'échecs elle, donc elle ne refusera pas de me lire me plaindre. Et elle saura sans doute mieux me conseiller que n'importe qui ici. Mes collègues sont gentils, mais je ne crois pas que ce soit une bonne idée de trop sympathiser avec des gens du travail. J'aime garder une césure entre vie professionnelle et privée.

merci à toi !