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24 févr. 2020, 23:16
 27.01.2045  L'aigle civilisé
Les cachots… ce dédale de couloirs humides, puants pour la plupart, traversés par des courants d’air glacés sur fond de pierres sombres et luisantes, recouvertes de mousse par endroit ; Aidan les détestait, encore et à jamais. L’antre infecte des Serpentard et de leurs délires de noirceur semblait vouloir se refermer sur lui, l’aigle civilisé, tandis qu’il s’enfonçait toujours plus loin à la lueur vacillante des torches ensorcelées. Il crut même devoir jouer des coudes aux abords d’un embranchement où il s’arrêta net en entendant deux voix distordues.

A sa gauche, un couloir étroit conduisait le promeneur à un cachot dont l’entrée béante recrachait un tapis de lumière blafarde sur lequel se tordaient des ombres découpées au couteau. Faisant claquer sa cape derrière lui, Aidan accéléra le pas en se demandant jusqu’où Kristen avait poussé la mise en scène macabre. Il poussa presque un soupire de soulagement en la trouvant dans un coin du cachot, aussi blanche et lugubre que celle qu’elle avait fait asseoir sur une chaise, à la lumière d’une lampe à huile en lévitation.

« J’ai fait aussi vite que j’ai pu, dit Aidan. »

Plantée sur son siège, Alannah Blackwave lui fit l’impression d’un oiseau en cage à la façon dont ses petits yeux vert fusaient d’un point à un autre sans se fixer, son dos courbé comme sur le point de rompre sous la cape de l’école. Kristen, quant à elle, était l’incarnation d’une statue grecque dans ce qu’elle avait de plus figé. Bien que sa gorge brulât de lancer une pique à sa cible favorite, Aidan s’efforça de se concentrer sur l’objet de sa venue.

Avec la virtuosité et la grâce qui étaient les siennes, il tira la chaise mise à sa disposition et s’assit, genou contre genou, face à Alannah. Surprise, la jeune femme n’eut même pas le temps de rompre cette proximité qu’Aidan lui saisissait les mains. Des mains glacées et rêches. L’acte de résistance ne tarda pas. Alannah tira de toutes ses forces pour lui échapper et comme escompté, Aidan profita de la diversion pour ouvrir la porte de ce jeune esprit rebelle.

« Je ne te veux aucun mal, affirma-t-il, ses pouces caressant le dos de ses doigts gelés. »

Sa maîtrise de la legilimancie étant ce qu’elle était — en tout point extraordinaire — Aidan imposa un rêve apaisant à la jeune femme qui sombra aussitôt dans un état semi-conscient. De quoi rendre la suite des opérations beaucoup plus simple pour lui comme pour elle.

« Que veux-tu savoir Serdaigle-refoulée ? demanda-t-il au sphinx posté derrière lui, non sans un sourire moqueur. »
25 févr. 2020, 00:28
 27.01.2045  L'aigle civilisé
Kristen ne voulait pas traiter Alannah Blackwave comme une prisonnière, bien sûr. Mais la vérité était là : elle faisait entrer dans son école un membre de la garde d'Ursula Parkinson, même si, d'après la jeune sorcière, elle n'en faisait pas vraiment partie. Le fait que la dirigeante du Conseil des Sorciers laisse ceci se faire était plus douteux qu'autre chose : Kristen croyait son esprit trop pervers pour n'y voir aucune machination. Malgré tout le mal que devait penser Amy Holloway, la professeure de Défense contre les Forces du Mal que Kristen n'appréciait pas franchement (mais à qui elle reconnaissait quelques compétences, bien inférieures aux siennes évidemment), il s'avérait que la Directrice de Poudlard avait effectivement envisagé un piège et avait, pour espérer le contrer, fait appel au meilleur Légilimens de sa génération.

« Préfet-en-chef, dit-elle à mi-voix en hochant la tête quand celui-ci entra dans la pièce. »

Ce surnom lui collait à la peau, tout comme celui de Serdaigle-refoulée collait à celle de Kristen. Elle avait du mal à l'appeler autrement : c'était un peu le nouveau prénom qu'elle avait choisi à Aidan Bowers. Il devait en être de même pour lui. Ils étaient comme chien et chat, surtout depuis leur septième année d'études.

« Tu commences à en avoir l'habitude, je suppose... Je veux savoir si elle est fiable. Elle nous vient des rangs de Parkinson et prétend avoir essayé de l'infiltrer sous Polynectar. Je veux savoir si c'est vrai, je veux savoir si son esprit a été altéré d'une façon ou d'une autre, et je veux savoir si elle a passé un accord avec elle. Bref, creuse et trouve ce qui pourrait m'inquiéter à son sujet... »

En terminant sa tirade pleine de je-veux-et-j'exige, elle s'aperçut qu'elle avait donné une sacrée flopée d'ordres. Si ce ton lui était naturel avec à peu près tout le monde, elle estimait suffisamment Aidan Bowers pour penser qu'il était loin d'être son larbin : en fait, il lui était d'une grande aide et de bons conseils. Kristen avait beau diriger un réseau de résistance, elle ne se voyait pas prendre le chemin de la politique, à terme, et espérait qu'Aidan serait celui qui prendrait les rênes.

Il fallait aussi admettre qu'elle n'avait pas franchement envie que, vexé par son impolitesse, Aidan se venge en se plongeant dans son esprit, ne serait-ce que pour une petite seconde.

« S'il te plaît, ajouta-t-elle. »

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27 févr. 2020, 19:54
 27.01.2045  L'aigle civilisé
La fiabilité était devenue l’affaire de tous. Aidan le savait mieux que quiconque. Les temps étaient difficiles, personne ne savait vraiment à qui se fier. Pour le commun des mortels, les amis de longue date pouvaient, d’un claquement de doigts, se transformer en dénonciateurs coriaces. Même des familles entières se retournaient contre certains de leurs membres dès lors que leur comportement était identifié comme déviant. C’était ça de vivre sous le régime du Conseil des sorciers : respirer une atmosphère nauséabonde, pire que celle qui stagnait dans ces cachots puants.

« Je vais voir ce que je peux faire, commenta Aidan en fouillant la poche de son manteau, son autre main toujours en contact avec Alannah. »

Sa baguette magique au poing, il imprima un cercle invisible devant le front de la jeune femme et, les yeux fermés, déversa toute la subtilité de son esprit dans le sien. Il laissait les incantations aux apprentis Legilimens, lui n’avait aucun besoin de ces babioles. L’esprit d’Alannah, comme celui de tous les êtres humains qui n’étaient pas Occlumens, était comme un vaste champ où pullulaient les rubans argentés. Chaque ruban ouvrait sur une pensée ou un souvenir. Aidan les distinguait par l’intensité de leur lumière intérieure. Les pensées, d’une nature plus vive, étincelaient comme la lune par une nuit d’été. Les souvenirs, quant à eux, brûlaient d’un feu doux à cause des sentiments qu’ils tenaient accrochés à l’âme.

Se perdre dans ce vaste paysage nacré était facile. C’est là où la particularité d’Aidan touchait au génie. Il n’avait pas besoin de réfléchir. Instinctivement, il savait quels rubans saisir et lesquels il devait délaisser. C’est ce qu’il fit, avec toute la délicatesse dont il était capable. Le souvenir d’Alannah devint aussitôt son souvenir...

« Elle a passé deux mois à concocter du Polynectar dans une chambre qu’elle occupe toujours à la tête de sanglier, dit-il. Un soir, elle a profité d’une interpellation musclée des Manteaux noirs dans la salle commune de l’établissement pour arracher un cheveu à l’un d’eux. C’est comme ça qu’elle a gagné son accès à la Citadelle une semaine plus tard, après avoir envisagé toutes les possibilités. Son plan était minutieux. Pendant près de dix jours, elle a vécu comme un véritable Manteau noir. Elle a appris par coeur tous les chemins de ronde qu’elle pouvait apprendre, les habitudes de chaque haut-gradé à sa portée, mais elle s’est fait pincée. Elle ne sait pas comment. Son plan semblait si parfait. Elle a été conduite devant la Parkinson — cette nouvelle couleur ne lui va pas, si tu veux mon avis — et tout le château de cartes s’est écroulé... »

L’émotion qui imbibait le souvenir était si vive qu’Aidan n’eut d’autre choix que de reculer en manquant de se prendre les pieds dans la chaise. Alannah ouvrit lentement ses yeux, comme si elle émergeait à peine d’une longue nuit de sommeil.

Ses sourcils froncés, Aidan leva un regard atterré sur Kristen. Il n’en revenait pas. C’était tout bonnement impossible malgré l’image qui était encore fraîchement imprimé sur ses rétines.

« ... elle a revu sa mère et son petit frère. La Parkinson lui a assuré qu’il ne leur arriverait rien de mal si elle acceptait de veiller sur son père, le temps de son séjour à Poudlard. »

Aidan n’avait même pas remarqué que le lien qu’il avait préalablement tissé avec la jeune femme s’était rompu sur le coup de la surprise. Ce n’est que lorsque ses doigts s’animèrent sous les siens qu’il le réalisa et la lâcha.

« Tu es vraiment sûre que c’était eux ? lui demanda-t-il, un peu précipitamment. »

Alannah accusa le coup, balbutia deux trois syllabes, ne sachant visiblement pas de quoi il voulait parler.
02 mars 2020, 02:54
 27.01.2045  L'aigle civilisé
Les bras croisés et adossée au mur, Kristen regarda Aidan dans son processus d'infiltration de l'esprit d'un œil attentif. Comme il aurait été utile de planter Aidan Bowers directement face à Ursula Parkinson pour voir ce qu'il se passait dans son esprit tortueux... Kristen voulait savoir de quoi était faite la tête de cette jeune femme qui avait toujours l'air de prévoir quelque chose, de manigancer, elle voulait connaître ses secrets... Pour agir en conséquence, certes, mais aussi pour satisfaire sa propre curiosité. Kristen trouvait Parkinson intéressante, et elle était à peu près persuadée qu'il était possible d'en faire quelque chose de plus grand que cette vaste blague qu'était le Conseil des Sorciers. Kristen avait toujours été attirée par les personnes légèrement problématiques, et elle sentait souvent un lien invisible se créer avec celles-ci. Elle avait ressenti cela avec la cheffe du Conseil des Sorciers, sans vraiment se l'expliquer. Fouiller sa cervelle comme Aidan fouillait celle d'Alannah aurait été un pur plaisir.

A mesure qu'Aidan racontait ce qu'il voyait dans l'esprit de la jeune sorcière, Kristen fronçait un peu plus les sourcils. Elle se décala du mur et s'approcha de la sorcière, l'observant sous toutes les coutures. Pourquoi, de tous ses manteaux noirs, Parkinson avait-elle envoyé celle-ci à Poudlard ? Pourquoi leur envoyer tant de précieuses informations, une tête si bien remplie, alors qu'elle savait que Poudlard était un lieu de résistance ? Pourquoi leur faire ce cadeau ? Et comment s'était-elle fait pincer, et pourquoi Alannah n'avait-elle pas été envoyée à Azkaban, ou même exécutée, pour cet affront ? Trop de choses échappaient à la compréhension de Kristen, qui se sentait très frustrée. Parkinson n'avait pas fait preuve de clémence juste pour faire preuve de clémence. Quelque chose se tramait là-dessous et Kristen manquait d'éléments pour mettre le doigt dessus : pire, elle sentait qu'elle faisait exactement ce que Parkinson attendait d'elle.

Enfin, ce fut une véritable surprise. La révélation d'Aidan fit relever la tête à la directrice de Poudlard, qui chercha immédiatement le mensonge dans les yeux d'Alannah... Mais elle n'avait pas le talent d'Aidan pour fouiller son esprit, encore une fois.

« Rien ne va dans cette histoire... Parkinson sait que la résistance est à Poudlard : pourquoi nous enverrait-elle, entre tous ses Manteaux Noirs, celle qui la déteste probablement le plus ? Celle qui a observé le Conseil pour en comprendre le système, trouver ses failles ? »

Kristen pensait tout haut plus qu'elle ne posait de véritables questions. Malgré ses nombreux talents, Aidan ne pourrait pas répondre à ces questions-là.

« Et enfin, qu'est-ce que cela veut dire, la femme et le fils ne seraient donc pas morts ? La prise du Ministère repose là-dessus. Était-ce une illusion, ou bien ce qu'elle a vu en était-elle une ? Du Polynectar ? Ses souvenirs sont-ils réels ? Suspectes-tu la moindre trace de sortilège d'altération de la mémoire ? S'ils sont vraiment en vie, n'avons-nous pas toutes les raisons de penser qu'elle n'est pas fiable ? Non, en fait, peu importe qu'ils soient en vie ou non, si c'est ce qu'elle croit... Parkinson a un bon moyen de pression, qu'il soit réel ou illusoire.  »

Kristen se retourna vivement, franchement agacée. Il y avait beaucoup trop d'inconnues, et elle avait toujours voulu tout savoir, avoir de l'avance sur tout le monde. Ne pas en être capable lui faisait perdre son calme. Elle fit quelques pas dans la pièce pour s'éviter de vouloir casser un mur, puis se pencha vers Aidan, lui disant très rapidement, mais à voix basse, laissant paraître son exaspération certaine :

« Imagine un peu : et si nous disions à la résistance que nous avons l'ancien ministre ici, en sécurité, que nous avons sa fille qui nous a... dit que sa mère et son petit frère n'étaient pas morts et que le coup d'état de Parkinson n'était qu'une vaste blague... Qu'est-ce qui peut l'arranger, là-dedans ? Quel intérêt y trouve-t-elle ? Je ne la crois pas capable de laisser ceci au hasard. »

Elle regarda Alannah à nouveau, plissant les yeux, ayant toutefois refusé de s'adresser directement à elle pendant tout ce temps.

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05 mars 2020, 11:47
 27.01.2045  L'aigle civilisé
Aidan aurait volontiers fait un croche-patte à Kristen pour l’empêcher d’arpenter la pièce juste sous son nez. Comment voulait-elle que qui que ce soit se concentre, réfléchisse, si elle continuait d’agir comme un phare de frustration illuminant le monde ? Il détourna les yeux pour ne pas avoir à lui décocher un regard équivoque. Les Gryffondor et leur foutue impatience ! Voilà pourquoi elle n’aurait jamais fait une bonne Serdaigle, malgré le sobriquet qu’il lui avait infligé durant leur scolarité et qu’il lui infligeait encore aujourd’hui. Serdaigle refoulée... ou bien Gryffondor enragée, Aidan optait plus pour la Gryffondor enragée pour l’instant.

« C’est ce qu’elle veut. Elle veut que tu te poses toutes ces questions. Elle veut que nous nous posions tous des questions. L’incertitude engendre l’hésitation et l’hésitation engendre le désordre. Quoi de mieux qu’une résistance désordonnée, incapable de comprendre les mouvements et les motivations de son ennemi, hm ? »

Il le savait mieux que quiconque. Ursula Parkinson était une sorte de fantôme. Les informations sur son compte était si peu nombreuses qu’elles relevaient toutes des légendes. Le personnage n’avait pourtant rien de mythique, si on exceptait sa surprenante prise de pouvoir. Partout où elle passait, Ursula Parkinson laissait un océan de questions dont les réponses étaient au mieux bancales, au pire complètement farfelues. Aidan devait bien reconnaître une chose : elle titillait son intellect. Son intelligence remarquable était son atout principal et elle en usait pour les rendre fous, tous autant qu’ils étaient.

« C’est une adversaire autrement plus coriace que Legallet, crois-moi, commenta-t-il en lançant un regard désolé à Alannah. »

La fille aînée de Dallan Blackwave semblait sur le point de fondre en larmes, mais les mâchoires serrées, elle réussissait à garder le contrôle de ses émotions. Aidan les devinait très fortes.

« J-je ne sais pas comment c’est possible, je vous le jure... dit Alannah, les yeux baissés sur ses genoux. Mais c’était bien eux... »

Aidan ressentit de la compassion pour la petite. D’eux trois, elle était celle qui faisait face à la plus grande inconnue. Ne pas comprendre Ursula Parkinson était une chose, mais découvrir qu’elle avait vraisemblablement orchestré la mort de deux membres de sa famille pour finalement les maintenir en vie dans le plus grand secret — jusque là — devait être particulièrement difficile à encaisser.

« Il n’y a aucune altération dans son esprit, informa-t-il Kristen, réfléchissant à plein régime. C’est notre postulat de base qui est erroné... tout le monde a vraisemblablement cru à la mort d’Abigail et de Liam Blackwave parce que c’était ce qu’Ursula Parkinson voulait. Ou plutôt ce que la McKinney voulait si j’en crois ce que tu m’as rapporté de ta dernière virée à Ste Mangouste... réfléchissons, et si la Parkinson avait bel et bien orchestré leur mort ? Si elle est aussi intelligente que je le crois, elle pouvait prévoir le mouvement de résistance qui en résulterait, tout comme cela servait son alliance avec la McKinney... »

Il commençait à comprendre... ou tout du moins son hypothèse commençait à éclairer une logique implacable.

« ... et si c’était la McKinney qu’elle avait bernée... poursuivit-il en se caressant le menton. Hm, oui... ça expliquerait beaucoup de choses... réfléchis-y Serdaigle refoulée, et si dès le début la Parkinson voulait berner la McKinney ? Il lui aurait suffit de servir du Polynectar au goût d’Abigail et de Liam à deux cinglés d’Azkaban pour les tuer devant le mari et père et un parterre de spectateurs effrayés. Réfléchis... et si ce faux acte ignoble avait volontairement fractionné notre bonne vieille société pour que la Parkinson distingue rapidement ses alliés de ses adversaires ? »

Il serra les dents en ayant l’intime conviction qu’Ursula Parkinson avait réussi, par un coup magistralement joué, à faire d’eux les pantins de sa pièce de théâtre. Aidan se sentit l’envie de rire alors il laissa éclater un rire franc.

« Magistrale. Même moi je n’ai rien vu venir haha. »
12 mars 2020, 02:28
 27.01.2045  L'aigle civilisé
Kristen écouta toutes les hypothèses d'Aidan en reprenant sa marche en long, en large et en travers de la pièce obscure. Qu'était-elle censée répondre à la découverte de ces informations ? Elle ne devait pas agir en tant que personne, mais en tant que coordinatrice d'un réseau de résistance. Et cette position était douloureuse. Elle ne l'aimait pas du tout, à vrai dire. Elle n'aimait pas devoir rendre des comptes à qui que ce soit, que ses choix soient influencés par autre chose que ses désirs et ses instincts, ou même faire partie d'un groupe. Elle avait vu dans la création d'un mouvement l'occasion de propager son idée, pas l'occasion de se faire des amis. La résistance était une sorte de mal nécessaire pour garder l'espoir de faire changer les choses, car une idée seule n'ira malheureusement pas bien loin. Mais penser beaucoup plus loin que le bout de son nez était d'un ennui...

« Admettons que tu aies raison... Qu'est-ce qu'on fait ? Devrait-on partager l'information un peu partout ? La résistance a Dallan Blackwave et sa fille, et tient de source sûre que la femme et le fils ayant prétendument été tués sont en vie... Imagine la réaction du public réalisant que la prise de pouvoir de Parkinson repose sur une tromperie, qu'une partie de la peur qu'elle inspire est sans fondements... »

Mais, disant cela, elle réalisait les problèmes que cela posait et marchait plus vite à travers la pièce, avec l'envie d'avoir un punching-ball à disposition pour donner de grands coups dedans. Elle avait une information cruciale mais ne pouvait rien en faire pour le moment. Kristen était frustrée, et elle supportait très mal la frustration.

« Bien sûr que non, ça mettrait la petite en danger..., dit-elle en faisant un mouvement de tête vers Alannah Blackwave. Cette façon d'agir ne me ressemble pas, c'est trop grossier. J'ai même l'impression que ce serait contre-productif... »

Elle s'approcha d'Aidan et dit à voix basse, regardant Alannah de temps en temps, manquant totalement de respect pour cette pauvre jeune fille qui passait plus pour une prisonnière en interrogatoire devant deux géôliers qu'autre chose :

« Et si Parkinson a... tendance à m'agacer, je la préfère encore à McKinney, et de loin. D'abord la Yankee, et ensuite... ce serait facile, sans doute trop... »

Elle s'insupportait elle-même, à réfléchir à voix haute plus qu'à vraiment présenter des pistes intéressantes. Elle recommença à faire les cents pas, marmonnant à moitié. Il n'y avait aucun doute sur McKinney, qui était une ennemie à éliminer au plus vite. Mais pour Parkinson... Kristen la sentait, d'une certaine manière, comme il lui arrivait de sentir ses ennemis supposés. Exactement comme elle avait senti Aude, quelques années en arrière. Elle n'aurait pas su dire pourquoi. C'était ainsi : elle avait toujours été attirée par les personnalités qu'elle aurait dû fuir.

« Ne t'avise pas de regarder ce qu'il se passe dans ma tête pour y voir plus clair. »

La directrice de Poudlard souffla un grand coup, expulsant tout l'air contenu dans ses poumons, qui fit un son étrange, comme un mot qui commencerait par un f.

« J'ai l'impression de me battre au mauvais endroit. »

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16 mars 2020, 22:12
 27.01.2045  L'aigle civilisé
« Il règne un tel chaos dans ta cervelle que personne dans cette pièce n’a besoin de la Legilimancie pour le sentir, s’amusa Aidan. Il suffit de t’écouter et de te regarder pour s’en rendre compte. »

Il décocha un regard vers Alannah. La pauvre jeune femme était calfeutrée derrière un rempart de mutisme et déployait une montagne d’efforts pour ne pas céder complètement à ses émotions. Touché par le mélange subtile de tristesse et d’incompréhension qui habitait ces grands yeux vert émeraude, Aidan lui tapota la main. Il voulait se montrer rassurant. Après tout, la situation était, certes, mystérieuse, mais aux dernières nouvelles, Dallan Blackwave venait de retrouver un environnement sain où il jouirait des meilleurs soins en la présence d’Aude, de la meilleure protection en la présence de Kristen, et de l’amour de ses proches en la présence de ses trois filles.

« Ça va aller. Je sais que la grande Kristen Loewy peut parfois ressembler à un charognard avec son goût des vêtements noirs et ses sourires au moins aussi rares que les éclipses, mais elle veillera sur ton père. Peut-être même qu’elle trouvera un moyen de le guérir. Tu ferais d’ailleurs mieux de le rejoindre à l’infirmerie, il a besoin de toi. »

Alannah avisa la réaction de Kristen, mais le grand sourire d’Aidan la persuada de quitter les lieux sans attendre le consentement de la maîtresse des lieux. Aidan préférait se retrouver entre grandes personnes, et par grandes, il entendait des personnes qui avaient parfaitement conscience que la guerre ne se jouait pas entre deux bons sentiments.

« Tu veux bien t’asseoir, tu deviens stressante à t’agiter comme ça sous mon nez. »

Aidan plongea son regard dans le vide. Si ses hypothèses étaient fondées — à ce titre aussi ils nageaient dans le flou total — l’objectif n’était plus de résister à la menace que constituait le Conseil des sorciers, mais bel et bien de transformer le mouvement en quelque chose d’au moins aussi imprévisible. Si Ursula Parkinson avait réussi à tirer son épingle du jeu, c’est qu’elle avait pu prédire toutes les réactions sur le principe, astucieux, que toute personne sensée aurait agi de cette façon. Et toutes les personnes sensées avaient bel et bien agi de la façon qu’on pouvait attendre d’eux.

« Nous nous battons tous au mauvais endroit depuis que la Parkinson a choisi cet endroit pour nous, dit Aidan en cherchant le regard de Kristen. Depuis quand avons-nous cessé de nous comporter comme des électrons libres, hein ? Nous sommes trop prévisibles... trop dans la bien-pensance. Résultat, et bien il n’y a pas de résultat justement. »

Le constat était sans appel pour la Cause. Aidan entrevoyait un espoir qui lui fit prendre cette moue malicieuse qui lui collait si bien à la peau.

« Et si, comme au bon vieux temps, on s’amusait à outrepasser les règles pour faire les choses à notre façon ? »
17 mars 2020, 16:29
 27.01.2045  L'aigle civilisé
Quand elle s'entendit appeler "charognard", Kristen lança un regard assassin à Aidan. Lui et son humour... Comment le supportait-elle, déjà ? Cela dit, elle finit par s'asseoir, ou plutôt se laisser tomber sur la chaise, fatiguée de trop penser.

« La bienpensance... Les gens en raffolent. Crois-tu qu'ils m'auraient suivie si je n'avais pas fait semblant ? J'ai horreur de ça, sans doute plus que toi qui y as été habitué toute ta vie. C'est pour cette raison que je déteste la politique : il s'agit de dire ce que les gens veulent entendre. Mais une fois qu'ils y croient, celui qui a bien parlé est à peu près bloqué... J'ai toujours agi seule, à ma façon, sans me soucier de ce que les gens en pensaient. Avec cette résistance, je me sens privée de ma liberté d'agir. »

Kristen repensa aux lettres qu'elle avait reçues de parents Moldus d'élèves. Des Moldus, des rien, qui avaient osé l'insulter, la rabaisser, la menacer, elle, Kristen Loewy, sorcière puissante et renommée, comme s'ils en avaient parfaitement le droit, comme s'ils pesaient quoi que ce soit dans la balance. Des Moldus : des ménagères devant leur télévision, qui gobent tout ce qu'on leur dit, qui se tripotent les bigoudis après avoir plongé leurs gros doigts dans une barquette pleine de gras de fish and chips en clamant que les étrangers sont le fléau du pays, qui prétendent que la colère de Dieu va s'abattre sur le Royaume-Uni, que les sorciers sont contre-nature, des monstres, qu'il faudrait les disséquer, les brûler... Et les hommes, des employés de bureau courts sur pattes dans un costume trop grand, complexés toute leur vie par leur physique de scarabée, qui pensent qu'ils valent mieux que tout le monde parce qu'ils portent une cravate, et leurs cheveux mal peignés, leurs joues rouges, rugueuses et grasses, qui, en rentrant le soir, se mettent les pieds sous la table en hurlant devant cette horreur, cette télévision, galvanisés par une bande d'abrutis en short courant après un ballon et se roulant par terre à la moindre pichenette. Les Moldus. Quelle horreur : et c'étaient eux, ces êtres répugnants et carrément diminués, qui s'attaquaient à son peuple. Et malgré cela, Kristen faisait semblant, du moins pour le moment. Elle ne s'était jamais cachée d’œuvrer pour les sorciers avant tout, quel que soit leur sang, plutôt que pour les Moldus - même si elle avait essayé d'être agréable avec ceux ayant de la famille sorcière. Parce qu'aimer les Moldus, ou même les tolérer, ça fait bien. Oui, mais voilà : Kristen préférait les sorciers, et à choisir, elle se battrait pour eux, par pour les Moldus. Jamais.

« Qu'est-ce que tu envisages, Aidan ? Avec la guerre, la donne a changé. On ne peut pas le nier. Jusque-là, je me montrais... tolérante avec les Moldus. Mais je ne les laisserai pas s'attaquer à nous, et tu sais que je répondrai à ma façon s'il le faut. Depuis le début, j'ai voulu œuvrer pour les sorciers, pas pour eux. Alors, qu'est-ce qui est vraiment mieux pour nous ? »

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18 mars 2020, 19:01
 27.01.2045  L'aigle civilisé
« Et si on traitait un problème à la fois ? s’amusa Aidan en étirant son sourire jusqu’à l’indécence. La Parkinson ne peut pas nous atteindre ici et elle le sait. Personne ne sait pourquoi elle nous a offert Blackwave sur un plateau d’argent, je te l’accorde, mais si on arrêtait de se monter la tête et qu’on regardait les choses comme elles sont au lieu de se demander pourquoi... pourquoi elle s’est montrée de bonne foi avec nous. Le piège n’est peut-être que dans notre perception des faits... »

Poudlard était la forteresse par excellence. Même la sombre Citadelle ne lui arrivait pas à la cheville. La Parkinson en était certainement consciente. Il ne faisait aucun doute pour Aidan qu’elle avait délibérément placé le plus précieux de ses prisonniers politiques dans l’endroit le plus sûr du monde de la sorcellerie. Ce n’était pas un détail qu’Aidan jugeait anodin.

La Parkinson n’avait aucune intention d’attaquer frontalement Poudlard, et par ce biais, la Cause. Aidan en était intimement convaincu. Pas pour le moment en tout cas. Elle s’était choisie un autre adversaire. Un adversaire qui se trouvait ailleurs et partout à la fois... dans ce monde Moldu qui n’aspirait qu’à une seule chose, les annihiler tous autant qu’ils étaient.

Aidan n’avait jamais éprouvé le moindre ressentiment pour les Moldus. Ayant eu deux parents sorciers, des grands-parents sorciers, il n’avait jamais connu que le monde de la sorcellerie et ne s’était jamais intéressé au sort des Moldus qu’il jugeait amusants, tout au plus, dans leur vaine tentative de les égaler. Comme tout le monde, il avait vu ce que la folie des Moldus avait pu faire à cette pauvre Bathilda Menford et à tous ceux qui s’étaient laissés capturer par les forces armées des Moldus. Comme tout le monde, il en avait éprouvé du dégoût. Mais lui, l’orphelin à qui le système sorcier avait pris un père et une mère innocents dans les jeunes années de sa vie, n’arrivait pas à détourner sa haine du seul ennemi qui jalonnait son existence : le ministère de la Magie. Il entrevoyait dans ce fait incontestable, une lumière scintillante du plus bel effet.

« Condamnons pour de bon le ministère... frappons les Moldus avant qu’ils découvrent tous nos secrets et détruisons par la même occasion cet endroit maudit. »
20 mars 2020, 21:15
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Le cerveau de Kristen Loewy s'arrêta de fumer un instant, et elle éprouva une grande sensation de vide dans son esprit. Comme lorsque l'on a une révélation, que tout se débloque après des mois à ressasser en boucle les mêmes problèmes, apparemment insolvables. Aidan avait prononcé ces quelques mots qui décoinçaient la machine, ce petit coup de pouce qui fait tout repartir. Et alors, le cerveau de Kristen se mit à tourner de plus belle.

« Oui... Merlin seul sait ce qu'ils peuvent faire de ce qui se trouve là-bas. Mais... »

Elle repensait à l'annonce officielle du Conseil des Sorciers, qui disait plus ou moins que pour tout sang sorcier qui coulera, autant de sang Moldu devra couler... S'ils attaquaient le Ministère, des gens mourraient, c'était certain. Car il ne faudrait pas y aller de main morte. Le temps n'était pas aux négociations, et de toute façon, Kristen n'avait aucune envie de négocier avec ces gens-là. Ceux qui pillaient le Ministère, ceux qui enlevaient des sorciers pour les examiner et laisser leurs cadavres derrière eux étaient tous coupables. Aucun d'eux ne méritait le pardon. Il ne s'agissait pas du dégoût de la ménagère et de son cafard de mari : il s'agissait de crimes de guerre. Les Moldus étaient les professionnels du génocide, et mes ancêtres m'entendent et ne croient pas le contraire, pensait Kristen. C'était carrément un sentiment de colère qui prenait possession de Kristen, et plus elle en parlait, plus elle y pensait, plus ce sentiment devenait consistant.

« Si nous y allons, il ne faudra pas laisser quoi que ce soit nous arrêter. Surtout pas la pitié. Au moins, nous n'avons plus à nous cacher ; alors nous ferions mieux de montrer de quoi les sorciers sont capables. Il faudrait être stupide pour penser que l'on peut gagner avec de bons sentiments. Les guerres ne se gagnent pas avec de bons sentiments. »

Les sourcils froncés et les mains se pressant l'une contre l'autre, elle ruminait sa colère tandis que son esprit continuait de tourner à un rythme infernal.

« Je suis frustrée, Aidan. Je voudrais lui parler plus longuement. À Parkinson. Je suis persuadée qu'il y a quelque chose à creuser. »

Nécromancienne - Mère du dragon - Détentrice de la Baguette de Sureau et du Retourneur de Temps
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