Ella écouta les mots de Julie se joindre aux siens. Peut-être qu’à deux voix, Malya comprendrait deux fois plus qu’Ils n’avaient plus ce pouvoir. Qu’Ils ne pouvaient plus la détruire.

Qu’c’est
Fini.

Mais la petite fille était bien placée pour savoir que ça ne l’était jamais réellement. S’ils ne revenaient pas en vrai, ils restaient présents dans ses pensées, dans ses cauchemars, dans les simples gestes qui les lui rappelaient d’une façon ou d’une autre. Mais elle savait aussi que petit à petit, ils occupaient moins de place. Même si ça prenait

Beaucoup trop
De temps.

Tout ce dont Malya avait besoin, c’était d’avoir quelqu’un à ses côtés. Qui lui rappellerait, quoi qu’il arrive, qu’il serait là pour l’aider à guérir. Toutes ses blessures, les petites et les grosses, sans se décourager. Sans l’abandonner. Et ce quelqu’un, Ella devait l’être. Elle voulait l’être.
Trop compliqué… différence… Ella serra plus fort sa main pour qu’elle le sente. Le présent, leur présence, à Julie et elle. Leur absence, à Eux.

- Non… non, regarde. On est réelles. On est juste là. A côté.

La verte secoua la tête, comme poursuivie par des démons qui ne voulaient pas lâcher prise. Qui s’étaient acharnés sur une petite fille de onze ans.

S’amuser
A la casser.

Injuste, injuste, injuste. Ella ne voulait pas que ça lui soit arrivé. A elle, c’était une chose. Triste, mais c’en était une. Mais imaginer que les autres... horrible, insoutenable. Le cœur en mille morceaux. Car tout comme elle, Malya n’avait pas eu d’enfance. Trop peu d’innocence. Et beaucoup trop de blessures.
Elle voulait de l’air. La petite fille jeta un coup d’œil à Julie, alarmée. Elles ne pouvaient pas l’emmener dehors, non. De toute façon, elle ne croyait pas que c’était de l’air d’ici dont elle avait besoin.

De l’air
Tout là-bas.

- Malya… ils ne te suivent pas. Tu es assise… à l’infirmerie… maintenant. Y'a du soleil... de l'air, beaucoup d'air. Ici, y'a que Julie, toi et moi. Personne d'autre. Alors reviens...

Ils la suivaient dans ce monde sombre et sans pitié, ce monde qui se mélangeait à la réalité, s'y empêtrait pour ne plus vouloir s'en détacher. Ça lui arrivait aussi. Se réveiller en sueur, persuadée qu’ils la guettaient. Après cela, impossible de se rendormir. Ils étaient dans l’armoire, sous le lit, derrière la porte. Et le pire, dans ma tête. Malya ouvrit enfin les yeux, et Ella se mordit la lèvre afin de retenir ses larmes. Car ils étaient si perdus, apeurés, hantés, ses yeux verts. Et que ça n’aurait pas dû en être ainsi. Elle voulait être là avant.

Pourtant, à sa grande surprise, le corps de la Serpentard n’était plus secoué de sanglots. Les larmes n’avaient peut-être pas séché, mais au moins, elles avaient

Arrêté
D’couler.

Et les mots qui sortirent de sa bouche étaient importants. Ils signifiaient beaucoup. Car Malya ne voulait pas être normale. Et Ella, qui durant toute son enfance avait essayé d’être comme eux pour qu’ils l’acceptent, pour qu’ils l’aiment, pour qu’ils ne la rejettent pas, comprit. Elle comprit que quoi qu’elle fasse, elle serait toujours différente.

- Moi non plus… moi non, plus j’suis pas normale, affirma-t-elle.

Et elle perçut soudain cela comme une chance.

*Pas. Normale.*
Les mots de la Verte te ramène à la réalité tout en te faisant partir un peu plus loin dans les méandres de tes pensées.
*Qui est normale ?*
A mesure que cette question prend sa place dans ton esprit, les mots de la Rouge et Or viennent se mêler au tient, intérieur.
*Elle n'est pas normale. Elles ne sont pas normales. Je ne suis pas normale.*

- Que... qu'est-ce que la normalité ?

Philosophique.
Tu sais que cette question l'est.
Et bien souvent - trop peut-être - tu te l'as pose.

- Moi non plus j'le suis pas... normale...

Surement est-ce une chance même.
Vous n'êtes pas normale et c'est ce qui fait votre différence.
Personne n'est vraiment normal à vrai dire. Mais certains le sont plus que d'autre ou s'approche plus de ce qui définirait la normalité si elle était définissable ou cherche à le devenir.
Pourtant, il faut en faire une force. Plutôt qu'une faiblesse.
Ça, tu avais commencé à le comprendre tôt.
Les jumelles, ces moldus que la Verte n’apprécierait pas c'est certain, avaient jouées de ces différences qui faisaient qui vous étiez et qui vous êtes, toi et tes amis. Elles avaient voulu que ça vous brise, surement cela aurait pu fonctionner si vous ne vous étiez pas soutenu. De ces "anormalités" dont elles aimaient se moquer, vous en avez fait une force au fil du temps.

- On est p't-être différente, pas "normales", mais au moins on est ensemble. On te laissera pas toute seule Malya.

Ce n'est pas encore complétement ça mais la Serpentard semble aller un petit mieux quoiqu'encore touchée pas ses démons du passé.
Peut-être ont-elles compris que ne pas être normal était une chance. Peut-être.
Ça avait déjà été si difficile pour toi de si adapter et encore tu avais été entourée de tes amis.
Accepter une anormalité dans la solitude, tu n'en doutes pas que ce doit être une toute autre épreuve.

Enfin, tu prends le temps d'inspirer une grande rasade d'air avant de la laisser se faufiler entre tes lèvres.
En quelques inspirations tu essayes de faire redescendre le rythme de ton cœur.
Prise par les événements et la panique, tu n'as pas fait attention à ses battements anormalement élevés.
*Eux aussi, ils étaient anormales*
Cette pensée te fait légèrement sourire mais tu ne t'y attardes pas plus.
Calmer ton rythme cardiaque te fait aussi te souvenir de la douleur dans ton poignet. Elle te semble déjà bien plus faible, presque inexistante et ça te rassure.
Mais tu ne peux t'empêcher de comparer ta douleur physique qui est si futile face à ce que vit Malya ou même ce qu'avait Ella un peu plus tôt quoiqu'il semble qu'elle aille mieux.