L'impression de t'introduire dans son Cœur par effraction te tracasse. Tu ne voulais pas qu'elle se sente forcée. A te suivre. Pas te laisser tomber. Ses réponses sont hésitantes, ce qui ajoute un doute supplémentaire à tes inquiétudes. Pas lui faire de mal. Non. Pas par ta faute.

Son dos te fait face et t'apparait comme un Mur. Impénétrable. D'un coup Elle l'est devenue. Tu as trop peur de l'approcher. Elle est inaccessible. Tu ne peux même plus lire ces Mots qui n'arrivent pas à sa bouche tandis qu'ils traversent ses traits. Son Visage est invisible. Invincible ?

Tes fesses touchent le sol. Elles s'écrasent, ouais. Peut-être qu'inconsciemment, ce geste accompagnait celui d'Eileen. Pour qu'elle soit moins seule. Guidée. Escortée. Mais tu ne dois pas oublier, Gamine, que tu ne peux pas réparer le Mal qu'on lui a fait. Juste panser ses Plaies. C'est tout. Rien.


Du creux de ta paume, ce petit trésor sera transféré dans celui d'une Autre. Pas une Autre. Eileen. Elle en prendra soin. Sûrement. Mais si sa Colère prenait le dessus et qu'elle le brisait ? Et le lien qui vous unit, alors ? Brisé, lui aussi ? La Peur glace ton Âme. Fort heureusement, la Fille ne peut le voir. Elle ne saura pas. Que tu t'inquiètes pour Elle. Et Toi. Votre Vous ?

Bras tendu, tu pianotes sur son épaule. Pour la retourner. L'inviter à se retourner. Aucun spasme n'est perceptible dans ton Mouvement. Rien. La Petite se retourne à peine trois secondes plus tard. Est-elle surprise ? Tu espères ne pas l'avoir saisie. Pas Peur. Tu prends délicatement sa main froide dans la tienne et en laisses échapper les perles lumineuses. Neige et Soleil.
Tu préfères détourner les yeux pour ne pas assister impuissante à sa réaction. Pendant ce temps, tes yeux parcourent l'enceinte de Poudlard comme probablement la petite Eileen une minute auparavant. Bien que tu aies déjà passé un an et demi là, il t'est encore difficile de croire à une véritable maison...


Action d'Eileen vues avec sa Plume.

Je souriais dans le vide. Pour rien. Mais le sourire était bel et bien là. Je le sentais, même si je ne pouvais pas le voir. Je ne sais même pas pourquoi ce sourire était là, quelques instants plus tôt, avant qu'il ne disparaisse subitement lorsque les doigts d'Elyna se sont posés sur mon épaule. Mais mon sourire s'est évaporé. Envolé. Retrouvant l'air triste que j'ai sur le visage depuis quelques jours. A cause de Thalia. D'Elle. Qui a tout foutu en l'air. Comme si ce n'était déjà pas assez difficile de vivre loin de Londres, avec des gens qui réussissent, alors que moi je n'arrive pas rien. Je suis comme une inconnue, au milieu de tous les Autres. Une inconnue qui n'arrive à rien, et qui n'aurait pas du être là.
Je n'aurais jamais du venir. Jamais.

Je me tourne vers elle. Elyna. Peut-être qu'elle me comprendrait ? elle... Elle est une née-moldue aussi. Elle ne vient pas des sorciers, comme la plupart des gens ici. Mais ça fait déjà plus d'un an qu'elle est là, elle. Plus d'un an qu'elle vit entre ces murs, loin de chez elle. Comment arrive-t-elle à tenir ?


Elle prend ma main dans le sienne. Elle est froid, sa paume, comme le bijou qu'elle laisse tomber dans ma mienne. Il est froid, et beau. Beaucoup trop beau.
Mon coeur se serre, une boule se forme dans ma gorge. J'ai envie de pleurer. Je ne lui en veux pas. Ce n'est pas sa faute si elle a eu ça. J'en veux à Thalia. A Maman et Papa aussi. Parce qu'Eux ne m'ont rien envoyé. Rien du tout. Seule Thalia l'a fait. Pour m'envoyer une lettre empoisonnée. *J'la déteste*.

- Elyna...

Je lève les yeux vers elle, embués de larmes, puis attrape sa main froide, non pas pour lui rendre le bracelet, bien que je vais le faire également. Mais juste pour la rassurer, un peu. J'espère. Je souris.

- Il est beau ton bracelet.

Tes yeux piquent. Ces Murs qui entourent Poudlard et le séparent du parc font mal aux yeux. L'impression qu'un millier de petits couteaux viennent s'enfoncer tout autour de l'œil. Ca brûle. Ca pique. Tu aimerais regarder ailleurs. Le Visage d'Eileen. Mais tu sais d'avance que tu tomberais dans la contemplation de ses qualités, de ses beautés. Tout en te comparant à Elle. Sauf qu'Elle est probablement blessée par ce cadeau que tu as reçu. Le sien était empoisonné. Une fichue lettre qui lui a déchiré le Cœur. Comme Welmina. Est-ce pour cela que la Petite t'attire ? Parce que son histoire te rappelle certains points communs à celle de la Fille-Eau ? Peut-être passes-tu chaque minute avec Elle comme si tu la passais avec l'Autre... Mais tu en profites, c'est la seule chose dont tu puisses être certaine.

Les rôles s'inversent, étrangement. Eileen prend ta main dans la sienne et son débit de paroles est lent. Doux. Elle essaie de te rassurer. De te prouver que la Douleur ne l'atteint pas, comme Elle a essayé de le faire un peu plus tôt. Mais tu sais bien qu'au fond c'est faux. Qu'Elle joue la comédie en cachant ses émotions sous une vitre de glace. La même que celle qui vient se coller contre vos peaux, blanchissant vos jointures, parsemant vos cheveux de poudre d'argent. Elle est belle, cette Neige. Mais Elle peut vite se faire méchante, en dissimulant. Les Émotions.

Tu te demandes si la Petite va te rendre ton bracelet ou le garder un peu. Pour le contempler. Pour s'autodétruire. Si Elle fait ça, c'est qu'Elle est complètement idiote. Elle a déjà assez Mal ainsi. Tu oses un Regard vers Elle. Bien trop rapide pour apercevoir autre chose que la couche blanche qui recouvre de plus en plus le parc. Tes yeux tombent alors sur l'emballage cadeau. Il semble cacher encore une forme. Un quelque chose. Tes mains délicates le saisissent. Le tâtent. En effet, il reste un Mystère sous ce papier.

Il y a quelque chose que je n'arrive pas à comprendre. Quelque chose que j'aimerais comprendre, mais que je ne comprends pas. Que je ne comprendrais probablement jamais.
Pourquoi j'ai reçu une lettre absolument immonde, emplie de haine, de mots beaucoup trop difficiles à oublier, alors qu'elle non ? Pourquoi faut-il que j'ai une sœur et une mère qui me haïssent, qui haïssent les sorciers ? Pourquoi faut-il toujours que ça tombe sur moi ? Elle a de la chance, La Grande. Elle au moins elle a eu un cadeau, un beau cadeau, pas une lettre moisie...

Elle lâche ma main, attrape un papier au milieu des emballages. Le papier qui restait. Je ne sais pas ce qu'il dit, ce qu'il y est écrit dessus. Je ne sais pas, et je ne veux pas savoir.
J'aimerais pouvoir sourire de nouveau, lui dire que ça ira, même si je ne sais pas vraiment si ça ne va pas. J'aimerais pouvoir la rassurer comme elle a su le faire pour moi la dernière fois. J'aimerais pouvoir faire tout ça. J'aimerais pouvoir masquer tout ce qui se trame dans mon esprit. Tout ce qui s'agite, tout ce qui m'attriste.
Mais c'est impossible. Je n'arrive pas. Et je n'ai même pas envie d'y arriver finalement. Pas avec elle.

Ce toutes façons elle le sait. Elle le sait que je ne vais pas forcément très bien, que tout ce que j'aimerais c'est retrouver ma vie d'avant, ne jamais être partie pour Poudlard, ne jamais avoir su que j'étais une sorcière. Ne pas avoir eu de pouvoirs en fait. *Ouais mais j'l'aurais jamais rencontrée du coup...*
C'est comme si elle lisait en moi comme dans un livre ouvert. Je le sais tout ça, que je ne peux rien cacher. J'en suis consciente, mais je ne peux pas m'empêcher d'essayer. Je sais que mon regard est expressif. Trop. Je sais qu'on lit dans mes yeux tout ce que je n'arrive pas à dire.

- Attends passe ton poignet j'te mets le bracelet

Je regarde le papier puis relève les yeux vers elle.

- Ca va ?

Tu sens la neige, sous ton fébrile Corps, presque tremblotant. Le Froid finira par t'avoir, un jour ou l'autre. Il te videra de ton énergie, de la force qui t'aide à tenir bond face aux difficultés que t'inflige la Vie.
Un glaçant souffle du Vent vient briser tes frissons. Le papier d'emballage frissonne lui aussi, à très peu de s'envoler et de rejoindre les Cieux. Ô qu'Il serait chanceux d'ainsi voyager comme Maman, avant. De traverser l'Univers, porté par les brises. D'entendre à longueur de journées le Vent chanter, puis de marmonner avec Lui, chœur enchanté. Ne serait-ce pas beau, tout cela ? Cette vie plutôt qu'une désespérante sur Terre ? Plutôt que d'apercevoir à chaque coin de couloir un visage triste, accablé par de la Haine, de la Rage ou encore de la Douleur. Plutôt que de devoir affronter leurs Regards, leurs peines, comme tu le fais face à Eileen. Face à ses Maux. Face à son Malheur en cette habituelle douce période de Noël.

Les doigts encore frictionnés contre le bout de papier, la Petite te surprend. Alors que tu l'avais laissé aux mains d'Eileen, la jeune fille tend son bras afin de te permettre d'arborer fièrement ce bracelet au poignet. A ton tour, tu la regardes avant de lui sourire tout en lui présentant ton poignet gauche. Délicatement, la Bleue le passe dessus. Une fois ceci fait, tu le rapportes à toi, l'observant l'espace de quelques secondes. Très vite, ton attention se reporte sur l'emballage et le Mystère restant, emportant le Regard d'Eileen avec le tien.

— Ca va ?

Sans même te retourner, tu sens ses yeux lourdement posés sur Toi. Une certaine pression. Quelle réponse du "oui" ou du "non" lui conviendrait ? Sans cesse, c'est une question qui revient en ta tête. Tu te demandes si ça lui plaira. Si Elle ne sera pas vexée. Comme souvent on te l'a déjà répété, tu portes trop de valeur à tes Pensées ainsi que tu réfléchis trop et trop longtemps. Incertaine, tu hoches insensiblement la tête.

Vite, tu reprends ton démêlage du bout de papier un peu froissé. Sous un fin Rayon de Soleil transperçant difficilement les Nuages, une Lueur brillante scintille. A l'aveugle, tu plonges ta main sous l'emballage pour en sortir une broche en forme de "E" aux couleurs du Soleil et une autre aux couleurs de l'Hiver. Au creux de tes mains, de mille feux elles flamboient.

Peut importe ce qu'elle me dira, j'espère juste qu'elle ne mentira pas.
Ça fait mal de se mentir à soi-même, bien plus que mentir aux autres. C'est en nous où le mensonge est le plus douloureux, ou le mensonge résonne comme un écho dans les montagnes, comme un cri dans l'atmosphère. C'est en nous que tout ce passe, où l'on sait vraiment qu'on a menti, et le pourquoi le mensonge est sorti. C'est en nous tout ça, les Autres ne peuvent pas le deviner. Les Autres ne peuvent pas savoir tout ce qu'il se passe dans notre tête, dans notre cœur. Ils ne peuvent comprendre... *Mens pas s'il-te-plait*

Elle hoche la tête. Juste un petit signe, insignifiant. Mon regard divague vers la neige. *C'est un oui ou un non ça ?* Je ne sais pas, mais je vais prendre cela pour un oui. C'est plus simple de ne pas chercher à comprendre, et je n'ai pas envie de chercher à comprendre.

Je soupire. Aucun mot ne sort de sa bouche depuis quelques minutes. Il n'y a que moi qui parle, que moi pour meubler le silence. Je crois qu'elle a peur, un peu. Peur de voir ce qu'il y a sous le papier. Et si le bracelet était juste le calme avant la tempête ? Et si ce si joli bracelet n'était pas juste un cadeau pour cacher quelque chose de pire derrière ? *Non*. Ce ne serait pas possible. Ce serait trop méchant pour être vrai. Ce n'est pas possible d'avoir un si beau cadeau pour avoir un truc ignoble juste derrière...

Un éclat brillant me fit fermer les yeux, brusquement. Ce n'est pas le soleil, j'en suis sûre. J'aurais déjà été éblouie depuis longtemps sinon.
Mon regard se pose sur les deux broches qu'elle tient dans ses mains. Ces deux broches en forme de E, éblouissantes.

- Wow...

Je me suis inquiétée pour rien finalement. Ça ne servait à rien de se poser toutes ces questions, puise qu'il n'y a rien d'autre. Juste deux cadeaux. *Elle a de la chance elle au moins*.
Mes lèvres s'étirent lentement en un sourire qui se veut rassurant, mais mon regard est toujours rivé sur les deux bijoux. Je relève la tête, plante mes yeux dans les siens.

- Elles sont trop belles ! Je suis contente pour toi, c'est waw

*Et j'mens pas cette fois*.

Étrangement, d'un seul coup, il fait moins froid. Ou bien est-ce une impression, une nouvelle blague créée par le Ciel ? Un Mirage ? Un agréable Mirage, alors. Agréable comme ça fait longtemps que tu n'as plus ressenti. Chaud, de l'intérieur. Si seulement c'était possible, tu partagerais volontiers cette sensation avec la rousse, histoire de la réchauffer, dans tous les sens du terme. De la réconforter, pour qu'elle voie qu'au moins une personne dans ce Monde hostile tient profondément à Elle. Qu'Elle compte pour quelqu'un ; quelqu'une. Toi.

Un bête sourire apparaît timidement au coin de tes lèvres. Ca te procure tant de Bonheur, ces cadeaux. Tous y ont mis du leur. Enfin, sauf Papa, évidemment. Il est devenu invisible depuis son départ. Existe-t-il encore réellement ? Peut-être qu'il est mort, qu'il a disparu. Mais tu t'en fiches. S'il tentait de reprendre contact avec Toi, tu ne pourrais immanquablement pas te retenir de lui hurler toute ta peine à la figure. Capable de drôles de choses, d'actes inimaginables en d'autres circonstances. Est-ce ça, la Haine ?

Il semblerait que tes cadeaux aient rendus un peu de son Bonheur à Eileen. Elle dit être contente. Pour Toi. N'est-ce pas la plus belle des phrases prononcées sous tes oreilles depuis de nombreuses semaines ? Le Sourire timide se métamorphose en Sourire heureux. Vrai Sourire. Heureux.

— Oui. Merci, je suis très heureuse aussi ! On peut dire que je ne m'y attendais pas du tout.

Peut-être que si tu avais su, tu ne l'aurais pas ouvert. Pas près d'Elle. Voulant la préserver, tu te serais isolée pour découvrir les Merveilles. Tu l'aurais regretté, c'est certain. Il suffit de l'observer un instant pour comprendre qu'elle est contente. Que ces cadeaux lui ont procurés à Elle aussi un peu de réconfort.

— J'vais pas garder tout ça, par contre. Deux "E" alors qu'il n'y en a qu'un seul dans mon nom, ça n'a pas de sens.

Sans réfléchir, tu lui tends la broche dorée, presque instinctivement. Elle s'appelle Eileen, avec un E, Elle aussi. Deux pour une personne ça n'a pas tellement de sens, ce sont juste les Jumeaux qui n'ont pas réussi à se mettre d'accord et voulaient offrir la même chose à leur sœur.

— Tiens, elle est pour toi. Et ça servirait à rien de discuter, j'la reprendrai pas.

De toutes façons à quoi cela aurait servi que je mente ? Je n'ai aucune raison de le faire avec elle, surtout avec elle... Je crois qu'elle veut vraiment que je lui fasse plus confiance que je ne le fais déjà, alors que c'est l'une des seules personne à qui je peux faire confiance ici, l'une des seules personne à qui je peux tout dire en étant sûre que ça ne tournera pas en n'importe quoi.

Mes épaules s'haussent. C'était vrai que ce n'était pas logique de recevoir deux E alors qu'une seule de ses initiales étaient un E. Mais elles étaient jolies, et puis elle pouvait très bien en mettre l'une un jour et changer le lendemain ? Changer ça fait du bien parfois...

- J'sais pas non plus...

Je baisse les yeux vers la neige éblouissante sous le soleil. Puis je sursaute. Je ne voyais que sa main avec la broche dorée dedans. *Qu'est-ce que...*
Je sens mes joues s'empourprer. Pourquoi me fait-elle elle un cadeau alors qu'on se connait seulement depuis quelques jours ? Et si je n'avais pas été là, elle ne me l'aurait pas offert à moi. Il doit bien y avoir quelqu'un d'autre avec un E comme initiale bien plus proche d'elle que moi, n'est-ce pas ? Et puis pourquoi mes parents n'ont pas été foutus de m'offrir quelque chose alors qu'elle oui...

- Oh euh... Merci... ?

Je prends la broche dans ma main avant de sourire à Elyna et qu'un frisson parcourt mon corps. Il commençait à faire sérieusement froid maintenant...

- Ca te dit qu'on rentre ? C'est pas qu'il fait froid mais un peu quand même !